Prologue
Oh, je voudrais une muse de feu, qui s’élèverait au ciel le plus radieux de l’imagination
William Shakespeare
Quelque part dans la toile
Au fin fond du néant informatique, une petite étincelle jaillit. Elle devint bleue, puis verte, puis bleue à nouveau. Au milieu des abysses de l’océan internet, la décharge d’énergie fila à la vitesse de l’éclair, puis s’arrêta devant une sphère grise opaque. Une bulle de brume virtuelle sans vie, le cimetière de l’esprit d’un génie qui autrefois s’était nommé Franz Hopper.
L’incandescente petite lueur se grandit soudain et, déployant de larges tentacules lumineux, engloba la petite sphère triste avec l’avidité d’une pieuvre; bientôt tout ceux qui s’étaient moqués d’elle regretteront d’avoir vécu suffisamment longtemps pour entendre le nom de Xana.
Au collège Kadic, deux mois après la chute de Xana.
Elisabeth Delmas tordait nerveusement une de ses mèches noires entre ses doigts; il était près de dix heures et quart et bien que ses amis lui aient donnés rendez-vous pour dix heures tapantes il n’y avait personne dans le parc. Ses amis, étaient-ce vraiment ses amis? C’est ce qu’Ulrich prétendait, mais Elisabeth savait trop bien mentir pour ne pas reconnaître une vérité pas toute à fait sincère. Mais elle ne désespérait pas pour autant, elle était patiente, elle attendrait que les choses aillent mieux...Une voix pointue la tira de ses réflexions, c’était celle de Odd, bien sûr. Il trainait derrière lui un petit chien grassouillet aux oreilles pendantes, qui avançait avec la plus mauvaise volonté du monde. Sissi tendit l’oreille (allez, Kiwi, avance, là c’est bien, bon toutou, avance, on va voir Sissi? Non? KIWI...). Le Toutou venait de s’assoir gentiment sur son derrière et refusait de bouger. Sissi soupira et s’avança à pas lent vers un Odd passablement découragé; celui-ci sursauta et se retourna l’air gêné:
"-Ah tiens, tu...tu es déjà là, je m’attendais pas à te voir si tôt...Euh...tu vas bien?
-"Moi ça va, répondit Sissi très calmement, toi à voir ta tête je ne suis pas sûre...Où sont passés les autres?
-" Et bien...euh, comment dire, commença Odd de plus en plus mal à l’aise, Ulrich et William sont allés au club de Karting, Yumi garde sont petit frère et Jérémie est déjà partit en vacance, avec Aelita.
-" Avec Aelita? Répéta Sissi en levant un sourcil interrogateur.
-" Ben oui, tu sais il en avait parlé hier, (Oh, non, certainement pas songea Sissi, en fait il ne m’a pas adressé la parole depuis près d’une semaine) ses parents étaient d’accord pour accueillir Aelita pour les vacances de Pâques... Ah, oui au fait, je dois partir aussi ce matin pour l’Italie reprit-il d’un ton badin, je vais chez ma tante à Florence, et comme elle est allergique aux animaux...je me demandais si tu pouvais t’occuper de Kiwi quelques jours.
Sissi détourna le regard, ils n’avaient même pas pris la peine de lui dire au revoir, la seule personne qui avait pris la peine de se déplacer l’avait fait pour lui refiler la garde de son sale clebs. Pendant un instant elle cru que les larmes allaient lui monter aux yeux, et elle pria pour que ce ne soit pas le cas. Ravalant le sanglot qui lui montait dans la gorge elle offrit à son interlocuteur la seule réponse qui s’imposait:
-" Bien sûr" répondit-elle avec son plus beau sourire.
Quelque part dans la toile
On aurait pu croire qu’il d’agissait d’un Amat de ruines, certains auraient pu y voir les vestiges d’une cité dévastée par une explosion massive de gaz, ou encore un jeu de cubes dans lequel on aurait donné un coup de pied. Mais Xana savait très bien ce qu’il en était réellement. Autrefois cela avait été Carthage, le plus grand centre d’espionnage des réseaux d’informations secrets, un espion indétectable dans un nid d’espions. Tel était autrefois le rêve de Franz Hopper: concevoir une intelligence artificielle susceptible d’accéder à chaque réseau d’espionnage de la planète, d’en pirater les informations et de les assimiler. Celui qui contrôlerait cette intelligence artificielle contrôlerait le monde, car l’information c’est le pouvoir. Bien sûr pour résister aux programme des réseaux d’espionnages, Franz Hopper avait permis à son I.A d’évoluer d’elle même, d’apprendre, de se développer. Mais à force d’assimiler les données, Xana apprit à réfléchir, à imaginer et même à rêver...Et les rêves de X.A.N.A avaient de quoi terrifier les êtres humains.
Au Collège Kadic
Assise au pied d’un arbre, Elisabeth lançait inlassablement la même balle poisseuse au chien d’Odd. Rapporter, c’était bien la seule chose que Kiwi semblait disposé à faire pour elle, mais à la longue ce petit jeu commençait à devenir fatigant. Lorsque le chien lui rapporta pour la énième fois son jouet, Sissi empoigna la petite balle visqueuse, et, se dressant sur son séant, la lança le plus possible. Le petit chien partit ventre à terre la récupérer tandis que la jeune fille se laissa couler contre l’arbre avec la certitude que le chien reviendrait toujours trop tôt à son goût.
Les premières minutes s’écoulèrent sans qu’elle s’en rende vraiment compte, toutefois au bout d’une demi-heure elle commença à s’inquiéter.
Aussitôt elle se leva et partit à la recherche de Kiwi.
La balle dans la gueule, Kiwi flaira une fois de plus la bouche d’égout avec sa petite truffe humide. A première vue c’était une bouche d’égout tout à fait ordinaire à ceci près que celle ci avait la capacité de bouger toute seule. L’ouverture s’agrandit un peu plus devant le petit chien qui risqua prudemment son museau dans l’obscurité afin de renifler l’orifice. C’est alors que, brusquement une lanière d’énergie agrippa le petit animal et l’engloutit dans les ténèbres.
Après une heure et demie de battue, après s’être jurée pour la cinquante-deux mille trois cents vingtième fois que c’était la dernière fois qu’elle gardait le chien d’Odd, Sissi s’assit sur un petit talus et retira ses chaussures (elle avait affreusement mal aux pieds). Soudain, elle aperçu une bouche d’égout. Certes, ce n’était pas la première fois qu’elle la voyait dans cette forêt, mais en revanche c’était la première fois qu’elle la voyait ouverte.
De toute évidence c’était une invitation, néanmoins deux précautions en valant mieux qu’un la jeune fille jugèrent plus prudent de demander à son père où menait ce souterrain avant de s’y engager. C’est alors qu’un aboiement sourd monta du souterrain. Sans se poser davantage de question, Sissi s’engouffra dans l’ouverture.
Quelque part dans la toile
Après trois mois d’errance dans le réseau informatique, l’intelligence artificielle la plus développé au monde était de retour: X.A.N.A
Cinglante ironie, l’I.A était "morte" par l’être qui l’avait conçue. Pire encore, en la détruisant Franz Hopper s’était détruit lui-même.
A présent le créateur partageait l’exil de sa créature. Bannis au fin fond du néant virtuel ils rêvaient au jour certain où le destin leur offrirait une nouvelle chance.
Dans les souterrains menant à l’Usine
Le museau au sol, la queue en l’air Kiwi flairait avidement le supercalculateur désactivé. La pièce était effroyablement silencieuse et il faisait si noir que le pauvre Kiwi n’aurait pas su y reconnaître son os.
moment venu de prendre des mesures énergiques, il tenta de reprendre son chemin en sens inverse. Mais au moment où il s’apprêtait à franchir la porte donnant sur le couloir, un arc d’énergie le frappa violemment et l’envoya rouler à trois mètres de là.
Le pauvre petit chien en hurla de douleur, puis lorsqu’il se fut calmé, il se blottit contre le générateur en gémissant.
Non loin de là, perdue dans un dédale de souterrains nauséabonds, Elizabeth Delmas cherchait et le chien de Odd et à calmer son angoisse. Cependant celui qu’elle qualifiait de "sale bestiole beige" ne s’était toujours pas manifesté.
Soudain, elle entendit la plainte de l’animal blessé; se tournant vers le tunnel noyé dans les ténèbres, elle se mit à courir...
Sur un circuit de cross non loin de la résidence secondaire des Stern
Deux motos flambant neuves volaient sur la piste sablonneuse. La première, jaune et noire, franchit la ligne d’arrivée talonnée par une autre, d’un gris bleuté. Le gagnant retira son casque: c’était un beau garçon aux cheveux bruns de taille moyenne. En général, Ulrich Stern ne se départait jamais de son air blasé, mais lorsqu’il se tourna vers William, il arborait un sourire triomphant.
"Refait! s’exclama t’il ose dire à présent que je ne t’ai jamais battu."
William sourit à son tour en enlevant son casque " Maintenant, oui, tu comptes une victoire à ton actif, admit-il d’un air faussement contrit, reste à voir si tu sauras rattraper tes quarante-deux défaites ajouta t’il en souriant d’un air goguenard.
Ulrich ne répondit pas. Le dernier membre du trio venait de finir la course à son tour. Patrick Belpois n’avait encore jamais gagné contre les deux ex-Lyokoguerriers, mais il le prenait plutôt bien.
