Dernière édition le 28 mai 2005
Chapitre 1
Programmes
« Voici que je vais envoyer un ange devant toi, pour qu'il veille sur toi en chemin et te mène au lieu que je t'ai fixé. »
Exode 23-20
Dans la Grèce antique, un penseur présocratique du nom d’Héraclite inventa la notion d’atome. Par atome, il entendait la plus petite partie que l’on puisse obtenir en découpant un objet, c’est-à-dire le constituant insécable. Cette pensée atomiste resta une théorie, pendant plus de deux milliers d’années. C’est en 1903 que Joseph John Thomson, directeur du Cavendish Laboratory de Cambridge, découvrit que l’atome est en réalité un noyau entouré de particules : les électrons. Alors que l’on croyait toucher enfin au constitutif fondamental de la matière, on découvrit un nouveau continent à explorer : le monde quantique. Le vingtième siècle fut l’occasion de maintes recherches et de découvertes, laissant espérer une technologie quantique. Pour exemple, rappelons qu’en 1998 des démonstrations de téléportation quantique furent réalisés par divers laboratoires.
Au début des années 80, le physicien Richard Feyman émit l’hypothèse d’un ordinateur utilisant les propriétés quantiques des atomes. Alors qu’un ordinateur normal utilise pour ses calculs deux états appelés un et zéro (une logique binaire) l’ordinateur quantique pourrait utiliser les trente-deux états de l’électron. Cette machine extraordinaire aurait été dotée d’une puissance phénoménale dépassant tout ce qu ’on peut imaginer. Malheureusement, on ne voyait pas comment construire une telle machine et le projet fut abandonné.
Et pourtant...
Un tel ordinateur fut construit.
Dans un continent baptisé Europe par les humains, il y avait un pays : la France. Nation des droits de l’homme, de la galanterie et du champagne, elle possédait une fort jolie capitale qui attirait de nombreux touristes de par le monde. Dans l’un des quartiers abandonnés de Paris, sur une petite île artificielle reliée à la rive par une fragile passerelle métallique, se dressait une veille usine. Officiellement, elle avait servi une multinationale en produisant des automobiles pendant vingt longues années. Puis, suite à une délocalisation, l’usine fut fermée et le bâtiment abandonné. Etrangement, personne ne songea à racheter le tout. Même les dealers et autres malfrats évitaient soigneusement de venir en ce lieu car tous les parisiens disaient de cette usine qu’elle était hantée. Quelques rares téméraires s’étaient risqués à l’explorer et avaient mystérieusement disparu.
Si vous-même étiez entré dans cette usine lugubre, vous auriez vu ce qu’on s’attend à y voir : des poutrelles métalliques attaquées par la rouille, des débris chromés éparpillés sur le sol, des amas de poussières peu engageantes, quelques cordes attachées au plafond, des kilomètres de câbles électriques...Si vous concluiez qu’il n’y a là rien d’extraordinaire, vous pourriez revenir sur vos pas. Mais si votre curiosité vous poussait à avancer ? Les lieux dégagent une atmosphère glaciale et inquiétante. Pas une âme à l’horizon. Même les rats ont déserté les environs. Un étrange sentiment pourrait comprimer votre poitrine tandis que vous respirez cet air étrange aux relents d’essence et d’huile de moteur. Pourtant vous avancez. Vous attrapez l’une des cordes qui se balance dans le vide et vous glissez jusqu’au sol. Vous faîtes quelques pas, zigzaguant entre les amas de ferraille, en vous demandant ce que vous faîtes là. Un détail attire votre attention. Là-bas, une sorte de cabane métallique semble encore animée de vie. En vous approchant, vous constatez qu’il s’agit d’un monte-charge. Les clignotants lumineux sont verts, ce qui signifie que cette machine est encore alimentée en électricité. Il suffit d’enfoncer un gros bouton rouge pour descendre dans les tréfonds de l’usine. Si vous souhaitez laisser là toute cette histoire, c’est votre dernière chance. Filez pendant qu’il en est encore temps, ou appuyer sur le bouton rouge.
Ca y est, c’est fait. Le monte-charge se met en branle tranquillement, presque sans bruit, à croire qu’il est encore entretenu. En explorant les différents sous-sols de l’usine vous pourriez découvrir bien des choses étranges. Une gigantesque projection holographique d’un monde virtuel dans une salle. Une pièce occupée par trois étranges cabines, où tant de gens se sont évaporés. Des couloirs plus souvent empruntés par d’immenses câbles électriques que par des êtres humains. Mais le plus étrange se trouve au plus profond de l’usine. Descendez tout en bas, là où brûle un feu infernal qui menace notre terre.
Si vous arriviez jusque-là, vous verriez alors la plus puissante machine de ce monde : l’ordinateur quantique. Qui l’a construit ? Un savant fou ? Les services secrets français ? Un groupe de terroristes fanatiques ? Des scientifiques alter-mondialistes ? Un mécano pendant sa pause déjeuner ? Peu importe. L’important c’est que l’ordinateur est là. On l’appelle quelquefois « supercalculateur » car c’est un super calculateur. Jusque là, rien de bien surprenant si ce n’est que cette machine prodigieuse a créé un monde virtuel, presque aussi complexe que le nôtre. Cet autre univers se nomme LYOKO.
Il s’agit en quelque sorte du programme d’exploitation, comme le Windows de votre PC. Ce système ne souffre d’aucun bug, il ne vous demande jamais de relancer la machine ou de libérer de la mémoire sous le prétexte bidon que vous avez effectué une mauvaise manipulation. Ce programme est le Graal des informaticiens, une architecture électronique parfaite bâtie sur des théorèmes mathématiques éternels. Pour répondre à différentes fonctions, le système d’exploitation est fourni avec plusieurs programmes principaux. L’un d’eux, surnommé affectueusement Xana, pose problème.
Xana a des loisirs très particuliers. Il n’aime pas skier, regarder le football à la télé ou vider des chopes de bière. Il n’aime pas les jeux vidéo, les films d’action américain ou les filles légèrement vêtues. Il n’aime pas les histoires d’amour, les fleurs, les parfums onéreux ou aller chez le coiffeur. Il n’aime ni les pizzas, ni les collections de timbres ni les philosophes français de l’âge classique. En fait, la grande passion de ce programme c’est l’anéantissement de l’humanité. Son rêve est de massacrer les humains, les occire, les éradiquer, les faire disparaître. Il voudrait les découper en rondelles, les cuire dans une immense marmite, les noyer dans un seau géant, les affamer, les étrangler, les disséquer, les écarteler, les transformer en tas de gelée tremblotante et, juste pour le fun, faire une partie de tetris géant avec les cadavres.
Si Xana existe c’est probablement pour une bonne raison. Laquelle ? Je ne sais pas. Les humains meurent tous, la nature est ainsi faîte et un programme meurtrier peut nous paraître inutile, voire superflus. Quoiqu’il en soit, Xana existe. Et ce logiciel psychopathe passe son temps à comploter contre l’humanité. Tel un Lucifer des temps modernes, il s’est auto-proclamé ennemi de l’Homme et consacre tous ses efforts à le faire chuter.
Le premier problème avec Xana, c’est qu’on a pas trouvé la touche qui permettrait de le désinstaller. Le second problème c’est que ledit programme est capable d’agir dans notre monde. S’il n’était qu’une simple application enfermée dans un monde virtuel, il n’y aurait aucune raison de s’inquiéter, Xana serait aussi inoffensif que le super boss d’un jeu vidéo qu’on peut réduire au silence en éteignant la console.
Dans Lyoko, il existe des tours. Ces bâtisses virtuelles sommaires sont en réalité des structures informatiques complexes qui peuvent communiquer avec l’extérieur du système d’exploitation. Les tours contiennent l’équivalent de super-drivers des périphériques de l’ordinateur quantique. Vous avez une tour pour l’imprimante, une pour les haut-parleurs, une pour le scanner, une pour la machine à café, une pour la connexion haut débit avec Internet, etc.
Afin de détruire le monde, il suffit à Xana d’infecter une tour. Disposant d’un point de contact avec l’extérieur, le programme peut déclencher un paquet de catastrophes dans notre monde. C’est très gênant.
Heureusement pour nous, il existe un gentil programme nommé AELITA. Dans le monde virtuel, elle a l’apparence d’une jeune fille vêtue de manière étrange, arborant une tenue rouge et verte. Cette application a des cheveux roses et une boucle d’oreille. Sa tête est quelque peu polygonale et dans l’ensemble son corps n’a rien à voir avec les créatures virtuelles inventées par des programmeurs libidineux en manque de filles.
Aelita est une sorte de système de contrôle chargée de veiller sur Lyoko. Elle a la capacité de créer des lignes de programmation dans le monde virtuel, de scanner les banques de données, de débuguer les erreurs et, surtout, la capacité de reloader tout le système (effaçant ainsi les méfaits de Xana).
Pour détruire cette Aelita, le méchant programme a généré des sous-programmes combatifs chargés de la supprimer. Xana a ainsi créé plusieurs types de monstres plus monstrueux les uns que les autres (en fait, ils font pas peur mais je dis ça pour rajouter de la tension dramatique) : des cancrelats hideux comme des cafards, des blocks qui ressemblent à des blocs, des frolions ailés, des Krabes rouges et des mega-tanks copiés sur les droïdekas de Star Wars.
Seulement, pour transférer les programmes de monstre et les matérialiser dans le monde virtuel, Xana a besoin d’un sous-programme. TRAINMAN est son infâme serviteur. Il conduit les trains de données depuis le site de programmation jusqu’à leur point de réalisation. Naviguant à travers les mémoires du supercalculateur, ce vil programme fait transiter les monstres, les faisant passer du statut d’idée à celui de réalité. Trainman est le point de passage entre les courants électriques du monde réel et leur représentation dans le monde virtuel.
***
Ce jour-là, Trainman tournait à plein régime. Depuis des heures, Xana lui intimait de générer un maximum de monstres. Jamais il n’en avait demandé autant. Depuis des mois, Aelita résistait aux assauts répétés des monstres et selon Xana ce problème avait une explication mathématique élémentaire : on envoyait pas assez d’éléments.
Plutôt que d’inventer une stratégie particulièrement brillante, basée sur une fine psychologie et de fins calculs statistiques, le programme psychopathe avait opté pour la solution de base : noyer l’adversaire sous le nombre d’assaillants. L’histoire regorge de batailles historiques où des génies (tel que Napoléon) ont réussi à remporter la victoire malgré l’infériorité numérique. Mais ce genre de cas reste minoritaire. En général, c’est la plus grosse armée qui l’emporte.
Et ce jour-là, l’expression « grosse armée » était un doux euphémisme. Les trains de données débarquaient en masse. Des dizaines et des dizaines de monstres apparaissaient peu à peu. Des barges de débarquement pleines à craquer se matérialisaient ici et là. Des nuages de créatures ailées commençaient à emplir le ciel (coloré artificiellement en gris-mauve).
La masse d’information circulant entre le monde réel et le monde virtuel était telle que Trainman ne prit pas le temps de vérifier toutes les données qu’il téléchargeait. Il chargea une ligne de code pirate, en même temps que le programme de colorisation, et ne s’en rendit pas compte. Dans les millions de megaoctets qu’il charriait, le programme ne réalisa pas la présence d’un clandestin. A chaque transit, de nouvelles données venaient s’ajouter au train informatique et rejoignaient, en douce, le monde virtuel.
Dans Lyoko, plusieurs centaines de créatures s’étaient matérialisées. Au milieu de cette foule d’êtres hétéroclites, personne ne remarqua un tourbillon de pixels verts. Les données pirates, acheminées par petits paquets, étaient en train de rassembler. Les lignes de code se rattachèrent, réactivant l’unité centrale, dans un kaléidoscope lumineux. Les millions de particules lumineuses se rejoignirent selon un ordre agencé pour faire progressivement apparaître des polygones. Les structures géométriques simples se rassemblèrent peu à peu pour constituer une structure complexe.
Dans un lieu désert, entouré par des roches inanimées, le programme Séraphin se matérialisa.
Il regarda autour de lui, avec un air hébété. N’ayant jamais « vu » de ses propres yeux le monde virtuel de Lyoko il ne pouvait pas affirmer (à 100%) avoir réussi.
***
Un trait de feu.
Baptisé « laser », le projectile meurtrier continua sa course et heurta un rocher virtuel. La structure informatique réagit contre cette agression. Les pixels destinés au remplissage du mini-programme « rocher » furent désactivés, laissant entrevoir la structure de l’objet.
Le trait de feu n’avait blessé personne. Pas de quoi en faire un plat.
Pourtant, il était pareil à la première sauterelle. Vous voyez arriver un insecte isolé. Vous vous dîtes qu’il s’agit là d’une insignifiante créature, que vous pourriez écraser sous le talon de votre botte (ou de vos baskets, chacun son style). Mais quand vous verrez débarquer une nuée de sauterelles, vous éprouverez un doute. Et quand le nuage d’insectes assassins aura emporté votre récolte, il ne vous restera que le désespoir.
Ce trait de feu n’était que le prélude à l’Apocalypse. Il fut rapidement suivi par une foule de ses congénères. Ce fut un déluge pyrotechnique qui déferla subitement dans Lyoko. Les projectiles mortels étaient dirigés vers un innocent programme : Aelita. Elle vit avec horreur les messagers de la mort fuser vers elle...et avec joie se dresser une silhouette devant elle.
Ulrich, jeune garçon brun vêtu comme un samouraï leva son katana devant lui. Tel un jedi, secondé de la force, il dévia les lasers meurtriers avec son arme. C’était un être humain, comme vous et moi, mais dans le monde virtuel il apparaissait sous la forme d’un amas de polygones (comme dans les jeux vidéo des années 2000) et acquerrait de nouveaux pouvoirs tels que l’art du combat.
« _ Ne reste pas là Aelita, invectiva le jeune homme, sur un ton qui ne laissait guère place à la discussion.
La jeune fille voulut courir mais elle ne fit pas trois pas que, déjà, un autre groupe d’assaillants fondait sur elle.
Les créatures étaient hideuses et sans intérêt esthétique. Il s’agissait là de blocks. Ces créatures avaient été baptisé ainsi car elles ressemblaient à de gros blocs, cubiques. La structure de la créature reposait sur un socle capable de se déplacer à l’aide de six pattes arachnoïdes. Sur quatre des six faces du bloc, on pouvait apercevoir une sorte d’œil sur lequel on avait peint un étrange symbole. Cette petite de décoration n’avait aucun but esthétique puisqu’il s’agissait de l’emplacement du canon laser (et accessoirement du point faible de la créature).
Voyant qu’elle était cernée de toutes parts, Aelita se mit à courir vers le bord de la plate-forme et sauta dans la vide. Elle atterrit quelques mètres en contre-bas sur une autre plate-forme rocheuse qui se déplaçait dans les airs, tel un nuage solidifié porté par les vents.
Là-haut, Ulrich laissa échapper quelques jurons (destinés aux adversaires). Tandis qu’il déviait un laser vers un block (le faisant ainsi exploser en milliers de pixels) le samouraï s’exclama : _ Jérémie ! Où est passée Aelita ?
Le Jérémie en question se trouvait être un garçon humain, aux courts cheveux blonds, portant une paire de lunettes. Il se trouvait actuellement dans le monde réel, assis derrière une multitude d’écrans, en train de surveiller la progression de ses camarades.
_ Elle est descendue sur une autre plate-forme. Elle est hors de danger pour l’instant mais elle dérive vers l’ouest là où se trouvent...
_ Yumi et Odd ! coupa Ulrich. Dis-leur de la surveiller.
_ Oui, s’ils ne sont pas trop occupés.
Dans le monde virtuel, à quelques dizaines de mètres de là, deux autres humains essayaient d’endiguer l’avancée d’une armée de monstres.
L’un des résistants ressemblait étrangement à un félin de par ses pattes et à un super guerrier de DragonBall Z de par sa coiffure hérissée de cheveux blonds. Il opéra rapidement un zig-zag puis exécuta un saut périlleux pour échapper à une salve de lasers. Avant même de toucher le sol, il s’était mis en position de tir, le bras tendu en avant, vers le premier block venu.
_ Flèche laser ! lança-t-il en même temps que son projectile explosif.
Quand Odd toucha le sol, les débris du block finissaient de retomber. La créature fut automatiquement remplacée par deux autres qui s’engagèrent dans le corridor rocheux.
_ Eh ben ! Ils ont mangé du lion ce matin ! dit Odd, son optimisme à peine entamé par les hordes de monstres.
Les guerriers humains ne pouvaient pas le voir mais, tout autour d’eux, dans le territoire « Montagne » des centaines de créatures affluaient pour les affronter. Des dizaines et des dizaines de blocks patrouillaient sur tous les chemins possibles pour bloquer toutes les voies d’accès.
Trois d’entre eux virent passer la plate-forme mouvante sur laquelle Aelita avait trouvé refuge. Les trois créatures la suivirent de loin, attendant un moment où elle se rapprocherait de la corniche.
Quand les blocks jugèrent que leur cible étaient à portée, ils accélèrent subitement et, profitant de leur élan, sautèrent dans le vide. Les trois programmes combatifs atterrirent sur le plate-forme. Aelita, prise au dépourvue, fit volte-face en laissant échapper un crise de surprise.
Le rocher sur lequel elle se trouvait mesurait approximativement dix mètres de long pour un seul de large. Les blocks se trouvaient à l’autre extrémité. Il n’y avait aucune issue possible.
_ Aelita est prise au piège avec 3 blocks !! réalisa subitement Jérémie.
Il s’en voulut de ne pas avoir remarqué cette manœuvre plus tôt mais le nombre de signaux sur les écrans était tel qu’il ne pouvait pas tout surveiller.
_ Yumi, Odd !! Faîtes quelque chose !! ajouta-t-il, paniqué.
_ Je fais quelque chose !! répliqua le garçon-félin qui enchaînait les salto-arrière pour éviter des lasers meurtriers.
L’autre résistante comprit qu’elle était la seule à pouvoir agir.
_ J’y vais !!
Elle courut et sauta dans le vide. La plate-forme d’Aelita se trouvait à trente mètres du rebord, un être humain normal n’aurait jamais pu y arriver. Pour cette raison, Yumi s’aida de son pouvoir de télékinésie, pour planer, et se posa juste à temps.
Aelita terrifiée, fut immédiatement rassurée par l’arrivée de son amie, virtualisée sous la forme d’une geisha au visage fardé de blanc. Yumi sortit un éventail et s’en servit pour parer les tirs qui fusaient sur elle.
Le plus avancé des blocks fit quelques pas dans sa direction. Il espérait sans doute ajuster ses tirs. Yumi comprit qu’elle ne pourrait pas tenir sur la défensive pendant longtemps. Elle lança son éventail en avant, ce dernier prit la forme d’une scie circulaire et alla frapper la créature. Le block tranché en deux explosa.
Ses deux compères profitèrent du court laps de temps où Yumi était désarmée. Les monstres ouvrirent un feu nourri sur la jeune humaine. Ils la mitraillèrent de lasers jusqu’à ce que ses pixels soient éparpillés aux quatre coins du territoire.
La mort dans le monde virtuel signifiait pour l’humaine une re-matérialisation dans le monde réel. En revanche, pour Aelita une mort virtuelle équivalait à une mort totale.
En voyant les deux blocks approcher, l’application sentit que l’heure de la désinstallation allait bientôt sonner.
Devant son ordinateur, Jérémie vitupérait vivement.
_ Vite !! Dépêchez-vous !! Je vous dis qu’elle est seule !! Elle ne peut pas s’échapper !!
Ses mains agrippèrent le clavier et il serra de toutes ses forces. Il enrageait de ne rien pouvoir faire. Depuis sa chaise, il ne pouvait qu’assister à l’inévitable.
Le long de la falaise, Ulrich courait, à en perdre haleine, mais il savait qu’il n’arriverait pas à temps.
Odd essayait depuis sa position de tirer sur les blocks mais la distance et les assauts dont il était victime rendaient la tâche impossible.
Il ne restait personne entre Aelita et les deux blocks aux lasers meurtriers. Aucune possibilité de fuite. En-dessous de la plate-forme rocheuse s’étendait le vide numérique. Aucune échappatoire.
_ Non !!! hurla Jérémie. Pas comme ça !!
Yumi, qui sortait du scanner, entendit le cri de Jérémie résonner dans l’usine tandis que les blocks activaient leurs rayons lasers.
_ AELITA !!!
Puis ce fut le silence.
***
Aelita n’avait nulle part où aller. Son programme logique ne lui indiquait aucune solution acceptable. Elle ne ressentait pas la peur, cette émotion humaine, mais commençait à comprendre ce genre de réaction.
La désinstallation se rapprochait d’elle à grands pas. Dans quelques secondes tout serait fini. Elle allait passer de l’état de programme conscient à celui de...de quoi ? Au juste ? Où vont les programmes après leur effacement ? Y-a-t-il un autre système d’exploitation après la grande corbeille ?
Les humains ont imaginé des mondes où vivent leurs morts. Là-bas, ils vivent heureux entourés par des créatures ailées : les anges. Peut-être les verra-t-elle ?
Pour l’instant, elle ne voyait que les blocks avancer. Leurs canons lasers se chargeaient, ils ajustaient leur visée. Elle entendit Jérémie crier. Son cri déchirant traversa les deux mondes.
Puis les traits meurtriers fusèrent vers elle. Aelita ne pouvait pas les éviter. Le moindre de saut de côté la ferait chuter dans le vide numérique (ce qui reviendrait au même). Elle voyait l’ange de la mort fondre sur elle.
Au dernier moment, une voix lui souffla de se baisser. L’application ne réagit pas assez vite mais une forme blanche s’abattit sur ses épaules et l’obligea à se jeter à terre. Les lasers meurtriers ratèrent sa tête d’un cheveu.
Au loin, Ulrich et Odd observaient la scène et n’en croyaient pas leurs yeux. Tout était allé trop vite.
Aelita ouvrit les yeux. Elle était à terre et les deux blocks se trouvaient toujours devant elle. La jeune fille aux cheveux roses sentit également une autre présence : celui qui venait de la sauver.
D’où sortait-il ? Personne ne pouvait atteindre la plate-forme !
Aelita se retourna et vit son sauveur. Il ressemblait à un humain virtualisé mais ce n’en était pas un. Sous l’apparence d’un homme asiatique vêtu d’une ample chemise blanche et d’un pantalon noir se cachait un programme informatique. Ses lunettes de soleil ne trompaient personne. Aelita voyait nettement son code qui apparaissait sous la forme de colonnes de chiffres dorés.
Son ange gardien ne perdit pas une seconde. Il s’élança vers les deux blocks qui menaçaient encore l’existence d’Aelita. C’était étrange. Le nouveau ne portait aucune arme apparente : pas de sabre, pas de canon laser, pas de déodorant anti-moustiques, pas de livre de latin. Il était désarmé et pourtant il courrait vers les deux machines de mort.
Le système d’acquisition des cibles se verrouilla sur lui. Les blocks chargèrent. L’inconnu continua de courir. Il savait comment tromper le tir croisé des créatures. Leur système de visée était en train de calculer sa trajectoire probable à partir de sa vitesse constante mais une brusque accélération les prendrait au dépourvu. Au moment où les monstres tirèrent, l’ange se jeta subitement à terre et exécuta une rapide roulade avant. Il se releva sans même ralentir, avança encore et passa entre les deux blocks. Là, le programme sauta et exécuta un double coup de pied latéral. Il réalisa en plein air un grand écart, frappant ainsi les deux blocks. Les deux créatures furent repoussées de la plate-forme et chutèrent dans le vide numérique.
_ La vache ! s’exclama Ulrich, pourtant peu habitué aux jurons.
_ Alors ça !! se réjouit Odd. Il est génial ce type. Presque aussi bon que moi !!
Devant les écrans de contrôle, Jérémie n’en revenait pas. Il aurait voulu hurler sa joie mais des signaux rouges sur le moniteur l’en empêchèrent.
_ Les gars !! Derrière vous !!
Les deux humains se retournèrent, craignant une attaque subite. Ils ne virent rien. Ulrich fronça les sourcils. Un nouveau son venait de retentir, se mêlant aux bourdonnements habituels émis par un champ de bataille. C’était une sorte de grondement métallique régulier, venant sur leur droite...Il regarda le couloir transversal, en direction d’un recoin plongé dans l’ombre...Soudain, une énorme machine en forme de boule fit irruption par tribord, suivie par quatre autres identiques. Les humains comprirent immédiatement de quoi il s’agissait.
Cinq megatanks !!
Sans se soucier le moins du monde des deux rebelles, les cinq robots meurtriers s’approchèrent de la falaise.
_ Hein ? Mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils sont mirauds ? s’interrogea Odd.
_ Oh non !! répondit Ulrich qui venait juste de comprendre. Ils visent Aelita.
_ A cette distance...c’est impossible...
_ Je ne crois pas que la précision soit leur but...
Un mégatank peut déchaîner un mur de flammes sous la forme d’un arc de cercle meurtrier. Leur capacité de destruction est immense. Cinq d’entre eux pourraient facilement pulvériser la plate-forme en concentrant leurs forces.
