Dernière édition le 20 mai 2013
Au premier étage de la grande bâtisse, les rayons du soleil perçaient à travers les volets de sa chambre depuis une bonne vingtaine de minutes. Son réveil sonna. Il était sept heures. Il donna un coup dessus d’une main lourde et molle pour l’arrêter. Il commença à ouvrir les yeux péniblement. Il avait du mal à émerger de son sommeil. Il avait encore mal dormi. Il n’avait cessé de rêver d’elle. Celle qu’il aimait plus que tout au monde et qui n’avait jamais cessé de hanter ses rêves, même les plus fous.
« Encore une magnifique journée loin de toi. » pensa-t-il. « Ma belle, où es-tu? Et dans les bras de qui? J’espère que tu y es heureuse, car moi, il y a bien longtemps que je ne le suis plus. »
En se disant cela, son visage se para d’un air qui traduisait bien son repli sur lui-même. Il repensait à la dernière conversation qu’ils avaient eu tous les deux. Et plus particulièrement à une phrase qui résonnait dans sa tête.
« Je ne t’attends plus »
Plus il y pensait et plus cela le faisait souffrir. Il ne parvenait pas à chasser cette pensée de son esprit. Depuis tout ce temps, il souffrait en silence, sans rien dire à personne. Il resta ainsi dans son lit de longues minutes à repenser au passé, au collège, à l’usine, au temps où ils étaient heureux, les autres, lui... Et elle. Inexorablement, il y revenait. Il ne parvenait pas à l’oublier. Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé. À une époque, il s’était même mis à enchaîner les conquêtes pour tenter de la chasser définitivement de sa tête comme d’autres enfilent des perles sur un file pour faire un collier. Mais il s’était vite rendu compte que ce ne serait pas comme cela qu’il y parviendrait. Il aurait tant aimé la revoir malgré tout cela. Puis un bruit vint le sortir de ses pensées. La porte de la chambre s’ouvrit, laissant apparaître une personne.
« Monsieur, il est déjà sept heures trente-cinq! Vous allez être en retard à vôtre travail! Dois-je monter vôtre petit déjeuner dans vôtre chambre? »
C’était la servante qui s’inquiétait pour lui. Depuis quelques temps déjà, elle avait remarqué qu’il se laissait aller de plus en plus. Et ces jours-ci, elle trouvait que cela s’aggravait sérieusement. À tel point qu’elle ne le reconnaissait parfois plus. Elle avait l’impression qu’il n’était plus que l’ombre de lui-même.
« Non merci, Rose. Je ne vais pas tarder à descendre. » répondit-il.
- « Vous n’avez pas l’air bien, monsieur. Êtes-vous sûr de ne pas être malade?
- Je vais très bien, je vous assure. Ne vous inquiétez pas pour moi! »
La domestique sortit alors de la chambre sans insister plus. Il s’extirpa lentement de son lit, retira son pyjama et revêtit un peignoire puis se rendit à la salle de bains pour prendre sa douche. Il en ressortit quelques minutes plus tard et, voyant l’heure qu’il était, s’activa pour s’habiller et descendre pour prendre son petit déjeuner. Une fois cela fait, il sortit alors en trombe de l’imposante demeure et monta dans sa belle voiture. Il démarra et partit en direction de la sortie de l’immense parc bordant la propriété. Les jardiniers y étaient déjà à l’œuvre. En passant près d’eux dans la grande allée, ceux-ci se retournèrent et il leur fit un signe de la main pour les saluer, ce à quoi ils répondirent également par un signe de la main. Quand il fut à la sortie du parc, il s’engagea à toute vitesse sur la route et prit la direction de son bureau, à Paris. Une quarantaine de minutes plus tard, il arriva face à un grand immeuble de bureaux. Il se dirigea alors vers l’entrée du parking souterrain et s’enfonça dans les profondeurs de la construction.