Au cours du dernier mois, les trois jeunes gens avaient tissés des liens solides sur la piste poussiéreuse. Seul Ulrich avait des scrupules parfois à abandonner Odd, son ami de longue date, malheureusement il ne savait pas résister au ronronnement de sa bécane.
Un signe de tête, une poignée de main et les trois compagnons disparaissaient dans le lointain, escamotés par leur nuage de poussière.
A Carthage
La nouvelle Carthage numérique était plongée dans les ténèbres. Seule lueur dans cette obscurité, la silhouette lumineuse et floue de Franz Hopper dominait cette cité de cauchemars. Si ce qui restait de ce scientifique de génie était impuissant à détruire Carthage, en contrepartie Xana ne pouvait l’en chasser. Oh, Franz le savait bien, Xana avait déjà un plan, et peut-être même était il déjà en train de le mettre à exécution.
Contre Xana, lui-même ne pouvait rien. Pour le contrer il lui faudrait de l’aide. Mais pas une aide ponctuelle, comme celle des Lyokoguerriers. Il lui faudrait un autre programme, intelligent et actif, invulnérable. Ce serait le seul moyen de contrer ce programme rusé et manipulateur, ce spectre noir qui ne connaissait pas le repos.
A l’Usine, dans la salle du supercalculateur
Sissi s’agenouilla auprès du petit chien terrifié. Le prenant dans ses bras, elle lui murmura des paroles rassurantes et lui caressa les oreilles; elle resta un bon moment assise sur le sol à consoler Kiwi. Elle ferma les yeux un instant, et quand elle les rouvrit, elle n’avait plus aucune lumière, la nuit était tombée.
Elle chercha à tâtons la sortie quand sa main rencontra une poignée de métal…et l’abaissa.
Le laboratoire de Franz Hopper s’illumina en un instant, le supercalculateur se remit en route, et avec lui le virus que Xana y avait glissé avant d’être vaincu par les Lyokoguerriers. Eblouit par la lumière Kiwi sauta des bras de Sissi et s’enfuit par la coursive. La jeune fille partit sur ses traces. Elle ne le rattrapa que devant le monte-charge, clos depuis trois mois et qui excitait sa curiosité. Elle découvrit bouche bée le laboratoire de Franz Hopper, l’ordinateur géant et les souvenirs que Odd y avait laissé: des dessins des Lyokoguerriers en grande tenue. Sissi connaissait suffisamment le style graphique du jeune garçon pour ne pas douter qu’il en était l’auteur, et les accoutrements qu’il avait dessinés ne faisaient qu’attiser sa curiosité.
Dans un premier temps, Elizabeth tenta d’accéder à l’ordinateur, mais Jérémie y avait mis de nombreuses sécurités. Voyant que ses efforts pour les contourner étaient vains, elle repartit en exploration, accompagnée par Kiwi.
Elle arriva dans la salle des scanners, qui étaient tous hermétiquement clos. Perplexe, Sissi inspecta la salle quelque minutes avant de conclure qu’il n’y avait rien d’intéressant à y voir. Toutefois, au moment de franchir le seuil un bruit la fit se retourner. Le scanner de gauche s’était ouvert sans la moindre explication. La jeune fille retourna sur ses pas et jeta un œil à l’intérieur du scanner. Il était vide.
Sensible à cette invitation implicite, elle y rentra. Les portes se fermèrent avec un bruit sec, la faisant sursauter. De l’autre côté de la vitre, Kiwi attendait d’un air inquiet la suite des évènements. Il ne se serait jamais attendu à ce que une surcharge d’énergie envahisse l’habitacle dans lequel se trouvait Sissi, il n’aurait jamais pensé non plus que la jeune fille puisse hurler aussi fort, mais surtout il n’aurait jamais cru, que lorsque le corps inanimé d’Elisabeth glissa le long des parois du scanners, il aurait autant de peine. Le petit chien se mit à hurler à la mort.
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Chapitre I
Vent de Tempête
"La Tempête allait commencer ses attaques et déjà le ciel s’obscurcissait"
Lautréamont
Aelita fixait le tableau noir de la classe d’un regard vide, vide la classe l’était aussi d’ailleurs. Le cours de madame Hertz n’était pas suivi avec beaucoup d’enthousiasme mais jamais Aelita ne l’avait vu déserté à ce point. La porte s’ouvrit à la volée livrant le passage au proviseur. Mr Delmas fit face à la classe vide sans se formaliser de l’absence de ses occupants : -« Ma chère Aelita, lui dit-il, vous êtes sans aucun doute une élève émérite et par conséquent je suis très fier de vous présenter votre nouveau professeur, monsieur Hopper. » La jeune fille redressa la tête, le cœur battant, son père venait d’entrer dans la pièce et elle ne savait ce qui la retenait de se précipiter dans ses bras. La voix du proviseur lui parvenait dans un bourdonnement confus, et la classe entière tournait autour d’elle. Franz Hopper s’approcha de sa fille et se pencha vers elle : Souvient-toi Aelita, lui murmura t’il, souvient toi, mon enfant. Le visage de la jeune fille ruisselait de larmes :
« - Tu es mort, lui répondit-elle en essayant sans succès de retenir les sanglots qui montaient dans sa gorge."
« -C’est vrai, mais je vis encore en toi. En ce monde, Aelita Hopper, tu es la seule qui puisse perpétuer mon souvenir. »
« -Pourquoi, papa ? Pourquoi toi ? »
« -Fallait-il que ce soit quelqu’un d’autre ? Qui devait payer pour mes erreurs Aelita ? »
« -Je n’en sais…. »
La jeune fille ne termina pas sa phrase, ses mots se noyèrent dans un torrent de larmes; vaincue elle enfouit son visage dans ses mains. Quand elle releva la tête, son père avait disparut. Madame Hertz était à nouveau à son poste et les élèves plus ou moins attentifs regardaient le tableau noir se couvrir peu à peu de signes mathématiques.
Aelita, complètement décontenancée se retourna vers Jérémie qui, avec un petit sourire empreint de mystère, désigna la porte de la classe encore légèrement entrebâillée à son amie.
Cette dernière se leva et tenta de se diriger vers la sortie, mais ses jambes étaient de plomb. Au prix d’un grand effort elle parvint à quitter la pièce et se traîna dans le couloir.
Ce n’était pas un couloir du bâtiment des sciences, d’ailleurs, la jeune fille avait plutôt l’impression d’être dans celui de la piscine, avec cette odeur de chlore et cette humidité qui rendait ses mains moites. Elle poussa un des battants de la porte qui menait au grand bassin ; il était plus désert encore que sa salle de classe.
Le sol était mouillé comme si une troupe de phoques de cirque y avait répété un numéro aquatique; et, en dépit du soleil rayonnant d’avril, il régnait dans la grande salle une pénombre telle que la jeune fille avait l’impression d’être dans une grotte.
Bizarrement, elle se sentait chez elle dans ce lieu étrange qui n’était pas là où il devait être, et où elle n’aurait pas dû se trouver. Oui, elle s’y sentait...chez elle.
-« Tu es là aussi ? » Aelita fit volte face. Assise au bord du bassin, les pieds dans l’eau, Sissi Delmas contemplait son reflet comme dans un miroir.
« -Sissi ?» Aelita n’en revenait pas : Elisabeth Delmas était bien la dernière personne qu’elle s’attendait à croiser dans un moment pareil
« – Sissi, est-ce que tu as vu mon père ? »
Au moment même ou elle posa la question, Aelita su qu’elle avait commis une erreur. D’une part Sissi ne savait absolument pas qui était son père, d’autre part elle était bien trop fouineuse pour se passer de mener son enquête sur la présence éventuelle d’un fantôme à Kadic.
Un fantôme ? L’adolescente frémit à la pensée d’avoir songé à son père en ces termes. Serait-elle hantée à jamais par ce souvenir ? Un souvenir, non certes, Franz Hopper n’était pas un fantôme mais un souvenir, et jusqu‘à preuve du contraire, Sissi ne pouvait pas voir ses souvenirs. Donc en toute logique, elle ne pouvait pas avoir vu son père.
« -Ton père ? Bien sûr, il m’a chargé d’un message pour toi. Tout le beau raisonnement d’Aelita venait de s’écrouler comme un château de cartes. »
Non seulement Sissi pouvait voir son père, mais en plus elle pouvait lui parler. Cela signifiait-il que l’autre adolescente faisait elle aussi partie de ses souvenirs ?
Aelita la détailla du regard : Elizabeth ne portait pas ses vêtements de tous les jours, elle était habillée de la même manière que le jour de l’élection de Miss Kadic (bien qu’Aelita n’ait pas assisté à cet évènement mémorable, une photo très réussie de Sissi en train de dévaler l’escalier après avoir été élue Miss Kadic de l’année lui avait donné une idée de la manière dont la Miss en question était vêtue ce soir-là) ; comme sur la photo des Echos de Kadic, Sissi portait un T-shirt asymétrique rose fort ainsi qu’un pantalon vert bouteille. Mais Aelita se secoua et revînt à la réalité.
« - Un message ? Lequel ? Sissi la regardait fixement, comme si les yeux pleins de larmes, Répond moi ! »Aelita attrapa Elisabeth par les épaules et la secoua un coup.