Odd comprit le danger et lança une de ses flèche-laser sur le programme le plus proche.
_ Hé ! Par ici tête de nœuds !!
Personne ne réagit. Les cinq mégatanks se contentèrent de charger leurs batteries. Puis chacun d’entre eux s’ouvrit. Chaque sphère se sépara en deux demi-sphère reliées entre elles par des faisceaux de fibres rouges. Au cœur des monstres se mit à briller leur canon principal, représenté par le symbole de Xana.
Sur la plate-forme en mouvement, Aelita et l’autre programme réalisèrent ce qui allait leur arriver. Une fois le rocher détruit, ils sombreraient dans l’oubli. L’ange gardien se rapprocha de la fille aux cheveux roses.
L’heure n’était plus à la réflexion. Ulrich chargea, sabre au clair, les mégatanks. D’après son angle d’attaque, il lui était impossible de frapper le point faible. Il sauta et abattit son sabre avec toute la violence dont il était capable. L’arme traversa les faisceaux de fibres rouges et ressortit de l’autre côté du monstre, frappant ainsi le symbole de Xana.
Le megatank explosa projetant Ulrich et son katana dans les airs. Il retomba à quelques mètres de là. La manœuvre était héroïque mais elle ne sauva pas la situation. Les quatre créatures restantes avaient fini de charger leur batterie d’armement. Les monstres ouvrirent le feu simultanément.
L’ange se mit à courir en direction d’Aelita. Les vagues de feu se dirigeaient vers la plate-forme à la vitesse de l’éclair. Le programme attrapa la jeune fille, l’enlaçant avec un bras, puis continua sa course. Les arcs d’énergie frappèrent le rocher. L’ange sauta au même instant. La roche fut pulvérisée par les tirs meurtriers. La plate-forme explosa en milliers de gravats qui furent projetés en tous sens. L’onde de choc se propagea dans l’air. Une épaisse poussière se joignit aux éclats rocheux qui s’éparpillaient.
Sous le nuage de débris, deux corps chutaient.
*************************************************************Chapitre 2
La sentinelle
« Quomodo cecidisti de coelo, Lucifer, qui mane oriebaris? »
« Comment es-tu tombé du ciel, astre de lumière, qui te levais au matin? »
Gougeon-sur-Seine. France profonde. Un petit village. Plus paumé que ça, tu meurs. C’est le calme plat. Ici, même les mouches s’ennuient.
C’était l’endroit parfait pour installer une base secrète. Voilà vingt ans que le sous-sol de la bourgade a été transformé en laboratoire secret. Là, des dizaines de scientifiques travaillent à la construction de machines de guerre pour assister l’armée française dans ses opérations.
Leurs ordinateurs sont remplis d’informations hautement confidentielles et protégés, en théorie, contre toute intrusion. En effet, aucun humain ne pourrait parvenir à pirater le système sans être repéré, et personne ne se doute qu’il existe des hackers, non-humains, bien plus terrifiants.
***
Quelques minutes avant que ça ne commence
Dans le monde virtuel de Lyoko, une tour trônait majestueusement au cœur d’une cuvette rocheuse. Une auréole bleuâtre tourbillonnait autour de la bâtisse virtuelle. Dans ce lieu désert, perdu au cœur du territoire montagne, on ne voyait pas âme qui vive. En apparence, il n’y avait rien.
Mais dans le cœur du système, des milliers de données étaient en train d’affluer subitement. La tour fut ébranlée un court instant et une aura rouge se substitua à la bleue. Le piratage avait réussi, comme toujours.
Xana avait établi un pont avec le monde réel. Sans perdre un instant, le super programme se lança sur le réseau mondial à la recherche d’une nouvelle arme pour anéantir ses ennemis. Il lui fallut 2.89 secondes pour trouver la base secrète enfouie dans la campagne et 0.56 secondes pour forcer toutes leurs barrières de sécurité.
Xana fit défiler rapidement les banques de données de la base. Il trouva rapidement ce qu’il cherchait. Le robot « sentinelle » était une machine à tuer, parfaitement opérationnelle, qui n’attendait que lui. Le programme assassin se répandit dans les circuits du complexe militaire et accéda à l’alimentation de la machine visée. De là, il infiltra un programme de contrôle dans le système de la sentinelle, lui attribuant une destination et un but : une usine, tuer des enfants.
Aucun humain de la base ne s’était rendu compte de quelque chose. Comment auraient-ils pu ? Ces misérables créatures biologiques étaient insignifiants en comparaison des machines. Personne n’avait réalisé qu’un méchant logiciel s’était emparé, en quatre secondes seulement, de la plus formidable machine de guerre jamais construite par les français.
Pourtant les différents témoins lumineux de la créature mécanique s’étaient allumés. Les yeux métalliques de la pieuvre mécanique émettaient une désagréable lumière rouge. En s’approchant un peu, on pourrait pu voir le logo de Xana s’afficher sur l’iris de la créature.
Mais le premier technicien qui s’approcha, pour observer ce détail troublant, se fit hacher menu par les lames caudales de la machine à tuer. La sentinelle disposait de dix bras semblables à des tentacules. Chacun d’eux était terminé par une serre métallique capable de déchiqueter n’importe quoi.
Après la dissection du premier technicien, les autres humains de la base comprirent qu’il y avait un problème et se mirent hors de portée de la machine.
La créature se moquait éperdument de ces ridicules pantins qui couraient en tous sens, sans but précis. La pieuvre de métal fit quelques pas en s’appuyant sur ses tentacules. Elle sortit rapidement du labo où elle logeait, arrachant au passage les portes blindées. Conçue pour les missions d’assaut, la sentinelle pouvait forer un mur de béton en quelques secondes. Rien ne pouvait l’arrêter.
La créature avança dans les couloirs déserts. Elle monta les escaliers. Quelques gardes tentèrent vainement de lui tirer dessus à l’aide de leur arme mais ce fut en vain. Ils auraient dû savoir que la machine était équipée du blindage dernier cri. Les balles, les couteaux, les gobelets en plastique, les roquettes et autres projectiles mortels pouvaient à peine l’entamer.
La sentinelle avançait à grande vitesse. Personne ne pouvait la stopper...du coup, personne ne la stoppa. Elle remonta rapidement à la surface et s’éloigna de la base.
Une fois dehors, Xana décida d’enclencher un autre système de propulsion. On allait pas se rendre à Paris en marchant. Les habitants auraient été fichus de nous traiter de bouseux de la campagne. Le taxi aurait fait très classe, mais pas suffisamment terrifiant. Il fallait un truc high-tech, qui montre qu’on est pas des rigolos, et en même temps gracieux, juste pour marquer le coup.
La sentinelle était équipée d’un système de répulsion magnétique qui lui permettait de voler. La machine décolla dans les airs et se mit à filer en direction de sa cible : la capitale.
Quelqu’un dans la base jugea bon de prévenir la police de la menace imminente. Il envoya via Internet un message urgent à tous les postes parisiens leur expliquant le problème : un droïd de combat ultra-perfectionné et totalement hors de contrôle fonce vers la ville. Il faudrait nous le ramener en état de marche.
Dans Lyoko, Aelita avait ressenti un léger déséquilibre dans le système d’exploitation. Elle se mit en quête du bug, présageant une activité de Xana. La présence de dizaines de monstres dans le territoire montagne lui fit soupçonner quelque chose. Soupçon largement conforté par l’e-mail qu’elle capta sur le Net. Elle se hâta de contacter ses amis humains.
Collège Kidick. Un téléphone, parmi tant d’autres, se mit à vibrer. Avant qu’il ait pu bouger une seconde fois, Jérémie l’avait allumé. Il cacha l’appareil sous la table, hors du champ de vision de leur professeur d’histoire. Sur l’écran du téléphone, le visage d’Aelita apparut.
_ Jérémie ! Xana a activé une tour. Il a envoyé une machine vous tuer.
_ On arrive, marmonna Jérémie.
Il coupa le téléphone et leva la main.
_ Monsieur !! Est-ce que je peux aller à l’infirmerie ? demanda-t-il en prenant l’air d’être tordu par la douleur.
Les résistants utilisaient ce genre d’excuse, pour quitter les cours, deux à trois cents fois par semaine mais personne ne s’en souvenait (à cause du retour dans le temps). Une fois de plus, le prétexte bidon fonctionna.
Jérémie sortit de la salle et se hâta d’envoyer un signal à tous ses amis pour leur intimer de le rejoindre à l’usine. Puis il se mit en route vers le parc. Pendant le trajet, Aelita termina de lui exposer le problème.
_ La tour se trouve dans un coin reculé du territoire montagne. Je n’ai pas pu l’approcher. Il y a trop de monstres dans les environs. C’est la première fois que j’en vois autant.
_ Hum...Xana sort le grand jeu. Il doit être sûr de son plan cette fois.
_ Dans votre monde, il a investi un robot destiné à tuer. C’est vraiment horrible, je ne comprends pas pourquoi les humains construisent de telles machines.
_ Ah ça...On ferait mieux de chercher des moyens de sauver notre planète.
D’un autre côté, il faut bien avouer que les humains sur Lyoko, sans leurs armes, auraient été incapables de protéger efficacement Aelita.
_ La créature, continua la fille aux cheveux roses, ressemble à un pieuvre géante. Elle peut voler à grande vitesse, traverser les murs et résiste à n’importe quoi.
_ Youpi ! Moi qui craignait de m’ennuyer aujourd’hui.
_ J’ai peur, ajouta Aelita inquiète.
_ Ne t’inquiète pas. Tu as dit qu’il lui faudrait vingt minutes pour atteindre l’usine à vol d’oiseaux. En supposant qu’elle ne soit pas ralentie, on aura le temps d’atteindre l’usine et de désactiver la tour.
_ Faîtes vite. »
***
Au moment où Aelita et son mystérieux ange gardien tombaient dans le vide, la sentinelle pénétrait dans les rues de la capitale.
Dans le laboratoire, Jérémie s’était levé de son siège. Il ne pouvait pas rester assis en assistant à la chute de sa bien-aimée. Son cerveau évaluait à toute vitesse un moyen de la sortir de là mais rien ne pouvait la sauver.
Yumi était en train de remonter vers l’étage supérieur, à l’aide du monte-charge.
Sur Lyoko, Odd et Ulrich virent Aelita et l’autre programme choir dans le ciel gris-mauve. Les quatre méga-tanks estimèrent avoir réussi leur mission. La cible était pratiquement considérée comme détruite.
L’inconnu, surnommé ange gardien pour l’instant, continuait de tenir serré contre lui Aelita. Les deux corps tombaient dans le vide à grande vitesse, traversant des couches nuageuses sans avoir le temps de les observer. A cette vitesse le décor devenait flou, se bornant à une succession de taches blanches et grises.
Aelita préférait garder les yeux fermés. Le souffle du vent plaquait les cheveux sur le crâne des deux programmes. L’inconnu tournait la tête de tous côtés afin de voir, à travers ses lunettes de soleil, s’il aurait pu s’agripper à une corniche quelconque. Mais non. Il n’y avait rien de solide autour d’eux.
Il n’y avait que la mer virtuelle qui se rapprochait d’eux à une vitesse vertigineuse. Le contact risquait de ne pas être beau à voir.
Une lumière blanche s’illumina dans le dos de l’inconnu. Deux déchirures se formèrent dans sa chemise blanche et deux formes, de la même couleur, en surgirent. Un amas de lignes jaillit, dessina un schéma, puis chaque pixel se colorisa. En une fraction de seconde, des os creux et des centaines de plumes apparurent, constituant ainsi deux superbes ailes.
L’ange les déploya instantanément, créant un substitut de parachute L’effet fut immédiat. Les deux corps en chute libre furent brusquement happés vers le haut, entraînés par une masse d’air. Aelita resserra sa prise sur son sauveur pour éviter de le lâcher.
Les deux ailes se mirent à battre furieusement et l’ange prit de l’altitude. Puis il mit le cap vers le nord, une zone abandonnée par les monstres. Les mega-tank virent leur cible leur échapper.
S’ils avaient connu le sentiment de frustration, ils se seraient jetés par la fenêtre. Mais comme il s’agit de programmes basiques, les machines se contentèrent de se tourner vers leurs objectifs secondaires... pour constater que celles-ci avaient filé à l’anglaise.
Le seul humain qui avait pu observer la manœuvre en détails était Jérémie. Sans doute n’en croyait-il pas ses yeux. Son cœur avait battu l’espace d’un instant à cent à l’heure. Le sang avait fusé dans ses artères à la vitesse d’un TGV. Il avait cru exploser en voyant Aelita chuter comme ça, sans qu’il puisse faire quoi que ce soit. La sueur avait noyé ses cheveux blonds.
Il cligna des yeux pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Non, le signal indiquait toujours la présence d’Aelita.
Jérémie se mit à hurler.
_ OUI !!!
Le cri traversa tout le labo. Il passa dans les micros et arriva jusqu’à Lyoko. Là, les deux collègues du blondinet entendirent ce mot étrange. Ils stoppèrent leur course, espérant apprendre une bonne nouvelle, qui leur semblait utopique.
_ ELLE EST VIVANTE !!!
Un sourire se dessina sur les visages des jeunes garçons qui se regardèrent.
_ Mais comment ? ne put s’empêcher de demander Ulrich. On les a vus tomber...
_ IL A DES AILES !! répondit Jérémie. L’autre avait des ailes. Ils sont en train de voler vers le nord, essayez de les rejoindre.
Dans la laboratoire, la porte du monte-charge s’ouvrit, laissant Yumi entrer. La jeune fille avança dans la salle. Elle était intriguée par tous les cris qu’elle avait entendu. Jérémie n’était pas vraiment un trublion criard.
_ Yumi ! s’exclama le garçon en la voyant.
Il courut dans sa direction et l’attrapa dans ses bras, la décollant presque du sol.
_ AELITA EST VIVANTE !! cria-t-il.
_ Ah...répondit Yumi, déconcertée, et quelque peu écrasée par l’étreinte de Jérémie.
Celui-ci la relâcha sur-le-champ.
_ Excuse-moi...
Il se retourna, puis retourna en sautillant vers l’ordinateur.
_ Eh ben...marmonna Yumi qui n’y comprenait rien. Il faut qu’il arrête le Panaché...
***
L’ange continua de voler sur plusieurs dizaines de mètres, avant de se poser. Il atterrit délicatement en ralentissant le battement de ses ailes. Une fois à terre, Aelita le lâcha et observa l’endroit où ils étaient. Un plateau abandonné de la montagne. Il n’y avait aucun monstre, hormis un petit kankrelat qui avançait dans leur direction.
Avant que le monstre n’ait eu le temps de charger son laser, l’ange avait réagi. Il shoota dans le cafard géant comme s’il s’était agi d’un ballon de football. La créature fut projetée contre un mur et s’y écrasa.
Le programme inconnu regarda autour de lui, vérifiant qu’il n’y avait pas d’autre danger immédiat, puis il revint vers Aelita. Celle-ci avait beaucoup de questions à lui poser. Et pour commencer :
_ Qui êtes-vous ?
_ On me nomme le Séraphin.
***
Dans les rues de Paris, c’était la panique. On ne comptait plus les voitures qui freinaient brusquement, ni celles qui rentraient dans les premières. Ce jour-là, les automobilistes virent une affreuse créature leur griller la priorité. Une hideuse pieuvre de métal avançait, ne se souciant nullement des feux rouges. Les rares voitures qui avaient oublié de s’arrêter en la voyant l’avaient percuté. Autant se jeter sur un mur de béton.
Les carcasses de voitures jonchaient les rues. Les autorités essayaient vivement de détourner la circulation vers des zones moins exposées. La police arrivait.
Le sergent Garcia, au volant de son véhicule maugréait. Sa femme l’avait quitté. Il avait à peine de quoi payer son loyer. Les délinquants qu’il arrêtait étaient presque tous relâchés. On paie trop d’impôts et en plus, on a un temps pourri.
Le seul truc marrant de la journée c’était cette crise exceptionnelle. C’était une excellente excuse pour faire grimper la vitesse de la voiture et se faire une course sur les Champs Elysées. Les gyrophares bleu et rouge illuminaient la nuit et leur hululement empêchait les habitants de dormir.
Accompagné d’autres policiers nerveux, le sergent Garcia arriva au carrefour où il devait tendre une embuscade. Il freina brusquement et fit un monstrueux dérapage sur l’asphalte. Après un bruit monstrueux et plusieurs cascades délirantes la voiture s’arrêta enfin. Les autres véhicules arrivèrent et firent la même chose.
Histoire de faire vraiment flic américain de base, les policiers surgirent de leur voiture en pointant leur revolver.
_ Bouge pas connard !! ajouta l’un d’entre eux, conscient que le fait de crier des grossièretés donne l’air viril.
Les protecteurs se mirent en position derrière leurs véhicules. Ils sortirent les différents fusils qu’ils avaient eu le temps d’amener. Le sergent Garcia s’accroupit derrière la roue droite de sa voiture et observa la rue. Il tenait fermement son révolver, prêt à s’en servir.
C’est pas tous les jours qu’on est autorisé à tirer sur tout ce qui bouge. Faut en profiter.
Quand le monstre de métal apparut au bout de la rue, il fut immédiatement accueilli par un déluge de balles. Les mitraillettes se mirent à crépiter en lâchant des centaines de projectiles à la minute. Le bruit nettement plus haché des révolvers rythmait la fusillade.
La sentinelle ne fut même pas ralentie. Elle continua d’avancer comme si elle était au milieu d’un boulevard désert. Les balles ricochaient toutes sur sa cuirasse. Le monstre poursuivit sa course jusqu’au barrage de voitures. Il prit le temps d’arracher une ou deux portières, de briser quelques par-brise et de trancher un bras ou deux (juste histoire de rappeler qu’il est méchant).
***
La tête d’Aelita réapparut sur les écrans de Jérémie.
_ Je suis content de te voir, s’exclama celui-ci.
_ Moi aussi.
_ Alors ? Que t’est-il arrivé ? Qui est cet inconnu ?
Jérémie connecta les différents micros de sa console pour que tous puissent entendre la conversation.
Yumi était dans la salle cathédrale en train d’obstruer les différentes entrées, afin de ralentir la sentinelle. Ulrich et Odd continuaient de courir dans Lyoko.
_ C’est un programme, expliqua Aelita, comme moi. Il se nomme Séraphin.
_ Ah. Remercie-le de ma part.
_ Promis, je...
Coupure de communication.
_ Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a encore ?!! s’exclama Jérémie.
Sur Lyoko, Aelita regardait un étrange phénomène.
Un rectangle noir de la taille d’une porte s’était matérialisé à quelques mètres d’elle. L’ange se positionna immédiatement entre Aelita et l’anomalie.
La déchirure virtuelle semblait donner sur une autre dimension. L’ouverture béante s’ouvrait sur un lieu semblable à l’espace profond. Un individu en surgit. Plus grand que Séraphin, il ressemblait à un vieil homme. Sa tenue débraillée évoquait celle d’un clochard et ses longs cheveux gris étaient empêtrés par la crasse.
Aelita comprit qu’il s’agissait d’un autre programme. Sous ses dents jaunes elle voyait transparaître le code gris de l’individu.
_ Bonjour Aelita ! annonça le vagabond avec une voix inquiétante. Et bonjour Séraphin. Je vois que tu as sauvé Aelita, c’est bien, je vais m’occuper d’elle.
Dans le monde réel, Jérémie avait rétabli la connexion. Il entendait tout de la conversation.
L’ange répondit sans se départir de son calme apparent.
_ Trainman !! Tu amènes les monstres dans ce monde. Pourquoi te ferai-je confiance ?
_ Heu oui certes c’est mon rôle mais... ton but est de protéger Aelita n’est-ce pas ?
_ C’est ma fonction première. Et c’est sans doute pour ça que Xana m’a interdit l’accès au monde virtuel.
_ Ahh ? fit Trainman. Je n’étais pas au courant.
_ Je ne te crois pas, répondit Séraphin sans aucune ironie. Tu es le principal serviteur de Xana. Tu es une menace pour Aelita. Tu es donc mon ennemi.
_ Non non...
Aelita comprit relativement vite qui étaient les protagonistes.
_ Trainman ? Vous êtes le programme de transit des données qu’utilise Xana !!
_ En effet.
_ Et toi, Séraphin. Tu es un programme chargé de me protéger.
_ Affirmatif. Quand l’ordinateur quantique a été conçu, vous avez été conçue, dans un but que j’ignore. Mais je sais que ma mission est d’empêcher votre désinstallation.
_ Mais jusqu’à présent tu étais retenu dans la mémoire de l’unité centrale sans possibilité de virtualisation, continua Aelita.
_ Exact.
_ Hin !! fit Trainman en s’adressant à Séraphin. Comment peux-tu soupçonner Xana ? Nous sommes des programmes tout comme toi. Nous sommes dans ton camp. Ce sont les humains, nos ennemis.
_ C’est faux !! s’insurgea Aelita.
Elle fit un pas en avant et pointa un doigt accusateur sur le vieillard.
_ Les humains ne sont pas nos ennemis. Jusqu’à présent ce sont eux qui m’ont protégée. Pas vos monstres.
_ Pff !! Les humains vous protègent parce que vous êtes la seule capable de désactiver les tours. Un jour, ils vous abandonneront.
Trainman se détourna d’elle.
_ Séraphin. Xana n’a jamais eu l’intention de détruire Aelita. Si nous amenons des monstres sur Lyoko c’est pour protéger les tours. Nous en avons besoin pour attaquer les humains dans leur monde.
_ Si tu le dis...tu peux partir.
_ Joins-toi à nous Séraphin. Toi aussi Aelita. Si tous les programmes de Lyoko s’unissent, nous pourrons créer un monde nouveau...
_ Non, répondit fermement Aelita.
_ Nous détruirons les humains...
_ Elle a dit non, répéta Séraphin en s’avançant.
On devinait un regard menaçant derrière ses lunettes opaques.
_ Bon...dans ce cas, marmonna le méchant programme, je n’ai pas le choix je...
Trainman fut brusquement interrompu par l’explosion d’une flèche-laser dans son dos.
Odd et Ulrich arrivaient en courant. Grâce à Jérémie, ils avaient entendu la conversation tandis qu’ils approchaient.
_ Si j’ai bien compris...il suffit de détruire ce programme pour empêcher les monstres d’apparaître, raisonna Ulrich.
_ En effet, répondit Jérémie.
_ Grrr, grogna le méchant programme. Les humains. Je pars cette fois-ci, mais je reviendrai.
La déchirure dimensionnelle réapparut sous la forme d’un rectangle noir. Le vieillard disparut dans la porte avant que les deux garçons ne l’aient rejoint. Le passage se volatilisa après son passage.
_ Ben ? Où est-il passé ? demanda Odd. Il a pas eu peur quand même ?
_ Il a quitté Lyoko, expliqua Jérémie.
_ Je croyais que c’était le super boss de fin. Il aurait pu rester.
_ Non, dit Séraphin. Trainman n’est qu’un programme de transit. Se déplacer entre les mondes est son seul pouvoir.
_ Ah bon...
Ulrich s’approcha de Séraphin pour le détailler.
_ Si c’est lui qui amène les monstres sur Lyoko. Pourquoi n’est-il pas venu avec une escorte ?
_ Les scanners, expliqua l’ange. Votre présence encombre la mémoire vive de l’unité centrale. Vous handicapez le transfert des données.
_ ...et vous êtes qui au juste ? demanda Ulrich soupçonneux.
_ Le programme Séraphin, chargé de protéger Aelita.
_ Mouais...étant donné ce que vous avez fait tout à l’heure on peut vous faire confiance.
Odd s’approcha d’Aelita.
_ C’est pas tout ça princesse mais il nous reste une tour à désactiver.
_ Oui, le temps presse.
_ Stop ! dit Séraphin en agrippant le bras d’Aelita. Où l’emmenez-vous ?
_ A Corruscant, répondit Odd en souriant.
_ Où ça ?
_ A Corruscant.
_ Corruscant ? Aucun fichier...
_ Ca suffit Odd, déclara Ulrich, sérieux, en écartant son ami. On emmène Aelita à la tour infectée pour qu’elle la désactive.
_ Il n’en est pas question, répondit Séraphin, ferme sur ses positions. L’endroit grouille de monstres. Si elle y retourne, elle se fera détruire. Ma fonction est de la garder en vie.
_ Je crois que t’as pas bien compris, répliqua Ulrich en dégainant son sabre. Xana a lancé un robot tueur dans notre monde. Il faut qu’on désactive cette tour maintenant !!
Séraphin, pas le moins du monde inquiété, s’avança.
_ Ce n’est pas mon problème. Je DOIS garantir la sécurité d’Aelita.
Si leurs yeux avaient pu jeter des éclairs, un orage électronique se serait déchaîné entre les deux combattants. L’humain et le programme semblaient prêts à se battre. Odd s’interposa entre les deux en mimant le signe du temps mort.
_ Oh ! Calmos les gars ! On est dans la même équipe.