De son côté, elle était levée et prête à partir depuis une bonne demi-heure. Elle était assise, en larmes, sur son canapé et tenait un cadre dans lequel on pouvait la voir sur une photo en compagnie d’un autre homme. Il était grand et brun. Il avait les yeux bleus. Cela faisait plusieurs longues minutes qu’elle était comme cela lorsqu’elle dit en regardant la photo:
« Salaud! Comment as-tu osé me faire ça?! Depuis tout ce temps, tu m’as prise pour une conne alors que je t’aimais! »
Puis une sonnerie retentit. C’était son portable. Elle le sortit de son sac à main et regarda le nom de celui qui l’appelait. Elle resta figée quand elle vit que c’était lui. Celui qui la faisait tant souffrir. Comment osait-il l’appeler après ce qu’il avait osé lui faire quelques jours auparavant. Elle resta figée quelques instants, ne sachant plus quoi faire. Puis elle décrocha, un peu par curiosité pour savoir ce qu’il avait à lui dire, mais aussi et surtout parce qu’au fond d’elle, elle voulait entendre encore une fois sa voix douce.
« Allô?! » dit-elle avec une petite voix timide.
- « Allô... Ma chérie... C’est moi... Je... » déclara-t-il, avec un ton gêné.
Quand elle entendit ces paroles, son sang ne fit qu’un tour. Elle laissa alors exploser sa colère.
- « Quoi?! Tu oses encore m’appeler « ma chérie » après ce que tu as osé me faire??
- Excuses-moi... J’ai fait une grosse connerie... Je voulais pas, je te jure!!!
- C’est ça! Continue à me prendre pour une conne, je te dirais rien!!
- Écoute-moi, c’est pas ce que tu crois! C’était un accident! C’est elle qui m’a forcé!
- Menteur! Je t’ai vu! Elle ne t’as pas forcé du tout! T’avais pas du tout l’air contre!!!
- Mais non, je te jure! C’est elle!
- Arrête!! Je sais tout! Elle m’a tout raconté hier!
- ...
- Comment as-tu pu m’humilier comme ça??
- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire souffrir...
- Ferme ton claque-merde au lieu de mentir, espèce d’e****é! Tu t’enfonces tout seul! Je ne veux plus jamais te revoir, gros connard! Retourne dans les bras de ta pouffiasse! »
Elle lui raccrocha au nez sans ménagement et se laissa éclater en sanglots. C’est alors que quelqu’un frappa à la porte. Elle sécha alors ses larmes à toute vitesse et se précipita vers la porte d’entrée de son petit appartement douillet. Elle l’ouvrit pour voir qui se trouvait derrière.
« Salut! Alors, ma belle, prête pour le boulot? »
C’était Marine, une de ses amies et collègue de bureau qui venait la prendre pour aller travailler. Elle remarqua sa mine triste et ses yeux rouges.
« Ben, alors? Ça n’a pas l’air d’aller? Tu penses encore à lui, c’est ça! » dit-elle en s’approchant de son amie qui recommençait à pleurer.
- Il m’a appelé!
- C’est pas vrai! Mais quel connard ce mec! Et il t’a fait le coup des excuses, que c’était pas de sa faute et tout le bla bla?
- Oui...
- Ha, les mecs!!! Tous les mêmes!!! Dans quel état il t’a mis, cet enfoiré!
- Mais je ne lui ai pas laissé le temps de finir, je lui ai raccroché à la gueule!
- T’as bien fait! De toute façon, il ne te mérite pas! Alors oublie-le!
- Je peux pas! On est ensemble depuis si longtemps! C’est mon premier amour!
- Ha bon?! Je croyais que c’était quelqu’un d’autre ton premier amour!
- Oui mais non, lui, c’est différent. D’ailleurs, depuis que j’ai coupé les ponts avec lui, j’ai plus aucune nouvelle...
- C’est marrant, mais quand t’en parles, j’ai l’impression que tu ressens encore quelque chose pour lui!
- Marine!!!
- Ça te dirais de le revoir?
- Heu... Ben... Je sais pas trop... Et puis il doit m’en vouloir... En plus, je suis sûre qu’il est avec une autre fille en ce moment. Peut-être même qu’il a des enfants!
- Qu’est-ce que tu en sais? Ça vaut peut-être le coup d’essayer!!!
- Non, j’ai pas envie...
