Chapitre I: La tour d’Ivoire
La richesse est un voile qui cache bien des plaies
Ménandre
Singapour, 2012
Du haut de sa tour d’ivoire (pour l’occasion un gratte ciel ultra-moderne)Elisabeth Delmas regardait le ciel parsemé d’étoiles. A demi-étendue sur une méridienne recouverte de soie chinoise, elle savourait pleinement son dix-huitième anniversaire. N’avait elle pas tout ce qu’on pouvait désirer? Elle était belle, jeune, riche, intelligente, pleine de vie et entièrement libre de ses actes. La vie était belle...Une sonnerie la tira de ses réflexions, elle s’étira et happa du bout de ses orteil pedicurés ses sandales parsemées de véritables perles. Sur une table basse en bois exotique sculptée l’ordinateur portable émmettait une sonnerie insistante. La jeune fille laissa échapper un juron qui n’était pas du tout à sa place dans la bouche d’une créature aussi sophistiquée. Elle s’assit devant l’ordinateur et prit la communication.
I l n’est vraiment pas seyant pour une jeune fille de se laisser aller à dire de pareilles chose ma chère
Sissi esquissa un sourire mi-figue mi-raisin: il n’est vraiment pas convenable d’appeller à une heure pareille mon cher
C’est un prix bien mince à payer pour tant de...confort
-Certes, que se passe t’il donc pour que tu m’appelle à une heure aussi indécente? Serais-je ruinée?
Oh, non, non, rien d’aussi dramatique, cependant il est venu a mes oreilles que Yumi Ishamaya serait arrivée ce matin à Hong Kong avec toute sa bande de petits enquiquineurs, et je tenais à te dire que tu n’avais aucun souci à te faire, car j’ai déjà pris toutes les dispositions nécessaire pour m’en débarrasser définitivement.
-Et qu’est ce que tu entends pas "définitivement", au juste?
Oh, moi rien, en tout cas le plus important ce n’est pas de savoir ce que moi j’entends par là mais plutôt ce que les Yakusas ont compris
Une ombre pâle passa sur le visage d’Elisabeth, le souvenir d’un adolescent au cheveux marrons et d’un baiser échangé dans la cour de son ancien lycée lui traversa l’esprit. Mais elle reprit rapidement le contrôle de ses émotions.
- Eh bien je te remercie de t’être chargé de tout ceci, Xana, je ne sais vraiment pas ce que je ferais sans toi.
Mais ma très chère Sissi, ne t’avais je pas dit que je t’offrirais le monde si tu me venais en aide?
-Mais, si et comme d’habitude tu as tenu toutes tes promesses, bonsoir Xana.
Mais en se retournant vers la baie vitrée, elle songea que pour la rendre heureuse le monde ne suffisait pas.
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Chapitre II: L’ombre du Yakusa
Entre l’idée et la réalité, entre l’esquisse du geste et l’acte, se glisse l’ombre.
T.S Elliot
Le vol 327 en provenance de Paris venait d’atterrir à Singapour. Yumi, Odd, William, Patrick et Hervé venaient d’en sortir. Il était trois heures du matin, ils n’avaient pas dormis de la nuit (mis à part Odd bien sûr qui avait cette formidable faculté d’avaler n’importe quoi et de dormir n’importe où), ils étaient fatigués et pour couronner le tout il pleuvait à verse. Les cernes sous les yeux d’Hervé étaient suffisamment grandes pour y ranger toutes leurs valises, et Yumi était tellement énervée que tout la sagesse Zen du Japon n’aurait pas réussi à la détendre.
Ils étaient venus dans le but d’arrêter, non plus seulement Xana mais Sissi. L’année passée, Sissi avait acquis (grâce à Xana) une science et une fortune colossale. Elle avait ensuite tendu un piège aux lyokoguerriers. Elle avait réussi à enfermer Franz Hopper, Aelita, Ulrich et Jérémie dans un réplika, puis avait détruit l’usine, les scanners et le supercalculateur. Yumi était arrivée juste à temps pour contempler le désastre. Logiquement, après la disparition de ses amis elle avait pris la tête du groupe dont il ne restait plus que Odd. William s’était joint à elle, fort de sa connaissance de l’esprit génial et tordu de Xana. Quelques mois plus tard, le cousin de Jeremie, Patrick Belpois était venu à Kadic pour "enquêter" sur la disparition du petit génie, et plus tard encore Hervé, qui décidément trouvait que quelque chose "clochait" chez Sissi, avait rejoint le petit groupe anti-Xana qui avait bien besoin de ses compétences en informatique.
Et ils étaient là, quatre jeunes gens à peine sortis de l’adolescence prêt à se battre contre la plus redoutable I.A jamais crée. Mais à vingt mètres d’eux, l’ombre menaçante d’un yakusa se projetait, immense, dans les couloirs de l’aéroport.
Le Tueur à gage s’approcha discrètement du hall de l’aéroport où la petite équipe s’était rassemblée en attendant le car. Dissimulé par les bambous en pot qui décoraient la rambarde de la galerie Est, il ouvrit son sac, et entreprit de monter son arme.
Dans le hall, Yumi accrochée à son portable essayait désespérément de joindre son oncle au laboratoire Kamisura, mais rien à faire, son oncle était injoignable. A côté d’elle, Odd "reprenait des forces" c’est à dire qu’après avoir vidé un paquet de chips aux crevettes, un paquet de cacahuètes grillées et une bouteille de soda, il avait réussi à dénicher des nems qu’il dévorait bruyamment. Assis sur leurs valises, William et Patrick dormaient à moitié pendant que Hervé trafiquait Dieu sait quoi avec son PDA. Yumi s’assis en soupirant sur une des valises à côté des garçons: vu comme les choses étaient parties, ils pouvaient rester plantés dans ce hall pour le reste de la nuit. Elle ferma les yeux un instant et se demanda pourquoi elle était venue ici.