Des gouttes d’eau chlorées éclaboussèrent son visage et des cheveux roses. La fille de Franz Hopper cligna des yeux plusieurs fois pour tenter de dissiper les gouttes d’eau tièdes dans ses yeux. Dans l’eau de la piscine, une queue de poisson écailleuse jouait avec les flots, mais Aelita ne voyait que les yeux sombres d’Elizabeth, des yeux tristes et embuées de larmes. Lorsqu’elle cligna des paupières, une larme coula de ses yeux et s’en allât se briser sur le carrelage inondé du sol.
Au moment où la larme transparent explosa, Aelita entendit à nouveau la voix de son père lui murmurer « n’oublie jamais ».
Tremblante comme une feuille, elle se disposait à s’en aller quand une main mouillée et froide comme la mort agrippa la sienne. A son tour Sissi avait saisi le poignet de la jeune fille d’une main de fer. D’un coup de reins elle se jeta à l’eau et tira lentement Aelita vers elle.
C’est alors que cette dernière réalisé quelque chose de très important : le décor avait changé, elle n’était plus ni au collège ni à la piscine. Elle était sur Lyoko, et Sissi essayait de l’entraîner dans la mer numérique ! Inexorablement tirée par la poigne de fer de la sirène, Aelita entendait la voix suppliante de la créature l’implorer :
« Viens Aelita, viens je t’en prie ne me laisse pas seule. Aelita ! Aelita ! Je t’en supplie je ne mérite pas un tel sort, quoi que j’ai pu faire par le passé. Oh Aelita !... »
La plainte déchirante de la sirène lui déchirait le cœur, et seul son instinct de survie l’empêchait de suivre Sissi dans le néant de la mer numérique.
A contrecœur Aelita lui envoya une forte décharge ce qui eut pour effet immédiat de lui faire lâcher prise, mais alors que la lyokoguerrière commençait à s’éloigner de la berge, Sissi dans un suprême effort attrapa les deux chevilles d’Aelita et les tira vers elle, vers la mer numérique, vers la mort…
Aelita se réveilla en sursaut, le visage baigné de sueur. Une des branches du vieil orme agitée par le vent cognait contre le carreau de la fenêtre. Agacée par le bruit Aelita se leva et ouvrit la fenêtre. Un vent de tempête se levait, et le ciel étoilé se couvrait de nuages. Aelita respira à fond, la campagne s’étendait à perte de vue devant ses yeux. Elle lui rappelait la montagne, et les vacances qu’elle avait passées avec ses parents étant enfant. Des souvenirs, toujours et encore des souvenirs. En dépit de tout ses efforts pour oublier son passé….enfin le moment n’était peut-être pas venu, pas encore.
« -Aelita ? Tu vas bien ?" La jeune fille se détourna de la fenêtre. Jérémie, les yeux gros de sommeil, se tenait dans l’encadrement de la porte. Aelita ne put s’empêcher de sourire en le voyant ainsi.
"-Tu ne peux pas t’empêcher de veiller sur moi, hein ? Même quand il n’y a aucun danger," lui fit-elle remarquer sans cesser de sourire.
"- Si il n’y a aucun danger, alors qu’est-ce qui t’empêche de dormir ? "Lui rétorqua Jérémie. Le sourire d’Aelita mourut sur ses lèvres.
"-Les fantômes du passé…"murmura t’elle tristement.
"-Aelita…commença Jérémie, ce n’était pas ta faute, tu le sais. Non ? "Lui demanda t-il en l’attirant tout près de lui.
Mais Aelita ne pouvait détacher ses yeux de la fenêtre. Le vent soufflait de plus en plus fort. Il fallait qu’elle sache.
La sonnerie du mobile retentit au cœur de la nuit, une main erra parmi les draps froissés et se referma sur un téléphone portable. Les yeux clos, Yumi colla le combiné contre son oreille.
« - Oui, quoi, quesskiya ? "Coassa t-elle de sa voix la plus rogue.
"-Allo, Yumi ? C’est Odd, je t’appelle pour…enfin tu sais que j’avais confié Kiwi à Sissi j’ai essayé de l’appeler quatre fois et elle n’a pas décroché-en fait je ne suis même pas sûr que son téléphone soit allumé-je ne sais pas pourquoi mais j’ai un mauvais pressentiment et… "
"- Hey, hey, hey, du calme, calme-toi. Qu’est-ce qui se passe ?"
A l’autre bout du fil, Odd semblait avoir retrouvé son calme, Yumi attendit la suite des explications.
"-Voilà, ce matin avant de partir j’ai confié Kiwi à Sissi, je ne sais pas si c’était la meilleur des choses à faire mais vu la manière dont ça c’était passé avec toi la dernière fois, j’ai pensé que même avec Sissi ça ne pouvait pas être pire. Mais passons, ce qui m’inquiète c’est que je n’arrive pas à la joindre, je n’ai pas arrêté de l’appeler depuis que je suis descendu de l’avion et elle ne m’a pas répondu. Et ça ce n’est pas normal, on peut dire ce qu’on veut de Sissi, mais je ne l’ai jamais vu ne pas prendre un appel, même en cours elle répond au téléphone..."
Yumi ne savait pas si Elizabeth décrochait souvent son téléphone mais une chose était sûre, Elle, elle commençait à décrocher. Elle coupa court au bavardage de l’insomniaque:
"-Je me répète Odd qu’est ce que tu attends de moi? "
"-Eh, bien euh, je me demandais si, tu, enfin peut-être pas ce soir... mais demain matin...il prit une profonde inspiration et dit très vite; aller-voir-Kiwi-pour-savoir-si-il-va-bien. S’il te plaît Yumi, je me fais un sang d’encre et... "
"-Bon très bien j’irais voir demain si tout va bien pour Kiwi, en attendant bonsoir, Odd. "
"-Euh, oui, merci Yumi, je...."Yumi raccrocha son téléphone et rabattit sa couverture au dessus de sa tête.
Elle entendait la pluie et le vent tambouriner contre sa fenêtre et se demanda un instant si elle arriverait à se rendormir avec les éléments déchaînés au dessus de sa tête. Mais petit à petit son corps s’engourdit à nouveau et elle glissa doucement vers le pays des rêves.
Dans la chambre de Jérémie, Aelita avait allumé son ordinateur portable puis connecté au système de sécurité du supercalculateur. Cela pouvait peut-être ressembler à de la paranoïa, mais il fallait qu’elle s’assure que tout allait bien. Elle accéda aisément au système de sécurité de l’ordinateur, tout semblait normal sauf que "la sentinelle" le programme que les deux adolescents avaient mis en place afin de détecter et bloquer les intrusions ne fonctionnait plus. Jérémie s’installa à son tour devant l’ordinateur et tenta de remédier au problème:
" -Ce n’est peut-être qu’un bug, je vais essayer de faire repartir le programme et je lancerai un scan complet après, dit-il."
Mais Aelita était de plus en plus anxieuse, il lui semblait que quelque chose ne tournait pas rond.
"-Tu vas peut-être penser que je deviens cinglé mais je suis sûre qu’il s’est passé quelque chose, je..."Aelita n’acheva pas sa phrase, elle avait envie de dire à son ami qu’à chaque fois qu’il s’était produit un évènement majeur dans sa vie, elle en avait rêvé auparavant.
Mais elle ne dit rien; les prémonitions faisaient partie des choses qui échappaient complètement à la logique froidement scientifique de Jérémie.
"-Ne te fais pas de soucis, Aelita, je suis sûr que je vais pouvoir régler ça dans la demi-heure,"assura Jérémie en pianotant fébrilement sur son clavier.
Cependant il n’était pas aussi confiant qu’il voulait le faire croire, son écran lui montrait des lignes de code qu’il n’avait jamais vu et encore moins tapé.
C’était comme si quelqu’un avait complètement reconfiguré son programme. Mais qui?
Xana, souffla une petite voix à l’intérieur de sa tête. "Impossible pensa-t’il, on l’a détruit, Xana est mort. Sa propre voix résonna dans sa tête comme un écho de ses certitudes. Et pourtant...
Brusquement tout changea: les lignes de code disparurent et son écran devint noir. Aelita et Jérémie restèrent figés sur place avec la même pensée qui tournait dans leur tête. Leur cauchemar éveillé devint réel lorsque ces quelques mots s’affichèrent sur l’écran: Lyokoguerriers, je suis revenu.
La sonnerie du portable de Yumi retentit dans la nuit, réveillant instantanément la jeune fille. Elle chercha à tâtons son portable qui avait glissé dans ses draps en étouffant un juron. Cependant, le numéro de téléphone qui s’affichait sur l’écran de son téléphone n’était pas celui auquel elle s’attendait. Décontenancée elle colla l’appareil à son oreille en se demandant pourquoi est ce que Jérémie pouvait bien l’appeler à une heure pareille.
"-Allo? Jérémie? demanda la jeune fille d’une voix lourde encore de sommeil."
"-Non c’est Aelita, répondit une voix angoissée à l’autre bout du fil (Mais qu’est ce qu’ils ont tous à stresser comme ça se demanda la japonaise.)
Yumi écoute moi attentivement, c’est extrêmement important. On a eu une alerte et...ça peut paraître dingue mais il semblerait que Xana n’ait pas été détruit comme on le pensait. Et il est peut-être revenu."