- Mais si, je suis sûre qu’au fond de toi tu crèves d’envie de le revoir! Alors ce soir, on le fait! Bon, allez, ma puce! Faut qu’on y aille sinon on va être à la bourre au bureau! »
Les deux jeunes femmes s’en allèrent en vitesse après avoir pris le temps de fermer la porte de l’appartement à clé. Elles descendirent les trois étages et montèrent dans la petite voiture de Marine, garée non loin de là. Une fois le moteur allumé, elles s’en allèrent vers leur lieu de travail.
Pendant ce temps, il était descendu de sa voiture et avait pris l’ascenseur jusqu’au dernier étage de l’imposante tour pour rejoindre son bureau. Quand les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, la secrétaire se précipita vers lui.
« Bonjour, monsieur le directeur. Vôtre rendez-vous est arrivé, et je dois vous dire qu’il a l’air très mécontent à cause de vôtre retard!
- Ho, merde! Je l’avais complètement oublié, celui-là! Bon, c’est pas grave... Dites-lui que je suis coincé dans les bouchons mais que je ne vais pas tarder... Ça lui fera les pieds!
- Bien, monsieur! »
Il n’avait plus la tête à son travail en ce moment. Il se sentait de plus en plus mal au fond de lui. Il avait l’impression que tout lui échappait et qu’il ne maîtrisait plus rien. Il pensait qu’il avait gâché sa jeunesse à l’attendre pour rien, elle qu’il aimait plus que tout au monde. Tout cela lui faisait peur. Il s’en voulait de n’avoir rien tenté quand il l’aurait fallu. Il resta devant la porte du bureau encore quelques minutes avant d’entrer. Pendant toute la durée du rendez-vous, il avait la tête ailleurs. Celui-ci lui parut interminable. Il était presque midi quand cette entrevue se termina, au grand soulagement du maître des lieux.
Il raccompagna son visiteur jusqu’aux portes de l’ascenseur et, quand celui-ci fut parti, il se dirigea vers le bureau de sa secrétaire.
« Amandine, y a-t-il des rendez-vous prévus cet après-midi? » demanda-t-il.
- « Aucun, monsieur! Le seul qui était prévu vient de se désister à l’instant.
- Très bien. » dit-il, soulagé de ne pas avoir à endurer une fois de plus une de ces épreuves interminables qui jalonnaient son quotidien. « Si quelqu’un me demande, vous savez où me trouver...
- Oui, Monsieur! »
Il se dirigea alors vers les escaliers et monta. Il arriva à la porte du toit de l’immeuble dont lui seul possédait la clé. Il l’ouvrit et avança sur le toit en terrasse de l’immeuble. Il s’approcha de la corniche et s’y assit, les jambes pendantes dans le vide. Depuis cet endroit, il avait une vue splendide sur tout Paris. Il y allait quelques fois. Mais depuis un petit moment, il y allait de plus en plus fréquemment. Pour y réfléchir prétextait-il, car, disait-il, quand on a une partie du corps qui repose dans le vide, c’est comme aux toilettes, ça aide les neurones à réfléchir. Mais là, c’était différent. Malgré cela, il ne contemplait pas le panorama magnifique qui s’offrait à lui. Il était ailleurs, perdu dans ses pensées, le regard dans le vide. Il repensait à elle.
Il se souvint alors de leur première rencontre. C’était au collège. Au club d’arts martiaux, plus précisément. Au début, quand elle avait fait son apparition dans le gymnase, il l’avait trouvée mignonne mais sans plus. Puis au fil du combat, il la trouvait de plus en plus attirante. Jusqu’au moment où elle avait réussi à le mettre à terre et qu’il s’en aille, vexé d’avoir été vaincu par une fille. Quand il y repensait, il trouvait sa réaction ridicule. Pour autant, il était tombé sous son charme. Le lendemain, ils s’étaient donné rendez-vous au gymnase pour faire une revanche. Cette fois c’était lui qui l’avais mise à terre et elle qui était tombée sous son charme. Il se rappela alors la conversation qu’ils avaient eu ensuite pour se présenter. Et notamment quand il avait écorché son prénom et qu’elle l’avait tellement mal pris qu’elle l’avait mis à terre. Cela le fit sourire mais le cœur n’y était pas. Ensuite, c’était là que toute leur aventure avait débuté et qu’ils s’étaient liés d’amitié tous les cinq.