Après l’emprisonnement du reste de l’équipe dans le monde virtuelle, elle avait demandé de l’aide à son oncle Azuka, un électronicien qui travaillait pour une importante entreprise de Singapour. Elle savait qu’elle ne pourrait pas délivrer ses amis seule, et l’oncle Azuka semblait sa meilleure option, d’autant plus qu’elle n’avait plus rien à perdre. Elle lui avait tout dit, et il avait été très compréhensif. Il lui avait offert de venir dans son laboratoire afin de trouver une solution, et elle avait accepté.
Pourtant maintenant qu’elle était là elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle n’avait pas fait une énorme erreur. Et si ce séjour à Singapour n’était rien d’autre qu’un traquenard géant tendu par Xana pour en finir avec eux une bonne fois pour toute? Après tout elle n’avait pas vu son oncle depuis dix ans comment pourrait elle savoir si c’était bien le vrai professeur Azuka qui lui avait donné rendez-vous? Et si le professeur avait décidé de s’approprier la technologie de Franz Hopper et de se débarrasser d’eux?
-Yumi? Yumi, tu dors? la voix de Odd la tira de son délire paranoïaque
-Non, je ne dors pas, je me demandais si mon oncle s’accommoderais de ta goinfrerie légendaire.
-Mais oui c’est ça, je te connais tu sais, tu étais encore en train de te faire du mouron, comme d’habitude. Yumi laissa échapper un sourire, effectivement il la connaissait trop bien. Odd cachait bien son jeu, sous ses airs d’adolescent immature affamé en permanence il détectait sans peine les tendances paranoïaque de la jeune japonaise. Avec un sourire entendu il lui tendit une cannette de soda.
- Ne t’en fait pas il n’y a aucune raison pour que quoi que ce soit aille de travers, assura t’il. Yumi tendit la main vers la cannette mais au moment où elle l’ouvrit la cannette explosa
La balle perfora la cannette que tenait Yumi et arrêta sa course dans l’épaule de la jeune fille. D’un geste vif, Odd empoigna la jeune fille et la projeta au sol, derrière les bagages amoncelés, priant pour que les valises leur fournissent une protection suffisante. Le jeune homme jeta un coup d’œil rapide aux alentours: personne. Il vit que ses compagnons d’infortune avaient eux aussi d’excellents reflexes; en un clin d’œil, ils s’étaient mis à couvert derrière les piliers du hall de l’aéroport. William avait sortit un arme de la poche de son blouson et faisait feu en direction du sniper. Odd regarda Yumi, elle avait les yeux hagards et son épaule saignait abondamment. Alors que les balles sifflaient autour de lui, il retira sa chemise et tenta d’épancher le sang de la blessure tout essayant de se maintenir à couvert. De l’autre côté du Hall, les vigies de l’aéroport arrivaient en courant alertées par les coups de feu.
Voyant que la situation dégénérait, le Yakusa prit la fuite par un des couloirs aussitôt poursuivit par une demi douzaine d’agent de sécurité asiatiques. Le chef de la sécurité s’approcha de Yumi qui semblait sur le point de perdre connaissance; elle assista impuissante à l’arrestation de ses amis avant de basculer dans les ténèbres.
Le jour venait de se lever lorsque la jeune fille reprit connaissance. Elle était allongée dans un lit d’hôpital, le bras gauche en écharpe. Devant elle, deux asiatique en uniformes discutaient à voix basse.
" Sûrement des policiers’’, pensa elle. Et de fait elle ne se trompait pas. Le plus âgé des deux lui adressa la parole en anglais:
-Comment vous sentez vous, miss Ishamaya? Lui demanda-il
-Bien, merci de vous en préoccuper, monsieur...?
-Je suis l’inspecteur Okaro, de la police. Il semblerait que votre tête, ainsi que celle de vos compagnons ait été mise à prix. Le tireur embusqué a pris la fuite, mais nous l’avons identifié comme appartenant aux Yakusa. Ce qui nous laisse penser en outre, que la personne qui en veut à vos vie a les moyens de s’offrir les moyens des meilleurs professionnels.
Yumi esquissa une grimace aussi bien due à la douleur qu’à la vague de cynisme qui envahissait son esprit. Bien sûr que Xana et Sissi avaient les moyens de s’offrir les services des pires assassins du globe. La seule chose qui l’étonnait c’était de s’en tirer à aussi bon compte. Et elle n’était de toute évidence pas la seule à le penser....C’est un véritable miracle que vous soyez vivante miss, les assassins qui se font payer aussi cher ratent rarement leur cible, surtout d’aussi près. Enfin, vous pourrez probablement quitter l’hôpital d’ici demain.
-Et mes amis, comment vont-ils? demanda anxieusement la japonaise.
-En ce qui concerne vos compagnons, sachez que nous avons arrêté Mr. Dunbar pour détention d’arme dans un aéroport, en fait nous voudrions savoir comment ce jeune homme a réussi à conserver une arme avec lui sans que qui que ce soit s’en rende compte. Yumi s’efforça de ne laisser aucune émotion transparaître sur son visage. William avait payé une véritable petite fortune à un truand via internet pour qu’il dépose une arme dans un des casiers de l’aéroport. Sur le moment elle s’était presque disputée avec lui, mais à présent elle devait bien admettre qu’il avait eu raison...Quand à messieurs Della Robbia, Pichon et Belpois, nous les relâcherons des que nous aurons fini de les interroger, poursuivit l’inspecteur Okaro, en attendant nous avons quelques petites questions à vous poser miss Ishamaya...