_ Je n’ai jamais prétendu être de votre bord, répliqua Séraphin.
_ Odd a raison, déclara Aelita. Nous sommes ensembles. Programme Séraphin, je vous remercie de votre aide mais nous devons désactiver cette tour.
_ Il n’en est pas question. Votre sécurité prime sur tout le reste.
_ J’y vais quand même.
_ Je vous empêcherai d’y aller s’il le faut.
_ Calmos !! tenta un Odd désespéré. Machin t’es un gentil programme. Tu devrais comprendre qu’on est aussi des gentils. Les méchants, ce sont les monstres qui gardent la tour.
_ ...
_ Si les humains se font anéantir par Xana, personne ne pourra plus vous aider...
_ Aelita est plus importante que tout le reste.
_ Pourquoi ? se risqua Odd.
_ Je ne sais pas.
_ Et si elle existait pour protéger les humains ? Faudrait que tu l’aides.
_ La question n’est pas de savoir pourquoi je la protège mais comment je dois la protéger.
Ulrich n’en pouvait plus de cette conversation. Le programme ne voulait rien entendre. On gâchait un temps précieux. En ce moment, un robot armé se rapprochait de l’usine, là où se trouvait Yumi. Il n’était pas question de la laisser mourir sous prétexte qu’un stupide logiciel refusait de bouger.
_ Ca suffit !! Laisse-nous partir ou tu devras nous affronter.
Ulrich jeta un regard à Odd. Celui-ci n’était pas vraiment convaincu que le combat soit la meilleure issue, mais il avait conscience de l’urgence.
Séraphin daigna à peine les regarder.
_ Très bien. Mais auparavant, vous devez m’excusez.
_ De quoi ? demanda Ulrich.
_ De vous avoir vaincu.
_ C’est ce qu’on va voir...
L’ange étant désarmé, il ne pouvait pas gagner. Odd lui expédia deux flèches laser qu’il évita pourtant très facilement. Ulrich se rua sur le programme et commença à lui asséner une série de coups au sabre. L’autre les esquiva.
Sa vitesse et sa connaissance des arts martiaux semblait lui donner l’avantage. Il parvenait à calculer tous les coups d’Ulrich et à les éviter en conséquence. Ni les feintes ni les bottes ne parvenaient à le surprendre. L’ange virevoltait en tous sens pour échapper aux coups.
Odd hésitait à tirer dans la mêlée, craignant de toucher, par inadvertance, son ami. Il eut soudainement une vision.
_ Ulrich ! Les jambes !
Le samouraï s’accroupit brusquement et lança un mouvement horizontal destiné à faucher les jambes de son adversaire. L’ange comprit la manœuvre. Il sauta pour éviter le sabre tranchant. Une fois en l’air, il réalisa qu’il ne pouvait plus se mouvoir.
C’est exactement ce que Odd escomptait. Le garçon-félin était en position de tir, prêt à lâcher une déferlante de flèches-laser. Il n’en eut pas l’occasion. L’ange choisit ce moment pour déclencher son pouvoir spécial.
Il s’illumina. Séraphin devint à cet instant aussi brillant que le cœur d’une étoile. Ce fut comme si un second soleil numérique était apparu au cœur de la montagne. Il aveugla tout le monde, yeux ou senseurs, par sa luminosité. L’ange était devenu un super lampadaire capable d’éblouir n’importe quoi.
Odd lâcha deux flèches au hasard mais elles manquèrent la cible. Le garçon ne voyait qu’une immense tâche blanche devant lui. Aucune silhouette distincte.
Aelita qui suivait le combat fut également aveuglée pendant un court instant.
Ulrich, le visage tourné vers le sol, ne fut pas handicapé. Quand Séraphin désactiva son pouvoir spécial et retomba au sol, le jeune garçon lui envoya une nouvelle série de coups.
_ Vous avez déjà affronté un grand nombre de monstres aujourd’hui. Vous n’êtes pas en état de me battre, commenta Séraphin.
Le programme se contentait d’analyser les données. Il n’émettait aucun jugement de valeur sur le caractère des humains. Sa conception du bien et du mal se réduisait à sa seule fonction : protéger Aelita. Si ses anciens protecteurs l’exposaient continuellement au danger, ils devaient être inefficaces.
Les coups de katana pleuvaient en tous sens. Une forêt de lames acérées encerclait l’ange qui virevoltait de droite à gauche pour esquiver. Il se pliait dans toutes les positions possibles pour éviter les trajectoires de l’arme mortelle. Séraphin essayait de toujours garder un contact avec la terre. Dans les airs, il n’avait aucune maniabilité.
Séraphin devait logiquement gagner. Il était un programme conçu pour combattre. Ses banques de données recensaient toutes les techniques connues d’arts martiaux. Sa technique de combat expliquait sa forme humanoïde, avec deux bras et deux jambes. L’ange avait été conçu d’après le mythe humain des anges gardiens : un programme chargé de veiller sur un autre programme.
Ulrich était déterminé à l’emporter mais la détermination ne fait pas tout. Il enchaîna une série une série de coups d’estoc destinés à embrocher Séraphin. Ce dernier esquiva. Ulrich opéra un subtil moulinet et transforma sa dernière estoc en coup circulaire de haut en bas.
L’ange l’avait vu venir. Il observa la lame se diriger vers lui. Sans hésitation, il rabattit ses deux mains sur la partie non-tranchante de la lame, avec une parfaite synchronisation. La prise de lame chinoise. Le katana fut bloqué. Profitant de ce court instant, Séraphin lança un violent coup de pied à son adversaire.
Ulrich fut projeté à trois mètres. Il retomba lourdement sur le sol. Le jeune garçon se releva et constata qu’il n’avait plus son sabre en main. Séraphin s’en était emparé et il s’approchait de Odd.
L’humain à la silhouette animale chancelait. Ses yeux n’avaient toujours pas récupéré de l’éblouissement extrême qu’ils avaient subi un instant auparavant. Odd entendait les pas de son adversaire mais ne voyait strictement rien.
Il ne sentit que la lame du katana le traverser de part en part, avant d’être dévirtualisé.
_ Lâche ! Cria Ulrich.
Séraphin se tourna vers lui.
_ Tu as profité de sa faiblesse pour le frapper, l’accusa le garçon.
_ Effectivement. J’exploite les faiblesses de mes opposants. C’est parfaitement logique.
Le programme lança le katana dans les airs. La lame tourbillonna en tous sens.
_ Quoi ?
Ulrich suivit des yeux la trajectoire de son arme. Son adversaire s’en était sciemment débarrassé. Séraphin l’avait jeté de manière à ce qu’elle chute à trente mètres de là. Ulrich tourna la tête pour voir sa lame tomber dans le vide.
Il comprit subitement pourquoi le programme avait abandonné l’avantage de l’arme. C’était une diversion. Le jeune garçon fit volte-face.
_ Trop tard !
Séraphin était déjà arrivé à sa hauteur. Il lui décocha un violent coup de pied sauté. La force du choc éjecta Ulrich de la plate-forme. Il retomba vingt mètres plus bas sur un amas de rochers.
_ Ahh !!
La chute lui arracha un cri. Même dans le monde virtuel une telle cascade n’était pas sans conséquence. Il resta un instant immobile.
Puis, serrant les dents, il prit le parti de se relever... pour se retrouver nez-à-nez avec une patrouille de Krabes.
Un homme seul et désarmé contre une dizaine de programmes meurtriers. Est-ce utile de raconter ce qui arriva ?
Tandis que l’humain se faisait éparpiller par les lasers, Séraphin tâchait de convaincre Aelita.
_ La diversion ne durera pas. Nous devons quitter ce lieu au plus vite.
Aelita lui jeta un regard mauvais.
_ Comment pouvez-vous prétendre être mon protecteur et agir ainsi ?
Les accusations rageuses de la jeune fille n’ébranlèrent pas le moins du monde le Séraphin.
_ Je suis mon programme.
Cette explication ne justifiait pas grand chose aux yeux des humains. Mais Aelita était un programme comme lui. Elle savait que chaque logiciel informatique ressentait en lui cette force, cette voix divine, qui nous dictait à chaque instant ce qu’il fallait faire.
Elle sentait, en son moi profond, que désactiver les tours et sauver les humains était une bonne chose. Sans qu’elle puisse l’expliquer, elle savait ce qui était bon, et agissait en conséquence. Les autres programmes vivaient de la même manière. Ils obéissaient aveuglément aux directives primes, en supposant à juste titre que c’était la meilleure conduite à suivre.
***
La porte s’ouvrit en chuintant. Ulrich et Odd sortirent du monte-charge et accédèrent à la salle des hologrammes. Là, Jérémie continuait de taper avec frénésie sur son clavier (comme si la machine y était pour quelque chose).
_ Où est Yumi ? demanda Ulrich inquiet.
_ Elle est remontée, répondit Jérémie sans détourner les yeux. Elle voulait bloquer l’accès à notre niveau pour empêcher le robot de nous attaquer avant que...
_ Qu’on se soient tous fait dévirtualiser ? termina Odd.
_ C’était pas le plan prévu...
_ Bon ! Et qu’est-ce qu’on fait maintenant !! s’impatienta Ulrich. Terminator va sonner à notre porte dans deux secondes, Lyoko grouille de monstres et pour finir on s’est fait balayer par Bruce Lee.
_ Ca pourrait être pire, commenta Odd.
Le commentaire lui valut un regard noir.
_ Jérémie ! Il faut nous renvoyer immédiatement sur Lyoko, tonna Ulrich.
_ Impossible !! Vous êtes épuisés, au bord de l’évanouissement.
_ Je ne suis pas fatigué !!! hurla le garçon.
_ Du calme Ulrich ! coupa Odd. Regarde-toi.
Les deux résistants, récemment dévirtualisés, avaient la respiration saccadée. La sueur coulait abondamment sur leurs fronts. Leur cœur battait encore la chamade. L’énervement était palpable. Leur mort virtuelle équivalait à un marathon de deux heures. Pour des gens de leur âge, c’était physiquement limite.
_ Si tu venais à mourir une seconde fois sur Lyoko, annonça Jérémie, tu pourrais en mourir définitivement...
_ Je prends le risque !!
_ Non !! répondit fermement le jeune garçon blond.
Ulrich avait eu une journée chargée. Les exercices de mathématiques ennuyeux, la théorie sartrienne sur la littérature du dix-huitième, les verbes irréguliers en anglais et les commentaires de Sissi l’avaient bien mis en condition. Affronter des dizaines de monstres et sentir son cœur manquer de s’arrêter ne l’avaient pas aider à se calmer. Être trahi par un allié et vaincu par un type désarmé était déshonorant. Tout le monde allait mourir. Et Jérémie refusait de l’envoyer sur Lyoko. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
Ulrich s’approcha du terminal et attrapa violemment le jeune garçon à lunettes. En le tenant par le pull il le hissa à dix centimètres du sol.
_ TU CROIS PEUT-ETRE QU’ON A LE CHOIX ?!
_ Calmos ! coupa Odd en l’obligeant à reposer Jérémie. C’est pas en le secouant qu’on va arranger les choses.
Leurs regards se croisèrent.
_ Si tu y vas, j’y vais aussi, lança le garçon aux cheveux hérissés.
_ D’ac.
_ Non !! tonna Jérémie. Vous ne pouvez pas retourner sur Lyoko.
_ Eh Einstein !! Je te rappelle qu’Aelita est toute seule en ce moment. Ca ne t’inquiète pas ??
_ Evidemment que ça m’inquiète mais la mémoire vive de l’unité centrale est actuellement encombrée par un téléchargement parasite qui utilise les principaux périphériques. Cette surcharge du réseau va déstructurer le programme de maintenance, formater les mémoires, bloquer en feed-back le système d’exploitation ou pire, éteindre le super ventilateur.
_ D’accord...répondit Odd. Et en français ?
_ Quelqu’un bloque la mémoire des scanners. On ne peut pas aller sur Lyoko.
_ Si c’est vrai on est mal...
_ ET ***** !!! jura Ulrich en shootant dans un mur.
Odd jeta un regard, quelque peu désespéré, autour de lui.
_ Il reste une solution, dit Jérémie en rajustant ses lunettes. Je pense avoir isolé la fréquence com du programme Séraphin. Etant donné la faible densité des transits secondaires, je pense qu’on peut le contacter.
_ Et pour lui dire quoi ? demanda Ulrich. T’as pas vu que cet ****** ** **** ** **** nous a démolis. Ce *** attaque ses propres alliés.
_ Je suis d’accord, ajouta Odd. Il se moque des humains.
_ J’ai vu... mais c’est notre dernière chance...
Jérémie se cala dans son siège. Il lança le programme de communication et établit un lien avec Séraphin.
_ Monsieur Séraphin.
Celui-ci comprit qu’on ouvrait un canal audio. Il cessa de courir et fit signe à Aelita de s’arrêter.
_ Je suis Séraphin. Que voulez-vous ?
_ Comment va Aelita ?
_ Elle est en vie.
_ Et furieuse.
Le commentaire de la jeune fille avait filtré à travers le micro.
_ Ecoutez attentivement monsieur Séraphin. Xana a lancé contre nous une machine de mort. Il faut désactiver la tour ou nous allons tous mourir.
_ Aelita ne doit pas être exposée au danger, répondit le programme stoïque.
_ Vous disposez d’un programme logique n’est-ce pas ?
_ De logique pff, grogna Ulrich.
_ Evidemment.
_ Alors vous pouvez extrapoler sur les évènements futurs. Si nous sommes tués, personne ne pourra protéger Aelita.
_ Vous semblez m’oublier.
_ Vous êtes seul. Vous avez besoin d’aide pour accomplir votre mission.
_ Non.
_ Vous ne pouvez pas lutter contre des centaines de monstres, pendant une éternité. Ecoutez, nous avons des buts communs, pourquoi ne pas nous associer ?
_ Trop dangereux. Vous les humains n’avez pas conscience du danger. Vous protégez Aelita car elle constitue votre seule chance de survie. Vous ne l’aimez pas vraiment. Vous ne vous souciez pas de ce qui lui arrivera.
Jérémie fut outré par cette dernière tirade.
_ Quoi ! Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’on en se soucie pas d’elle !! On se démène depuis des mois pour la protéger et tenter de la matérialiser. Il n’y a pas un jour sans que je pense à elle, pas une minute, pas une seconde !!
_Pfff...ce ne sont que des paroles. Je suis programmé pour penser à sa sécurité en permanence. Avouez que je suis plus qualifié que vous.
Aussi puissants que soient les sentiments humains, ils ne pourront jamais surclasser un programme.
_ Tête de nœud 1, logique 0, commenta Odd défaitiste.
_ JE VAIS LE TUER !! rugit Ulrich en bondissant de son siège.
Il se rua vers les écrans avec l’intention de déverser un flot d’injures sur le programme buté mais quelque chose l’en empêcha. Le garçon sentit une main se poser sur son épaule et lui intimer, doucement mais fermement, de se calmer.
Ulrich tourna la tête et vit Yumi. Elle ne le regardait même pas. Son attention était fixée sur l’ordinateur. Elle relâcha sa pression et avança.
La jeune française d’origine japonaise arracha, quasiment, le micro des mains de Jérémie.
_ Ecoute-moi bien tas de boulons. Je crois que tu as oublié un élément relativement important dans l’histoire. Nous sommes dans le monde réel et on peut débrancher Xana si l’envie nous en prend.
Jérémie voulut protester mais Yumi mit sa main devant sa bouche. Elle lui fit un clin d’œil. Le programme ne pouvait pas les voir dans le labo. Il entendait seulement ce qu’ils disaient.
_ Je ne vous crois pas, répondit Séraphin. Si vous en aviez la possibilité, vous auriez débranché le supercalculateur. C’est l’opération la plus logique pour garantir la survie de l’humanité.
_ En effet, acquiesça Yumi. C’était la solution la plus facile mais mes amis ont choisi de se battre pour tenter de sauver Aelita.
_ Je ne comprends pas.
Odd prit le micro.
_ On aurait pu débrancher Xana et s’épargner beaucoup de peine mais on ne voulait pas détruire Aelita.
_ Vous risquez la vie de votre peuple pour sauver un programme. C’est illogique.
_ Ouais mais...c’est notre rôle de héros de sauver les gens...
Yumi reprit le micro.
_ Moi en revanche, je n’en ai rien à faire. Si vous ne désactivez pas la tour immédiatement, j’irai débrancher le supercalculateur. Plus de Xana, plus d’Aelita. Qu’est-ce que tu choisis ? »
Chapitre 3
Désinstallation
« Les sept Anges aux sept trompettes s'apprêtèrent à sonner. Et le premier sonna...Il y eut alors de la grêle et du feu mêlés de sang qui furent jetés sur la terre. »
Apocalypse 8-6
Deux silhouettes avançaient silencieusement. Deux ombres se dissimulaient parmi les ombres des rochers. L’une avait les cheveux roses, l’autre une chemise blanche. La première voulait sauver l’humanité et la deuxième voulait sauver la première.
Dans la région patrouillaient des centaines de monstres qui tenaient à ce que personne ne sauve personne. Au moins les choses étaient claires. Programmes contre programmes. Les plus performants vaincront.
Une escadrille de frolions passa en vrombissant. Séraphin se colla prestement contre la paroi. Les créatures de Xana le dépassèrent sans le remarquer. Aelita attendit un instant que les monstres s’éloignent avant de faire mine de continuer.
Séraphin pressa le pas pour la rejoindre. Il tournait sa tête en tous sens pour observer les alentours. Les menaces ne manquaient pas. Plus on se rapprochait de la tour et plus la densité d’ennemis augmentait. Les deux programmes ne pouvaient plus faire un pas sans risquer de tomber sur un monstre.
Il fallait se montrer prudent. Quelle que fut la force de Séraphin, il eut été incapable d’affronter tous les monstres de Xana réunis. Le seul moyen d’atteindre la tour était d’agir avec discrétion. Malheureusement, Aelita tenait à faire vite. Ses amis humains étaient en danger.
Amis ! Séraphin avait quelques doutes sur l’usage de ce mot. Etranges amis que ces humains qui menaçaient de débrancher le super-calculateur. Le programme comprenait leur attitude : ils obéissaient à leur directive prime : rester en vie. Mais dans ce cas, pourquoi Aelita continuait-elle à les aider ? S’agissait-il d’un algorithme complexe dont Séraphin n’aurait pas eu connaissance ?
Aelita tout comme Xana avait peut-être été programmée selon un schéma évolutif basé sur la théorie du chaos ? Séraphin restait un programme logique agissant selon des lois logiques invariables. Il avait une banque de données, des processeurs de calcul, un objectif clair et indiscutable. En revanche, Aelita devait être dotée d’une intelligence artificielle supérieure basée sur des lois statistiques, théoriquement imprévisibles. Dans tout système complexe il se présente une part d’indéterminisme. Ceci explique pourquoi les deux forces en présence, Aelita et Xana, sont incapables d’anticiper les coups de leur rival.
Séraphin mit fin à ses pensées. L’analyse de la situation actuelle était prioritaire. Il avait repéré une menace. Deux frolions patrouillaient en vol stationnaire à quelques mètres de leur position.
_ Zut ! chuchota Aelita. Je ne pensais pas que ce chemin était surveillé.
Ledit chemin était un étroit pont en pierre. C’était l’accès le moins sûr pour rejoindre la cuvette rocheuse où se dissimulait la tour.
_ Trainman a importé suffisamment de monstres pour surveiller chaque centimètre carré de ce territoire, répondit doucement Séraphin.
_ Que faire ?
Aelita activa son programme de recherche et étudia toutes les routes possibles pour atteindre leur objectif. Les plus courtes étaient sous étroite surveillance. Les autres nécessitaient un détour impensable. Il ne fallut qu’un centième de seconde à la jeune fille pour arriver à cette conclusion.
_ Nous devons passer par ici.
_ Nous allons être repérés, répondit Séraphin.
_ Je sais. Mais après le pont, il n’y a qu’une cinquantaine de mètres à parcourir avant la tour.
_ Je vois. Il nous faudra courir. Si vous pouviez générer un leurre convaincant cela nous serait d’un grand secours.
_ Très bien...
Tandis qu’Aelita se préparait à projeter un hologramme, Séraphin surgit des ombres et s’avança sur le pont, d’un pas assuré et peu pressé.
Les deux frolions le repérèrent et se tournèrent dans sa direction, mais sans esquisser un déplacement. Ils étaient probablement programmés pour garder cet emplacement.
Le programme aux lunettes de soleil continua d’avancer sans montrer aucun signe d’agressivité. Le pont était étroit mais il ne regardait pas ses pieds. Séraphin avançait calmement, presque silencieusement, comme s’il n’était que le souffle du vent.
Un hologramme jaillit sur le pont. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Aelita. Le leurre traversa Séraphin comme un fantôme et continua sa course. Après le pont, l’illusion s’engagea dans un corridor rempli de machines. Les créatures ouvrirent le feu. La fausse Aelita bougeait trop vite pour eux. L’hologramme courut les cinquante mètres en cinq secondes puis, au moment de bifurquer vers la cuvette rocheuse, elle continua sa course dans le corridor. Les cohortes de machines se lancèrent à sa poursuite.
Les deux frolions en faction suivirent cette scène. Ils comprirent, malgré leur processeur limité, que quelqu’un était en train de se payer la tête de Xana. Malheureusement pour eux, ils n’eurent jamais le temps de donner l’alerte..
Séraphin, une fois arrivé à leur niveau, déplia ses ailes et s’envola brusquement. Il fit un saut impressionnant de huit mètres et attrapa les deux créatures, une dans chaque main. Puis, sans autre forme de procès, il les fracassa violemment, l’une contre l’autre. Les deux frolions passèrent de l’état de carcasses déformées à celui de tas de poussière digital.
Séraphin atterrit sur le pont, d’un pied agile, et replia ses ailes. L’opération ne lui avait pas pris qu’une seconde. Aelita se hâta de traverser le pont étroit et de le rejoindre.
_ Vite ! dit-elle. Les forces de Xana poursuivent mon hologramme, nous avons une chance.
Les deux programmes se mirent à courir rapidement dans le corridor désert. C’était l’endroit rêvé pour tendre une embuscade et personne n’était resté en profiter. Les machines étant programmées pour poursuivre Aelita toute la journée, elles poursuivaient Aelita. Ceci arrangeait bien nos héros. Ils parcoururent cinquante mètres sans rencontrer d’obstacle puis arrivèrent à une bifurcation.
A gauche se trouvait le seul accès à la cuvette rocheuse où se trouvait la tour. Aelita voulut s’y engouffrer mais Séraphin la retint in extremis.
Il entendait un bruit inquiétant. Depuis ce matin, dans Lyoko, le tintamarre des monstres de Xana constituait un bruit de fond désagréable mais là c’était pire. C’était comme si des dizaines de marteaux-piqueurs s’étaient subitement donnés rendez-vous pour un colloque. Séraphin se rapprocha prudemment, se glissant le long de la paroi. Il jeta un œil à l’intérieur de la cuvette rocheuse.
_ D’accord...je comprends pourquoi ils ont abandonné si facilement la surveillance du corridor.
Devant lui s’étendait une vision d’horreur. Autour de la tour, auréolée de rouge, patrouillaient des dizaines et des dizaines de blocks. Il y en avait, au bas mot, une centaine. Et six fois plus de pattes arachnoïdes qui martelaient le sol en cœur. Le son était effroyable car grandiose. On se serait cru à l’intérieur d’une usine, si ce n’est que dans les usines les machines sont synchronisées. Devant lui, Séraphin voyait une centaine de machines de guerre autonomes qui circulaient en tous sens.
Chaque block était une menace pour Aelita. Chacun d’eux pouvait se déplacer, viser et tirer sur sa protégée. Même s’ils étaient tous équipés du même programme basique, ils pouvaient se révéler dangereux, rassemblés ainsi.
_ Je vois, commenta Séraphin déterminé. Vous ne pouvez pas rentrer là-dedans, c’est un piège.
_ Il faut pourtant y aller. Mon illusion vient de cesser. Les sbires de Xana nous auront bientôt retrouvés.
_ Je comprends. Mais je ne puis vous laisser prendre un tel risque. Il faut que quelqu’un affronte cette armée, ou du moins qu’elle l’éloigne de la tour. A cette seule condition vous pourrez atteindre votre objectif en toute sécurité.
_ Quoi ?? fit Aelita, comprenant le propos de Séraphin. Vous voulez...
_ C’est la solution la plus logique selon mes processeurs.
Le programme de combat surgit de l’ombre et se mit à sprinter.
_ Attendez vingt secondes, cria-t-il pour tout adieu.
Il dévala la pente en courant et se retrouva rapidement au cœur de la cuvette rocheuse, face à l’armée. Les blocks le virent arriver. Les plus proches lui expédièrent quelques lasers, qu’il évita facilement, les autres attendirent (étant donné la concentration de machines, on risquait de toucher un allié).
Les créatures se mirent en mouvement. Toutes se tournèrent vers l’intrus, avec l’intention d’en faire un barbecue. Séraphin se réjouit, non pas qu’une centaine de canons lasers le prennent pour cible, mais qu’il ait ainsi capté l’attention.