Mais que restait-il de leur amitié? Eux qui étaient si soudés à l’époque et dont qui il n’avait pratiquement plus aucune nouvelle aujourd’hui. Quelle trace avait-il laissé en eux?
« Et dire que c’était la période la plus heureuse de ma vie! » pensa-t-il.« Quel gâchis! »
Il avait réussi dans sa vie professionnelle, loin d’elle, loin d’eux. Mais il n’avait pas réussi sa vie personnelle. Le soir, quand il rentrait chez lui, il était seul, désespérément seul. Et elle, sans le savoir, elle hantait la moindre de ses pensées, le moindre de ses regrets. Petit à petit, il sombrait dans la dépression, loin de ses amis, ceux qui, en d’autres temps, auraient été toujours là pour lui. Avec le temps, il avait perdu le contact avec eux. Il ne savait pas ce qu’ils étaient devenus. À propos d’elle par contre, il était partagé sur ce qu’il voulait. Elle l’avait fait tant souffrir le jour où elle était partie de Kadic, après avoir eu son baccalauréat. Elle leur avait dit à tous qu’elle garderait le contact, et c’est avec lui qu’elle avait rompu les ponts en premier. Après leur dernière conversation, il en était devenu malade. Il avait failli louper son bac à cause de ça. Il l’avait pris comme une trahison venant de sa part.
Et pendant toutes ces années, cette douleur le rongeait de l’intérieur. Les amis qui lui restaient lui répétaient sans cesse que cela lui passerait avec le temps et qu’il finirait même par l’oublier. Mais comment pouvait-il l’oublier? Elle avait été son premier émoi sentimental, son premier amour en quelque sorte, même s’il n’y avait jamais rien eu entre eux. Cette blessure au cœur, cette plaie à l’âme ne voulait pas se refermer et cicatriser une bonne fois pour toutes. Plus il essayait de l’oublier et plus elle revenait le hanter. Il n’y parvenait pas. Chaque fois qu’il essayait, il n’y parvenait qu’un temps avant que tout ne redevienne comme avant.
« Haaaa!!!!!! »
Il se retourna brusquement pour voir d’où provenait ce cri. C’était Amandine, sa secrétaire, qui venait le chercher. Elle avait eu peur. C’était la première fois qu’elle montait le chercher et qu’elle le voyait ainsi dans cette posture.
« Qu’y a-t-il, Amandine? » demanda-t-il.
- « Monsieur Stern, vous n’allez tout de même pas...
- Mais non, Amandine, rassurez-vous! Pourquoi êtes-vous venue me chercher?
- Heu... Et bien... Monsieur vôtre père vous demande immédiatement... » répondit la jeune secrétaire, toute perturbée.
Ulrich se releva et s’éloigna du rebord du toit de l’immeuble. Il rejoignit sa secrétaire et descendit avec à l’étage juste en dessous. Il ne put s’empêcher de penser:
« Moi qui pensait que l’après midi aurait été plutôt calme, c’est raté! Je vais encore devoir subir une énième volée de bois vert de a part de ce vieux con! Quelle barbe... »
Il arriva rapidement dans son bureau pour y retrouver son père qui l’y attendait. Il referma la porte derrière lui, laissant Amandine à son bureau.
« Il a l’air vraiment bizarre, en ce moment! Il me fait peur... » déclara-t-elle.
- « C’est vrai qu’il a pas l’air dans son assiette en ce moment, le patron... » répondit une de ses collègues venue la chercher pour la pause déjeuner.
- « Ouais mais là, il me fait vraiment très peur! J’ai l’impression que c’est pire depuis quelques jours.
- Comment ça?
- Ben, quand je suis allée le chercher sur là-haut, tout à l’heure, il était assis sur le rebord du toit avec les jambes dans le vide!
- Hein?! Sans blague! Tu me fais marcher, là!
- Non, je te jure! » répondit Amandine en s’éloignant de son bureau en direction de l’ascenseur, entraînant avec elle son amie.