Lorsque les policiers eurent quittés la pièce, une heure plus tard, Yumi ferma les yeux et essaya de dormir, elle était fatiguée et de toute évidence elle ne pouvait rien faire de plus pour ses amis, si ce n’est essayer de récupérer au plus vite. Elle commençait à peine à glisser dans le sommeil lorsqu’elle sentit une présence juste à ses côtés. Elle ouvrit les yeux et découvrit un visage à moitié dissimulé par un masque chirurgical penché sur le sien. La jeune fille n’aurait pas su dire pourquoi, mais elle avait la certitude que l’homme qui se tenait debout devant elle n’était certainement pas médecin. Avec horreur elle se rendit compte qu’elle était entièrement paralysée, elle essaya de parler, mais elle était incapable de proférer le moindre son. C’est alors qu’elle comprit que le Yakusa l’avait retrouvée. Il se pencha un peu plus sur elle et lui murmura à l’oreille en japonais: "Il n’y a eu aucun miracle ma toute belle, la seule raison pour laquelle tu es en vie, c’est que j’ai reçu l’ordre de te ramener vivante."
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Chapitre III: Jeu de dupes
C’est lorsqu’il parle en son nom que l’homme est le moins lui même. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité.
Oscar Wilde
Dans sa minuscule cellule de trois mètre sur deux, William tournait comme un lion en cage. Il se demandait ce qui le rendait le plus furieux; le fait qu’il soit en prison à la place du sniper qui avait faillit tuer Yumi, le fait que Yumi ait été enlevée par le sniper en question ou encore la perspective de passer les deux prochaines années dans un quelconque pénitencier miteux de la péninsule Malaisienne pour détention d’armes illégales. Il se demandait également si Odd, Patrick et Hervé avaient réussis à mettre la main sur l’oncle de Yumi. Il avait essayé de joindre son père, sans succès et vu qu’on était un dimanche, les employés de l’ambassade française n’avaient pas décroché non plus (ah! les bureaucrates! ), en bref, du point de vue de William, ce voyage était un fiasco complet. Il finit par s’assoir sur son étroite couchette et pris sa tête dans ses mains. Il sentait depuis le début que quelque chose irait de travers, il avait essayé de dissuader Yumi de se rendre à Singapour, mais elle était têtue comme une bourrique. Ce qui lui faisait le plus mal, c’était lorsque la jeune femme avait insinué qu’il ne souhaitait pas réellement tout mettre en œuvre pour que Aelita, Jérémie et surtout Ulrich, reviennent. Même si il aurait préféré se faire découper en tranche plutôt que de l’avouer, la suspicion de la jolie japonaise l’avait profondément blessé. Premièrement parce que ce que ce n’était pas entièrement faux, deuxièmement parce que l’espoir fou que Yumi conservait vis à vis du retour de son rival prouvait combien elle l’aimait et troisièmement parce que il était certain qu’elle ne l’avait pas regretté autant lorsque Lui avait été fait prisonnier par Xana sur Lyoko, et pourtant il y était seul et contrôlé par une I.A pourvue d’un sens de l’humour assez tordu. Et à ce moment précis, William se sentit terriblement seul et éperdument amoureux.
La porte donnant sur le couloir s’ouvrit soudainement laissant la lumière tamisée de la fin de l’après-midi s’engouffrer dans sa petite cellule sombre. Un policier entra dans l’étroit local, suivit d’une élégante silhouette, dissimulée par la semi pénombre: "Dunbar! De la visite! Beugla le flic malaisien en anglais, puis il sortit en louchant à moitié sur la visiteuse qui se tenait toute droite dans l’obscurité. Intrigué William s’avança le plus qu’il le pouvait de la visiteuse, en scrutant les ténèbres pour deviner son visage. Au bout de quelques minutes d’un silence oppressant, la silhouette s’avança dans la lumière, révélant ainsi une silhouette exquise vêtue d’un ensemble de ville hors de prix (même si il n’était pas un expert, William savait reconnaître une pièce de qualité quand il en voyait une), et le délicat visage soigneusement fardé d’Elisabeth Delmas. Comme sous l’effet d’un coup de poing, le jeune homme recula et revint s’asseoir sur son grabat. Il s’était attendu à tout mais pas à cela. Que diantre fichait Sissi hors de son appartement de Manhattan? Serait-elle venue dans le seul but de s’assurer que les tueurs qu’elle avait envoyé avaient accompli leur tâche? Les questions sans réponses se bousculaient dans la tête du pauvre William qui ne savait plus très bien où il en était. Toutefois, soucieux de ne pas perdre le peu de dignité qui lui restait (pour autant qu’il lui en resta dans ce trou infâme), il releva la tête et regarda Sissi droit dans les yeux...Et il le regretta immédiatement, il n’avait pas réalisé à quel point elle était belle; et elle ne l’ignorait pas d’ailleurs, ce qui rendait la situation encore plus délicate. Elle se rapprocha encore davantage, suffisamment près pour qu’il puisse sentir les effluves enivrantes de son parfum. Dans une tentative désespérée pour échapper au redoutable pouvoir de séduction de Sissi, William recula jusqu’au fond de sa cellule, le plus loin possible d’elle. La manœuvre n’échappa pas à Elisabeth, qui laissa fleurir son sourire le plus enjôleur sur ses lèvres pleines: avant même d’avoir prononcé la moindre parole ou présenté le moindre argument, elle avait déjà gagné. Du fond de sa cellule, William détourna les yeux afin d’éviter d’avoir à croiser son regard. Elle sut alors qu’il lui faudrait parler la première:
-Et bien William, tu ne me reconnais pas, lui demanda t’elle sans cesser de sourire, aurais-je....changé à ce point?