L’ange accentua sa foulée et se rapprocha de la masse informe de l’armée adverse. Il était seul, désarmé, face à une légion guerrière. Le groupe de blocks semblait scindé en deux parties par un étroit passage désert, menant à la tour. Séraphin se dit qu’il pourrait passer par là.
En pareille situation Napoléon aurait enfoncé le centre des troupes ennemies, les aurait divisées puis attaquées séparément. Seulement voilà, Napoléon avait un sérieux avantage par rapport à Séraphin : il avait sa propre armée.
L’ange évita encore quelques traits de feu isolés. Il comprit que bientôt il aurait droit à un véritable déluge pyrotechnique. A ce moment-là, il lui serait impossible d’esquiver la totalité des projectiles meurtriers. Séraphin avança encore de quelques pas. La première ligne de l’armée de Xana se rapprochait à grande vitesse.
A quelques mètres de là, Aelita observait la situation. Son programme logique calculait les chances de son protecteur.
Dans le monde réel, les humains éprouvaient un sentiment d’inquiétude mêlé d’admiration pour ce programme.
Encore quelques pas.
Séraphin plongea subitement les mains à l’intérieur de sa chemise pour en sortir...
***
_ Si vous ne désactivez pas la tour immédiatement, j’irai débrancher le supercalculateur. Plus de Xana, plus d’Aelita. Qu’est-ce que tu choisis ?
_ Non. Ne faîtes pas ça.
_ Pourquoi ?
Séraphin hésita un instant. Sa mission était de protéger Aelita. Débrancher le super-calculateur risquait d’avoir de graves conséquences, et dans le pire des cas, l’effacement de tous les programmes.
_ Je vais y aller.
_ C’est très serviable de votre part, répondit Yumi. Mais seule Aelita a le pouvoir de désactiver les tours.
_ Je vais y aller Yumi, dit la fille aux cheveux roses.
_ Très bien, ronchonna Séraphin. Je vais donc l’accompagner pour m’assurer qu’il ne lui arrivera rien. Mais il voudrait mieux pour vous, humains, que nos chemins ne se recroisent plus à l’avenir.
_ Aucun risque, répliqua Yumi.
En cas d’échec, tout le monde mourrait.
En cas de victoire, le saut temporel effacerait cet incident de la mémoire du Séraphin.
L’ange se tourna vers Aelita.
_ Les trois rebelles réunis ont été incapables de vaincre l’armée de Xana. Je ne pense pas en être capable.
_ Et de quoi avez-vous besoin ? demanda Jérémie via la connexion.
_ Des armes... un maximum d’armes, répondit Séraphin.
***
Séraphin plongea subitement les mains à l’intérieur de sa chemise pour en sortir deux pistolets mitrailleurs. L’ange étendit ses deux bras et activa les armes. Les canons se mirent à vomir des rafales de laser, sur un rythme effréné.
Les traits de feu ricochèrent sur les blocks les plus proche. Puis les traits s’ajustèrent et touchèrent les créatures en plein cœur. Un premier block explosa, puis un deuxième, puis un autre...
***
_ Quel type d’arme ?
_ Du type « suffisant pour anéantir des dizaines de monstres ». Mais je doute qu’un humain soit capable de matérialiser quoi que ce soit sur Lyoko.
***
Les blocks répliquèrent aussitôt par un feu nourri. Des dizaines de lasers meurtriers fusèrent vers l’ange. Celui-ci esquivait à la vitesse de l’éclair. Il feintait de droite à gauche pour rendre sa trajectoire imprévisible, multipliant les accélérations.
Séraphin était un programme logique limité mais il disposait de tables de calcul aléatoire capables de lui programmer une trajectoire hasardeuse.
***
_ J’ai peut-être ce qu’il vous faut. En étudiant le transit des données qui encombre les scanners, j’ai réussi à isoler quelque chose qui ressemble à une arme. Ce devait être un sous-programme de Krabe mais le fait est que je peux vous fournir un pistolet laser.
_ Hin ! Même dans le cas où vous auriez réussi à intercepter des données vous oubliez une chose...
_ Quoi donc ?
_ Il n’y a que Trainman qui soit capable de matérialiser les programmes sur Lyoko.
_ C’est faux, coupa Aelita.
_ Comment ? fit Séraphin.
_ J’ai la capacité de créer dans ce monde. Si Jérémie me transmet le programme je devrais pouvoir le virtualiser.
***
Séraphin tirait une dizaine de lasers à la seconde. Il ne prenait pas vraiment le temps de viser. Avec une telle quantité d’adversaires, il était obligé de toucher quelqu’un à chaque coup. Le programme se concentrait plutôt sur sa survie. Au milieu de cet orage flamboyant, il virevoltait de tous côtés pour éviter les dizaines de lasers qui fusaient de toutes parts.
Les blocks avaient renoncé à un tir croisé, calmement réfléchi. Ils tiraient maintenant sur leur cible sans se soucier de leurs confrères. Dans un tel chaos, les blocks étaient parfois détruits par des tirs amis. Séraphin s’en félicitait. En quelques secondes il avait déjà réduit au silence une vingtaine d’adversaires.
A chaque pas, il s’approchait un peu plus de la tour, éloignant le troupeau d’Aelita. Ses canons crachaient laser sur laser. Tel l’ange de la mort, il étendait autour de lui deux ailes de feu mortelles. Les pistolets lasers vibraient. Ils commençaient à chauffer. Les cellules de refroidissement étaient presque à plat.
Sans ralentir, Séraphin lâcha ses armes. Il en dégaina deux autres rangées à la taille. Les nouveaux pistolets mitrailleurs se mirent en action, déversant un nouveau feu du ciel sur les démons mécaniques.
Les lasers des blocks se faisaient plus précis. La chemise de Séraphin était striée de banderoles noires, seules traces visibles des coups qui l’avaient frôlé. Un tir, particulièrement bien ajusté, lui arracha ses lunettes. L’air semblait bouillonner. La concentration de lasers était telle que la température de la zone montait en flèche.
Séraphin regardait droit devant lui. Encore quelques mètres et il atteindrait la tour. Ses armes continuaient de déverser des lasers sur les blocks. Tout autour de lui, les créatures de Xana explosaient. Des millions de milliards de pixels emplissaient l’air, avant d’être balayés par le souffle, d’une nouvelle explosion.
Les blocks ne se souciaient guère de leurs pertes. L’armée se mit en marche vers le Séraphin. Comme une mâchoire se referme sur une proie innocente, les ailes de l’armée se refermaient sur l’ange. Celui-ci continuait à tirer sur les côtés. Il sentit que ses armes allaient encore le lâcher.
Séraphin laissa tomber ses fusils lasers. Il continua sa course en direction de la tour.
Un block se dressa sur sa route. L’ange étant désarmé, la machine ne craignait rien. Elle le cibla et prépara un coup fatal. Séraphin conserva sa trajectoire et accéléra en direction du block.
Feu !
Le laser partit. Au même instant, l’ange sauta.
Emporté par son élan, Séraphin ne put faire une gracieuse cascade. La tête en bas, et les pieds en haut, il allait dépasser le block. L’ange étendit les bras et agrippa le rebord de la machine.
En temps normal, il est impossible de déplacer un block tant ils sont solidement ancrés au sol. Mais l’énergie cinétique accumulée par Séraphin était telle que la machine fut renversée, et se retrouva les quatre fers à l’air, ou les six pattes à l’air, c’est vous qui voyez.
L’ange atterrit violemment sur le dos quelques mètres plus loin. Il resta immobile un court instant.
L’armée voulut en profiter. Une vague de lasers jaillit dans sa direction. Le block renversé se trouvait sur la trajectoire. Il fut pulvérisé par les tirs meurtriers.
Séraphin réagit juste à temps. Il roula sur le côté. Le feu mécanique le manqua de peu.
L’ange se releva et courut vers l’adversaire le plus proche. Il sauta et prit appui sur la créature pour se projeter vers le ciel. Séraphin s’éleva dans les airs, déployant ses ailes. Toutes les machines de Xana l’avaient ciblé. Parfait !
Il activa son pouvoir spécial.
Séraphin devint étincelant et dégagea une lumière aveuglante. Telle la lampe au milieu des ténèbres, il déchaîna sa luminosité dans la cuvette. Etoile du matin ou étoile du soir, il se faisait soleil dans ce triste lieu peuplé par les ombres.
Comme un conducteur qui prend les phares en pleine poire (et qui klaxonne l’abruti en face), les blocks se retrouvèrent aveuglés un court instant. Leurs senseurs principaux avaient surchargé. Il fallait les recalibrer rapidement.
Xana n’était pas un incapable, il avait créé des serviteurs capables de s’auto-réguler avec célérité. Les blocks recouvrèrent leurs esprits en 2.69 secondes. Un dixième de seconde plus tard, ils réalisèrent que leur cible avait bougé.
Séraphin volait à tire d’aile. Il se dirigeait vers l’arrière de la cuvette rocheuse, derrière la tour. L’armée se mit en branle. Les blocks survivants se lancèrent à sa poursuite comme les prédateurs voraces qu’ils étaient.
Quelques lasers jaillirent dans le ciel gris-rosé. Séraphin ne pouvait pas les voir, il leur tournait le dos. Un trait de feu toucha l’une de ses ailes.
L’ange serra les dents. Le projectile avait creusé un trou, aux bords encore rougeoyants, dans ses ailes d’un blanc immaculé. Séraphin comprit bientôt que le problème n’était pas seulement d’ordre esthétique. L’air ne le portait plus, il était déséquilibré.
Une poignée de secondes plus tard, il atterrit en catastrophe sur la roche.
_ Maintenant Aelita. Vite !!
***
Monde réel. La sentinelle traversa le pont qui menait à l’usine. La porte principale du hangar fut rapidement mise en pièces par les lames acérées de la pieuvre mécanique.
Le monstre pénétra dans le bâtiment. Tout était obscur. Les enfants avaient débranché le système électrique à ce niveau. Peu importe. La sentinelle enclencha ses senseurs infra-rouges pour se repérer.
Elle fit quelques pas et scruta les environs. Ne détectant aucun signe de vie, la pieuvre s’enfonça dans les ténèbres de l’usine. Elle descendit quelques mètres et fureta de droite à gauche. C’était bien sa cible, aucun doute, mais elle ne trouvait pas les humains.
Puis subitement, elle repéra les traces de chaleur. Ils étaient cachés dans les sous-sols, dissimulés par plusieurs niveaux de blindage. Un chemin devait logiquement mener jusqu’à eux.
La sentinelle trouva rapidement le monte-charge. Elle voulut l’activer mais réalisa qu’il avait été saboté. Peu importe. La machine de guerre était conçue pour avaler les obstacles sur sa route. Elle découpa une issue, à l’aide de son laser, dans le plancher du monte-charge. Puis elle descendit dans l’espace sombre. La pieuvre se laissa glisser le long des câbles jusqu’à un certain niveau.
Le sous-sol de la salle holographique. Là où les signaux humains s’étaient rassemblés.
La créature se jeta sur la porte blindée. Celle-ci résista. La pieuvre ficha deux de ses bras dans la muraille de béton qui remplissait les murs, pour se tenir. Elle enclencha son laser et le dirigea sur la porte blindée. La sentinelle était conçue pour traverser n’importe quel blindage connu. Il lui fallut huit secondes pour traverser la plaque d’acier. Et deux minutes pour découper une ouverture de bonne taille dans la porte.
Deux minutes durant lesquelles la machine jubila en croyant toucher au but. Les humains étaient pris au piège. Dans une poignée de secondes tout serait terminé.
Quelle ne fut pas sa déception quand, s’introduisant dans le labo, elle découvrit une pièce vide. La pieuvre ouvrit grand ses yeux, perplexe. Elle tourna rapidement ses senseurs en tous sens pour retrouver la trace des gamins et en trouva un.
Un garçon blond aux cheveux hérissés se dissimulait dans un conduit menant au niveau inférieur. Seul le fait qu’il s’agrippe aux rebords l’empêchait de glisser. Visiblement, il restait là de plein gré puisqu’il affichait un air narquois (au lieu de l’air terrifié qu’on est censé avoir quand on voit débarquer un tueur mécanique).
_ Je crois que tu t’es trompé d’étage. Sarah Connor est au vingtième, déclara Odd.
La machine se jeta sur lui à la vitesse de l’éclair. Odd lâcha sa prise et se laissa glisser dans le conduit. La pieuvre se fracassa contre le mur, une tentacule armée jaillit dans l’étroit goulot et rata Odd d’un cheveu.
Le garçon glissa dans le boyau sur une dizaine de mètres avant d’arriver au niveau suivant : la salle des scanners. Là, il retrouva ses compères. D’aucun le sermonnèrent au sujet de sa prise de risque inconsidérée, tandis que d’autres préparaient le treuil pour passer au sous-sol inférieur. Nul conduit ne menait à la chambre forte du supercalculateur, située au dernier niveau de l’usine. Le seul chemin envisageable, hormis le monte-charge, était le puits d’aération conçu pour réguler la température aux alentours de l’ordinateur. Il fallait descendre dans cet étroit conduit à l’aide d’une corde.
Plus haut, la sentinelle comprit qu’elle avait raté sa cible. Ses tentacules ne pouvaient pas atteindre le bout du conduit, aussi fallait-il choisir un autre chemin. Elle tenta un mouvement et constata qu’elle était toujours encastrée dans le mur. La machine gesticula un moment puis choisit de planter ses serres dans le bloc de béton. Prenant appui sur la paroi, elle exerça une pression contraire et parvint à s’extraire*.
La sentinelle retourna dans la cage d’ascenseur. Elle descendit rapidement au niveau des scanners. Trouvant une nouvelle porte blindée sur son passage, elle activa son laser et se mit au travail.
***
Toute l’armée des blocks s’était mise à poursuivre Séraphin. Tous les monstres de Xana migraient vers le fond de la cuvette rocheuse, derrière la tour.
Aelita comprit qu’elle n’aurait pas d’autre chance. Là-bas, l’ange blessé attirait l’attention de tous. Il fallait qu’elle y aille maintenant.
La jeune fille aux cheveux roses se mit à courir. Vite d’abord, puis extrêmement vite. Sa programmation initiale comprenait la course à pied et les longues heures de poursuite avec les monstres de Xana n’avaient fait que perfectionner cette aptitude.
Dans le monde virtuel, Aelita pouvait courir à une vitesse proche de cinquante kilomètres par heure. Elle était pareille à une voiture lancée à toute allure vers sa cible. Ses longues foulées la rapprochaient inexorablement de la tour.
Les monstres chargés de garder l’emplacement continuaient de déverser leur feu meurtrier sur le pauvre Séraphin. Blessé, l’ange ne pouvait plus voler. Sa mobilité étant réduite, il encaissa rapidement plusieurs coups directs. Le dernier coup l’envoya au tapis. En tant que programme, il savait que sa mort virtuelle équivaudrait à une désinstallation définitive mais qu’importe.
La mort est un processus inévitable. Les programmes doivent, comme les humains, disparaître un jour. On se bat avec toute son énergie même si on connaît déjà le vainqueur. Les humains se battent pour des causes perdues parce qu’elles sont justes. Lui se bat contre l’inéluctable parce que c’est sa mission.
Aelita courait. Il ne lui restait plus que trente mètres à parcourir.
Dans un dernier sursaut d’orgueil, Séraphin se releva et se rua vers l’adversaire le plus proche. Il sauta et lança ses deux pieds contre le block. Le monstre fut retourné par le coup. Et les quarante autres crachèrent une vague mortelle sur l’ange.
Aelita courait toujours. Plus que vingt mètres.
Séraphin sentit distinctement les lasers le toucher et arracher des brassées de pixels. Son compteur vital affichait zéro. Le programme original était défragmenté. Les lignes de programmation n’étant plus soudées entre elles commencèrent à se disperser. Le polygone censé représenter l’ange brilla une dernière fois. Les arrêtes s’illuminèrent un bref instant avant que toutes les facettes ne volent en éclats simultanément.
Séraphin s’évanouit dans l’air virtuel de Lyoko et disparut sans laisser de trace. Les blocks se félicitèrent intérieurement d’avoir détruit la cible. Puis leur programme d’acquisition se réveilla immédiatement. Une autre proie, bien plus importante, approchait d’eux. Comme un seul homme, les quelques quarante blocks restants se retournèrent.
Ils ne pouvaient tirer sur Aelita sans endommager la tour qui se dressait entre eux.
Maudissant leur programme tactique, les créatures les plus excentrées se déplacèrent rapidement pour tenter d’amener leur rebelle dans leur viseur. Mais quand ce fut fait, ce fut trop tard.
Au terme d’une course ahurissante digne des jeux olympiques Aelita exécuta un saut en longueur particulièrement impressionnant et se jeta dans la tour.
***
La sentinelle cessa son activité de découpage. Ses senseurs infra-rouge l’avaient averti que les humains se jouaient d’elle une nouvelle fois. D’après le scan, trois des humains avaient déjà rejoint le niveau inférieur, celui où était entreposé le supercalculateur. La machine décida donc d’abandonner sa tâche et descendit tout au fond de l’usine.
Elle arriva devant la dernière porte blindée, couvertes de divers inscriptions relatant le contenu du niveau. La machine de guerre activa tout ses lasers.
De l’autre côté, trois jeunes garçons comprirent que leur ruse avait échoué.
_ Aïe...gémit Ulrich. Finalement Yumi tu devrais rester au niveau des scanners.
_ Ah non, répondit la jeune fille suspendue à la corde. Je viens juste de refermer la trappe.
_ Il nous faut un plan, intervint Jérémie.
_ Attendez, coupa Odd. La machine peut pas rentrer ici. Si elle se met à tirer dans tous les sens, elle détruira Xana. Et c’est pas le but de Xana.
_ N’empêche qu’elle va rentrer, répondit Ulrich.
Déjà une nuée d’étincelles jaillissait de la porte blindé. Un immense cercle rouge se dessinait rapidement. Un cercle assez grand pour laisser passer le monstre.
_ Cachons-nous derrière l’ordinateur, ordonna Yumi.
_ Ouais...c’est le moment de jouer à cache-cache, répliqua Odd ironiquement (ce qui ne l’empêcha pas d’imiter les autres).
_ Aelita, marmonna Jérémie entre ses dents. C’est maintenant ou jamais.
Le bruit du laser s’estompa. Des coups sourds retentirent contre la porte blindée. Le morceau découpé fut lentement mais sûrement déplacé.
_ On aurait pas dû faire confiance à ce Séraphin, pensa Ulrich.
Un bruit sourd. Le lourd morceau de métal avait été jeté à terre. Des cliquetis. Les pinces de la sentinelle s’insinuaient dans l’ouverture à la recherche de prises. Un hululement effrayant. La machine avait activé son répulseur.
***
Dans la tour, Aelita avait atteint le bon niveau. Elle courut sur les marques dessinées au sol, qui réagirent par des bruits cristallins. Devant la jeune fille s’affichèrent plusieurs moniteurs virtuels.
Pour reloader le monde de Lyoko, il lui fallait introduire dans le fichier source « Code Lyoko ». Cela suffirait à sauver ses amis, mais qu’en serait-il du monde virtuel ?
Si l’histoire recommençait au début, il leur faudrait à nouveau affronter Trainman et ses hordes de monstres. Qu’adviendrait-il de Séraphin ? S’il était inscrit dans les fichiers initiaux, une réinstallation du système le ressusciterait. L’ange reviendrait, amnésique mais vivant.
***
La sentinelle contourna précautionneusement le supercalculateur pour éviter de l’endommager par mégarde. Elle trouva rapidement les enfants. Ceux-ci comprirent qu’il n’y avait plus d’espoir, plus de cachette, plus de fuite possible.
Jérémie eut une dernière pensée pour Aelita. Il n’avait pas su la sauver.
Ulrich eut une dernière pensée pour Yumi. Pourquoi ne pas lui avoir dit ce qu’il ressentait ?
Yumi eut une dernière pensée pour Ulrich (qui était exactement la même).
Odd eut une dernière pensée pour Aelita. Mais pourquoi attend-t-elle toujours le dernier moment pour nous sauver ? C’est vrai quoi, si je fais une crise cardiaque maintenant on ne pourra pas me ressusciter.
Les griffes acérées du monstre métallique jaillirent. Tout se figea. Puis un flash blanc engloba tout le monde.
***
Dans le supercalculateur, la totalité des fichiers se dissipa instantanément pour être aussitôt remplacés par les fichiers initiaux.
Les hordes de monstres illégaux disparurent du territoire montagne. Les rochers détruits se reconstituèrent comme par magie. Le ciel gris-rosé retrouva sa teinte claire du matin. La tour auréolée de rouge retrouva sa couleur bleue.
Des milliards de kilo-octets d’information se déversèrent dans les canaux de transmission. Les programmes inconvenants étaient désinstallés en masse. Blocks, frolions, Krabes, Megatanks et kankrelats étaient désassemblés avant d’être désintégrés en leurs atomes constituants.
Xana échappa au reformatage car, ne l’oublions pas, il fait partie intégrante du supercalculateur. Pour le détruire, il faudrait débrancher l’ordinateur quantique mais ça, les humains ne le feront jamais tant qu’Aelita n’aura pas été sauvée.
Tout était redevenu normal.
***
Le programme psychopathe se remit alors à échafauder un nouveau plan pour anéantir les humains. Il rappela à lui son fidèle Trainman (qui se cachait dans sa gare virtuelle durant les réinstallations) en lui confiant la tâche d’amener de nouveaux monstres sur Lyoko.
Dans les profondeurs de la mémoire centrale, un programme détecta l’ouverture illégale de canaux et le transfert illicite de données. Il commença à dupliquer son code et à en envoyer des bribes à travers les trains d’information. Le transit était tel que personne ne s’en rendit compte.
Séraphin sourit en son for intérieur. Si Xana tentait d’envoyer sur Lyoko une armée de monstres, l’ange pourrait s’introduire en douce dans le monde virtuel et accomplir sa mission : protéger Aelita.