"-Quoi? Cette fois, Yumi était tout à fait réveillée. Mais c’est pas possible Aelita, Jérémie, dîtes moi que ce n’est pas vrai! "
"-Non, Yumi, c’est la vérité reprit Jérémie d’une voix sombre, Xana est revenu. "
Il pleuvait à verse, et une véritable tempête était en train de s’abattre sur le collège Kadic. Pourtant Yumi ne prenait pas garde aux hurlements du vent. La seule chose qu’elle entendait était la voix brisée par l’angoisse d’Aelita Hopper: "Il est peut-être revenu". Yumi espérait follement en ce "peut-être". Peut-être était ce un dysfonctionnement dû à la foudre ou à la tempête. Peut-être était-elle en train de faire un cauchemar. Peut-être n’était elle pas dans le parc du Collège à trois heures quarante-cinq du matin, peut-être allait-elle se réveiller dans son lit d’un instant à l’autre.
Quand elle arriva près de la bouche d’égout qui menait aux souterrains elle remarqua que la dalle n’avait pas été correctement remise en place. Quelqu’un était venu ici. Yumi descendit dans les souterrains et parcourut au pas de course la distance qui la séparait du supercalculateur.
En arrivant elle eu un choc, le supercalculateur avait été rallumé. Dans la pièce saturée par le doux vrombissement de l’appareil, Yumi trouva un téléphone portable qu’elle connaissait bien: celui de Sissi Delmas.
"Mais qu’est ce qu’elle est venu fiche ici? se demanda la jeune japonaise. A part cela elle comprenait mieux pourquoi est-ce que Odd n’arrivait pas à la joindre. Si ça se trouve elle est encore ici, pensa Yumi. "
Elle appela alors: Sissi? Sissi? Mais personne ne répondit à ses appels, du moins pendant un temps, car peu à peu elle entendit une sorte de gémissement inhumain dans le lointain; il lui fallut quelques minutes pour savoir d’où il provenait.
Dans la salle des Scanners, Kiwi hurlait pour elle.
Sans plus se préoccuper du reste, Yumi se dirigea droit vers la salle des scanners et resta figée de stupeur. Les trois scanners étaient ouverts, et de l’un d’eux, Elizabeth semblait être tombée. Elle était allongée face contre terre comme si elle avait trébuché en voulant en sortir, sauf qu’elle ne faisait pas le moindre mouvement. Kiwi lui mordillait les cheveux comme si il avait voulût la faire réagir. Yumi se précipita vers le corps inanimé de Sissi.
Une large brulure courait sur son dos, "elle a dû être électrocutée pensa Yumi, mais qu’elle décharge avait donc couru dans son corps pour lui laisser une marque pareille? La jeune fille chercha le pouls d’Elizabeth, il était très ait maintenant où se trouvait son chien.
Faible, mais il était bien là et elle respirait. Sissi était vivante, mais elle avait besoin de soin, et comment expliquer son état, et le fait que elle, Yumi soit en train de rôder dans une usine désaffectée à des heures indues. Il lui fallait trouver une solution mais avant elle allait appeler Jérémie, et Aelita.
Lorsque le jour se leva, Yumi essaya de faire le bilan de sa nuit tout en faisant en sorte de rentrer avant que ses parents ne s’aperçoivent de son absence. Dans son sac dormait Kiwi roulé en boule, au moins maintenant pensa-t’elle Odd savait où se trouvait son chien.
Il n’y avait plus de doute possible à présent, Xana était bel et bien de retour. Il avait laissé son message sur tous les écrans de l’Usine. Le supercalculateur était allumé et Sissi se trouvait dans le coma.
La jeune japonaise avait traîné Sissi près d’un fil électrique tombé à terre, en espérant que ceux qui la trouverait éviteraient de se poser trop de question, puis elle avait passé un coup de fil aux urgences depuis une cabine téléphonique et avait attendu l’arrivée de l’ambulance à l’abri des regards.
Dès que Sissi eût été emmenée, Yumi avait repris le chemin du bercail en se posant mille questions, et sans avoir trouvé une seule réponse valable, elle rentra chez elle sans faire le moindre bruit.
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Chapitre II
La Tempête approche
"-Nous savons que la Tempête est assurément proche.
-Elle est sur vous j’ai volé sur ses ailes."
J.RR Tolkien
Très loin de Paris et de Kadic, Jérémie Belpois, se leva avec la sensation d’avoir fait un affreux cauchemar, car somme toute ça y ressemblait bien, enfin voyons toute cette histoire ne tenait pas debout! A supposer que Sissi trouve le laboratoire par elle-même (ce qui semblait absurde vraiment, cette fille a un petit pois en guise de cervelle), comment le scanner aurait-il pu lui faire quoi que ce soit, il est désactivé, éteint, débranché!!
Ce matin là, le jeune surdoué était plus que jamais persuadé que son imagination lui avait joué un sale tour. Une bonne douche chaude acheva de le réconforter. C’était les vacances, il était avec a famille, avec Aelita, tout allait bien. Ce ne fut que lorsqu’il sortit de la salle de bain pour rejoindre cette dernière que la réalité se rappela à lui avec un arrière-goût d’affreux cauchemars, car la première chose que lui dit Aelita en brandissant son téléphone portable rose fut:
"-Je viens d’avoir Yumi au téléphone, elle m’a dit que Sissi avait été emmenée à l’hôpital. D’après les ragots que Jim colporte, elle serait dans le coma." Jérémie, bouche bée, digérait péniblement la nouvelle. Aelita, consciente du choc que son ami était en train de subir fit une pause pour le ménager un peu.
"-Le coma? "Répéta Jérémie sans trop y croire. Depuis quand un passage dans le scanner vous grillait-il les neurones? A supposer qu’Elisabeth Delmas n’en ait jamais eu?
"-Oui, et même...les médecins l’ont mise sous respirateur, Yumi ne sait pas encore si cela signifie qu’elle ne peut plus respirer seule, ou si ils ont fait ça pour économiser ses forces, d’après ce qu’une infirmière lui aurait dit, le simple fait de respirer use trente pour cent de l’énergie corporelle d’un être humain..."Aelita n’eût pas le temps d’achever sa phrase car Jérémie lui coupa la parole en faisant de grands gestes désordonnés.
"-Non. Non ce n’est pas possible! Aelita...le super calculateur est éteint...Xana est mort! Kaput! Fini! Terminé!! Rien...rien de tout ceci n’est possible...ça n’a pas pu arriver!" Patiente, Aelita attrapa les mains de son compagnon et les serra contre sa poitrine.
"-Je ne sais pas comment tout ceci à pu se produire, et je ne sais pas comment tout ceci se terminera...mais regarde le bon côté des choses. Si...si il reste toujours de l’activité dans le monde virtuel, cela signifie peut-être que...que..."La jeune fille troublée laissa sa phrase en suspens. Après un long moment de silence, Jérémie la prit dans les bras et la serra très fort contre lui.
"-...Que ton père est toujours en vie. " Acheva-t’il sans desserrer son étreinte.
La jeune fille éclata en sanglots.
Dans un hopital Parisien
En quittant la chambre d’Elisabeth, Jean-Pierre Delmas, le proviseur du Collège Kadic se sentait vraiment mal. Il ne pouvait chasser de son esprit cette atroce vision qu’il avait de sa fille, blême, les paupières violacées, reliée à une batteries de tubes, de fils et d’électrodes, et pour couronner le tout, environnée de l’atroce sifflement du respirateur lui rappelant Dark Vador.
D’après les électro-encéphalogrammes pratiqués sur sa petite princesse, sa fille se trouvait dans un « Coma stade 3 », soit le coma profond. Sur les graphiques tracés par l’appareil, on pouvait constater que sa fille ne répondait plus aux stimuli douloureux, et son état continuait de se dégrader. Les médecins l’avaient averti que des troubles végétatifs pouvaient apparaître à ce stade, en d’autres termes que son bébé était en train de se transformer en légume et que personne n’y pouvait rien.
Comme un robot, le proviseur désemparé avançait le long des couloirs immaculés, vers la sortie, en espérant que personne ne viendrait lui parler de don d’organes avant qu’il ne franchisse cette porte.
Il n’avait pas fait vingt pas que ses genoux se mirent à trembler. A bout de force il se laissa tomber sur un des sièges de la salle d’attente, plus épuisé qu’après un marathon.
La salle d’attente était vide hormis un petit groupe de médecin en blouse blanche planté à côté de la machine à café. Par chance il n’entendait pas ce qu’ils disaient, mais leurs air solennel et grave lui rappella la cruelle réalité des choses. Il se trouvait dans un hopital, dans un mouroir, la dernière étape avant les pompes funèbres !
Il enfoui son visage dans ses main et s’efforça de ne pas penser, de ne pas penser à comment plus de treize ans auparavant il s’était rendu dans ce même hopital pour voir sa femme mourir. Marianne. Il posa les mains sur ses genoux et s’efforça de repirer à fond afin de retrouver son sang froid. Mais lorsqu’il ferma les yeux les souvenirs si longuement refoulés remontèrent à la surface. Comme dans un rêve il revit Marianne entre les mains des urgentistes. Elle qui autrefois avait été si belle, défigurée. Sa beau visage noirci par les flammes, elle était méconnaissable. Il ne l’avait pu l’identifier que par ses longs cheveux de jais et son alliance à sa main gauche, ses vêtements avaient été carbonisés dans l’incendie. Autour d’elle, les medecins s’agitaient comme des abeilles dans une ruche pour essayer de la sauver
-Madame Delmas vous m’entendez ? Non elle ne les entendait plus, mais lui les entendait encore.