-Non, tu n’as pas du tout changé, répondit le jeune homme sur le même ton badin. En fait, tu es toujours aussi...vénéneuse.
-Vénéneuse, vraiment? Je crois que la proposition que je vais te soumettre te feras changer d’avis, reprit Elisabeth en souriant de plus belle.
-Je demande à voir, rétorqua William.
-Bien, continua Sissi, je t’offre de retourner en France sans plus te soucier de ta mésaventure à l’aéroport. Tu retourne voir tes parents et tu ne te mêleras jamais plus de mes affaires. Ainsi tu éviteras une longue et douloureuse procédure en justice dans ce pays plus corrompu que tu ne l’imagine, sans compter les dix prochaines années que tu passeras en prison... pour terrorisme. Ne suis-je pas généreuse. La menace à peine voilée n’échappa pas à William. Accepter eût sans doute été la meilleure chose à faire, mais il ne pouvait pas.
-Qu’est ce que ça cache? Je veux dire, tu envoie des tueurs à gages nous faire la peau, tu fais enlever Yumi et maintenant tu nous offre ton infinie mansuétude, mais à quoi joue-tu? William était blême de rage, le souvenir de Yumi couverte de sang lui revint en mémoire. Elisabeth accusa le coup, son sourire avait disparu.
-Je n’ai pas fait enlever Yumi, dit-elle d’un ton glacé, je n’en saurais que faire. Mais je sais qui l’a enlevée, ajouta t’elle.
-Qui l’a enlevé, Sissi? ce n’était pas une demande mais une prière, Elizabeth avait à nouveau le contrôle de la situation.
-Si je te dis ce que tu veux savoir, reconsidèreras-tu mon offre? demanda t’elle d’une voix douce.
-Elizabeth, lui répondit-il, personnellement je ne demande rien de mieux que de partir de ce pays de fous et de laisser à quelqu’un d’un peu moins usé que moi le soin de mettre le nez dans tes petites affaires avec Xana.
-Certes, répliqua la jeune femme avec un sourire perfide, quoi de mieux en effet que de convoler avec la femme que tu aimes sans plus te soucier de ton rival, disons...définitivement absent. William devint blanc de rage, Sissi savait très bien comment lui faire mal. Il avait eu le malheur de la sous-estimer alors qu’il la savait redoutable sur ce terrain.
-Et toi donc, ma chère Sissi, combien de temps compte tu garder ton Ulrich comme un bel oiseau en cage? Peut-être que les dix ans à venir seront suffisant pour apaiser ta frustration? En la voyant pâlir sous son fard, William sut qu’il avait marqué un point. Toutefois Sissi n’avait pas dit son dernier mot. Elle s’approcha de lui et lui murmura à l’oreille:
-Ne joue pas avec moi William, j’ai passé l’âge. Sache que Xana a déjà signé votre arrêt de mort et que je suis la dernière chose entre vous et une balle de calibre douze. Il est peut-être temps pour vous de vous réveiller les enfants, il n’y a plus de jeu vidéo, ni de monde virtuel et certainement pas de retour vers le passé. Ici tout est bien réel et personne n’a de seconde chance. Les mains blanches de Sissi se crispèrent un peu plus fort sur les barreaux de sa cellule.
Je ne suis pas une meurtrière, William, reprit-elle, et je n’ai aucune envie d’avoir ton sang sur la conscience ni celui des autres d’ailleurs. Mais ce n’est pas le cas de Xana, lui il n’aura aucun scrupule à vous expédier outre. Alors soit tu te ranges à mes côtés pour sauver tes amis, soit je laisse Xana faire de toi ce qu’il jugera bon.
William s’assit et respira un bon coup. Il n’avait encore jamais osé envisager les choses sous cet angle, mais Sissi avait raison.
-Voilà ce que je te propose reprit cette dernière. Je vais te faire sortir d’ici et nous allons retrouver Yumi et les autres, ensuite vous reprenez le premier vol en direction de Paris et je n’entends plus parler de vous.
En ce qui concerne les autres, Jérémie Belpois, Aelita et Franz Hopper sont bien trop dangereux pour ma sécurité pour que je les libère maintenant. Quand à Ulrich, elle eût presque un rire, tu seras le premier à te réjouir de ne pas le trouver dans tes pattes je pense. Pour le reste personne d’autre que nous n’a besoin de connaître notre petit arrangement. Tu es le leader de cette équipe, je suis certaine que tu sauras faire entendre raison aux autres.
Le jeune homme réfléchit: c’était malgré tout une proposition en or, il fallait bien le reconnaître. Et pour l’instant, Yumi risquait peut-être sa vie en ce moment même aussi lui fallait il agir rapidement.
-Très bien Elisabeth tu as gagné j’accepte, laissa t-il tomber finalement. Pendant une seconde il crut entendre son interlocutrice soupirer de soulagement. Il en fut surpris car jusqu’à maintenant il ne pensait pas qu’Elisabeth puisse avoir des sentiments aussi bien disposées à leur égard. Bien, et maintenant si tu me disais ce que je veux savoir, Sissi demanda William.