Les deux jeunes femmes continuaient de papoter entre elles alors que dans son bureau, Ulrich essuyait une fois de plus les critiques désobligeantes de son père qui, comme à son habitude, était mécontent de lui. Cependant, il ne bronchait pas face à toutes ces remontrances. Il en était même blasé. Il n’y prenait pas garde et laissait son père débiter ses reproches. Il le regardait fixement dans les yeux.
« Quel plaisir prends-tu à me rabaisser ainsi? Tu ne pourrais pas être fier de moi, pour une fois? Juste une fois? Ça serait trop dur pour toi? » pensait-il.
À quelques rues de là, les deux jeunes femmes descendaient les escaliers pour se rendre dans leur petit resto préféré afin d’y déjeuner. Elles discutaient entre elles de tout et de rien. Quand elles furent arrivées à leur destination et installées à leur table habituelle, Marine changea de sujet de discussion et déclara avec un petit air malicieux:
« Au fait, Yumi, tu m’as toujours pas dit ce que tu comptais faire...
- À propos de quoi??? » demanda Yumi, l’air étonnée.
- « Ben à propos de lui!
- Quoi?! Ce connard d’Antoine?!
- Mais non, pas celui-là! Tu sais, l’autre!
- L’autre?? Qui ça, l’autre?
- Zut! Comment il s’appelle, déjà?? Cédric? Patrick? Aymeric?
Yumi resta sans voix. Elle avait compris ce que Marine voulait dire. Cette dernière le vit bien et pour suivit:
« Bon, bref! Je me rappelle plus de son prénom mais c’est pas grave...
- Ulrich... C’est Ulrich qu’il s’appelle. » l’interrompit Yumi, le regard rempli de nostalgie et de regrets en repensant à lui.
Elle se remémora alors leur dernière conversation. C’était en mars de l’année après qu’elle soit entrée à la fac, laissant ses amis à Kadic. Ce jour-là, elle avait donné rendez-vous à Ulrich à midi et demi devant l’entrée de l’établissement. Elle se souvenait de ces quelques mots terribles qu’elle avait prononcé et de la réaction d’Ulrich:
« Ben voilà... Je sais pas comment te le dire mais... J’en ai assez de nôtre relation qui ne mène à rien! Alors j’ai décidé de ne plus t’attendre et qu’on devait...
- Moi aussi! C’est pour ça que je voulais te demander si tu voulais bien... Qu’on aille... Un peu plus loin dans nôtre relation... Enfin, tu vois ce que je veux dire...
- Non, Ulrich tu n’as pas compris! Je ne t’attends plus.
- Comment ça?! Je comprends pas...
- Ça veut dire qu’il n’y aura jamais rien entre nous, voilà! J’en ai plus qu’assez d’attendre que tu me demande de sortir avec toi! Alors il vaut mieux qu’on en reste là et qu’on soit juste bons amis. C’est tout. »
Alors qu’elle avait dit cela, elle avait remarqué qu’Ulrich était resté pétrifié d’effroi, montrant ainsi qu’il ne s’attendait pas à une telle déclaration de sa part. Elle avait commencé à s’impatienter de leur relation quand elle était arrivée à la fac. Elle s’y était fait plein de copains et copines qui étaient tous ou presque en couple et qui ne cessaient de lui demander comment cela se faisait qu’une aussi jolie fille qu’elle ne sorte avec personne. Ses copines lui demandaient tout le temps si elle avait quelqu’un en vue et elle leur répondait toujours oui. Mais au fil du temps, ce quelqu’un avait changé. Ce n’était plus lui mais un autre. Hélas, cette relation n’avait duré que quelques jours et elle en était ressortie très déçue. Son impatience avec Ulrich l’avait punie mais, sur le coup, elle ne l’avait pas compris comme cela. Il avait fallu attendre la fin de sa première relation amoureuse sérieuse pour qu’elle comprenne cela. Elle regrettait amèrement son erreur.