-Je n’ai pas de pouls. Cria une infirmière.
Un chariot de reanimation glissa comme dans un rêve auprès du corps inanimé de Mariane.
- On dégage.
Après ça, un interne l’avait mis dehors et il avait attendu ce qui lui sembla des siècles dans le couloir, sa petite fille endormie dans les bras. Elle n’avait que dix-sept mois alors, elle ne comprenait pas grand-chose à ce qui était en train de se produire, mis à part que la maison avait brûlé…Les petits enfants possèdent cette capacité extraodinaire qu’est l’oubli des évenement pénibles. Pour lui cela avait été bien plus dur.
Selon Elisabeth Kübler-Ross, une psychiatre américaine, pionnière de l’approche des « soins palliatifs » pour les personnes en fin de vie et de l’accompagnement aux mourants, tout les êtres humains digne de ce noms confrontés à la mort passent par cinq étapes : le déni , la colère, le marchandage, la dépression, et pour finir l’ acceptation.
Mais pendant qu’il traversait ces différentes étapes, Jean-Pierre Delmas avait été soutenu par l’espoir de voir sa petite fille grandir. Si elle mourrait à son tour quelle raison lui resterait-il à lui d’exister ?
Etrangement, Sissi n’avait jamais eu l’air de vraiment réaliser que sa mère était morte. Pour elle, sa maman était juste…partie. Elle avait même affirmé un jour à son grand-père que sa mère était partie avant même que la maison ne brûle. Elle en était intimement persuadée et il avait été obligé de lui décrire les derniers instants de souffrance de Marianne pour qu’elle accepte la réalité des choses.
Accepter la mort, sans doute une des épreuves les plus douloureuse de l’existence. Lui en tout cas ne s’en sentait plus capable.
Dans le bureau du chef de service, tous les médecins disponibles se penchaient sur l’étrange cas clinique de la petite Delmas. Il y avait de quoi se poser des questions sur ce dossier, en effet. Une adolescente en parfaite santé physique se trouvait dans un coma carus et pourtant rien ne justifiait son état: pas d’antécédents cliniques, pas de traumatisme, pas de lésions du cortex ou du tronc cérébral visible à l’IRM, pas d’hémorragie cérébrale, rien. Le cœur fonctionnait comme une horloge, la glycémie était normale, les surrénales parfaites et pas un gramme d’alcool ou de drogue dans le sang, clean. On ne tombait pas dans le coma comme ça sans raison quand même!
En bref les médecins étaient perplexes. Le chef de service de neurologie, le professeur Bricard, un ancien légionnaire aux cheveux grisonnant qui ne s’avouait jamais vaincu, rassembla ses notes afin de se donner une contenance et donna quelques ordres à ses internes et externes déconcertés:
-"David et Lena, dit-il aux deux D4 qui se tenaient près de la porte les bras ballants, vérifiez les causes infectieuses, c’est à dire herpès et paludisme, c’est peut-être un abcès cérébral. " Les deux externes battirent en retraite tandis que les collègues du docteur Bricard acquiesçaient en silence.
-"Très bien, approuva le docteur Bouraï, une jolie oncologue d’origine Algérienne, de mon côté je vais lui faire une biopsie, la patiente a peut-être développé une tumeur bénignes ou malignes aux dépens de son parenchyme cérébral."
Un par un, chaque praticien présent dans la pièce se retira avec un examen à exécuter. Bientôt il ne resta plus que l’ancien militaire qui restait debout, pensif, face aux photographies prise aux cours des IRM, accrochées aux murs, il était extrêmement troublé.
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Chapitre III
Frères d’armes
"N’abandonne pas un vieil ami, le nouveau venu ne le vaudra pas. "
L’Ecclesiaste.
La puissante mercedès noire déposa Ulrich Stern, Patrick Belpois et William Dunbar devant la grille du collège Kadic. Le jeune Stern ne savait plus de quel prétexte il avait usé pour convaincre ses parents de lui permettre d’abréger ses vacances pour retourner au collège. La seule chose dont il était absolument sûr, c’est de ne pas avoir mentionné le nom de Sissi devant eux. La seule chose qui aurait pu venir aggraver le désastre actuel serait que ses parents pensent qu’il pourrait s’intéresser de près ou de loin à cette petite peste prétentieuse.
A Patrick il avait expliqué que ses parents se voyaient forcés d’abréger leur séjour pour des raisons qu’il ignorait. Le jeune homme avait opiné du chef sans broncher avant d’aller boucler sa valise. Une des plus grandes qualité du cousin de Jérémie était de ne jamais poser trop de questions.
A William, Ulrich avait dit la vérité, bien sûr, et l’humeur de ce dernier avait évoluée en fonctions des circonstances: Ulrich ne l’avait pas vu aussi sombre depuis des mois. Le spectre de Xana semblait flotter en permanence au fond de ses yeux et plus personne n’osait lui adresser la parole, pas même Patrick qui gardait en permanence un silence prudent.
Ce fut donc avec un sérieux et une solennité angoissante que les trois jeunes gens remontèrent la longue allée soupoudrée de sable menant au pensionnat. Jim, d’ailleurs, ne manqua pas de les interpeller là-dessus:
"-Dites! C’est quoi ces têtes d’enterrement, la petite Delmas n’a pas encore passé l’arme à gauche que je sache! Alors tâchez d’avoir l’air un peu plus joyeux, c’est bien suffisant d’avoir un proviseur en pleine dépression nerveuse sans en plus ajouter trois zombies au tableau!" Surpris dans ses réflexions par la voix tornitruante du surveillant, Stern sursauta, Belpois choqué par la nouvelle, en lâcha sa valise, tandis que William s’assombrit un peu plus avant de répliquer:
"-On ne dit plus "dépression nerveuse", on dit "épisode dépressif majeur." Moralès ouvrit la bouche, puis la referma avant de beugler dans la figure d’un William que rien ne semblait pouvoir atteindre:
"-Ah ouais? Dis-moi petit malin depuis quand tu sais autant de choses..."
Mais le surveillant stoppa net sa diatribe car la figure de William venait de virer au cramoisis.
Le jeune homme contourna l’obstacle que présentait la bedaine imposante du pion de Kadic avant de pousser le battant de la porte du bâtiment principal d’un geste rageur. Jim plus que confus, mendia d’un regard un peu d’indulgence auprès de Patrick qui le gratifia d’un accolade pleine de compréhension. Ulrich, que ses nerfs menaçaient à son tour de lâcher se passa une main devant les yeux.
Il n’avait pas oublié cette nuit tragique où il avait retrouvé William inconscient dans les douches étendu au milieu d’une mare de sang. Aucun d’entre eux n’avait pu imaginer à l’époque que William pourrait tenter de mettre fin à ses jours. Que la vie serait peut- être encore plus dure après la mort de Xana que pendant. Et pourtant il devait bien reconnaitre que c’était vrai.
Lorsqu’ils se battaient, ils étaient tellement shootés à l’adrénaline qu’ils ne réalisaient pas vraiment ce qui était en train de se passer. Les cauchemards n’avaient fait leur apparition que beaucoup plus tard, et avec eux la terreur liée à cette terrible question: Et si? Et si l’un d’entre eux avait perdu la vie, et si les services secrets s’en étaient mélés? Et si Xana avait réussi à gagner? Et si...et si...et si...
C’était des interrogations sans fin qui leurs pourrissaient la vie de jour comme de nuit.
"-C’est vrai que Sissi est dans le coma? " Demanda Patrick à moitié en état de choc.
"-Est-ce que j’ai une tête à me tromper? Lui répondit Jim en haussant les sourcils. Et sans attendre la réponse il commença à donner moults détails sur la manière dont les évènement s’était déroulés, il en était à se perdre dans des conjectures et des hypothèses interminable quand Ulrich jugeant en avoir assez entendu laissa Patrick boire seul les paroles du surveillant et monta déposer ses affaires dans sa chambre. Avant même qu’il ait ouvert la porte un jappement lui apprit que Odd était déjà arrivé.
Retirant la main qu’il avait posé sur la poignée, Ulrich tourna les talons et se dirigea vers la chambre de William. Avant d’entendre Odd parler du traumatisme de Kiwi il était de son devoir de s’enquérir de celui de William. Il frappa à la porte et entra sans attendre de réponse, car il savait que Will ne lui aurait pas répondu. Son ami était étendu de tout son long sur son lit les bras apparemment repliés sous sa tête et regardant le vide, mais Ulrich était près à parier sa moto et son casque que deux secondes auparavant William contemplait les cicatrices qui courraient le long de ses poignets. Il posa sa valise et alla s’assoir au bord du lit.
"-A quoi tu pense William?" Lui demanda Ulrich. Le grand brun continuait de fixer le plafond obstinément. Ce ne fut que vingt bonnes secondes plus tard qu’il se décida à répondre à la question d’Ulrich.
"-A rien." Lui répondit il sans cesser de contempler le plafond.