Le jeune homme croisa le regard froid d’Elisabeth, quelle était cette lueur au fond de ses yeux? Du dépit, de la tristesse ou de la haine? Il n’aurait su le dire, mais il commençait à connaître suffisamment les femmes pour savoir qu’une créature de cette espèce n’est jamais indifférente au fait d’être dépréciée au profit d’une autre. Mais la jeune femme se ressaisit bien vite et exposa en peu de mot à William, la situation quelque peu complexe où il se trouvait.
"Il y a deux ans, commença Elisabeth, ta chère Yumi a pris contact avec son oncle, le professeur Azuka; dans le but, je suppose, d’obtenir son aide. Peut-être aurait elle dû se soucier de savoir pour qui travaillait son parent avant de se laisser aller à faire des confidences: car..il se trouve que son oncle Azuka travaille, ou plutôt travaillait pour la Beiring."
Elisabeth marqua une pause, William ne l’avait pas quitté des yeux, et le fait de le voir si attentif aux mots qui pouvaient sortir de sa bouche ne lui déplaisait pas. Mais elle se re-concentra aussitôt sur son récit.
"Je suppose que tu ne sais rien de précis sur la Beiring, n’est ce pas? demanda Elisabeth. William hocha négativement la tête, elle reprit avec un sourire: La Beiring est une entreprise d’import-export, du moins c’est ce qu’elle prétend; mais en fait cette boite blanchit l’argent de la mafia locale depuis près d’un demi-siècle. Cela représente beaucoup d’argent, énormément d’argent....la jeune femme posa sur William un regard sombre, comme si la simple évocation de ce mot lui rappelait de funestes souvenirs.
Mais pour en revenir au professeur Azuka, ce brillant génie semble ne pas avoir suffisamment tenu sa langue, et certains membres de la Beiring ont appris l’existence de la technologie développée par Franz Hopper. Parmi ces personnes, une en particulier a retenu mon attention: Ishiro Daouji, un japonais engagé par la Beiring comme ingénieur en chef du secteur recherche & développement. Il faut savoir que cet ingénieur n’est pas venu à Singapour par hasard, il a fuit le Japon pour avoir eu...disons...un différent avec un des chefs de gang Yakusa. Je suppose qu’il a commencé à divulguer des informations sur le supercalculateur afin de se racheter aux yeux sa Némesis. Enfin, toujours est-il que les Yakusas ont fait enlever le professeur Azuka. Ce sont eux qui ont tendu un piège à Yumi, et qui l’ont capturé afin d’avoir un moyen de pression sur son oncle. "
William fixa Sissi pendant un long moment en silence: "-Qu’est ce qui me dit que tu ne te moque pas de moi?" lui demanda t’il. La jeune femme se redressa et le toisa d’un œil méprisant. "Absolument rien, lui répondit-elle, tu n’as que ma parole et si cela ne te suffit pas je ne peux rien pour toi." Sur ce elle tourna les talons et se dirigea vers la porte. William eut une bouffée de panique, il était en train de faire fuir la seule personne susceptible de le renseigner sur le guêpier dans lequel il s’était fourré. Cependant, au moment de poser sa main sur la poignée de la porte, Sissi se figea et lui dit encore: "Je vais te faire sortir d’ici que tu le veuille ou non... tu n’as pas besoin de me remercier car ce n’est pas pour toi que je le fais." Elle ne l’avait pas regardé en disant cela, elle s’était contentée de fixer la porte. William eu presque pitié d’elle à ce moment précis, mais une pitié teinté de mépris. " Je suppose que tu le fais pour ne pas détourner la tête quand tu croise ton joli petit minois dans un miroir alors?" répondit-il avec un cynisme presque palpable. Ces mots firent l’effet d’un coup de fouet, la jeune femme se cabra comme si on l’avait frappé. Elle se retourna lentement les yeux luisant de haine, "prend garde de ne jamais te mordre la langue, tu risquerais d’en mourir, siffla t’elle entre ses dents. A moins que le reflet de ta pitoyable existence ne te pousse à te tirer une balle dans la tête avant. " Ils se fixèrent un long moment, échangeant en un seul regard bien plus que les mots auraient jamais pu exprimer. Mais William ne comprit pas ce que les yeux de Sissi semblaient lui dire. Il y lisait un mélange de dépit et de tristesse, de douleur et de haine qui réveillait en lui un pénible sentiment d’abandon. Mais cette fugitive impression se dissipa comme la brume du matin, et le temps qu’Elisabeth franchisse le seuil de la porte, elle avait disparu.
Sissi quitta le local de détention d’un pas vif, décidée à ne pas revenir en arrière. Ses deux gardes du corps postés de part et d’autre de la porte lui emboîtèrent le pas d’une manière tellement naturelle, qu’on aurait pu penser que les deux gorilles faisaient partie de la garde robe de la jeune femme. Lorsqu’elle traversa le commissariat, tout les hommes présent dans la pièce se retournèrent sur son passage; belle, brune, magnifique distante et le regard un peu absent, Sissi laissait errer sur son visage un sourire qui n’était que de commande le sourire qu’une femme seule et sans amour se doit de porter pour les hommes qui la dévore du regard. Cette morte sans tombeau trompait ses jours trop longs par des occupations inutiles, collectionnait les bijoux et les œuvres d’art et c’était là tout l’intérêt qui lui restait au monde, ou qu’elle feignait d’avoir.