Elle aurait dû être un peu plus patiente avec Ulrich. Ils auraient peut-être été heureux ensemble. Peut-être le seraient-ils encore à l’heure actuelle, qui sait? Elle sentit alors un sentiment de colère monter en elle, contre elle. Du regret aussi. Comment avait-elle pu lui faire ça alors qu’elle l’avait tant aimé de part le passé. Elle s’en voulait. Le remord la rongeait petit à petit depuis longtemps, même si elle n’osait pas se l’avouer. Elle savait que tout cela était de sa faute. C’était quand même elle qui avait mis un terme à leur histoire. Quelques larmes firent leur apparition dans les yeux de la belle japonaise mais ne coulèrent pas le long de ses joues. Elle s’efforçait de ne pas pleurer. Elle ne voulait plus pleurer à cause de lui. Elle l’avait tant fait du temps où elle et lui étaient encore à Kadic.
« Yumi?? Yumi?? »
Elle fut tirée de ses pensées par Marine qui agitait sa main devant ses yeux.
« Ça va?? Tu penses encore à Antoine, c’est ça? Je sais que c’est dur mais tu ne devrais pas, tu sais! Ce pauvre type ne te mérite pas.
- Non, c’est pas ça! » répondit Yumi, en fondant en larmes.
- « Alors, c’est quoi? » questionna Marine en se rapprochant d’elle pour la prendre dans ses bras afin de la réconforter.
- « C’est Ulrich...
- Hein?! Comment ça??
- Je suis trop conne!!
- Mais non, dis pas ça!!
- J’ai tout gâché!
- Ben... Pourquoi?? »
Après quelques sollicitations insistantes de Marine, Yumi se décida à tout lui raconter. Dévoiler cette partie de son passé à celle qui était devenue sa meilleure amie au fil du temps l’apaisa. Elles prirent leur repas tout en continuant à discuter de cela. À la fin du repas, Marine déclara:
« Tu sais quoi? Ça crève les yeux que t’es encore amoureuse de lui, malgré ce que tu dis! Alors reprends contact avec lui sinon tu vas le regretter tout le reste de ta vie!
- Oui mais si...
- Fais-le, je te dis!!! »
Puis les deux jeunes femmes se levèrent, payèrent l’addition et s’en retournèrent au cabinet où elles travaillaient. Elles étaient toutes les deux avocates dans un cabinet dont le sérieux et la réputation n’étaient plus à faire.
Dans son bureau, Ulrich avait fini son entretien avec son père. Comme à son habitude, il avait essuyé impassiblement le feu des critiques et des injures de son père à propos de sa manière de gérer le groupe familial. Ce à quoi il avait mit un terme d’une façon dont ni lui ni son père n’aurait cru tant c’était inattendu de sa part. En effet, il lui avait déclaré sans ménagement:
« Tu sais quoi, Papa? JE T’EMMERDE!! ET SI T’ES PAS CONTENT, C’EST LE MÊME TARIF!! Si tu es si mécontent que ça de ma manière de gérer les affaires, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même! C’est toi qui a tenu absolument à ce que je prenne la tête du groupe! Tu veux peut-être reprendre ta place?? Si c’est ça, faut pas te gêner!! De toute façon, t’es jamais satisfait de ce que je fais! Il n’y a que toi qui es parfait! Tout ce que font les autres, c’est de la merde à tes yeux!!! Maintenant, tu fous le camp de mon bureau!!! »
Son père tourna les talons aussi sec sans dire un mot, en claquant la porte, mais son visage parlait pour lui. De son côté, Ulrich resta quelques minutes à réfléchir à tous ces événements, à sa vie te à la tournure qu’elle avait pris, loin d’elle qu’il avait tant aimé. Il ressentit alors l’impression que sa vie ne se résumait qu’à un grand gâchis qu’il n’avait su maîtriser afin d’en limiter les dégâts. Pourtant il savait bien que, plusieurs fois, il avait sauvé le monde sans que personne, et surtout pas son père, ne vienne féliciter l’un quelconque d’entre eux. Depuis tout ce temps, une question lui taraudait l’esprit Pourquoi fallait-il que sa vie ne se résume qu’à un échec sentimental monumental et les pluies de critiques de son père? N’était-il bon qu’à ça? Était-ce donc son destin? Les seules fois où il avait été heureux, c’était quand elle l’embrassait sur la joue pour le remercier où quand il lui faisait des cadeaux. Mais leur relation ne s’était limitée qu’à ça. Et il le regrettait. Pourquoi n’avait-il donc pas trouvé la force de lui dévoiler ses sentiments? Quand il repensait, il trouvait ça si simple. Il se trouvait sacrément bête de ne pas l’avoir fait plus tôt. Cela lui aurait évité tellement de chagrin et de peine. Il sortit de ses pensées et regarda l’heure. 13 heures 18. Il se plaça alors devant son ordinateur et se connecta à sa boîte mail. Il commença à rédiger un courrier. Il se dit alors intérieurement:
« Ça ne peut plus continuer comme ça. Il faut que je le fasse. Et tant pis pour les conséquences. »
Quand il eut fini, il se déconnecta et sortit de son bureau. Il croisa Amandine qui revenait de sa pause déjeuner.