"-Pas à moi, Will. Ton mutisme marche peut-être avec Yumi mais pas avec moi."La voix de Stern était posée mais ferme.
"-Yumi." Répétra William. Ulrich ne se découragea pas, il savait que de forcer William à s’exprimer ne serait-ce que par monosyllabe était important. Et il était prêt à passer la nuit à le faire parler si nécessaire. C’était à cause d’eux, parce qu’aucun des lyokoguerrier ne l’avait écouté que Dunbar avait fini par s’ouvrir les veines. Mais William n’était pas encore prêt à parler, aussi il contre-attaqua avec l’artillerie lourde.
"-Au fait, tu en es où avec elle?" Reprit Will en se redressant. Il s’assit à côté d’Ulrich et le fixa droit dans les yeux. Le jeune Stern détourna la tête en rougissant. Il fixait à présent le sol tout comme Dunbar fixait le plafond une minute auparavant. Impitoyable, William poursuivit:
"-Si tu ne te décide pas à lui parler rapidos, quelqu’un d’autre va finir par le faire à ta place." Continua-t’il d’un ton enjoué.
Ce que William ne disait pas c’est qu’il craignait pour Ulrich la rivalité de Patrick Belpois. La sienne, bah...Il n’était plus amoureux de Yumi pour des raisons qu’il ignorait plus ou moins. C’était peut-être dû à sa depression, et peut-être aussi au fait qu’elle n’avait pas su l’écouter ni le soutenir lorsqu’il en avait besoin, pas plus qu’elle ne pouvait comprendre ce qu’il ressentait.
Il ne lui serait jamais venu à l’esprit que Ulrich devienne son meilleur ami et confident en fin de compte. Il se serait attendu à plus de compassion de la part de Yumi ou même d’Aelita. Et pourtant, finalement, il avait trouvé en Ulrich le petit frère qu’il n’avait jamais eu. Assit en face de lui, le petit frère en question hésitait à dévoiler ses sentiments vis-à-vis de Yumi à son ancien rival. Un coup discret frappé à la porte coupa court à toute tergiversation. Odd rentra dans la chambre de William avec Kiwi dans les bras.
"-Salut les gars, j’ai vu l’ombre d’Ulrich passer sous la porte, alors je suis venu vous dire bonjour, ça va? Comment étaient vos vacances? "
"-Courtes, trop courtes. "grommela Ulrich, qui n’appreciait pas vraiment la manière dont l’Italien aux cheveux bicolores venait interrompre sa séance de psychothérapie. Mais Della Robbia ne prit pas garde à l’humeur sombre des deux adolescent. Imperturbable il poursuivit:
"Dites vous n’auriez pas la clé de la chambre de Jérémie j’ai laissé un sac de croquettes pour chien dans un de ses tiroirs je crois. Kiwi a faim."
Ulrich tira un trousseau de clés de sa poche et le tendit à Odd qui remercia en refermant la porte derrière lui. Sa visite éclair laissa les deux ado catatoniques. Ils restèrent un long moment assis là à se demander comment une telle légerté et une telle insouciance pouvait subsister après tout les évènements qui s’étaient produits récemment.
"-C’est quand même incroyable..."Commença Ulrich qui n’en revenait toujours pas.
"-Je suis d’accord avec toi, Ulrich, c’est quand même incroyable. Personne n’est écervellé à ce point." Ulrich ne comprit pas immédiatement la portée des paroles de son ami. Ce n’est que lorsque William se rua dans le couloir qu’il comprit.
La porte de Jérémie était verrouillée. Par chance, Patrick était en train de monter les escaliers, son téléhone prtable à la main. Un peu paniqué, Ulrich posa la première question qui lui vint à l’esprit (aussi stupide soit-elle):
"-Patrick! Tu as vu Odd?" Le susdit Patrick ouvrit de grand yeux de merlan frit.
"-Non, comment j’aurais pu le voir, d’abord? J’ai Jérémie au téléphone et il me dit que Odd ne rentrera pas d’Italie avant une semaine. Pourquoi cette question?"
"-Parce que William et moi venons de voir Odd avec son chien dans les bras."Rétorqua Ulrich.
"-Hein? Patrick tombait des nues. William jeta un regard qui glaça Ulrich jusqu’aux os. L’espace d’une seconde, il avait complètement oublié que le cousin de Jérémie n’était pas au courant de l’existence de Lyoko. Par chance le bon sens on ne peux plus terre-à-terre de Patrick vint à la rescousse des deux lyokoguerriers. Vous avez besoin d’aller consulter un occuliste tout les deux je crois. ".
"Tu as sans doute raison, lui répondit William. Est-ce que tu peux me passer tes...ton téléphone s’il te plait il faut que je parle à Jérémie de cet histoire d’occuliste. "
Il avait été sur le point de demander ses clés à Patrick mais il venait de penser qu’il ne disposait d’aucun explication valable pour accompagner sa demande. Par chance, Patrick, fidèle à son caractère ne posa pas de questions inutiles. Il tendit à William son téléphone sans piper mot.
A l’autre bout du fil, la voix quelque peu inquiète de Jérémie se fit entendre:
"-Allo? Ulrich?." Son interlocuteur s’éloigna le plus naturellement possible de quelque pas dans le couloir, loin des oreilles de Patrick.
"-Je suis là Jérémie, avec Patrick et William...Dis-moi Jérémie, y a t’il quelque chose dans ta chambre que Xana pourrait vouloir? Parce que je crois qu’on vient de croiser son coursier."
"-Tu peux êre plus précis? "Demanda Jérémie qui nageait littéralement dans le brouillard métaphorique de Stern. Mais ce dernier avait d’autre préoccupations que d’éclairer la lanterne de son interlocuteur, William avait réclamé ses clés à Patrick et s’apretait à ouvrir la porte, tout ses sens en eveil, prêt à n’importe quoi. Pendant ce laps de temps, Ulrich continuait de s’éloigner de la porte de la chambre de Jérémie, non pas pour fuir le danger, mais pour éviter que Patrick ne comprenne sa conversation.
"Je viens de croiser Odd et Kiwi, ce qui est techniquement impossible puisque Odd est en Italie..."Traduisit Ulrich une fois qu’il se jugea suffisemment loin des oreilles innocentes.
"-...Et Kiwi avec Yumi, oui je sais. Acheva Jérémie qui venait de saisir l’ampleur du désastre. Qu’est ce qu’il voulait?"
"-Les clés de ta chambre, et je les lui ai données."Précisa Ulrich tout en regardant William ouvrir la porte de la chambre des Belpois.
"-Quoi?" Couina Jérémie. Patrick tourna la tête en direction d’Ulrich tandis que William, les poings sérrés pénétrait dans la pièce. Deux seconde plus tard il ressortit dans le couloir, les lettres R.A.S inscrite au fond de son regard. Plus ou moins soulagé, Ulrich reprit son souffle.
"-Arrête de crier, Patrick va finir par t’entendre. Mais qu’est ce qu’il y avait dans ta chambre?"C’était la seule question cohérente qui lui venait à l’esprit. Si le faux Odd n’était plus dans la chambre c’est qu’il avait trouvé ce qu’il était venu y chercher. Une seule autre question lui trottait dans la tête: Pourquoi le faux Odd avait il eu besoin des clés pour entrer dans la chambre de Jérémie? Depuis quand les porte posaient-elles des problèmes aux clones polymorphes?
"-Avait? Oh nom d’un chien...Trois fois rien, juste les codes sources du programme multi-agent!"
"-Tu as gardé ça dans ta chambre? Mais tu es malade! On t’avais dit de t’en débarasser."
"-Bien sûr c’est facile pour toi de dire ça. Moi c’est juste trois année de ma vie que vous me demandez de mettre à la poubelle! Est-ce que tu te rends compte des avancées technologiques que..."
"Calme-toi, Patrick va finir par t’entendre."Mais Ulrich avait beau l’exhorter au calme, Jérémie était lancé:
"...Et puis que je sache c’est toi qui lui a filé les clés de ma chambre, Ulrich, en ce qui me concerne, tu n’as pas plus de jugeotte que Sissi!" Pour le coup ce fut Ulrich qui encaissa très mal le reproche.
"Alors là tu y va un peu fort, t’exagère un petit peu! Protesta Ulrich, oubliant toute prudence. Si tu écoutait un peu ce qu’on te dit au lieu de te prendre pour le plus intelligent d’entre nous et partir du principe que nous sommes tous des abrutis tu..."
"Tout vas comme tu veux Ulrich? "Demanda Patrick l’air un peu inquiet.
A l’évidence, William n’avait pas réussi à le maintenir davantagee dernier à l’écart de la dispute. Haussant les épaules, Ulrich raccrocha le téléphone au nez de Jérémie et s’en débarassa en le refilant à William. Ce dernier le rendit à son propriétaire qui s’en retourna dans sa chambre afin de défaire ses valises.
Fou de rage, contre Jérémie, Xana et lui-même, Ulrich se jeta sur son lit et ferma les yeux. Il entendit la porte de sa chambre claquer puis se rouvrir. William venait à son tour lui remonter le moral.
"-Je lui ai filé les clés Will, j’ai trouvé le moyen de filer les clés à Xana."se lamenta Ulrich. Pour un peu il se serait mis à pleurer.