Elle venait de retrouver une ombre de son passé, un passé où elle n’était pas tout à fait seule dans ce jeune homme si séduisant aux yeux sombres. Elle s’était demandée si elle saurait le séduire, lui faire oublier ce pourquoi il était venu. Eclipser de son regard la vision d’une belle jeune femme brune aux yeux en amande..mais à présent elle avait sa réponse et elle n’avait plus rien à faire en ces lieux, si ce n’est fuir pour retrouver la seule "personne" susceptible de la comprendre, à défaut de pouvoir l’aimer. Un de ses garde du corps ouvrit la porte qui donnait sur l’extérieur et la jeune femme fut éblouie par la lumière du jour. Elle sortit ses lunettes de soleil, imitée en cela par ses gardes du corps et se dirigea vers une limousine. Elle monta dans le véhicule et ordonna à ses gardes du corps de clore l’étroit volet qui séparait le siège du conducteur de celui du passager. Une fois isolée des regards indiscrets de ses gardes du corps elle fut prise d’un tremblement qui lui venait de tout le corps, de la poitrine, des jambes, du ventre, de toute cette beauté inutile; elle put enfin pleurer.
Lorsque la voiture s’arrêta devant les bureaux de "sa" holding. Ainsi pouvait-on appeler la Xanadu Corporation. Elle avait fondée la société mère à l’âge de dix-huit ans avec l’aide de Xana. C’était lui qui lui avait inspiré le nom de la holding ainsi que son logo, le même que celui qui s’était affiché sur l’écran de l’ordinateur alimenté par le super calculateur. Le Groupe Xanadu était sans conteste la plus belle réussite d’Elisabeth, il comptait 262 sociétés sans compter les filiales, lesquelles employaient environ 250 000 personnes dans 37 pays différents. A l’heure actuelle, le chiffre d’affaire s’élevait à peu près à 24 milliards de dollars. Toujours escortée de ses hommes de mains la jeune buisness-woman pénétra dans le bâtiment. Elle emprunta un des luxueux ascenseurs et monta au 21e étage de l’enceinte de ces lieux de pouvoir. Les neuf membres du conseil d’administrations tenaient "salon" une fois de plus, du moins c’est ainsi que Sissi qualifiait ces réunions passablement ennuyeuses auxquelles elle n’assistait que deux fois par mois, alors qu’il s’en tenait bien quatre. Lorsqu’elle ouvrirait la porte ils seraient tous, les "esprits servant de l’anneaux" comme elle les appelait. Ces hommes d’affaires en costard sombre à la face cireuse pour la plupart qui la considéraient comme une jolie poupée à déshabiller du coin de l’œil pendant qu’ils la noyaient sous des flots de statistiques commerciale. Ces vautours de Wall Street et de la bourse Asiatique pensaient qu’elle ne comprenait pas un traître mot de leur baratin, mais peu lui importait ce qu’ils pensaient: elle avait bien plus à gagner en se faisant passer pour une ravissante petite idiote qu’à leur prouver qu’ils n’étaient rien de plus que des vieillards bornés et libidineux. Arrivée devant la porte de la salle de conférence elle s’arrêta. Elle avait déjà rectifié son maquillage et seul un œil exercé aurait pu déceler sa récente crise de larmes, mais elle se sentait patraque, et elle ne se sentait pas le courage d’affronter ces vieux fauves de la finance. Par la porte légèrement entrebâillée, elle entendit le numéro 2 du groupe Arnold Scuito vanter son propre mérite, à défaut de celui de la holding, à ses associés:
" -Depuis l’absorption de la Hendler, la société d’assurance suisse, le Groupe X compte pas moins de 387 entreprises dans le monde, examinées de façon itinérante par 48 contrôleurs de gestion; il est primordial de se concentrer sur..."
Elle n’eut pas le courage d’en entendre davantage. Elle se disposait à s’en aller quand elle se souvint du courage qu’elle avait du rassembler la première fois qu’elle s’était retrouvée face au conseil. Ce jour là, Xana l’avait pratiquement accompagnée dans la pièce, elle se souvenait de sa maxime préférée: "Courage Elisabeth, tu es seule dans l’arène et les lions sont affamés, mais il ne faut jamais que tu oublies qu’ils ont plus à perdre que toi dans cette histoire." Cette petite phrase lui redonna un peu de courage, mais l’espace d’un instant elle souhaita ne jamais avoir fondé la Xanadu corporation, ne jamais être devenue riche, ne jamais avoir réalisé ses rêves de grandeurs, et même ne jamais avoir entendu parler de Xana.
La sonnerie d’un téléphone portable la tira de ses pensées: c’était le sien. En voyant le numéro qui s’affichait sur l’écran, Sissi s’écarta de la salle de conférence. Elle se réfugia dans un bureau vide pour prendre l’appel.
-"Moshi? Questionna une voix rauque à l’autre bout du fil. Miss Delmas, nous avons honoré notre contrat. Yumi Ishamaya a été livrée à Tsun Wo, comme convenu."
-"Bien, je vous remercie." Elisabeth, raccrocha et se dirigea vers l’ascenseur, suivie de ses deux gorilles. Il était temps de passer aux choses sérieuses.
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Chapitre IV: Pris au piège
"Il faut prendre les Renards à leur propre jeu."