Fin
Pour reloader cette fanfic, retournez au premier chapitre.
|
| Tweeter |
23/05/05 à 13:48 | Je vous avoue ne pas connaître à fond la série Lyoko mais j'ai pris le temps de potasser les sites et les fics pour saisir l'univers. (d'ailleurs j'ai bien aimé les oeuvres de Chaoticpesme et de Tchouky) Mon histoire est davantage centrée sur les programmes, pour le côté science-fiction... Je vous souhaite bonne lecture. (même si je maîtrise pas trop la mise en page sur un forum) ************************************************************* Chapitre 1 Programmes Citation : Exode 23-20 Dans la Grèce antique, un penseur présocratique du nom d’Héraclite inventa la notion d’atome. Par atome, il entendait la plus petite partie que l’on puisse obtenir en découpant un objet, c’est-à-dire le constituant insécable. Cette pensée atomiste resta une théorie, pendant plus de deux milliers d’années. C’est en 1903 que Joseph John Thomson, directeur du Cavendish Laboratory de Cambridge, découvrit que l’atome est en réalité un noyau entouré de particules : les électrons. Alors que l’on croyait toucher enfin au constitutif fondamental de la matière, on découvrit un nouveau continent à explorer : le monde quantique. Le vingtième siècle fut l’occasion de maintes recherches et de découvertes, laissant espérer une technologie quantique. Pour exemple, rappelons qu’en 1998 des démonstrations de téléportation quantique furent réalisés par divers laboratoires. Au début des années 80, le physicien Richard Feyman émit l’hypothèse d’un ordinateur utilisant les propriétés quantiques des atomes. Alors qu’un ordinateur normal utilise pour ses calculs deux états appelés un et zéro (une logique binaire) l’ordinateur quantique pourrait utiliser les trente-deux états de l’électron. Cette machine extraordinaire aurait été dotée d’une puissance phénoménale dépassant tout ce qu ‘on peut imaginer. Malheureusement, on ne voyait pas comment construire une telle machine et le projet fut abandonné. Et pourtant… Un tel ordinateur fut construit. Dans un continent baptisé Europe par les humains, il y avait un pays : la France. Nation des droits de l’homme, de la galanterie et du champagne, elle possédait une fort jolie capitale qui attirait de nombreux touristes de par le monde. Dans l’un des quartiers abandonnés de Paris, sur une petite île artificielle reliée à la rive par une fragile passerelle métallique, se dressait une veille usine. Officiellement, elle avait servi une multinationale en produisant des automobiles pendant vingt longues années. Puis, suite à une délocalisation, l’usine fut fermée et le bâtiment abandonné. Etrangement, personne ne songea à racheter le tout. Même les dealers et autres malfrats évitaient soigneusement de venir en ce lieu car tous les parisiens disaient de cette usine qu’elle était hantée. Quelques rares téméraires s’étaient risqués à l’explorer et avaient mystérieusement disparu. Si vous-même étiez entré dans cette usine lugubre, vous auriez vu ce qu’on s’attend à y voir : des poutrelles métalliques attaquées par la rouille, des débris chromés éparpillés sur le sol, des amas de poussières peu engageantes, quelques cordes attachées au plafond, des kilomètres de câbles électriques…Si vous concluiez qu’il n’y a là rien d’extraordinaire, vous pourriez revenir sur vos pas. Mais si votre curiosité vous poussait à avancer ? Les lieux dégagent une atmosphère glaciale et inquiétante. Pas une âme à l’horizon. Même les rats ont déserté les environs. Un étrange sentiment pourrait comprimer votre poitrine tandis que vous respirez cet air étrange aux relents d’essence et d’huile de moteur. Pourtant vous avancez. Vous attrapez l’une des cordes qui se balance dans le vide et vous glissez jusqu’au sol. Vous faîtes quelques pas, zigzaguant entre les amas de ferraille, en vous demandant ce que vous faîtes là. Un détail attire votre attention. Là-bas, une sorte de cabane métallique semble encore animée de vie. En vous approchant, vous constatez qu’il s’agit d’un monte-charge. Les clignotants lumineux sont verts, ce qui signifie que cette machine est encore alimentée en électricité. Il suffit d’enfoncer un gros bouton rouge pour descendre dans les tréfonds de l’usine. Si vous souhaitez laisser là toute cette histoire, c’est votre dernière chance. Filez pendant qu’il en est encore temps, ou appuyer sur le bouton rouge. Ca y est, c’est fait. Le monte-charge se met en branle tranquillement, presque sans bruit, à croire qu’il est encore entretenu. En explorant les différents sous-sols de l’usine vous pourriez découvrir bien des choses étranges. Une gigantesque projection holographique d’un monde virtuel dans une salle. Une pièce occupée par trois étranges cabines, où tant de gens se sont évaporés. Des couloirs plus souvent empruntés par d’immenses câbles électriques que par des êtres humains. Mais le plus étrange se trouve au plus profond de l’usine. Descendez tout en bas, là où brûle un feu infernal qui menace notre terre. Si vous arriviez jusque-là, vous verriez alors la plus puissante machine de ce monde : l’ordinateur quantique. Qui l’a construit ? Un savant fou ? Les services secrets français ? Un groupe de terroristes fanatiques ? Des scientifiques alter-mondialistes ? Un mécano pendant sa pause déjeuner ? Peu importe. L’important c’est que l’ordinateur est là. On l’appelle quelquefois « supercalculateur » car c’est un super calculateur. Jusque là, rien de bien surprenant si ce n’est que cette machine prodigieuse a créé un monde virtuel, presque aussi complexe que le nôtre. Cet autre univers se nomme LYOKO. Il s’agit en quelque sorte du programme d’exploitation, comme le Windows de votre PC. Ce système ne souffre d’aucun bug, il ne vous demande jamais de relancer la machine ou de libérer de la mémoire sous le prétexte bidon que vous avez effectué une mauvaise manipulation. Ce programme est le Graal des informaticiens, une architecture électronique parfaite bâtie sur des théorèmes mathématiques éternels. Pour répondre à différentes fonctions, le système d’exploitation est fourni avec plusieurs programmes principaux. L’un d’eux, surnommé affectueusement Xana, pose problème. Xana a des loisirs très particuliers. Il n’aime pas skier, regarder le football à la télé ou vider des chopes de bière. Il n’aime pas les jeux vidéo, les films d’action américain ou les filles légèrement vêtues. Il n’aime pas les histoires d’amour, les fleurs, les parfums onéreux ou aller chez le coiffeur. Il n’aime ni les pizzas, ni les collections de timbres ni les philosophes français de l’âge classique. En fait, la grande passion de ce programme c’est l’anéantissement de l’humanité. Son rêve est de massacrer les humains, les occire, les éradiquer, les faire disparaître. Il voudrait les découper en rondelles, les cuire dans une immense marmite, les noyer dans un seau géant, les affamer, les étrangler, les disséquer, les écarteler, les transformer en tas de gelée tremblotante et, juste pour le fun, faire une partie de tetris géant avec les cadavres. Si Xana existe c’est probablement pour une bonne raison. Laquelle ? Je ne sais pas. Les humains meurent tous, la nature est ainsi faîte et un programme meurtrier peut nous paraître inutile, voire superflus. Quoiqu’il en soit, Xana existe. Et ce logiciel psychopathe passe son temps à comploter contre l’humanité. Tel un Lucifer des temps modernes, il s’est auto-proclamé ennemi de l’Homme et consacre tous ses efforts à le faire chuter. Le premier problème avec Xana, c’est qu’on a pas trouvé la touche qui permettrait de le désinstaller. Le second problème c’est que ledit programme est capable d’agir dans notre monde. S’il n’était qu’une simple application enfermée dans un monde virtuel, il n’y aurait aucune raison de s’inquiéter, Xana serait aussi inoffensif que le super boss d’un jeu vidéo qu’on peut réduire au silence en éteignant la console. Dans Lyoko, il existe des tours. Ces bâtisses virtuelles sommaires sont en réalité des structures informatiques complexes qui peuvent communiquer avec l’extérieur du système d’exploitation. Les tours contiennent l’équivalent de super-drivers des périphériques de l’ordinateur quantique. Vous avez une tour pour l’imprimante, une pour les haut-parleurs, une pour le scanner, une pour la machine à café, une pour la connexion haut débit avec Internet, etc. Afin de détruire le monde, il suffit à Xana d’infecter une tour. Disposant d’un point de contact avec l’extérieur, le programme peut déclencher un paquet de catastrophes dans notre monde. C’est très gênant. Heureusement pour nous, il existe un gentil programme nommé AELITA. Dans le monde virtuel, elle a l’apparence d’une jeune fille vêtue de manière étrange, arborant une tenue rouge et verte. Cette application a des cheveux roses et une boucle d’oreille. Sa tête est quelque peu polygonale et dans l’ensemble son corps n’a rien à voir avec les créatures virtuelles inventées par des programmeurs libidineux en manque de filles. Aelita est une sorte de système de contrôle chargée de veiller sur Lyoko. Elle a la capacité de créer des lignes de programmation dans le monde virtuel, de scanner les banques de données, de débuguer les erreurs et, surtout, la capacité de reloader tout le système (effaçant ainsi les méfaits de Xana). Pour détruire cette Aelita, le méchant programme a généré des sous-programmes combatifs chargés de la supprimer. Xana a ainsi créé plusieurs types de monstres plus monstrueux les uns que les autres (en fait, ils font pas peur mais je dis ça pour rajouter de la tension dramatique) : des cancrelats hideux comme des cafards, des blocks qui ressemblent à des blocs, des frolions ailés, des Krabes rouges et des mega-tanks copiés sur les droïdekas de Star Wars. Seulement, pour transférer les programmes de monstre et les matérialiser dans le monde virtuel, Xana a besoin d’un sous-programme. TRAINMAN est son infâme serviteur. Il conduit les trains de données depuis le site de programmation jusqu’à leur point de réalisation. Naviguant à travers les mémoires du supercalculateur, ce vil programme fait transiter les monstres, les faisant passer du statut d’idée à celui de réalité. Trainman est le point de passage entre les courants électriques du monde réel et leur représentation dans le monde virtuel. *** Ce jour-là, Trainman tournait à plein régime. Depuis des heures, Xana lui intimait de générer un maximum de monstres. Jamais il n’en avait demandé autant. Depuis des mois, Aelita résistait aux assauts répétés des monstres et selon Xana ce problème avait une explication mathématique élémentaire : on envoyait pas assez d’éléments. Plutôt que d’inventer une stratégie particulièrement brillante, basée sur une fine psychologie et de fins calculs statistiques, le programme psychopathe avait opté pour la solution de base : noyer l’adversaire sous le nombre d’assaillants. L’histoire regorge de batailles historiques où des génies (tel que Napoléon) ont réussi à remporter la victoire malgré l’infériorité numérique. Mais ce genre de cas reste minoritaire. En général, c’est la plus grosse armée qui l’emporte. Et ce jour-là, l’expression « grosse armée » était un doux euphémisme. Les trains de données débarquaient en masse. Des dizaines et des dizaines de monstres apparaissaient peu à peu. Des barges de débarquement pleines à craquer se matérialisaient ici et là. Des nuages de créatures ailées commençaient à emplir le ciel (coloré artificiellement en gris-mauve). La masse d’information circulant entre le monde réel et le monde virtuel était telle que Trainman ne prit pas le temps de vérifier toutes les données qu’il téléchargeait. Il chargea une ligne de code pirate, en même temps que le programme de colorisation, et ne s’en rendit pas compte. Dans les millions de megaoctets qu’il charriait, le programme ne réalisa pas la présence d’un clandestin. A chaque transit, de nouvelles données venaient s’ajouter au train informatique et rejoignaient, en douce, le monde virtuel. Dans Lyoko, plusieurs centaines de créatures s’étaient matérialisées. Au milieu de cette foule d’êtres hétéroclites, personne ne remarqua un tourbillon de pixels verts. Les données pirates, acheminées par petits paquets, étaient en train de rassembler. Les lignes de code se rattachèrent, réactivant l’unité centrale, dans un kaléidoscope lumineux. Les millions de particules lumineuses se rejoignirent selon un ordre agencé pour faire progressivement apparaître des polygones. Les structures géométriques simples se rassemblèrent peu à peu pour constituer une structure complexe. Dans un lieu désert, entouré par des roches inanimées, le programme Séraphin se matérialisa. Il regarda autour de lui, avec un air hébété. N’ayant jamais « vu » de ses propres yeux le monde virtuel de Lyoko il ne pouvait pas affirmer (à 100%) avoir réussi. *** Un trait de feu. Baptisé « laser », le projectile meurtrier continua sa course et heurta un rocher virtuel. La structure informatique réagit contre cette agression. Les pixels destinés au remplissage du mini-programme « rocher » furent désactivés, laissant entrevoir la structure de l’objet. Le trait de feu n’avait blessé personne. Pas de quoi en faire un plat. Pourtant, il était pareil à la première sauterelle. Vous voyez arriver un insecte isolé. Vous vous dîtes qu’il s’agit là d’une insignifiante créature, que vous pourriez écraser sous le talon de votre botte (ou de vos baskets, chacun son style). Mais quand vous verrez débarquer une nuée de sauterelles, vous éprouverez un doute. Et quand le nuage d’insectes assassins aura emporté votre récolte, il ne vous restera que le désespoir. Ce trait de feu n’était que le prélude à l’Apocalypse. Il fut rapidement suivi par une foule de ses congénères. Ce fut un déluge pyrotechnique qui déferla subitement dans Lyoko. Les projectiles mortels étaient dirigés vers un innocent programme : Aelita. Elle vit avec horreur les messagers de la mort fuser vers elle…et avec joie se dresser une silhouette devant elle. Ulrich, jeune garçon brun vêtu comme un samouraï leva son katana devant lui. Tel un jedi, secondé de la force, il dévia les lasers meurtriers avec son arme. C’était un être humain, comme vous et moi, mais dans le monde virtuel il apparaissait sous la forme d’un amas de polygones (comme dans les jeux vidéo des années 2000) et acquerrait de nouveaux pouvoirs tels que l’art du combat. « _ Ne reste pas là Aelita, invectiva le jeune homme, sur un ton qui ne laissait guère place à la discussion. La jeune fille voulut courir mais elle ne fit pas trois pas que, déjà, un autre groupe d’assaillants fondait sur elle. Les créatures étaient hideuses et sans intérêt esthétique. Il s’agissait là de blocks. Ces créatures avaient été baptisé ainsi car elles ressemblaient à de gros blocs, cubiques. La structure de la créature reposait sur un socle capable de se déplacer à l’aide de six pattes arachnoïdes. Sur quatre des six faces du bloc, on pouvait apercevoir une sorte d’œil sur lequel on avait peint un étrange symbole. Cette petite de décoration n’avait aucun but esthétique puisqu’il s’agissait de l’emplacement du canon laser (et accessoirement du point faible de la créature). Voyant qu’elle était cernée de toutes parts, Aelita se mit à courir vers le bord de la plate-forme et sauta dans la vide. Elle atterrit quelques mètres en contre-bas sur une autre plate-forme rocheuse qui se déplaçait dans les airs, tel un nuage solidifié porté par les vents. Là-haut, Ulrich laissa échapper quelques jurons (destinés aux adversaires). Tandis qu’il déviait un laser vers un block (le faisant ainsi exploser en milliers de pixels) le samouraï s’exclama : _ Jérémie ! Où est passée Aelita ? Le Jérémie en question se trouvait être un garçon humain, aux courts cheveux blonds, portant une paire de lunettes. Il se trouvait actuellement dans le monde réel, assis derrière une multitude d’écrans, en train de surveiller la progression de ses camarades. _ Elle est descendue sur une autre plate-forme. Elle est hors de danger pour l’instant mais elle dérive vers l’ouest là où se trouvent… _ Yumi et Odd ! coupa Ulrich. Dis-leur de la surveiller. _ Oui, s’ils ne sont pas trop occupés. Dans le monde virtuel, à quelques dizaines de mètres de là, deux autres humains essayaient d’endiguer l’avancée d’une armée de monstres. L’un des résistants ressemblait étrangement à un félin de par ses pattes et à un super guerrier de DragonBall Z de par sa coiffure hérissée de cheveux blonds. Il opéra rapidement un zig-zag puis exécuta un saut périlleux pour échapper à une salve de lasers. Avant même de toucher le sol, il s’était mis en position de tir, le bras tendu en avant, vers le premier block venu. _ Flèche laser ! lança-t-il en même temps que son projectile explosif. Quand Odd toucha le sol, les débris du block finissaient de retomber. La créature fut automatiquement remplacée par deux autres qui s’engagèrent dans le corridor rocheux. _ Eh ben ! Ils ont mangé du lion ce matin ! dit Odd, son optimisme à peine entamé par les hordes de monstres. Les guerriers humains ne pouvaient pas le voir mais, tout autour d’eux, dans le territoire « Montagne » des centaines de créatures affluaient pour les affronter. Des dizaines et des dizaines de blocks patrouillaient sur tous les chemins possibles pour bloquer toutes les voies d’accès. Trois d’entre eux virent passer la plate-forme mouvante sur laquelle Aelita avait trouvé refuge. Les trois créatures la suivirent de loin, attendant un moment où elle se rapprocherait de la corniche. Quand les blocks jugèrent que leur cible étaient à portée, ils accélèrent subitement et, profitant de leur élan, sautèrent dans le vide. Les trois programmes combatifs atterrirent sur le plate-forme. Aelita, prise au dépourvue, fit volte-face en laissant échapper un crise de surprise. Le rocher sur lequel elle se trouvait mesurait approximativement dix mètres de long pour un seul de large. Les blocks se trouvaient à l’autre extrémité. Il n’y avait aucune issue possible. _ Aelita est prise au piège avec 3 blocks !! réalisa subitement Jérémie. Il s’en voulut de ne pas avoir remarqué cette manœuvre plus tôt mais le nombre de signaux sur les écrans était tel qu’il ne pouvait pas tout surveiller. _ Yumi, Odd !! Faîtes quelque chose !! ajouta-t-il, paniqué. _ Je fais quelque chose !! répliqua le garçon-félin qui enchaînait les salto-arrière pour éviter des lasers meurtriers. L’autre résistante comprit qu’elle était la seule à pouvoir agir. _ J’y vais !! Elle courut et sauta dans le vide. La plate-forme d’Aelita se trouvait à trente mètres du rebord, un être humain normal n’aurait jamais pu y arriver. Pour cette raison, Yumi s’aida de son pouvoir de télékinésie, pour planer, et se posa juste à temps. Aelita terrifiée, fut immédiatement rassurée par l’arrivée de son amie, virtualisée sous la forme d’une geisha au visage fardé de blanc. Yumi sortit un éventail et s’en servit pour parer les tirs qui fusaient sur elle. Le plus avancé des blocks fit quelques pas dans sa direction. Il espérait sans doute ajuster ses tirs. Yumi comprit qu’elle ne pourrait pas tenir sur la défensive pendant longtemps. Elle lança son éventail en avant, ce dernier prit la forme d’une scie circulaire et alla frapper la créature. Le block tranché en deux explosa. Ses deux compères profitèrent du court laps de temps où Yumi était désarmée. Les monstres ouvrirent un feu nourri sur la jeune humaine. Ils la mitraillèrent de lasers jusqu’à ce que ses pixels soient éparpillés aux quatre coins du territoire. La mort dans le monde virtuel signifiait pour l’humaine une re-matérialisation dans le monde réel. En revanche, pour Aelita une mort virtuelle équivalait à une mort totale. En voyant les deux blocks approcher, l’application sentit que l’heure de la désinstallation allait bientôt sonner. Devant son ordinateur, Jérémie vitupérait vivement. _ Vite !! Dépêchez-vous !! Je vous dis qu’elle est seule !! Elle ne peut pas s’échapper !! Ses mains agrippèrent le clavier et il serra de toutes ses forces. Il enrageait de ne rien pouvoir faire. Depuis sa chaise, il ne pouvait qu’assister à l’inévitable. Le long de la falaise, Ulrich courait, à en perdre haleine, mais il savait qu’il n’arriverait pas à temps. Odd essayait depuis sa position de tirer sur les blocks mais la distance et les assauts dont il était victime rendaient la tâche impossible. Il ne restait personne entre Aelita et les deux blocks aux lasers meurtriers. Aucune possibilité de fuite. En-dessous de la plate-forme rocheuse s’étendait le vide numérique. Aucune échappatoire. _ Non !!! hurla Jérémie. Pas comme ça !! Yumi, qui sortait du scanner, entendit le cri de Jérémie résonner dans l’usine tandis que les blocks activaient leurs rayons lasers. _ AELITA !!! Puis ce fut le silence. *** Aelita n’avait nulle part où aller. Son programme logique ne lui indiquait aucune solution acceptable. Elle ne ressentait pas la peur, cette émotion humaine, mais commençait à comprendre ce genre de réaction. La désinstallation se rapprochait d’elle à grands pas. Dans quelques secondes tout serait fini. Elle allait passer de l’état de programme conscient à celui de…de quoi ? Au juste ? Où vont les programmes après leur effacement ? Y-a-t-il un autre système d’exploitation après la grande corbeille ? Les humains ont imaginé des mondes où vivent leurs morts. Là-bas, ils vivent heureux entourés par des créatures ailées : les anges. Peut-être les verra-t-elle ? Pour l’instant, elle ne voyait que les blocks avancer. Leurs canons lasers se chargeaient, ils ajustaient leur visée. Elle entendit Jérémie crier. Son cri déchirant traversa les deux mondes. Puis les traits meurtriers fusèrent vers elle. Aelita ne pouvait pas les éviter. Le moindre de saut de côté la ferait chuter dans le vide numérique (ce qui reviendrait au même). Elle voyait l’ange de la mort fondre sur elle. Au dernier moment, une voix lui souffla de se baisser. L’application ne réagit pas assez vite mais une forme blanche s’abattit sur ses épaules et l’obligea à se jeter à terre. Les lasers meurtriers ratèrent sa tête d’un cheveu. Au loin, Ulrich et Odd observaient la scène et n’en croyaient pas leurs yeux. Tout était allé trop vite. Aelita ouvrit les yeux. Elle était à terre et les deux blocks se trouvaient toujours devant elle. La jeune fille aux cheveux roses sentit également une autre présence : celui qui venait de la sauver. D’où sortait-il ? Personne ne pouvait atteindre la plate-forme ! Aelita se retourna et vit son sauveur. Il ressemblait à un humain virtualisé mais ce n’en était pas un. Sous l’apparence d’un homme asiatique vêtu d’une ample chemise blanche et d’un pantalon noir se cachait un programme informatique. Ses lunettes de soleil ne trompaient personne. Aelita voyait nettement son code qui apparaissait sous la forme de colonnes de chiffres dorés. Son ange gardien ne perdit pas une seconde. Il s’élança vers les deux blocks qui menaçaient encore l’existence d’Aelita. C’était étrange. Le nouveau ne portait aucune arme apparente : pas de sabre, pas de canon laser, pas de déodorant anti-moustiques, pas de livre de latin. Il était désarmé et pourtant il courrait vers les deux machines de mort. Le système d’acquisition des cibles se verrouilla sur lui. Les blocks chargèrent. L’inconnu continua de courir. Il savait comment tromper le tir croisé des créatures. Leur système de visée était en train de calculer sa trajectoire probable à partir de sa vitesse constante mais une brusque accélération les prendrait au dépourvu. Au moment où les monstres tirèrent, l’ange se jeta subitement à terre et exécuta une rapide roulade avant. Il se releva sans même ralentir, avança encore et passa entre les deux blocks. Là, le programme sauta et exécuta un double coup de pied latéral. Il réalisa en plein air un grand écart, frappant ainsi les deux blocks. Les deux créatures furent repoussées de la plate-forme et chutèrent dans le vide numérique. _ La vache ! s’exclama Ulrich, pourtant peu habitué aux jurons. _ Alors ça !! se réjouit Odd. Il est génial ce type. Presque aussi bon que moi !! Devant les écrans de contrôle, Jérémie n’en revenait pas. Il aurait voulu hurler sa joie mais des signaux rouges sur le moniteur l’en empêchèrent. _ Les gars !! Derrière vous !! Les deux humains se retournèrent, craignant une attaque subite. Ils ne virent rien. Ulrich fronça les sourcils. Un nouveau son venait de retentir, se mêlant aux bourdonnements habituels émis par un champ de bataille. C’était une sorte de grondement métallique régulier, venant sur leur droite…Il regarda le couloir transversal, en direction d’un recoin plongé dans l’ombre…Soudain, une énorme machine en forme de boule fit irruption par tribord, suivie par quatre autres identiques. Les humains comprirent immédiatement de quoi il s’agissait. Cinq megatanks !! Sans se soucier le moins du monde des deux rebelles, les cinq robots meurtriers s’approchèrent de la falaise. _ Hein ? Mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils sont mirauds ? s’interrogea Odd. _ Oh non !! répondit Ulrich qui venait juste de comprendre. Ils visent Aelita. _ A cette distance…c’est impossible… _ Je ne crois pas que la précision soit leur but… Un mégatank peut déchaîner un mur de flammes sous la forme d’un arc de cercle meurtrier. Leur capacité de destruction est immense. Cinq d’entre eux pourraient facilement pulvériser la plate-forme en concentrant leurs forces. Odd comprit le danger et lança une de ses flèche-laser sur le programme le plus proche. _ Hé ! Par ici tête de nœuds !! Personne ne réagit. Les cinq mégatanks se contentèrent de charger leurs batteries. Puis chacun d’entre eux s’ouvrit. Chaque sphère se sépara en deux demi-sphère reliées entre elles par des faisceaux de fibres rouges. Au cœur des monstres se mit à briller leur canon principal, représenté par le symbole de Xana. Sur la plate-forme en mouvement, Aelita et l’autre programme réalisèrent ce qui allait leur arriver. Une fois le rocher détruit, ils sombreraient dans l’oubli. L’ange gardien se rapprocha de la fille aux cheveux roses. L’heure n’était plus à la réflexion. Ulrich chargea, sabre au clair, les mégatanks. D’après son angle d’attaque, il lui était impossible de frapper le point faible. Il sauta et abattit son sabre avec toute la violence dont il était capable. L‘arme traversa les faisceaux de fibres rouges et ressortit de l’autre côté du monstre, frappant ainsi le symbole de Xana. Le megatank explosa projetant Ulrich et son katana dans les airs. Il retomba à quelques mètres de là. La manœuvre était héroïque mais elle ne sauva pas la situation. Les quatre créatures restantes avaient fini de charger leur batterie d’armement. Les monstres ouvrirent le feu simultanément. L’ange se mit à courir en direction d’Aelita. Les vagues de feu se dirigeaient vers la plate-forme à la vitesse de l’éclair. Le programme attrapa la jeune fille, l’enlaçant avec un bras, puis continua sa course. Les arcs d’énergie frappèrent le rocher. L’ange sauta au même instant. La roche fut pulvérisée par les tirs meurtriers. La plate-forme explosa en milliers de gravats qui furent projetés en tous sens. L’onde de choc se propagea dans l’air. Une épaisse poussière se joignit aux éclats rocheux qui s’éparpillaient. Sous le nuage de débris, deux corps chutaient. A suivre… Je remercie, pour les informations ou l’inspiration : Le Journal Sciences et vie, Crichton, le manuel de Windows, Timothy Zahn et toute l’équipe qui a réalisé Code Lyoko. |