"-Arrête de pleurnicher Stern, tu sais très bien que n’y est pour rien. On a été dupés tout les deux. Ce que je voudrait savoir c’est ce qu’il voulait. "Se demanda William en s’asseyant au bord du lit d’Ulrich.
"-Ce qu’il voulait? C’est évident voyons! Les codes sources du programme multi-agent!"
"-Tu plaisante j’espère? "Rétorqua William.
"-Qu’est-ce qui te fais dire ça? "
"-Tout les programmes sont à leurs place, rien n’a été pris, ni déplacé. "Affirma Dunbar.
"-C’est une blague? Tu me fais marcher? "Demanda Stern.
"-Non. William secoua la tête en signe de dénégation. Je suis on ne peux plus sérieux. En revanche je suis pratiquement sûr que personne n’est entré dans la chambre. J’avais mis de la poudre talc sur la poignée intérieur de la porte et elle était intacte, toujours là. "
"Tu avais mis de la poudre talc sur l’intérieur de la poigné de porte de la chambre de Jérémie? Répéta Ulrich, incrédule. Ma parole t’es parano!"
"-Passe donc deux ou trois mois au service de Xana et ensuite tu comprendra le sens du mot parnoïa, Ulrich. "Protesta William le plus sérieusement possible.
"-Sans commentaire. Mais alors...comment il a fait? "
"-Qui? "
"-Le clone polymorphe! Pour sortir de la chambre sans ouvrir la porte!"
"-Peut-être l’avait il laissée ouverte...dans ce cas il n’avait pas besoin de la refermer, mais ce n’est guère probable. C’eût été prendre le risque que quelqu’un vienne à passer et découvre ce qu’il trafique. Er ça je peux t’assurer que ce n’est pas dans les manières de Xana"
"-Hum...ok, mais alors quoi? Il aurait pu se sauver sous forme d’énergie pure par les réseaux électriques?"
"-Toi tu regarde trop de film, mon pauvre Ulrich. Qu’est ce qu’il aurait fait des programmes, programmes qu’il n’a pas pris d’ailleurs...Tu veux que je te dise, j’y comprend rien à cette histoire. "
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Chapitre IV
Celle qui portait un masque
"Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres qu’à la fin, nous nous déguisons à nous même"
François de La Rochefoucauld
La voiture de maître s’arrêta devant un sinistre et imposant bâtiment Berlinois. Grand, gris, déprimant, tel étaient les qualificatifs qui pouvaient le plus facilement s’appliquer à l’immeuble sans enseigne ni drapeau qui se dressait au milieu de la capitale. Le portier solennel qui se tenait sur le perron immaculé du building se hâta d’ouvrir la portière reluisante du véhicule. Une sublime jeune femme en descendit.
Elle s’appelait Kirsten Vanguerness, et si l’adjectif jeune n’était pas le plus approprié à sa trentaine florissante, sa silhouette exquise et son joli minois maquillé avec soin faisait oublier le minuscule détail que constituait sa date de naissance. Ses talons aiguilles cliquetant sur les dalles aux reflets de miroir, elle entra dans la bâtisse sans accorder ne serait ce qu’un seul regard au portier qui s’inclinait respectueusement devant elle.
Kirsten Vanguerness travaillait pour les services secrets. Elle avait commencé très jeune. Jason Liebermann l’avait recruté au cours de l’automne de sa première année de faculté. Il lui avait dit que le gouvernement allemand pensait lui offrir un emploi. Bien entendu elle avait tenu à savoir en quoi ses maigres compétences pouvaient l’intéresser, et il lui avait répondu qu’elle « correspondait au profil ». Une phrase énigmatique qui n’avait pris tout son sens que plusieurs années plus tard, lorsque le Shah d’Iran fut renversé par la révolution islamique de Khomeyn en février 1979. C’est alors que ses origines et surtout sa culture perse lui avaient été utiles. Elle était entrée en Iran en tant que secrétaire personnelle de l’ambassadeur Allemand. Cela avait été sa première mission.
Puis elle avait quitté les services secrets allemand pour épouser un jeune britannique fraichement sortit de Cambridge qui travaillait pour le MI-6, mais deux ans plus tard son jeune époux décéda officiellement d’une crise cardiaque (officieusement il s’agissait d’un empoisonnement) et ce fut elle qui fut recrutée par les services secrets britanniques. Mais après une bavure suite à un imbroglio familial (son grand oncle paternel était un ayatollah, vous comprenez…) la jeune femme fut expulsé du Royaume Uni sans visa ni passeport. Elle retourna alors quémander l’aide de Liebermann, qui la lui accorda avec indulgence.
Il la plaça comme fonctionnaire dans une branche très ennuyeuse de l’économie avec pour ordre d’ouvrir l’œil. Ce qu’elle fit. C’est alors qu’elle découvrit le projet Carthage : un système de défense destiné à se prémunir contre les pirates informatiques et surtout contres les attaques informatiques terroristes. Internet commençait à entrer dans une phase de plein essors, et il semblait évident au comité de sécurité du territoire que le « web » devenait un espace primordial. Virtuel peut-être mais aussi vital car si de plus en plus de chose en dépendait, il s’agissait de ne pas laisser la toile devenir un repaire pour petit escrocs et grands délinquant, une zone de non-droit ou tout serait permis.
Cependant les sommes détournée par le gouvernement au profit de ce projet de sécurité virtuel étaient trop importante pour qu’il ne s’agisse que de créer une police du web. C’est alors que Liebermann l’envoya enquêter de manière « féminine et discrète » sur les scientifiques concernés par l’opération. Ce qu’elle avait fait jusqu’à ce que les choses commencent à tourner mal, vraiment très mal. Kirsten soupira. Jamais elle n’aurait pensé que cette mission qui paraissait si banale puisse prendre des proportions aussi gigantesques, ni que les enjeux de la création de ce jeu vidéo amélioré devienne aussi grave.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur le niveau -5 ; « l’étage des gadgets » comme l’appelaient les jeunes. Une jeune fille au métissage indéfinissable se tenait toute raide devant un comptoir encombré d’outils divers et variés, comme n’importe quelle cliente d’une quincaillerie ordinaire, sauf que ce genre de quincailleries était plutôt rare dans les rues commerçantes.
Son interlocuteur, un individu corpulent et mal rasé d’une cinquantaine d’années lui faisait l’article de ses dernières trouvailles d’un air blasé. Il s’appelait Jürgen Wagner et travaillait autrefois pour l’industrie informatique, mais son poste d’ingénieur en chef, pourtant bien rémunéré était trop barbant à ses yeux pour qu’il y reste bien longtemps. Sa démission avait donné à son épouse une bonne raison pour demander le divorce et pour lui une excellente occasion de rentrer au département de recherche du BND (Bundesnachrichtendienst), le service fédéral de renseignement allemand. Kirsten et Jürgen étaient de vieux amis et c’est avec plaisir qu’elle lui adressa un petit signe de la main. Puis elle se dirigea lentement vers une salle gardée par deux hommes armés jusqu’aux dents en saisissant au passage quelques brides de la conversation
« -Bon. Tout d’abord...j’ai un truc là...disait Wagner en agitant un petit objet luisant sous les yeux de la jeune recrue. On dirait un briquet, un truc pour allumer les cigarettes. Kirsten réprima un sourire. L’un des pires défauts de Jürgen était sans doute sa propension à considérer les êtres humains dotés d’un QI proche de la moyenne comme des débiles profonds.
« …mais c’est un brouilleur d’ondes… brouille une vidéo sur 400 m… » Kirsten ralentit et s’arreta tout à fait, elle ne voulait pas louper les explications concernant ce gadget.
« -Si je touchais ce truc, le bâtiment… se mettrait à paniquer. J’essaie? » Le visage de l’ingénieur s’illumina comme celui d’un gamin de cinq ans devant un arbre de Noël. Soudain, tout les écrans aux alentours s’éteignirent et des commentaires divers et varies fusèrent de toutes part "Quoi? Mon ordinateur ne marche pas… mon DVD non plus."
« -Vous voyez? Reprit Wagner avec un petit sourire amusé, Tout le monde panique…Et ça redémarre. Bon. La batterie fait 20 volts, ça se décharge au bout de quatre minutes. Il faut y aller, faire votre truc et ressortir. Quatre minutes et deux secondes et vous êtes foutus. »
Tranquillement, l’agent Vanguerness reprit sa marche; elle introduisit son pass dans le scanner, composa un code puis scanna les empreintes digitales de sa main gauche sous l’oeil vigilant des gardes. Puis elle entra dans la salle de réunion. Willhem Baüher, son supérieur direct lui accorda un bref regard en guise de salut. Kirsten prit place et s’excusa de son retard. Avant que le directeur ne commenca son discours:
"-Madame, messieurs. Il est de mon devoir de vous informer que conformément à la décision prise par nos supérieurs, nous sommes tenus d’effacer de nos activités avec l’Agence Delta.1 dans les plus brefs délais. Tout les documents doivent être détruit, les archives seront incinérées et les cendres entérées."
L’agent Vanguerness eût un haut le corps mais pas un son ne sortit de sa bouche. Durant les trentes minutes suivantes, elle n’entendit pas un mot du discours de son patron. Tout son esprit état complètement tourné vers la passé. Elle ne comprenait plus à quel jeu ces gens jouaient. Lorsque la réunion prit fin, la jeune femme se sentait fiévreuse. Elle tituba jusqu’à l’ascenseur où elle esperait retrouver un peu d’intimité, histoire de se redonner une contenance, mais un des "pontifes" présents à la réunion s’invita à la dernière seconde.