Complètement démoralisés, Odd, Patrick et Hervé flânaient sans but dans les rues de la ville. Ils avaient essayé de retrouver le professeur Azuka, sans succès. Cet homme semblait s’être volatilisé sans laisser la moindre trace. Les trois jeunes gens avaient frappé à de nombreuses portes et questionnés beaucoup de monde, mais retrouver quelqu’un dans cette cité-état sans parler un traître mot de chinois, ni de mandarin, encore moins de malais ou de tamoul était une tâche ardue. A présent, Hervé, Odd et Patrick contemplait d’un œil morne le "Merlion", l’emblème de Singapour. Et une fois de plus Hervé donnait l’impression à ses compagnons d’avoir avalé le guide touristique.
"-Vous savez que Singapour signifie lion en Sanscrit? demanda le jeune intellectuel. Mais ce n’est pas à cause de l’onomastie que cette statut a été érigée. En fait cette statue mi lion mi poisson a été inventée dans les années 60 en référence à un aventurier de Sumatra qui, lorsqu’il est arrivé sur Singapour au XIVème siècle, a cru voir un lion. Il paraît d’ailleurs qu’il y a différentes répliques de cette statue, avec différentes tailles, éparpillées un peu partout à Singapour, poursuivit Hervé. Certaines sont officiellement reconnues par les Autorités de Singapour mais d’autres pas et...
-Hervé, je me demande si tu ne devrais pas te mettre au mandarin, railla Odd, avec ta mémoire tu pourrais sans doute maîtriser la langue avant la fin de la journée.
-J’ai déjà commencé mon vieux, rétorqua Hervé. D’après toi qu’est ce que je faisais tout à l’heure pendant que tu étais en train de te gaver de riz cantonais et de calamar frits? Du tricot? Il était dit que ces deux là ne pouvaient pas s’empêcher de se bouffer le nez en toute occasion, même les plus critiques. Patrick n’avait pas toujours réussi à déterminer si cette attitude désinvolte tenait de la stupidité ou de l’inconscience.
-J’sais pas, répondit le blondinet du tac au tac, mais si tu es aussi doué pour la couture que pour les langues, je crois que je peux espérer recevoir une écharpe de laine pour mon entrée en maison de retraite.
La boutade arracha un sourire à Patrick. Le jeune homme était passablement anxieux. Avant d’être mis sous les verrous, William lui avait "confié" Odd et Hervé. Mais ce n’était pas une mission de tout repos: Odd avait la fâcheuse manie de passer ses nerfs sur Hervé qui n’était pas très endurant. Avec son Q.I exceptionnel, ce dernier leur avait été d’une aide précieuse: il pouvait craquer la plupart des codes de sécurité informatique et sa mémoire était extraordinaire. Mais cependant il lui manquait le génie créatif des Hoppers. Soudain, le jeune homme tourna la tête; il se sentait observé. Pourtant mis à part les badauds qui miraient le jet d’eau que crachait la sculpture hybride, il ne voyait rien d’anormal. Brusquement il le vit, de l’autre côté de la place, le 4x4 noir qui les suivait depuis le buisness district. Il se souvenait clairement avoir déjà vu cette voiture sur le "Boat Quay". Il avait remarqué ce véhicule qui stationnait non loin du petit restaurant où ils avaient pris leur dernier repas, au pied des tours du business District. En effet, le Boat Quai n’est aitre qu’une charmante ruelle au bord de l’eau, qui sert de cantine aux buisnessmen et autres employés du quartier des affaires de Singapour. C’est également le lieu de restauration incontournable pour le touriste le soir.
Patrick hésitait à mettre ses compagnons au courant du fait qu’ils étaient surveillés. Mais il était inquiet: ils n’avaient toujours pas trouvé d’endroit ou passer la nuit et celle-ci n’allait pas tarder à tomber. Si l’occupant du mystérieux véhicule attendait la tombée de la nuit pour les expédier par le fond, ils se devaient d’être prêts à le recevoir.
Le petit groupe quitta la place bondée de touristes en tout genre et se dirigea vers le sud. Ils ne savaient pas précisément où ils se rendaient, mais la surveillance du passager du 4x4 mettait Belpois mal à l’aise, et la seule chose qu’il était réellement en mesure de faire était de quitter les lieux. Le petit groupe emprunta une passerelle et se dirigea vers les vieux quartiers. Cela semblait le chemin le plus court pour retourner dans le centre ville. Ils longèrent des espaces verts et de grands axes routiers encombrés de véhicules de toutes sortes, perdus dans leurs pensées respectives sans vraiment se soucier de savoir où ils allaient. Quand ils songèrent à s’en inquiéter ils ne reconnurent plus rien. Le quartier où il se trouvait leur était entièrement inconnu et de toute évidence assez mal famé. Un sentiment étrange leurs monta au cœur simultanément: en voulant échapper au renard, ils venaient de se jeter dans la gueule du loup.
A ce moment, Patrick Belpois regretta de ne pas être armé. Il n’aimait pas les armes à feu, mais il aimait encore moins le parfum de traquenard qui flottait autour d’eux et dont l’odeur ne les avait pas quittés depuis leur arrivée à Singapour. Pourtant, William et lui s’étaient préparés à une arrivée mouvementée: ils avaient passés leurs dernières vacances dans un camp d’entraînement paramilitaire où ils s’étaient "aguerris"; à présent même Jim Moralès n’avait plus rien à leur apprendre sur l’autodéfense. Cependant jusqu’à ce matin, Patrick ne croyait pas vraiment que Xana s’en prendrait à eux: au plus il pensait que William était légèrement paranoïaque et que Yumi avait besoin d’un bon psy. Mais les récents évènements lui avait permis de voir la réalité en face: ils était bel et bien en danger de mort, et le fait que Yumi en ait réchappé tenait tout bonnement du miracle. Si Odd ne lui avait pas tendu la cannette il serait peut-être en train de conduire ses funérailles à l’heure actuelle. Toutefois, le jeune homme avait quand même du mal à croire qu’un tueur à gages professionnel puisse être mis en échec par un cylindre en alu de cinq centimètres de diamètres, où bien alors que la vie ne puisse tenir qu’à une simple boîte de conserve? Le jeune Belpois avait cependant la conviction que quelque chose lui échappait, quelque chose de très important...