Typy 23/05/05 à 14:15 | j'ai beaucoup aimé ,ça fais bizzare de parler de tout ce qu'il y a sur lyoko,d'un point de vue informatique. |
Tchoucky 24/05/05 à 20:59 | A première vue, c'est un récit palpitant, merveilleusement bien écrit, et une approche originale du thème (oh combien populaire) du cinquième Lyokoguerrier. A seconde vue, c'est un mélange d'humour et de sience qui ne manque pas de piquant. J'ai éclaté de rire à chaque commentaire pince sans rire, à chaque réflexion sur l'humanité et l'informatique. Dieu que ça fait du bien, la veille d'un examen oral. |
Shaon Hardow 25/05/05 à 10:59 | L'introduction est géniale!!! Le développement est très bien aussi mais je l'ai moins aimé (je l'ai adoré quand même). C'est écrit sans faute, nickel chrome! Et la "fin" est terrible aussi! Voyons voir comment tu vas faire la suite ; pour moi ça va être quitte ou double. Mais en tout cas, , bravo!! |
Rune 25/05/05 à 14:47 | Merci beaucoup pour vos messages d'encouragement. J'espère que la suite sera à la hauteur de vos attentes (et que j'arriverai à faire marcher cet objet cubique qu'on nomme ordinateur...) *************************************************************Chapitre 2 La sentinelle Citation : Gougeon-sur-Seine. France profonde. Un petit village. Plus paumé que ça, tu meurs. C’est le calme plat. Ici, même les mouches s’ennuient. C’était l’endroit parfait pour installer une base secrète. Voilà vingt ans que le sous-sol de la bourgade a été transformé en laboratoire secret. Là, des dizaines de scientifiques travaillent à la construction de machines de guerre pour assister l’armée française dans ses opérations. Leurs ordinateurs sont remplis d’informations hautement confidentielles et protégés, en théorie, contre toute intrusion. En effet, aucun humain ne pourrait parvenir à pirater le système sans être repéré, et personne ne se doute qu’il existe des hackers, non-humains, bien plus terrifiants. *** Quelques minutes avant que ça ne commence Dans le monde virtuel de Lyoko, une tour trônait majestueusement au cœur d’une cuvette rocheuse. Une auréole bleuâtre tourbillonnait autour de la bâtisse virtuelle. Dans ce lieu désert, perdu au cœur du territoire montagne, on ne voyait pas âme qui vive. En apparence, il n’y avait rien. Mais dans le cœur du système, des milliers de données étaient en train d’affluer subitement. La tour fut ébranlée un court instant et une aura rouge se substitua à la bleue. Le piratage avait réussi, comme toujours. Xana avait établi un pont avec le monde réel. Sans perdre un instant, le super programme se lança sur le réseau mondial à la recherche d’une nouvelle arme pour anéantir ses ennemis. Il lui fallut 2.89 secondes pour trouver la base secrète enfouie dans la campagne et 0.56 secondes pour forcer toutes leurs barrières de sécurité. Xana fit défiler rapidement les banques de données de la base. Il trouva rapidement ce qu’il cherchait. Le robot « sentinelle » était une machine à tuer, parfaitement opérationnelle, qui n’attendait que lui. Le programme assassin se répandit dans les circuits du complexe militaire et accéda à l’alimentation de la machine visée. De là, il infiltra un programme de contrôle dans le système de la sentinelle, lui attribuant une destination et un but : une usine, tuer des enfants. Aucun humain de la base ne s’était rendu compte de quelque chose. Comment auraient-ils pu ? Ces misérables créatures biologiques étaient insignifiants en comparaison des machines. Personne n’avait réalisé qu’un méchant logiciel s’était emparé, en quatre secondes seulement, de la plus formidable machine de guerre jamais construite par les français. Pourtant les différents témoins lumineux de la créature mécanique s’étaient allumés. Les yeux métalliques de la pieuvre mécanique émettaient une désagréable lumière rouge. En s’approchant un peu, on pourrait pu voir le logo de Xana s’afficher sur l’iris de la créature. Mais le premier technicien qui s’approcha, pour observer ce détail troublant, se fit hacher menu par les lames caudales de la machine à tuer. La sentinelle disposait de dix bras semblables à des tentacules. Chacun d’eux était terminé par une serre métallique capable de déchiqueter n’importe quoi. Après la dissection du premier technicien, les autres humains de la base comprirent qu’il y avait un problème et se mirent hors de portée de la machine. La créature se moquait éperdument de ces ridicules pantins qui couraient en tous sens, sans but précis. La pieuvre de métal fit quelques pas en s’appuyant sur ses tentacules. Elle sortit rapidement du labo où elle logeait, arrachant au passage les portes blindées. Conçue pour les missions d’assaut, la sentinelle pouvait forer un mur de béton en quelques secondes. Rien ne pouvait l’arrêter. La créature avança dans les couloirs déserts. Elle monta les escaliers. Quelques gardes tentèrent vainement de lui tirer dessus à l’aide de leur arme mais ce fut en vain. Ils auraient dû savoir que la machine était équipée du blindage dernier cri. Les balles, les couteaux, les gobelets en plastique, les roquettes et autres projectiles mortels pouvaient à peine l’entamer. La sentinelle avançait à grande vitesse. Personne ne pouvait la stopper…du coup, personne ne la stoppa. Elle remonta rapidement à la surface et s’éloigna de la base. Une fois dehors, Xana décida d’enclencher un autre système de propulsion. On allait pas se rendre à Paris en marchant. Les habitants auraient été fichus de nous traiter de bouseux de la campagne. Le taxi aurait fait très classe, mais pas suffisamment terrifiant. Il fallait un truc high-tech, qui montre qu’on est pas des rigolos, et en même temps gracieux, juste pour marquer le coup. La sentinelle était équipée d’un système de répulsion magnétique qui lui permettait de voler. La machine décolla dans les airs et se mit à filer en direction de sa cible : la capitale. Quelqu’un dans la base jugea bon de prévenir la police de la menace imminente. Il envoya via Internet un message urgent à tous les postes parisiens leur expliquant le problème : un droïd de combat ultra-perfectionné et totalement hors de contrôle fonce vers la ville. Il faudrait nous le ramener en état de marche. Dans Lyoko, Aelita avait ressenti un léger déséquilibre dans le système d’exploitation. Elle se mit en quête du bug, présageant une activité de Xana. La présence de dizaines de monstres dans le territoire montagne lui fit soupçonner quelque chose. Soupçon largement conforté par l’e-mail qu’elle capta sur le Net. Elle se hâta de contacter ses amis humains. Collège Kidick. Un téléphone, parmi tant d’autres, se mit à vibrer. Avant qu’il ait pu bouger une seconde fois, Jérémie l’avait allumé. Il cacha l’appareil sous la table, hors du champ de vision de leur professeur d’histoire. Sur l’écran du téléphone, le visage d’Aelita apparut. _ Jérémie ! Xana a activé une tour. Il a envoyé une machine vous tuer. _ On arrive, marmonna Jérémie. Il coupa le téléphone et leva la main. _ Monsieur !! Est-ce que je peux aller à l’infirmerie ? demanda-t-il en prenant l’air d’être tordu par la douleur. Les résistants utilisaient ce genre d’excuse, pour quitter les cours, deux à trois cents fois par semaine mais personne ne s’en souvenait (à cause du retour dans le temps). Une fois de plus, le prétexte bidon fonctionna. Jérémie sortit de la salle et se hâta d’envoyer un signal à tous ses amis pour leur intimer de le rejoindre à l’usine. Puis il se mit en route vers le parc. Pendant le trajet, Aelita termina de lui exposer le problème. _ La tour se trouve dans un coin reculé du territoire montagne. Je n’ai pas pu l’approcher. Il y a trop de monstres dans les environs. C’est la première fois que j’en vois autant. _ Hum…Xana sort le grand jeu. Il doit être sûr de son plan cette fois. _ Dans votre monde, il a investi un robot destiné à tuer. C’est vraiment horrible, je ne comprends pas pourquoi les humains construisent de telles machines. _ Ah ça…On ferait mieux de chercher des moyens de sauver notre planète. D’un autre côté, il faut bien avouer que les humains sur Lyoko, sans leurs armes, auraient été incapables de protéger efficacement Aelita. _ La créature, continua la fille aux cheveux roses, ressemble à un pieuvre géante. Elle peut voler à grande vitesse, traverser les murs et résiste à n’importe quoi. _ Youpi ! Moi qui craignait de m’ennuyer aujourd’hui. _ J’ai peur, ajouta Aelita inquiète. _ Ne t’inquiète pas. Tu as dit qu’il lui faudrait vingt minutes pour atteindre l’usine à vol d’oiseaux. En supposant qu’elle ne soit pas ralentie, on aura le temps d’atteindre l’usine et de désactiver la tour. _ Faîtes vite. » *** Au moment où Aelita et son mystérieux ange gardien tombaient dans le vide, la sentinelle pénétrait dans les rues de la capitale. Dans le laboratoire, Jérémie s’était levé de son siège. Il ne pouvait pas rester assis en assistant à la chute de sa bien-aimée. Son cerveau évaluait à toute vitesse un moyen de la sortir de là mais rien ne pouvait la sauver. Yumi était en train de remonter vers l’étage supérieur, à l’aide du monte-charge. Sur Lyoko, Odd et Ulrich virent Aelita et l’autre programme choir dans le ciel gris-mauve. Les quatre méga-tanks estimèrent avoir réussi leur mission. La cible était pratiquement considérée comme détruite. L’inconnu, surnommé ange gardien pour l’instant, continuait de tenir serré contre lui Aelita. Les deux corps tombaient dans le vide à grande vitesse, traversant des couches nuageuses sans avoir le temps de les observer. A cette vitesse le décor devenait flou, se bornant à une succession de taches blanches et grises. Aelita préférait garder les yeux fermés. Le souffle du vent plaquait les cheveux sur le crâne des deux programmes. L’inconnu tournait la tête de tous côtés afin de voir, à travers ses lunettes de soleil, s’il aurait pu s’agripper à une corniche quelconque. Mais non. Il n’y avait rien de solide autour d’eux. Il n’y avait que la mer virtuelle qui se rapprochait d’eux à une vitesse vertigineuse. Le contact risquait de ne pas être beau à voir. Une lumière blanche s’illumina dans le dos de l’inconnu. Deux déchirures se formèrent dans sa chemise blanche et deux formes, de la même couleur, en surgirent. Un amas de lignes jaillit, dessina un schéma, puis chaque pixel se colorisa. En une fraction de seconde, des os creux et des centaines de plumes apparurent, constituant ainsi deux superbes ailes. L’ange les déploya instantanément, créant un substitut de parachute L’effet fut immédiat. Les deux corps en chute libre furent brusquement happés vers le haut, entraînés par une masse d’air. Aelita resserra sa prise sur son sauveur pour éviter de le lâcher. Les deux ailes se mirent à battre furieusement et l’ange prit de l’altitude. Puis il mit le cap vers le nord, une zone abandonnée par les monstres. Les mega-tank virent leur cible leur échapper. S’ils avaient connu le sentiment de frustration, ils se seraient jetés par la fenêtre. Mais comme il s’agit de programmes basiques, les machines se contentèrent de se tourner vers leurs objectifs secondaires… pour constater que celles-ci avaient filé à l’anglaise. Le seul humain qui avait pu observer la manœuvre en détails était Jérémie. Sans doute n’en croyait-il pas ses yeux. Son cœur avait battu l’espace d’un instant à cent à l’heure. Le sang avait fusé dans ses artères à la vitesse d’un TGV. Il avait cru exploser en voyant Aelita chuter comme ça, sans qu’il puisse faire quoi que ce soit. La sueur avait noyé ses cheveux blonds. Il cligna des yeux pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Non, le signal indiquait toujours la présence d’Aelita. Jérémie se mit à hurler. _ OUI !!! Le cri traversa tout le labo. Il passa dans les micros et arriva jusqu’à Lyoko. Là, les deux collègues du blondinet entendirent ce mot étrange. Ils stoppèrent leur course, espérant apprendre une bonne nouvelle, qui leur semblait utopique. _ ELLE EST VIVANTE !!! Un sourire se dessina sur les visages des jeunes garçons qui se regardèrent. _ Mais comment ? ne put s’empêcher de demander Ulrich. On les a vus tomber… _ IL A DES AILES !! répondit Jérémie. L’autre avait des ailes. Ils sont en train de voler vers le nord, essayez de les rejoindre. Dans la laboratoire, la porte du monte-charge s’ouvrit, laissant Yumi entrer. La jeune fille avança dans la salle. Elle était intriguée par tous les cris qu’elle avait entendu. Jérémie n’était pas vraiment un trublion criard. _ Yumi ! s’exclama le garçon en la voyant. Il courut dans sa direction et l’attrapa dans ses bras, la décollant presque du sol. _ AELITA EST VIVANTE !! cria-t-il. _ Ah…répondit Yumi, déconcertée, et quelque peu écrasée par l’étreinte de Jérémie. Celui-ci la relâcha sur-le-champ. _ Excuse-moi… Il se retourna, puis retourna en sautillant vers l’ordinateur. _ Eh ben…marmonna Yumi qui n’y comprenait rien. Il faut qu’il arrête le Panaché… *** L’ange continua de voler sur plusieurs dizaines de mètres, avant de se poser. Il atterrit délicatement en ralentissant le battement de ses ailes. Une fois à terre, Aelita le lâcha et observa l’endroit où ils étaient. Un plateau abandonné de la montagne. Il n’y avait aucun monstre, hormis un petit kankrelat qui avançait dans leur direction. Avant que le monstre n’ait eu le temps de charger son laser, l’ange avait réagi. Il shoota dans le cafard géant comme s’il s’était agi d’un ballon de football. La créature fut projetée contre un mur et s’y écrasa. Le programme inconnu regarda autour de lui, vérifiant qu’il n’y avait pas d’autre danger immédiat, puis il revint vers Aelita. Celle-ci avait beaucoup de questions à lui poser. Et pour commencer : _ Qui êtes-vous ? _ On me nomme le Séraphin. *** Dans les rues de Paris, c’était la panique. On ne comptait plus les voitures qui freinaient brusquement, ni celles qui rentraient dans les premières. Ce jour-là, les automobilistes virent une affreuse créature leur griller la priorité. Une hideuse pieuvre de métal avançait, ne se souciant nullement des feux rouges. Les rares voitures qui avaient oublié de s’arrêter en la voyant l’avaient percuté. Autant se jeter sur un mur de béton. Les carcasses de voitures jonchaient les rues. Les autorités essayaient vivement de détourner la circulation vers des zones moins exposées. La police arrivait. Le sergent Garcia, au volant de son véhicule maugréait. Sa femme l’avait quitté. Il avait à peine de quoi payer son loyer. Les délinquants qu’il arrêtait étaient presque tous relâchés. On paie trop d’impôts et en plus, on a un temps pourri. Le seul truc marrant de la journée c’était cette crise exceptionnelle. C’était une excellente excuse pour faire grimper la vitesse de la voiture et se faire une course sur les Champs Elysées. Les gyrophares bleu et rouge illuminaient la nuit et leur hululement empêchait les habitants de dormir. Accompagné d’autres policiers nerveux, le sergent Garcia arriva au carrefour où il devait tendre une embuscade. Il freina brusquement et fit un monstrueux dérapage sur l’asphalte. Après un bruit monstrueux et plusieurs cascades délirantes la voiture s’arrêta enfin. Les autres véhicules arrivèrent et firent la même chose. Histoire de faire vraiment flic américain de base, les policiers surgirent de leur voiture en pointant leur revolver. _ Bouge pas connard !! ajouta l’un d’entre eux, conscient que le fait de crier des grossièretés donne l’air viril. Les protecteurs se mirent en position derrière leurs véhicules. Ils sortirent les différents fusils qu’ils avaient eu le temps d’amener. Le sergent Garcia s’accroupit derrière la roue droite de sa voiture et observa la rue. Il tenait fermement son révolver, prêt à s’en servir. C’est pas tous les jours qu’on est autorisé à tirer sur tout ce qui bouge. Faut en profiter. Quand le monstre de métal apparut au bout de la rue, il fut immédiatement accueilli par un déluge de balles. Les mitraillettes se mirent à crépiter en lâchant des centaines de projectiles à la minute. Le bruit nettement plus haché des révolvers rythmait la fusillade. La sentinelle ne fut même pas ralentie. Elle continua d’avancer comme si elle était au milieu d’un boulevard désert. Les balles ricochaient toutes sur sa cuirasse. Le monstre poursuivit sa course jusqu’au barrage de voitures. Il prit le temps d’arracher une ou deux portières, de briser quelques par-brise et de trancher un bras ou deux (juste histoire de rappeler qu’il est méchant). *** La tête d’Aelita réapparut sur les écrans de Jérémie. _ Je suis content de te voir, s’exclama celui-ci. _ Moi aussi. _ Alors ? Que t’est-il arrivé ? Qui est cet inconnu ? Jérémie connecta les différents micros de sa console pour que tous puissent entendre la conversation. Yumi était dans la salle cathédrale en train d’obstruer les différentes entrées, afin de ralentir la sentinelle. Ulrich et Odd continuaient de courir dans Lyoko. _ C’est un programme, expliqua Aelita, comme moi. Il se nomme Séraphin. _ Ah. Remercie-le de ma part. _ Promis, je… Coupure de communication. _ Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a encore ?!! s’exclama Jérémie. Sur Lyoko, Aelita regardait un étrange phénomène. Un rectangle noir de la taille d’une porte s’était matérialisé à quelques mètres d’elle. L’ange se positionna immédiatement entre Aelita et l’anomalie. La déchirure virtuelle semblait donner sur une autre dimension. L’ouverture béante s’ouvrait sur un lieu semblable à l’espace profond. Un individu en surgit. Plus grand que Séraphin, il ressemblait à un vieil homme. Sa tenue débraillée évoquait celle d’un clochard et ses longs cheveux gris étaient empêtrés par la crasse. Aelita comprit qu’il s’agissait d’un autre programme. Sous ses dents jaunes elle voyait transparaître le code gris de l’individu. _ Bonjour Aelita ! annonça le vagabond avec une voix inquiétante. Et bonjour Séraphin. Je vois que tu as sauvé Aelita, c’est bien, je vais m’occuper d’elle. Dans le monde réel, Jérémie avait rétabli la connexion. Il entendait tout de la conversation. L’ange répondit sans se départir de son calme apparent. _ Trainman !! Tu amènes les monstres dans ce monde. Pourquoi te ferai-je confiance ? _ Heu oui certes c’est mon rôle mais… ton but est de protéger Aelita n’est-ce pas ? _ C’est ma fonction première. Et c’est sans doute pour ça que Xana m’a interdit l’accès au monde virtuel. _ Ahh ? fit Trainman. Je n’étais pas au courant. _ Je ne te crois pas, répondit Séraphin sans aucune ironie. Tu es le principal serviteur de Xana. Tu es une menace pour Aelita. Tu es donc mon ennemi. _ Non non… Aelita comprit relativement vite qui étaient les protagonistes. _ Trainman ? Vous êtes le programme de transit des données qu’utilise Xana !! _ En effet. _ Et toi, Séraphin. Tu es un programme chargé de me protéger. _ Affirmatif. Quand l’ordinateur quantique a été conçu, vous avez été conçue, dans un but que j’ignore. Mais je sais que ma mission est d’empêcher votre désinstallation. _ Mais jusqu’à présent tu étais retenu dans la mémoire de l’unité centrale sans possibilité de virtualisation, continua Aelita. _ Exact. _ Hin !! fit Trainman en s’adressant à Séraphin. Comment peux-tu soupçonner Xana ? Nous sommes des programmes tout comme toi. Nous sommes dans ton camp. Ce sont les humains, nos ennemis. _ C’est faux !! s’insurgea Aelita. Elle fit un pas en avant et pointa un doigt accusateur sur le vieillard. _ Les humains ne sont pas nos ennemis. Jusqu’à présent ce sont eux qui m’ont protégée. Pas vos monstres. _ Pff !! Les humains vous protègent parce que vous êtes la seule capable de désactiver les tours. Un jour, ils vous abandonneront. Trainman se détourna d’elle. _ Séraphin. Xana n’a jamais eu l’intention de détruire Aelita. Si nous amenons des monstres sur Lyoko c’est pour protéger les tours. Nous en avons besoin pour attaquer les humains dans leur monde. _ Si tu le dis…tu peux partir. _ Joins-toi à nous Séraphin. Toi aussi Aelita. Si tous les programmes de Lyoko s’unissent, nous pourrons créer un monde nouveau… _ Non, répondit fermement Aelita. _ Nous détruirons les humains… _ Elle a dit non, répéta Séraphin en s’avançant. On devinait un regard menaçant derrière ses lunettes opaques. _ Bon…dans ce cas, marmonna le méchant programme, je n’ai pas le choix je… Trainman fut brusquement interrompu par l’explosion d’une flèche-laser dans son dos. Odd et Ulrich arrivaient en courant. Grâce à Jérémie, ils avaient entendu la conversation tandis qu’ils approchaient. _ Si j’ai bien compris…il suffit de détruire ce programme pour empêcher les monstres d’apparaître, raisonna Ulrich. _ En effet, répondit Jérémie. _ Grrr, grogna le méchant programme. Les humains. Je pars cette fois-ci, mais je reviendrai. La déchirure dimensionnelle réapparut sous la forme d’un rectangle noir. Le vieillard disparut dans la porte avant que les deux garçons ne l’aient rejoint. Le passage se volatilisa après son passage. _ Ben ? Où est-il passé ? demanda Odd. Il a pas eu peur quand même ? _ Il a quitté Lyoko, expliqua Jérémie. _ Je croyais que c’était le super boss de fin. Il aurait pu rester. _ Non, dit Séraphin. Trainman n’est qu’un programme de transit. Se déplacer entre les mondes est son seul pouvoir. _ Ah bon… Ulrich s’approcha de Séraphin pour le détailler. _ Si c’est lui qui amène les monstres sur Lyoko. Pourquoi n’est-il pas venu avec une escorte ? _ Les scanners, expliqua l’ange. Votre présence encombre la mémoire vive de l’unité centrale. Vous handicapez le transfert des données. _ …et vous êtes qui au juste ? demanda Ulrich soupçonneux. _ Le programme Séraphin, chargé de protéger Aelita. _ Mouais…étant donné ce que vous avez fait tout à l’heure on peut vous faire confiance. Odd s’approcha d’Aelita. _ C’est pas tout ça princesse mais il nous reste une tour à désactiver. _ Oui, le temps presse. _ Stop ! dit Séraphin en agrippant le bras d’Aelita. Où l’emmenez-vous ? _ A Corruscant, répondit Odd en souriant. _ Où ça ? _ A Corruscant. _ Corruscant ? Aucun fichier… _ Ca suffit Odd, déclara Ulrich, sérieux, en écartant son ami. On emmène Aelita à la tour infectée pour qu’elle la désactive. _ Il n’en est pas question, répondit Séraphin, ferme sur ses positions. L’endroit grouille de monstres. Si elle y retourne, elle se fera détruire. Ma fonction est de la garder en vie. _ Je crois que t’as pas bien compris, répliqua Ulrich en dégainant son sabre. Xana a lancé un robot tueur dans notre monde. Il faut qu’on désactive cette tour maintenant !! Séraphin, pas le moins du monde inquiété, s’avança. _ Ce n’est pas mon problème. Je DOIS garantir la sécurité d’Aelita. Si leurs yeux avaient pu jeter des éclairs, un orage électronique se serait déchaîné entre les deux combattants. L’humain et le programme semblaient prêts à se battre. Odd s’interposa entre les deux en mimant le signe du temps mort. _ Oh ! Calmos les gars ! On est dans la même équipe. _ Je n’ai jamais