« Monsieur Stern? Vous êtes encore là?? Vous n’êtes pas allé déjeuner?
- Non, je n’ai pas faim ce midi. » lui répondit-il, le regard vide.
Puis il se dirigea vers l’escalier. Il se rendit sur le toit pour s’asseoir sur la corniche, comme il l’avait fait précédemment.
Il était assis là depuis une bonne vingtaine de minutes, immobile, impassible face aux agitations futiles de la vie quotidienne qui continuait tranquillement son cour quelques dizaines de mètres plus bas sous ses pieds. Il avait un sentiment de gâchis face à sa vie. Il avait raté les plus belles années de sa vie à cause d’elle. Ou plutôt à cause du souvenir qu’il avait d’elle. Pourtant il avait cherché tant de fois à l’oublier et avait multiplié les rencontres amoureuses. Mais à chaque fois, elle était toujours là, dans son esprit, en toile de fond, comme un fantôme hantant son esprit. Il ne pouvait s’en défaire, même lorsqu’il était dans les bras d’une autre. Et à cause de cela, il en avait brisé, des cœurs.
La première qui en avait pâti, il s’en souvient encore. Ils s’étaient rencontrés à la fac, pendant leur première année. Elle s’appelait Clarisse. C’était une belle brune d’un mètre soixante-dix environ. Elle avait les yeux verts et les cheveux qui lui arrivaient jusqu’aux épaules. Ils s’entendaient tellement bien tous les deux. Au départ, il ne l’avait pas vraiment remarquée tant elle était discrète. Mais il avait fini par l’apercevoir parmi toutes les filles qui l’entouraient. Elle, elle l’avait remarqué dès le premier jour de cours. Elle était très timide et c’est lui qui avait fait le premier pas. Ils étaient restés ensemble quelques semaines et déjà elle était folle de lui, alors que lui ne parvenait pas à oublier son premier amour, celle qu’il n’avait jamais cessé d’aimer. Il lui avait brisé le cœur quand il avait rompu leur relation. Elle avait eu du mal à s’en remettre car pour elle, c’était la première fois qu’elle sortait avec un garçon. Et quel garçon! Il faisait craquer toutes les filles de la promotion. Les autres garçons en étaient jaloux.
Il s’en était suivi une bonne dizaine de flirts pendant la même année, et tous s’étaient terminés de la même manière. Elles étaient toutes folles de lui et lui leur brisait le cœur en mille morceaux. Et tout cela à cause d’une fille, une seule. Il faisait cela non pas pour se venger d’elle mais uniquement parce qu’il essayait de l’oublier dans les bras d’une autre. Au bout de trois années comme cela, il dut se rendre à l’évidence. Il n’y était pas parvenu. Elle était toujours bien là, présente plus que jamais dans son esprit. Il avait alors fini par se dire que s’il n’y parvenait pas, c’était peut-être parce qu’il l’avait trop aimée, elle. Il se demandait même s’il n’était fait pour l’amour tellement il l’avait éprouvé si fort et si jeune, et vu qu’il ne parvenait pas à se défaire de celle qui avait occupé ses rêves si longtemps. Son visage lui revint alors en mémoire, accompagné d’un souvenir douloureux. C’était à Kadic, le fameux jour où elle lui avait déclaré:
« Entre nous, c’est copains et c’est tout »
Bon nombre d’interrogations se bousculaient dans sa tête. Pourquoi lui avait-elle dit cela? Se pouvait-il qu’il se soit complètement trompé sur elle et ce qu’elle ressentait pour lui? Pensait-elle à un autre que lui à ce moment-là? Et de qui pouvait-il bien s’agir? Il repensait au contexte de l’époque et ne trouvait aucune réponse satisfaisante. Puis un visage apparût dans son esprit. Comme une révélation.