Triiiiiiiiiiiiiiiiiiii.....
Le 4x4 surgit devant eux comme dans un cauchemar, leur coupa la route, et fonça sur eux en manquant de peu de les écraser. Par pur réflexe, Patrick se jeta sur le côté et se coucha à plat ventre, juste à temps: un des occupant du véhicule sortit de la voiture en brandissant une mitraillette et commença à tirer. De son côté, Odd avait saisi Hervé par l’épaule et projeté derrière une pile de boite en carton entassées au coin d’une ruelle.
L’homme à la mitraillette s’avança lentement vers Patrick qui n’avait pas remué d’un pouce depuis le début de l’attaque: il valait mieux que ses agresseurs le croient mort. Mais cette feinte risquait de ne pas fonctionner très longtemps, car l’homme qui venait vers lui avait visiblement pour mission de vérifier qu’il avait bien passé l’arme à gauche. Il s’approcha du jeune homme doucement, et avec le canon de son arme entreprit de soulever suffisamment son épaule pour le retourner. Patrick saisi un couteau de chasse dans la poche avant de son jean et se prépara à vendre chèrement sa peau. Cela dit, avec le canon d’une arme automatique braqué sur sa poitrine, il serait mort avant d’avoir pu dire ouf: il lui fallait un autre plan. C’est alors qu’Hervé lui sauva la vie: il fit la chose la plus stupide à faire, la dernière chose qu’aucune personne censée dans sa situation n’aurait faite. Il jaillit de derrière ses cartons comme un diablotin à ressort et insulta généreusement ses assaillants. Surpris, l’homme à la mitraillette se retourna et sans s’intéresser davantage au jeune homme étendu à ses pieds, s’avança vers Hervé qui gesticulait de plus belle. Le conducteur sortit à son tour pour contempler le spectacle imprévu qui s’offrait aux deux truands. Patrick choisit ce moment pour relever discrètement la tête et faire un relevé de l’état des lieux. L’homme à la mitraillette était encore proche de lui, à une dizaine de mètres au plus, mais il lui tournait le dos. Il ne bougeait plus, il concentrait toute son attention sur Hervé qui hurlait à plein poumons.
Patrick ne se rappellerait jamais s’il avait pris consciemment une décision, ou si une fois de plus ses réflexes avaient pris le dessus. Il se releva comme un chat, les yeux fixés sur son objectif-le creux des reins de l’homme-exactement comme on le lui avait appris à l’entraînement. Il ne lui fallut que quelque secondes pour couvrir la distance qui le séparait de son assaillant. A un mètre cinquante, il abaissa son épaule et plongea vers les jambes pour un placage. Son entraîneur aurait été fier. Le placage par l’angle mort réussit à la perfection: le dos de l’homme s’arqua et Belpois entendit des os craquer alors que sa victime tombait à plat ventre. Patrick se releva instantanément et s’empara de l’arme de son mystérieux agresseur. Pendant une fraction de seconde il hésita à tirer sur l’homme étendu sur la chaussée. Il semblait inconscient-plus que lui en tout cas-mais il ne pouvait pas se permettre d’être attaqué par derrière par ce type pendant qu’il allait affronterai l’autre tueur à gages. Le jeune ferma les yeux et appuya sur la gâchette.
C’était au tour de l’autre homme de hurler comme un cochon qu’on égorge. Il visa Patrick et tira une rafale de balle, ce dernier plongea derrière une voiture pour se mettre à couvert. Son épaule gauche lui faisait mal, mais il n’avait pas le temps de s’en soucier. C’est alors qu’un projectile frappa le tireur en pleine tête; il s’agissait d’une bouteille en verre, ou quelque chose comme ça. Le visage couvert de sang, il chercha à savoir d’où venait la bouteille. Patrick s’accroupit pour jeter un coup d’œil derrière la carrosserie. Le jeune homme respira profondément et se détacha de la voiture qui le protégeait des balles en braquant son automatique sur le torse du conducteur du 4x4. Le tueur tourna la tête et ramena son bras armé. Tout deux tirèrent en même temps. Une éternité s’écoula avant que Patrick ait le courage de relever la tête. Le conducteur de la voiture gisait à terre; la tête baignant dans une mare de sang.
L’adrénaline reflua aussi vite qu’elle était venue. Patrick se sentit pris de vertiges et de nausées: alors qu’à la seconde précédente il se sentait près à défier le monde, la force qui le rendait capable du pire l’abandonnait, le laissant au bord de l’effondrement. C’est à peine s’il sentit Odd l’attraper par le bras et le traîner dans la voiture de leurs agresseurs. Il vit Hervé ouvrir la portière et s’engouffrer dans la voiture, mais il n’entendit ni la portière se fermer, ni la voiture démarrer en trombe. Il ne sentit pas Hervé lui retirer la mitraillette des mains, ou lui attacher sa ceinture de sécurité. La seule chose qu’il ressentit fut une douleur lancinante dans son épaule gauche, et tout devint noir.
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