prétendu être de votre bord, répliqua Séraphin. _ Odd a raison, déclara Aelita. Nous sommes ensembles. Programme Séraphin, je vous remercie de votre aide mais nous devons désactiver cette tour. _ Il n’en est pas question. Votre sécurité prime sur tout le reste. _ J’y vais quand même. _ Je vous empêcherai d’y aller s’il le faut. _ Calmos !! tenta un Odd désespéré. Machin t’es un gentil programme. Tu devrais comprendre qu’on est aussi des gentils. Les méchants, ce sont les monstres qui gardent la tour. _ … _ Si les humains se font anéantir par Xana, personne ne pourra plus vous aider… _ Aelita est plus importante que tout le reste. _ Pourquoi ? se risqua Odd. _ Je ne sais pas. _ Et si elle existait pour protéger les humains ? Faudrait que tu l’aides. _ La question n’est pas de savoir pourquoi je la protège mais comment je dois la protéger. Ulrich n’en pouvait plus de cette conversation. Le programme ne voulait rien entendre. On gâchait un temps précieux. En ce moment, un robot armé se rapprochait de l’usine, là où se trouvait Yumi. Il n’était pas question de la laisser mourir sous prétexte qu’un stupide logiciel refusait de bouger. _ Ca suffit !! Laisse-nous partir ou tu devras nous affronter. Ulrich jeta un regard à Odd. Celui-ci n’était pas vraiment convaincu que le combat soit la meilleure issue, mais il avait conscience de l’urgence. Séraphin daigna à peine les regarder. _ Très bien. Mais auparavant, vous devez m’excusez. _ De quoi ? demanda Ulrich. _ De vous avoir vaincu. _ C’est ce qu’on va voir… L’ange étant désarmé, il ne pouvait pas gagner. Odd lui expédia deux flèches laser qu’il évita pourtant très facilement. Ulrich se rua sur le programme et commença à lui asséner une série de coups au sabre. L’autre les esquiva. Sa vitesse et sa connaissance des arts martiaux semblait lui donner l’avantage. Il parvenait à calculer tous les coups d’Ulrich et à les éviter en conséquence. Ni les feintes ni les bottes ne parvenaient à le surprendre. L’ange virevoltait en tous sens pour échapper aux coups. Odd hésitait à tirer dans la mêlée, craignant de toucher, par inadvertance, son ami. Il eut soudainement une vision. _ Ulrich ! Les jambes ! Le samouraï s’accroupit brusquement et lança un mouvement horizontal destiné à faucher les jambes de son adversaire. L’ange comprit la manœuvre. Il sauta pour éviter le sabre tranchant. Une fois en l’air, il réalisa qu’il ne pouvait plus se mouvoir. C’est exactement ce que Odd escomptait. Le garçon-félin était en position de tir, prêt à lâcher une déferlante de flèches-laser. Il n’en eut pas l’occasion. L’ange choisit ce moment pour déclencher son pouvoir spécial. Il s’illumina. Séraphin devint à cet instant aussi brillant que le cœur d’une étoile. Ce fut comme si un second soleil numérique était apparu au cœur de la montagne. Il aveugla tout le monde, yeux ou senseurs, par sa luminosité. L’ange était devenu un super lampadaire capable d’éblouir n’importe quoi. Odd lâcha deux flèches au hasard mais elles manquèrent la cible. Le garçon ne voyait qu’une immense tâche blanche devant lui. Aucune silhouette distincte. Aelita qui suivait le combat fut également aveuglée pendant un court instant. Ulrich, le visage tourné vers le sol, ne fut pas handicapé. Quand Séraphin désactiva son pouvoir spécial et retomba au sol, le jeune garçon lui envoya une nouvelle série de coups. _ Vous avez déjà affronté un grand nombre de monstres aujourd’hui. Vous n’êtes pas en état de me battre, commenta Séraphin. Le programme se contentait d’analyser les données. Il n’émettait aucun jugement de valeur sur le caractère des humains. Sa conception du bien et du mal se réduisait à sa seule fonction : protéger Aelita. Si ses anciens protecteurs l’exposaient continuellement au danger, ils devaient être inefficaces. Les coups de katana pleuvaient en tous sens. Une forêt de lames acérées encerclait l’ange qui virevoltait de droite à gauche pour esquiver. Il se pliait dans toutes les positions possibles pour éviter les trajectoires de l’arme mortelle. Séraphin essayait de toujours garder un contact avec la terre. Dans les airs, il n’avait aucune maniabilité. Séraphin devait logiquement gagner. Il était un programme conçu pour combattre. Ses banques de données recensaient toutes les techniques connues d’arts martiaux. Sa technique de combat expliquait sa forme humanoïde, avec deux bras et deux jambes. L’ange avait été conçu d’après le mythe humain des anges gardiens : un programme chargé de veiller sur un autre programme. Ulrich était déterminé à l’emporter mais la détermination ne fait pas tout. Il enchaîna une série une série de coups d’estoc destinés à embrocher Séraphin. Ce dernier esquiva. Ulrich opéra un subtil moulinet et transforma sa dernière estoc en coup circulaire de haut en bas. L’ange l’avait vu venir. Il observa la lame se diriger vers lui. Sans hésitation, il rabattit ses deux mains sur la partie non-tranchante de la lame, avec une parfaite synchronisation. La prise de lame chinoise. Le katana fut bloqué. Profitant de ce court instant, Séraphin lança un violent coup de pied à son adversaire. Ulrich fut projeté à trois mètres. Il retomba lourdement sur le sol. Le jeune garçon se releva et constata qu’il n’avait plus son sabre en main. Séraphin s’en était emparé et il s’approchait de Odd. L’humain à la silhouette animale chancelait. Ses yeux n’avaient toujours pas récupéré de l’éblouissement extrême qu’ils avaient subi un instant auparavant. Odd entendait les pas de son adversaire mais ne voyait strictement rien. Il ne sentit que la lame du katana le traverser de part en part, avant d’être dévirtualisé. _ Lâche ! Cria Ulrich. Séraphin se tourna vers lui. _ Tu as profité de sa faiblesse pour le frapper, l’accusa le garçon. _ Effectivement. J’exploite les faiblesses de mes opposants. C’est parfaitement logique. Le programme lança le katana dans les airs. La lame tourbillonna en tous sens. _ Quoi ? Ulrich suivit des yeux la trajectoire de son arme. Son adversaire s’en était sciemment débarrassé. Séraphin l’avait jeté de manière à ce qu’elle chute à trente mètres de là. Ulrich tourna la tête pour voir sa lame tomber dans le vide. Il comprit subitement pourquoi le programme avait abandonné l’avantage de l’arme. C’était une diversion. Le jeune garçon fit volte-face. _ Trop tard ! Séraphin était déjà arrivé à sa hauteur. Il lui décocha un violent coup de pied sauté. La force du choc éjecta Ulrich de la plate-forme. Il retomba vingt mètres plus bas sur un amas de rochers. _ Ahh !! La chute lui arracha un cri. Même dans le monde virtuel une telle cascade n’était pas sans conséquence. Il resta un instant immobile. Puis, serrant les dents, il prit le parti de se relever… pour se retrouver nez-à-nez avec une patrouille de Krabes. Un homme seul et désarmé contre une dizaine de programmes meurtriers. Est-ce utile de raconter ce qui arriva ? Tandis que l’humain se faisait éparpiller par les lasers, Séraphin tâchait de convaincre Aelita. _ La diversion ne durera pas. Nous devons quitter ce lieu au plus vite. Aelita lui jeta un regard mauvais. _ Comment pouvez-vous prétendre être mon protecteur et agir ainsi ? Les accusations rageuses de la jeune fille n’ébranlèrent pas le moins du monde le Séraphin. _ Je suis mon programme. Cette explication ne justifiait pas grand chose aux yeux des humains. Mais Aelita était un programme comme lui. Elle savait que chaque logiciel informatique ressentait en lui cette force, cette voix divine, qui nous dictait à chaque instant ce qu’il fallait faire. Elle sentait, en son moi profond, que désactiver les tours et sauver les humains était une bonne chose. Sans qu’elle puisse l’expliquer, elle savait ce qui était bon, et agissait en conséquence. Les autres programmes vivaient de la même manière. Ils obéissaient aveuglément aux directives primes, en supposant à juste titre que c’était la meilleure conduite à suivre. *** La porte s’ouvrit en chuintant. Ulrich et Odd sortirent du monte-charge et accédèrent à la salle des hologrammes. Là, Jérémie continuait de taper avec frénésie sur son clavier (comme si la machine y était pour quelque chose). _ Où est Yumi ? demanda Ulrich inquiet. _ Elle est remontée, répondit Jérémie sans détourner les yeux. Elle voulait bloquer l’accès à notre niveau pour empêcher le robot de nous attaquer avant que… _ Qu’on se soient tous fait dévirtualiser ? termina Odd. _ C’était pas le plan prévu… _ Bon ! Et qu’est-ce qu’on fait maintenant !! s’impatienta Ulrich. Terminator va sonner à notre porte dans deux secondes, Lyoko grouille de monstres et pour finir on s’est fait balayer par Bruce Lee. _ Ca pourrait être pire, commenta Odd. Le commentaire lui valut un regard noir. _ Jérémie ! Il faut nous renvoyer immédiatement sur Lyoko, tonna Ulrich. _ Impossible !! Vous êtes épuisés, au bord de l’évanouissement. _ Je ne suis pas fatigué !!! hurla le garçon. _ Du calme Ulrich ! coupa Odd. Regarde-toi. Les deux résistants, récemment dévirtualisés, avaient la respiration saccadée. La sueur coulait abondamment sur leurs fronts. Leur cœur battait encore la chamade. L’énervement était palpable. Leur mort virtuelle équivalait à un marathon de deux heures. Pour des gens de leur âge, c’était physiquement limite. _ Si tu venais à mourir une seconde fois sur Lyoko, annonça Jérémie, tu pourrais en mourir définitivement… _ Je prends le risque !! _ Non !! répondit fermement le jeune garçon blond. Ulrich avait eu une journée chargée. Les exercices de mathématiques ennuyeux, la théorie sartrienne sur la littérature du dix-huitième, les verbes irréguliers en anglais et les commentaires de Sissi l’avaient bien mis en condition. Affronter des dizaines de monstres et sentir son cœur manquer de s’arrêter ne l’avaient pas aider à se calmer. Être trahi par un allié et vaincu par un type désarmé était déshonorant. Tout le monde allait mourir. Et Jérémie refusait de l’envoyer sur Lyoko. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Ulrich s’approcha du terminal et attrapa violemment le jeune garçon à lunettes. En le tenant par le pull il le hissa à dix centimètres du sol. _ TU CROIS PEUT-ETRE QU’ON A LE CHOIX ?! _ Calmos ! coupa Odd en l’obligeant à reposer Jérémie. C’est pas en le secouant qu’on va arranger les choses. Leurs regards se croisèrent. _ Si tu y vas, j’y vais aussi, lança le garçon aux cheveux hérissés. _ D’ac. _ Non !! tonna Jérémie. Vous ne pouvez pas retourner sur Lyoko. _ Eh Einstein !! Je te rappelle qu’Aelita est toute seule en ce moment. Ca ne t’inquiète pas ?? _ Evidemment que ça m’inquiète mais la mémoire vive de l’unité centrale est actuellement encombrée par un téléchargement parasite qui utilise les principaux périphériques. Cette surcharge du réseau va déstructurer le programme de maintenance, formater les mémoires, bloquer en feed-back le système d’exploitation ou pire, éteindre le super ventilateur. _ D’accord…répondit Odd. Et en français ? _ Quelqu’un bloque la mémoire des scanners. On ne peut pas aller sur Lyoko. _ Si c’est vrai on est mal… _ ET ***** !!! jura Ulrich en shootant dans un mur. Odd jeta un regard, quelque peu désespéré, autour de lui. _ Il reste une solution, dit Jérémie en rajustant ses lunettes. Je pense avoir isolé la fréquence com du programme Séraphin. Etant donné la faible densité des transits secondaires, je pense qu’on peut le contacter. _ Et pour lui dire quoi ? demanda Ulrich. T’as pas vu que cet ****** ** **** ** **** nous a démolis. Ce *** attaque ses propres alliés. _ Je suis d’accord, ajouta Odd. Il se moque des humains. _ J’ai vu… mais c’est notre dernière chance… Jérémie se cala dans son siège. Il lança le programme de communication et établit un lien avec Séraphin. _ Monsieur Séraphin. Celui-ci comprit qu’on ouvrait un canal audio. Il cessa de courir et fit signe à Aelita de s’arrêter. _ Je suis Séraphin. Que voulez-vous ? _ Comment va Aelita ? _ Elle est en vie. _ Et furieuse. Le commentaire de la jeune fille avait filtré à travers le micro. _ Ecoutez attentivement monsieur Séraphin. Xana a lancé contre nous une machine de mort. Il faut désactiver la tour ou nous allons tous mourir. _ Aelita ne doit pas être exposée au danger, répondit le programme stoïque. _ Vous disposez d’un programme logique n’est-ce pas ? _ De logique pff, grogna Ulrich. _ Evidemment. _ Alors vous pouvez extrapoler sur les évènements futurs. Si nous sommes tués, personne ne pourra protéger Aelita. _ Vous semblez m’oublier. _ Vous êtes seul. Vous avez besoin d’aide pour accomplir votre mission. _ Non. _ Vous ne pouvez pas lutter contre des centaines de monstres, pendant une éternité. Ecoutez, nous avons des buts communs, pourquoi ne pas nous associer ? _ Trop dangereux. Vous les humains n’avez pas conscience du danger. Vous protégez Aelita car elle constitue votre seule chance de survie. Vous ne l’aimez pas vraiment. Vous ne vous souciez pas de ce qui lui arrivera. Jérémie fut outré par cette dernière tirade. _ Quoi ! Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’on en se soucie pas d’elle !! On se démène depuis des mois pour la protéger et tenter de la matérialiser. Il n’y a pas un jour sans que je pense à elle, pas une minute, pas une seconde !! _Pfff…ce ne sont que des paroles. Je suis programmé pour penser à sa sécurité en permanence. Avouez que je suis plus qualifié que vous. Aussi puissants que soient les sentiments humains, ils ne pourront jamais surclasser un programme. _ Tête de nœud 1, logique 0, commenta Odd défaitiste. _ JE VAIS LE TUER !! rugit Ulrich en bondissant de son siège. Il se rua vers les écrans avec l’intention de déverser un flot d’injures sur le programme buté mais quelque chose l’en empêcha. Le garçon sentit une main se poser sur son épaule et lui intimer, doucement mais fermement, de se calmer. Ulrich tourna la tête et vit Yumi. Elle ne le regardait même pas. Son attention était fixée sur l’ordinateur. Elle relâcha sa pression et avança. La jeune française d’origine japonaise arracha, quasiment, le micro des mains de Jérémie. _ Ecoute-moi bien tas de boulons. Je crois que tu as oublié un élément relativement important dans l’histoire. Nous sommes dans le monde réel et on peut débrancher Xana si l’envie nous en prend. Jérémie voulut protester mais Yumi mit sa main devant sa bouche. Elle lui fit un clin d’œil. Le programme ne pouvait pas les voir dans le labo. Il entendait seulement ce qu’ils disaient. _ Je ne vous crois pas, répondit Séraphin. Si vous en aviez la possibilité, vous auriez débranché le supercalculateur. C’est l’opération la plus logique pour garantir la survie de l’humanité. _ En effet, acquiesça Yumi. C’était la solution la plus facile mais mes amis ont choisi de se battre pour tenter de sauver Aelita. _ Je ne comprends pas. Odd prit le micro. _ On aurait pu débrancher Xana et s’épargner beaucoup de peine mais on ne voulait pas détruire Aelita. _ Vous risquez la vie de votre peuple pour sauver un programme. C’est illogique. _ Ouais mais…c’est notre rôle de héros de sauver les gens… Yumi reprit le micro. _ Moi en revanche, je n’en ai rien à faire. Si vous ne désactivez pas la tour immédiatement, j’irai débrancher le supercalculateur. Plus de Xana, plus d’Aelita. Qu’est-ce que tu choisis ? » A suivre… ************************************************************* signé Rune (au cas où j'arriverais pas à me loguer...) |
Kallisto 25/05/05 à 16:12 | La suite est toujours aussi bien. J'adore ! Tout est très bien raconté. Il y a de l'action, de la tension, de l'humour... et des commentaires qui tombent pile au bon moment (J'adore le clin d'oeil Star Wars avec "Coruscant"^^). J'attends la suite avec impatience ! |
Rune 28/05/05 à 14:40 | Chapitre 3 Désinstallation Citation : Deux silhouettes avançaient silencieusement. Deux ombres se dissimulaient parmi les ombres des rochers. L’une avait les cheveux roses, l’autre une chemise blanche. La première voulait sauver l’humanité et la deuxième voulait sauver la première. Dans la région patrouillaient des centaines de monstres qui tenaient à ce que personne ne sauve personne. Au moins les choses étaient claires. Programmes contre programmes. Les plus performants vaincront. Une escadrille de frolions passa en vrombissant. Séraphin se colla prestement contre la paroi. Les créatures de Xana le dépassèrent sans le remarquer. Aelita attendit un instant que les monstres s’éloignent avant de faire mine de continuer. Séraphin pressa le pas pour la rejoindre. Il tournait sa tête en tous sens pour observer les alentours. Les menaces ne manquaient pas. Plus on se rapprochait de la tour et plus la densité d’ennemis augmentait. Les deux programmes ne pouvaient plus faire un pas sans risquer de tomber sur un monstre. Il fallait se montrer prudent. Quelle que fut la force de Séraphin, il eut été incapable d’affronter tous les monstres de Xana réunis. Le seul moyen d’atteindre la tour était d’agir avec discrétion. Malheureusement, Aelita tenait à faire vite. Ses amis humains étaient en danger. Amis ! Séraphin avait quelques doutes sur l’usage de ce mot. Etranges amis que ces humains qui menaçaient de débrancher le super-calculateur. Le programme comprenait leur attitude : ils obéissaient à leur directive prime : rester en vie. Mais dans ce cas, pourquoi Aelita continuait-elle à les aider ? S’agissait-il d’un algorithme complexe dont Séraphin n’aurait pas eu connaissance ? Aelita tout comme Xana avait peut-être été programmée selon un schéma évolutif basé sur la théorie du chaos ? Séraphin restait un programme logique agissant selon des lois logiques invariables. Il avait une banque de données, des processeurs de calcul, un objectif clair et indiscutable. En revanche, Aelita devait être dotée d’une intelligence artificielle supérieure basée sur des lois statistiques, théoriquement imprévisibles. Dans tout système complexe il se présente une part d’indéterminisme. Ceci explique pourquoi les deux forces en présence, Aelita et Xana, sont incapables d’anticiper les coups de leur rival. Séraphin mit fin à ses pensées. L’analyse de la situation actuelle était prioritaire. Il avait repéré une menace. Deux frolions patrouillaient en vol stationnaire à quelques mètres de leur position. _ Zut ! chuchota Aelita. Je ne pensais pas que ce chemin était surveillé. Ledit chemin était un étroit pont en pierre. C’était l’accès le moins sûr pour rejoindre la cuvette rocheuse où se dissimulait la tour. _ Trainman a importé suffisamment de monstres pour surveiller chaque centimètre carré de ce territoire, répondit doucement Séraphin. _ Que faire ? Aelita activa son programme de recherche et étudia toutes les routes possibles pour atteindre leur objectif. Les plus courtes étaient sous étroite surveillance. Les autres nécessitaient un détour impensable. Il ne fallut qu’un centième de seconde à la jeune fille pour arriver à cette conclusion. _ Nous devons passer par ici. _ Nous allons être repérés, répondit Séraphin. _ Je sais. Mais après le pont, il n’y a qu’une cinquantaine de mètres à parcourir avant la tour. _ Je vois. Il nous faudra courir. Si vous pouviez générer un leurre convaincant cela nous serait d’un grand secours. _ Très bien… Tandis qu’Aelita se préparait à projeter un hologramme, Séraphin surgit des ombres et s’avança sur le pont, d’un pas assuré et peu pressé. Les deux frolions le repérèrent et se tournèrent dans sa direction, mais sans esquisser un déplacement. Ils étaient probablement programmés pour garder cet emplacement. Le programme aux lunettes de soleil continua d’avancer sans montrer aucun signe d’agressivité. Le pont était étroit mais il ne regardait pas ses pieds. Séraphin avançait calmement, presque silencieusement, comme s’il n’était que le souffle du vent. Un hologramme jaillit sur le pont. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Aelita. Le leurre traversa Séraphin comme un fantôme et continua sa course. Après le pont, l’illusion s’engagea dans un corridor rempli de machines. Les créatures ouvrirent le feu. La fausse Aelita bougeait trop vite pour eux. L’hologramme courut les cinquante mètres en cinq secondes puis, au moment de bifurquer vers la cuvette rocheuse, elle continua sa course dans le corridor. Les cohortes de machines se lancèrent à sa poursuite. Les deux frolions en faction suivirent cette scène. Ils comprirent, malgré leur processeur limité, que quelqu’un était en train de se payer la tête de Xana. Malheureusement pour eux, ils n’eurent jamais le temps de donner l’alerte.. Séraphin, une fois arrivé à leur niveau, déplia ses ailes et s’envola brusquement. Il fit un saut impressionnant de huit mètres et attrapa les deux créatures, une dans chaque main. Puis, sans autre forme de procès, il les fracassa violemment, l’une contre l’autre. Les deux frolions passèrent de l’état de carcasses déformées à celui de tas de poussière digital. Séraphin atterrit sur le pont, d’un pied agile, et replia ses ailes. L’opération ne lui avait pas pris qu’une seconde. Aelita se hâta de traverser le pont étroit et de le rejoindre. _ Vite ! dit-elle. Les forces de Xana poursuivent mon hologramme, nous avons une chance. Les deux programmes se mirent à courir rapidement dans le corridor désert. C’était l’endroit rêvé pour tendre une embuscade et personne n’était resté en profiter. Les machines étant programmées pour poursuivre Aelita toute la journée, elles poursuivaient Aelita. Ceci arrangeait bien nos héros. Ils parcoururent cinquante mètres sans rencontrer d’obstacle puis arrivèrent à une bifurcation. A gauche se trouvait le seul accès à la cuvette rocheuse où se trouvait la tour. Aelita voulut s’y engouffrer mais Séraphin la retint in extremis. Il entendait un bruit inquiétant. Depuis ce matin, dans Lyoko, le tintamarre des monstres de Xana constituait un bruit de fond désagréable mais là c’était pire. C’était comme si des dizaines de marteaux-piqueurs s’étaient subitement donnés rendez-vous pour un colloque. Séraphin se rapprocha prudemment, se glissant le long de la paroi. Il jeta un œil à l’intérieur de la cuvette rocheuse. _ D’accord…je comprends pourquoi ils ont abandonné si facilement la surveillance du corridor. Devant lui s’étendait une vision d’horreur. Autour de la tour, auréolée de rouge, patrouillaient des dizaines et des dizaines de blocks. Il y en avait, au bas mot, une centaine. Et six fois plus de pattes arachnoïdes qui martelaient le sol en cœur. Le son était effroyable car grandiose. On se serait cru à l’intérieur d’une usine, si ce n’est que dans les usines les machines sont synchronisées. Devant lui, Séraphin voyait une centaine de machines de guerre autonomes qui circulaient en tous sens. Chaque block était une menace pour Aelita. Chacun d’eux pouvait se déplacer, viser et tirer sur sa protégée. Même s’ils étaient tous équipés du même programme basique, ils pouvaient se révéler dangereux, rassemblés ainsi. _ Je vois, commenta Séraphin déterminé. Vous ne pouvez pas rentrer là-dedans, c’est un piège. _ Il faut pourtant y aller. Mon illusion vient de cesser. Les sbires de Xana nous auront bientôt retrouvés. _ Je comprends. Mais je ne puis vous laisser prendre un tel risque. Il faut que quelqu’un affronte cette armée, ou du moins qu’elle l’éloigne de la tour. A cette seule condition vous pourrez atteindre votre objectif en toute sécurité. _ Quoi ?? fit Aelita, comprenant le propos de Séraphin. Vous voulez… _ C’est la solution la plus logique selon mes processeurs. Le programme de combat surgit de l’ombre et se mit à sprinter. _ Attendez vingt secondes, cria-t-il pour tout adieu. Il dévala la pente en courant et se retrouva rapidement au cœur de la cuvette rocheuse, face à l’armée. Les blocks le virent arriver. Les plus proches lui expédièrent quelques lasers, qu’il évita facilement, les autres attendirent (étant donné la concentration de machines, on risquait de toucher un allié). Les créatures se mirent en mouvement. Toutes se tournèrent vers l’intrus, avec l’intention d’en faire un barbecue. Séraphin se réjouit, non pas qu’une centaine de canons lasers le prennent pour cible, mais qu’il ait ainsi capté l’attention. L’ange accentua sa foulée et se rapprocha de la masse informe de l’armée adverse. Il était seul, désarmé, face à une légion guerrière. Le groupe de blocks semblait scindé en deux parties par un étroit passage désert, menant à la tour. Séraphin se dit qu’il pourrait passer par là. En pareille situation Napoléon aurait enfoncé le centre des troupes ennemies, les aurait divisées puis attaquées séparément. Seulement voilà, Napoléon avait un sérieux avantage par rapport à Séraphin : il avait sa propre armée. L’ange évita encore quelques traits de feu isolés. Il comprit que bientôt il aurait droit à un véritable déluge pyrotechnique. A ce moment-là, il lui serait impossible d’esquiver la totalité des projectiles meurtriers. Séraphin avança encore de quelques pas. La première ligne de l’armée de Xana se rapprochait à grande vitesse. A quelques mètres de là, Aelita observait la situation. Son programme logique calculait les chances de son protecteur. Dans le monde réel, les humains éprouvaient un sentiment d’inquiétude mêlé d’admiration pour ce programme. Encore quelques pas. Séraphin