"-Magnifique journées n’est-ce pas?" l’apostropha le "pontife". C’est ainsi que Jürgen qualifiaient ces gros bonnets au sourire mielleux qui ne se pointaient au réunions que pour faire pleuvoir les réprimandes et les mauvaises nouvelles. Celui-ci était un Irlandais dénomé O’Hare. Petit trapu et bedonnant, il pouvait paraître très sympatique lorsqu’il souriait.
Kirsten se borna à aquiescer.
C’est alors que O’Hare appuya sur le coupe-circuit d’urgence et stoppa l’ascenseur. Kirsten frémit. Ce genre de procédé ne laissait présager rien de bon. Quand on coupait le courant de cette manière c’était souvent pour dire des choses que personne d’autre ne devait entendre, or plus le secret était bien gardé plus il était pénible en général.
"-Kirsten, je peux vous appeller Kirsten n’est-ce pas? L’agent acquiesca à nouveau et O’Hare poursuivit, je suppose que vous avez compris que la destruction du dossier sur lequel vous travailliez équivaut pour vous à une mise au chomâge."
"-J’en suis consciente,oui."
"-Mais encore? Qu’est ce que vous comptez faire à présent, accepter d’être renvoyer aux classement des archives, reprendre vos études, vous marier peut-être?" Vanguerness se raidit, ce qui eût pour effet de faire sourire son interlocuteur.
"-Je constate que certaine blessures vous élance toujours ma chère. "
"-Sommes nous vraiment obligés de parler de cela?"
"-C’est à vous de voir, je ne suis pas là pour remuer de mauvais souvenirs mais pour vous faire un offre. Une offre unique je tiens à le préciser."
"-Vraiment? De quoi s’agit-il?"
"-L’Agence Delta.1 vous un poste...sur le projet Carthage."
"-Je croyais que ce dossier était clôt."
"-Ne vous faites pas plus idiote que vous ne l’êtes Kirsten nous savons très bien ce qu’il en est, y compris ce que vous avez essayé de nous cacher. "
"-C’est vous qui le dîtes!"
"-Vous ne me croyez pas? Et si je vous parlais de votre fille aînée? Elle vous ressemble beaucoup je trouve." Le visage de l’agent Vanguerness devint blême.
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Chapitre V
Une solution sur mesure
"Il n’y a pas de formule magique pour réussir sauf peut-être une acceptation inconditionnel de la vie, et de ce qu’elle apporte. Arthur Rubinstein."
Le véritable Odd Della Robbia n’arriva à Kadic que le lendemain soir. Il retrouva ses frères d’armes anxieux et préoccupés. Les investigations des deux génies au sujet de ce qui avait bien pu se produire n’avançaient guère et l’état de Sissi ne s’améliorait pas.
On pouvait dire que tout allait de travers : Yumi broyait du noir à la perspective de reprendre la vie de dingue qu’ils avaient été contraint de mener pendant trois ans, William et Ulrich étaient obsédé par l’apparition du clone polymorphe, Jérémie et Aelita se perdaient dans des conciliabules techniques incompréhensibles pendant des heures et Odd s’exténuait à sauver les apparences face à un Patrick qui commençait à poser beaucoup de questions, tout en s’efforçant de dissimuler un Kiwi nerveux a à l’œil de lynx de G.I Jim. Et ce soir là, il avait beau faire, le petit chien ne voulait pas rester tranquille. Il avait pourtant tout essayé pour le calmer, rien n’y faisait. Et en plus il était dix heures. Dix heures ! L’heure de la ronde de l’impitoyable surveillant doué du complexe de James Bond. Il entendait déjà les pas de l’imposant prof de sport résonner au fond du couloir. Ulrich était déjà blottit sous les couvertures, son portable collé à l’oreille, en grandes conversation avec William et Yumi (et vive les doubles appels !) ; mais Kiwi continuait de frétiller comme un poisson hors de l’eau en jappant de toutes ses forces.
« -Mais fais taire ce clebs Odd ! Il va finir par nous faire repérer ! » vociféra Ulrich à Voix basse en émergeant de sous sa couette.
« -Ah oui ? Et si tu venais me filer un coup de main pour voir ! rétorqua Odd sur le même ton. Il empoigna le petit chien et se fourra sous sa couette recroquevillé en position fœtale, Kiwi blotti au creux de son ventre. Feignant de dormir, tandis qu’Ulrich éteignait son téléphone, il entendit Jim s’approcher de la porte et l’ouvrir. Le surveillant glissa un œil inquisiteur dans la petite pièce plongée dans la pénombre puis ouvrit la porte tout à fait. Comme il n’était pas tout à fait sourd, il avait entendu les jappements anxieux de Kiwi et comptait bien prendre Odd en flagrant délit :
« -Alors Della Robbia, tonna-t-il de sa voix de stentor, si tu me parlais de la bestiole que tu cache dans ta chambre hein ? » Et l’imposant professeur de sport se posta tout à côté du lit du garçon, prêt au besoin à le tirer du lit et à lui faire vider tout ses tiroirs si nécessaire.
Odd serra les dents, tout ceci tournait au cauchemar. Il fouillait désespérément dans son crâne à la recherche d’une idée qui lui sauverait la peau quand le miracle se produisit : le portable d’Ulrich se mit à sonner ! Le professeur Moralès fit volte face et se précipita sur l’objet du délit qui clignotait comme une guirlande de Noël.
« -Un peu tard pour décrocher, pas vrai Stern ? Brailla le surveillant en arrachant le portable des mains de l’adolescent. Voyons voir quel guignol s’amuse à t’appeler à une heure pareille ! »
Avant qu’Odd ou Ulrich ne puissent faire le moindre geste, Jim appuya sur le haut parleur et la voix d’une A elita terrorisée résonna dans la chambre :
« -Ulrich, je ne sais pas ce qui se passe ! Il y a…La banque de donnée est en train d’être complètement téléchargée, et…je, je ne sais pas ce qui se passe, ç’est peut-être une attaque de Xana...Il faut qu’on se rende à l’Usine au plus vite…J’ai déjà prévenu William il est en chemin…bip ! » Jim venait de couper la communication. Il leva un sourcil interrogateur vers Ulrich qui en disait long :
« -Bon sang Stern, Della Robbia qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » Ulrich était coincé, sortir de la chambre était impossible, expliquer quoi que ce soit impensable. Le massif professeur de sport lui coupait l’accès aussi bien à la porte qu’à la fenêtre. C’est alors qu’Odd fit diversion.
« -Banzaaaaaaaaaaaaï !» Hurlait-t-il en se ruant hors de la pièce. Jim se lança à sa poursuite mais arrivé dans le couloir, Kiwi lui fila entre les jambes en aboyant comme un fou. Délaissant l’adolescent, le surveillant se lança à la poursuite du petit chien pendant qu’Ulrich prenait lui aussi la poudre d’escampette de son côté.
Plus ou moins réveillé par le vacarme, les pensionnaires sortirent de leur chambre. Kiwi en profita pour se glisser dans l’entrebâillement d’une porte et réveilla un dormeur qui se mit à pousser des cris d’effroi. Dans ce tohu-bohu, Jim oublia les Lyokoguerriers l’usine et le reste, il n’avait qu’une idée en tête mettre la main sur ce sale cabot !
Seul, au milieu de ce tumulte, Patrick Belpois remarqua la fuite des Lyokoguerriers dans la nuit. Il comprit aussitôt que cette fugue avait un lien direct avec l’attitude bizarre de son cousin et de sa petite amie. Sans hésiter, il se sauva du dortoir en folie et se précipita sur les traces d’Ulrich, et comme il était un excellent sprinter, il découvrit rapidement l’existence du laboratoire…
Massés autour des écrans du supercalculateur, Aelita, William et Jérémie tentaient désespérément d’enrayer le processus incompréhensible qui se déroulait sous leurs yeux.
« -Je ne comprends pas ce qui se passe ! Gémit Aelita. Je ne sais même pas si cette chose essaye d’entrer dans la base de données du supercalculateur ou d’en sortir ! » Jérémie pianotait fébrilement sur son clavier mais la jeune fille aux cheveux rose savait bien qu’il n’en menait pas large non plus. William était pâle comme la mort et ne bougeait pas d’un pouce, il gardait les yeux rivés sur les écrans et serrait l’accoudoir de Jérémie avec désespoir. Il s’attendait d’une seconde à l’autre à voir apparaitre l’œil de Xana sur les écrans ou pire, jaillir une fumée noire qui le possèderait comme jadis.
En voyant William aussi raide, Ulrich posa une main sur l’épaule de son ami mais ce dernier ne réagit pas. Odd lui, était tout aussi inquiet pour son chien que pour le supercalculateur et il ne savait pas s’il devait retourner à Kadic sauver Kiwi ou aller sur Lyoko sauver le monde.
«-Jérém’tu peux m’expliquer ce qui se passe ? » Demanda Ulrich, qui décidément, était le seul en état de poser la question.
« Si seulement je le savait ! se lamenta le petit génie. Hier le supercalculateur était planté et maintenant je ne sais quoi est en train de fouiller allègrement notre base de données ! »
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