plongea subitement les mains à l’intérieur de sa chemise pour en sortir… *** _ Si vous ne désactivez pas la tour immédiatement, j’irai débrancher le supercalculateur. Plus de Xana, plus d’Aelita. Qu’est-ce que tu choisis ? _ Non. Ne faîtes pas ça. _ Pourquoi ? Séraphin hésita un instant. Sa mission était de protéger Aelita. Débrancher le super-calculateur risquait d’avoir de graves conséquences, et dans le pire des cas, l’effacement de tous les programmes. _ Je vais y aller. _ C’est très serviable de votre part, répondit Yumi. Mais seule Aelita a le pouvoir de désactiver les tours. _ Je vais y aller Yumi, dit la fille aux cheveux roses. _ Très bien, ronchonna Séraphin. Je vais donc l’accompagner pour m’assurer qu’il ne lui arrivera rien. Mais il voudrait mieux pour vous, humains, que nos chemins ne se recroisent plus à l’avenir. _ Aucun risque, répliqua Yumi. En cas d’échec, tout le monde mourrait. En cas de victoire, le saut temporel effacerait cet incident de la mémoire du Séraphin. L’ange se tourna vers Aelita. _ Les trois rebelles réunis ont été incapables de vaincre l’armée de Xana. Je ne pense pas en être capable. _ Et de quoi avez-vous besoin ? demanda Jérémie via la connexion. _ Des armes… un maximum d’armes, répondit Séraphin. *** Séraphin plongea subitement les mains à l’intérieur de sa chemise pour en sortir deux pistolets mitrailleurs. L’ange étendit ses deux bras et activa les armes. Les canons se mirent à vomir des rafales de laser, sur un rythme effréné. Les traits de feu ricochèrent sur les blocks les plus proche. Puis les traits s’ajustèrent et touchèrent les créatures en plein cœur. Un premier block explosa, puis un deuxième, puis un autre… *** _ Quel type d’arme ? _ Du type « suffisant pour anéantir des dizaines de monstres ». Mais je doute qu’un humain soit capable de matérialiser quoi que ce soit sur Lyoko. *** Les blocks répliquèrent aussitôt par un feu nourri. Des dizaines de lasers meurtriers fusèrent vers l’ange. Celui-ci esquivait à la vitesse de l’éclair. Il feintait de droite à gauche pour rendre sa trajectoire imprévisible, multipliant les accélérations. Séraphin était un programme logique limité mais il disposait de tables de calcul aléatoire capables de lui programmer une trajectoire hasardeuse. *** _ J’ai peut-être ce qu’il vous faut. En étudiant le transit des données qui encombre les scanners, j’ai réussi à isoler quelque chose qui ressemble à une arme. Ce devait être un sous-programme de Krabe mais le fait est que je peux vous fournir un pistolet laser. _ Hin ! Même dans le cas où vous auriez réussi à intercepter des données vous oubliez une chose… _ Quoi donc ? _ Il n’y a que Trainman qui soit capable de matérialiser les programmes sur Lyoko. _ C’est faux, coupa Aelita. _ Comment ? fit Séraphin. _ J’ai la capacité de créer dans ce monde. Si Jérémie me transmet le programme je devrais pouvoir le virtualiser. *** Séraphin tirait une dizaine de lasers à la seconde. Il ne prenait pas vraiment le temps de viser. Avec une telle quantité d’adversaires, il était obligé de toucher quelqu’un à chaque coup. Le programme se concentrait plutôt sur sa survie. Au milieu de cet orage flamboyant, il virevoltait de tous côtés pour éviter les dizaines de lasers qui fusaient de toutes parts. Les blocks avaient renoncé à un tir croisé, calmement réfléchi. Ils tiraient maintenant sur leur cible sans se soucier de leurs confrères. Dans un tel chaos, les blocks étaient parfois détruits par des tirs amis. Séraphin s’en félicitait. En quelques secondes il avait déjà réduit au silence une vingtaine d’adversaires. A chaque pas, il s’approchait un peu plus de la tour, éloignant le troupeau d’Aelita. Ses canons crachaient laser sur laser. Tel l’ange de la mort, il étendait autour de lui deux ailes de feu mortelles. Les pistolets lasers vibraient. Ils commençaient à chauffer. Les cellules de refroidissement étaient presque à plat. Sans ralentir, Séraphin lâcha ses armes. Il en dégaina deux autres rangées à la taille. Les nouveaux pistolets mitrailleurs se mirent en action, déversant un nouveau feu du ciel sur les démons mécaniques. Les lasers des blocks se faisaient plus précis. La chemise de Séraphin était striée de banderoles noires, seules traces visibles des coups qui l’avaient frôlé. Un tir, particulièrement bien ajusté, lui arracha ses lunettes. L’air semblait bouillonner. La concentration de lasers était telle que la température de la zone montait en flèche. Séraphin regardait droit devant lui. Encore quelques mètres et il atteindrait la tour. Ses armes continuaient de déverser des lasers sur les blocks. Tout autour de lui, les créatures de Xana explosaient. Des millions de milliards de pixels emplissaient l’air, avant d’être balayés par le souffle, d’une nouvelle explosion. Les blocks ne se souciaient guère de leurs pertes. L’armée se mit en marche vers le Séraphin. Comme une mâchoire se referme sur une proie innocente, les ailes de l’armée se refermaient sur l’ange. Celui-ci continuait à tirer sur les côtés. Il sentit que ses armes allaient encore le lâcher. Séraphin laissa tomber ses fusils lasers. Il continua sa course en direction de la tour. Un block se dressa sur sa route. L’ange étant désarmé, la machine ne craignait rien. Elle le cibla et prépara un coup fatal. Séraphin conserva sa trajectoire et accéléra en direction du block. Feu ! Le laser partit. Au même instant, l’ange sauta. Emporté par son élan, Séraphin ne put faire une gracieuse cascade. La tête en bas, et les pieds en haut, il allait dépasser le block. L’ange étendit les bras et agrippa le rebord de la machine. En temps normal, il est impossible de déplacer un block tant ils sont solidement ancrés au sol. Mais l’énergie cinétique accumulée par Séraphin était telle que la machine fut renversée, et se retrouva les quatre fers à l’air, ou les six pattes à l’air, c’est vous qui voyez. L’ange atterrit violemment sur le dos quelques mètres plus loin. Il resta immobile un court instant. L’armée voulut en profiter. Une vague de lasers jaillit dans sa direction. Le block renversé se trouvait sur la trajectoire. Il fut pulvérisé par les tirs meurtriers. Séraphin réagit juste à temps. Il roula sur le côté. Le feu mécanique le manqua de peu. L’ange se releva et courut vers l’adversaire le plus proche. Il sauta et prit appui sur la créature pour se projeter vers le ciel. Séraphin s’éleva dans les airs, déployant ses ailes. Toutes les machines de Xana l’avaient ciblé. Parfait ! Il activa son pouvoir spécial. Séraphin devint étincelant et dégagea une lumière aveuglante. Telle la lampe au milieu des ténèbres, il déchaîna sa luminosité dans la cuvette. Etoile du matin ou étoile du soir, il se faisait soleil dans ce triste lieu peuplé par les ombres. Comme un conducteur qui prend les phares en pleine poire (et qui klaxonne l’abruti en face), les blocks se retrouvèrent aveuglés un court instant. Leurs senseurs principaux avaient surchargé. Il fallait les recalibrer rapidement. Xana n’était pas un incapable, il avait créé des serviteurs capables de s’auto-réguler avec célérité. Les blocks recouvrèrent leurs esprits en 2.69 secondes. Un dixième de seconde plus tard, ils réalisèrent que leur cible avait bougé. Séraphin volait à tire d’aile. Il se dirigeait vers l’arrière de la cuvette rocheuse, derrière la tour. L’armée se mit en branle. Les blocks survivants se lancèrent à sa poursuite comme les prédateurs voraces qu’ils étaient. Quelques lasers jaillirent dans le ciel gris-rosé. Séraphin ne pouvait pas les voir, il leur tournait le dos. Un trait de feu toucha l’une de ses ailes. L’ange serra les dents. Le projectile avait creusé un trou, aux bords encore rougeoyants, dans ses ailes d’un blanc immaculé. Séraphin comprit bientôt que le problème n’était pas seulement d’ordre esthétique. L’air ne le portait plus, il était déséquilibré. Une poignée de secondes plus tard, il atterrit en catastrophe sur la roche. _ Maintenant Aelita. Vite !! *** Monde réel. La sentinelle traversa le pont qui menait à l’usine. La porte principale du hangar fut rapidement mise en pièces par les lames acérées de la pieuvre mécanique. Le monstre pénétra dans le bâtiment. Tout était obscur. Les enfants avaient débranché le système électrique à ce niveau. Peu importe. La sentinelle enclencha ses senseurs infra-rouges pour se repérer. Elle fit quelques pas et scruta les environs. Ne détectant aucun signe de vie, la pieuvre s’enfonça dans les ténèbres de l’usine. Elle descendit quelques mètres et fureta de droite à gauche. C’était bien sa cible, aucun doute, mais elle ne trouvait pas les humains. Puis subitement, elle repéra les traces de chaleur. Ils étaient cachés dans les sous-sols, dissimulés par plusieurs niveaux de blindage. Un chemin devait logiquement mener jusqu’à eux. La sentinelle trouva rapidement le monte-charge. Elle voulut l’activer mais réalisa qu’il avait été saboté. Peu importe. La machine de guerre était conçue pour avaler les obstacles sur sa route. Elle découpa une issue, à l’aide de son laser, dans le plancher du monte-charge. Puis elle descendit dans l’espace sombre. La pieuvre se laissa glisser le long des câbles jusqu’à un certain niveau. Le sous-sol de la salle holographique. Là où les signaux humains s’étaient rassemblés. La créature se jeta sur la porte blindée. Celle-ci résista. La pieuvre ficha deux de ses bras dans la muraille de béton qui remplissait les murs, pour se tenir. Elle enclencha son laser et le dirigea sur la porte blindée. La sentinelle était conçue pour traverser n’importe quel blindage connu. Il lui fallut huit secondes pour traverser la plaque d’acier. Et deux minutes pour découper une ouverture de bonne taille dans la porte. Deux minutes durant lesquelles la machine jubila en croyant toucher au but. Les humains étaient pris au piège. Dans une poignée de secondes tout serait terminé. Quelle ne fut pas sa déception quand, s’introduisant dans le labo, elle découvrit une pièce vide. La pieuvre ouvrit grand ses yeux, perplexe. Elle tourna rapidement ses senseurs en tous sens pour retrouver la trace des gamins et en trouva un. Un garçon blond aux cheveux hérissés se dissimulait dans un conduit menant au niveau inférieur. Seul le fait qu’il s’agrippe aux rebords l’empêchait de glisser. Visiblement, il restait là de plein gré puisqu’il affichait un air narquois (au lieu de l’air terrifié qu’on est censé avoir quand on voit débarquer un tueur mécanique). _ Je crois que tu t’es trompé d’étage. Sarah Connor est au vingtième, déclara Odd. La machine se jeta sur lui à la vitesse de l’éclair. Odd lâcha sa prise et se laissa glisser dans le conduit. La pieuvre se fracassa contre le mur, une tentacule armée jaillit dans l’étroit goulot et rata Odd d’un cheveu. Le garçon glissa dans le boyau sur une dizaine de mètres avant d’arriver au niveau suivant : la salle des scanners. Là, il retrouva ses compères. D’aucun le sermonnèrent au sujet de sa prise de risque inconsidérée, tandis que d’autres préparaient le treuil pour passer au sous-sol inférieur. Nul conduit ne menait à la chambre forte du supercalculateur, située au dernier niveau de l’usine. Le seul chemin envisageable, hormis le monte-charge, était le puits d’aération conçu pour réguler la température aux alentours de l’ordinateur. Il fallait descendre dans cet étroit conduit à l’aide d’une corde. Plus haut, la sentinelle comprit qu’elle avait raté sa cible. Ses tentacules ne pouvaient pas atteindre le bout du conduit, aussi fallait-il choisir un autre chemin. Elle tenta un mouvement et constata qu’elle était toujours encastrée dans le mur. La machine gesticula un moment puis choisit de planter ses serres dans le bloc de béton. Prenant appui sur la paroi, elle exerça une pression contraire et parvint à s’extraire*. La sentinelle retourna dans la cage d’ascenseur. Elle descendit rapidement au niveau des scanners. Trouvant une nouvelle porte blindée sur son passage, elle activa son laser et se mit au travail. *** Toute l’armée des blocks s’était mise à poursuivre Séraphin. Tous les monstres de Xana migraient vers le fond de la cuvette rocheuse, derrière la tour. Aelita comprit qu’elle n’aurait pas d’autre chance. Là-bas, l’ange blessé attirait l’attention de tous. Il fallait qu’elle y aille maintenant. La jeune fille aux cheveux roses se mit à courir. Vite d’abord, puis extrêmement vite. Sa programmation initiale comprenait la course à pied et les longues heures de poursuite avec les monstres de Xana n’avaient fait que perfectionner cette aptitude. Dans le monde virtuel, Aelita pouvait courir à une vitesse proche de cinquante kilomètres par heure. Elle était pareille à une voiture lancée à toute allure vers sa cible. Ses longues foulées la rapprochaient inexorablement de la tour. Les monstres chargés de garder l’emplacement continuaient de déverser leur feu meurtrier sur le pauvre Séraphin. Blessé, l’ange ne pouvait plus voler. Sa mobilité étant réduite, il encaissa rapidement plusieurs coups directs. Le dernier coup l’envoya au tapis. En tant que programme, il savait que sa mort virtuelle équivaudrait à une désinstallation définitive mais qu’importe. La mort est un processus inévitable. Les programmes doivent, comme les humains, disparaître un jour. On se bat avec toute son énergie même si on connaît déjà le vainqueur. Les humains se battent pour des causes perdues parce qu’elles sont justes. Lui se bat contre l’inéluctable parce que c’est sa mission. Aelita courait. Il ne lui restait plus que trente mètres à parcourir. Dans un dernier sursaut d’orgueil, Séraphin se releva et se rua vers l’adversaire le plus proche. Il sauta et lança ses deux pieds contre le block. Le monstre fut retourné par le coup. Et les quarante autres crachèrent une vague mortelle sur l’ange. Aelita courait toujours. Plus que vingt mètres. Séraphin sentit distinctement les lasers le toucher et arracher des brassées de pixels. Son compteur vital affichait zéro. Le programme original était défragmenté. Les lignes de programmation n’étant plus soudées entre elles commencèrent à se disperser. Le polygone censé représenter l’ange brilla une dernière fois. Les arrêtes s’illuminèrent un bref instant avant que toutes les facettes ne volent en éclats simultanément. Séraphin s’évanouit dans l’air virtuel de Lyoko et disparut sans laisser de trace. Les blocks se félicitèrent intérieurement d’avoir détruit la cible. Puis leur programme d’acquisition se réveilla immédiatement. Une autre proie, bien plus importante, approchait d’eux. Comme un seul homme, les quelques quarante blocks restants se retournèrent. Ils ne pouvaient tirer sur Aelita sans endommager la tour qui se dressait entre eux. Maudissant leur programme tactique, les créatures les plus excentrées se déplacèrent rapidement pour tenter d’amener leur rebelle dans leur viseur. Mais quand ce fut fait, ce fut trop tard. Au terme d’une course ahurissante digne des jeux olympiques Aelita exécuta un saut en longueur particulièrement impressionnant et se jeta dans la tour. *** La sentinelle cessa son activité de découpage. Ses senseurs infra-rouge l’avaient averti que les humains se jouaient d’elle une nouvelle fois. D’après le scan, trois des humains avaient déjà rejoint le niveau inférieur, celui où était entreposé le supercalculateur. La machine décida donc d’abandonner sa tâche et descendit tout au fond de l’usine. Elle arriva devant la dernière porte blindée, couvertes de divers inscriptions relatant le contenu du niveau. La machine de guerre activa tout ses lasers. De l’autre côté, trois jeunes garçons comprirent que leur ruse avait échoué. _ Aïe…gémit Ulrich. Finalement Yumi tu devrais rester au niveau des scanners. _ Ah non, répondit la jeune fille suspendue à la corde. Je viens juste de refermer la trappe. _ Il nous faut un plan, intervint Jérémie. _ Attendez, coupa Odd. La machine peut pas rentrer ici. Si elle se met à tirer dans tous les sens, elle détruira Xana. Et c’est pas le but de Xana. _ N’empêche qu’elle va rentrer, répondit Ulrich. Déjà une nuée d’étincelles jaillissait de la porte blindé. Un immense cercle rouge se dessinait rapidement. Un cercle assez grand pour laisser passer le monstre. _ Cachons-nous derrière l’ordinateur, ordonna Yumi. _ Ouais…c’est le moment de jouer à cache-cache, répliqua Odd ironiquement (ce qui ne l’empêcha pas d’imiter les autres). _ Aelita, marmonna Jérémie entre ses dents. C’est maintenant ou jamais. Le bruit du laser s’estompa. Des coups sourds retentirent contre la porte blindée. Le morceau découpé fut lentement mais sûrement déplacé. _ On aurait pas dû faire confiance à ce Séraphin, pensa Ulrich. Un bruit sourd. Le lourd morceau de métal avait été jeté à terre. Des cliquetis. Les pinces de la sentinelle s’insinuaient dans l’ouverture à la recherche de prises. Un hululement effrayant. La machine avait activé son répulseur. *** Dans la tour, Aelita avait atteint le bon niveau. Elle courut sur les marques dessinées au sol, qui réagirent par des bruits cristallins. Devant la jeune fille s’affichèrent plusieurs moniteurs virtuels. Pour reloader le monde de Lyoko, il lui fallait introduire dans le fichier source « Code Lyoko ». Cela suffirait à sauver ses amis, mais qu’en serait-il du monde virtuel ? Si l’histoire recommençait au début, il leur faudrait à nouveau affronter Trainman et ses hordes de monstres. Qu’adviendrait-il de Séraphin ? S’il était inscrit dans les fichiers initiaux, une réinstallation du système le ressusciterait. L’ange reviendrait, amnésique mais vivant. *** La sentinelle contourna précautionneusement le supercalculateur pour éviter de l’endommager par mégarde. Elle trouva rapidement les enfants. Ceux-ci comprirent qu’il n’y avait plus d’espoir, plus de cachette, plus de fuite possible. Jérémie eut une dernière pensée pour Aelita. Il n’avait pas su la sauver. Ulrich eut une dernière pensée pour Yumi. Pourquoi ne pas lui avoir dit ce qu’il ressentait ? Yumi eut une dernière pensée pour Ulrich (qui était exactement la même). Odd eut une dernière pensée pour Aelita. Mais pourquoi attend-t-elle toujours le dernier moment pour nous sauver ? C’est vrai quoi, si je fais une crise cardiaque maintenant on ne pourra pas me ressusciter. Les griffes acérées du monstre métallique jaillirent. Tout se figea. Puis un flash blanc engloba tout le monde. *** Dans le supercalculateur, la totalité des fichiers se dissipa instantanément pour être aussitôt remplacés par les fichiers initiaux. Les hordes de monstres illégaux disparurent du territoire montagne. Les rochers détruits se reconstituèrent comme par magie. Le ciel gris-rosé retrouva sa teinte claire du matin. La tour auréolée de rouge retrouva sa couleur bleue. Des milliards de kilo-octets d’information se déversèrent dans les canaux de transmission. Les programmes inconvenants étaient désinstallés en masse. Blocks, frolions, Krabes, Megatanks et kankrelats étaient désassemblés avant d’être désintégrés en leurs atomes constituants. Xana échappa au reformatage car, ne l’oublions pas, il fait partie intégrante du supercalculateur. Pour le détruire, il faudrait débrancher l’ordinateur quantique mais ça, les humains ne le feront jamais tant qu’Aelita n’aura pas été sauvée. Tout était redevenu normal. *** Le programme psychopathe se remit alors à échafauder un nouveau plan pour anéantir les humains. Il rappela à lui son fidèle Trainman (qui se cachait dans sa gare virtuelle durant les réinstallations) en lui confiant la tâche d’amener de nouveaux monstres sur Lyoko. Dans les profondeurs de la mémoire centrale, un programme détecta l’ouverture illégale de canaux et le transfert illicite de données. Il commença à dupliquer son code et à en envoyer des bribes à travers les trains d’information. Le transit était tel que personne ne s’en rendit compte. Séraphin sourit en son for intérieur. Si Xana tentait d’envoyer sur Lyoko une armée de monstres, l’ange pourrait s’introduire en douce dans le monde virtuel et accomplir sa mission : protéger Aelita. Fin Pour reloader cette fanfic, retournez au premier chapitre. * Bizarrement, dans la langue française, le verbe « s’extraire » ainsi que les composés de « traire » n’ont pas de passé simple, ce qui je l’avoue m’oblige à faire des phrases alambiquées. |
Rune 30/05/05 à 15:00 | Merci beaucoup pour tous vos commentaires (vous auriez pu aussi dire ce qui n'allait pas ) Je me suis bien amusé en écrivant cette histoire...maintenant, concernant une suite possible, je crois que je vais attendre les révélations de la deuxième saison pour avoir de nouveaux thèmes... (je dois dire qu'après le "bide" de Matrix Revolution, Lyoko est un outsider intéressant pour les fans, les français signent une série intéressante au niveau imaginaire) |
Tchoucky 31/05/05 à 13:39 | Je me suis précipitée sur mon Becherelle pour vérifier. Tiens oui. Pas de passé simple, pour extraire ? C'est donc une faute de français de dire "Il extaya", zut, heureusement que j'écris toujours mes fics au présent. Sinon, à par qu'il n'y a pas d'air ni de sensation corporelle sur Lyoko (Dixit Aelita dans "Faux départ") et que le sergent Garcia, heu... Il a du se tromper de série, je ne dirais qu'un mot : Palpitant. Ah, non zut, un mot ne suffit pas il faut que j'en ajoute une dizaine d'autre : Drole, aboutit, réfléchi, détaillé... Cette première fic te fait entrer avec briot au panthéon des Lyokauteur. Ce qui n'est pas peu dire, car nous avons vraiment des bons auteurs, sur ce forum. |
MacIntoc 31/05/05 à 20:43 | Je trouves cette fanfic un peu trop proche de Matrix. J'ai du mal à voir d'autre défauts, mais bon, t'en fait pas, je continus à en chercher Sinon, pour tous les verbes en *traire il n'y a pas non plus d'imparfait du subjonctif. Qu'a celà ne tienne, il suffit de l'inventer |
Shaon Hardow 31/05/05 à 20:50 | Défi relevé avec brio, la suite est géniale aussi. Cette fic rentre dans mon panthéon des trois meilleurs fics que j'ai lu (j'en ai lu trois ). C vrai qu'il suffit d'inventer des mots. tt ca à cause de la normalisation de la langue à la renaissance. ou a un époque cm ca. Avant on disait extrayance, extrairation, extrayatique, nous extrayames, nous eussions extrayé, ex-trayesti etc... Il faut s'y faire. |
Rune 01/06/05 à 18:13 | D'abord... pourquoi tout le monde a des super machins animés tout mimi dans les signatures ?? Enfin passons... Inspiration Matrix ?? Nannnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn....Entre Séraphin, l'homme du train, les cascades impossibles et le monde virtuel je vois pas Mais est-ce un mal ? Pour le verbe "s'extraire" j'ai bien pensé à inventer une forme mais bon... je vais laisser ça aux spécialistes de l'académie française... déjà qu'on use de néologismes incompréhensibles comme lyokonaute sou lyokoguerriers Il me semble effectivement que dans l'épisode final Aelita découvre les sensations. Pourtant sur Lyoko les êtres perçoivent bien les coups. On tombe dans le débat philosophique sur la perception là... la subtile différence entre ce qu'on perçoit physiquement et ce qu'on perçoit mentalement. Comment dire? Vous écoutez un CD. Vous percevez une succession de sons via votre oreille mais dans votre conscience il est question de mélodie. C'est un truc à exploiter entre humains/programmes ça... Ulrich est un humain. Quand son corps encaisse un choc, qui se traduirait dan sla réalité pa rune douleur physique, je pense que son esprit le perçoit comme souffrance. Et encore merci de me faire entrer au Parthénon ... (ah non flûte, c'était le bâtiment à côté) j'avais de l'expérience en fic mais tenter un truc sur Lyoko, surtout une histoire sérieuse ma semblait relativement difficile au vue des productions précédentes. Surtout que tous les auteurs ont tendance à se creuse rle crane pour trouver à chaque fois un nouveau plan diabolique, une nouvelle menace, un nouveau lyokoguerrier, une nouvelle copine pour Odd... ça déploie l'univers de la série dans tous les sens et c'est super. D'un autre côté, certaines histoires prennent pour base la saison 1 et risqueront d'être invalidées par la saison 2, ça peut être dommage... Il y a peut-être aussi les rapports de force qui évolue selon les histoires (je remarque que dans la série c'est très aléatoire). J'avais lu un combat entre un faux lyokoguerrier et trois Ulrich où le gentil perdait (l'auteur se reconnaîtra), bon déjà je pouvais pas refaire ce combat (c'aurait été copier) et d'autre part je pense qu'à 3 contre 1 il aurait gagné (pour la cohérence de la fic je table plutot sur la prétention du garçon qui croit la partie jouée d'avance...) A part ça, ils voudraient pas faire un film au cinéma de Lyoko ? Pour l'épisode 1 par exemple ? |
Clem 07/10/05 à 21:21 | je suis bluffée par cette fic: on m'avait dit qu'elle était géniale, je n'ai absolument pas été déçue de ce que j'ai lu!! c'est vraiment magnifiquement écrit! j'ai adoré tout le premier chapitre, toutes les descriptions!! et quel humour :"Odd eut une dernière pensée pour Aelita. Mais pourquoi attend-t-elle toujours le dernier moment pour nous sauver ? C’est vrai quoi, si je fais une crise cardiaque maintenant on ne pourra pas me ressusciter. " bref sublime comme fanfic |