« Ho, non! Pas lui! » se dit-il alors.
Se pouvait-il alors que ce soit celui qu’il avait détesté au premier regard qui soit la cause de son chagrin? Cela lui apparut comme une révélation. Et si c’était lui qui était la cause de sa décision de mettre un terme à leur relation? Après tout, il avait quitté Kadic en même temps qu’elle et, n’étant pas derrière eux tout le temps pour les surveiller, qui sait ce qu’il aurait pu lui faire ou lui dire pour qu’elle tombe dans ses bras? Ou bien pire encore, qu’auraient-ils bien pu faire ensemble? Il n’osait trop y croire et pourtant cela lui paraissait tellement évident.
Son regard se fixa vers l’horizon et pourtant il ne contemplait pas la vue qui s’offrait à lui malgré cette belle journée ensoleillée. Comme il aurait aimé la passer avec elle, lui caresser le visage, l’embrasser, se perdre dans ses yeux magnifiques, se blottir contre elle et l’aimer pour l’éternité. Une émotion vint lui troubler cette pensée. C’était un mélange de haine et de détresse. De haine parce que, quelque part, il avait l’impression qu’elle lui avait menti à propos des sentiments qu’elle ressentait pour lui car elle n’avait sûrement pas décidé de tout arrêter avec lui du jour au lendemain. De regrets aussi car s’il s’était déclaré plus tôt, cela lui aurait sûrement évité d’endurer cela. Il s’en voulait tellement de ne pas avoir pu, de ne pas avoir su faire ce qu’il fallait au bon moment. Il lui en voulait aussi de ne pas l’avoir attendu. Mais, au fond de lui-même une question subsistait. Si elle ne s’était pas décidée à en rester là avec lui, combien de temps l’aurait-elle encore attendue?
Yumi et Marine arrivèrent dans leur cabinet. Elles se séparèrent pour se rendre chacune dans son bureau afin de préparer leurs rendez-vous de l’après-midi. Pour la belle japonaise, le cœur n’était pas vraiment à l’ouvrage. Elle repensait à ce que lui avait dit son amie. Plus elle y repensait et plus elle s’embrouillait l’esprit avec tout cela. Se pouvait-il qu’elle l’aime encore malgré toutes ces années? Après son chagrin d’amour récent, c’était la seule personne qui lui revenait dans le cœur. Mais comment cela était-il possible alors qu’elle pensait l’avoir oublié? Elle repensa alors à l’époque où tout était encore si simple. Ils étaient si heureux ensemble même s’ils ne s’étaient rien dit. Rien que d’apercevoir son visage d’ange et ses beaux yeux ou même d’entendre sa voix suffisait à la rendre la plus heureuse du monde. Mais, hélas pour elle, un autre fit son apparition et tout devint soudain bien plus compliqué dans sa tête. Il avait le même âge qu’elle et il avait lui aussi vraiment tout pour plaire.
« Pourquoi a-t-il fallu que tu vienne tout compliquer, William? Pourquoi? J’étais si heureuse avant que tu ne fasses irruption dans ma vie... »
Des larmes perlèrent dans ses jolis yeux. Elle ne put les retenir très longtemps. Elle se prit la tête entre les mains en reposant ses bras sur son imposant bureau en bois massif. Elle se laissa submerger par un sentiment de culpabilité et de gâchis. Pourquoi avait-elle été aussi impatiente avec lui? Et pourquoi n’avait-elle pas fait le premier pas, voyant que lui n’arrivait pas à dépasser sa timidité? Après tout, à cette époque, les mœurs étaient libérées et, de ce fait, ce n’était pas forcément au garçon de faire le premier pas. Alors pourquoi n’avait-elle pas osé? Le poids de sa culture japonaise qui lui imposait de ne pas dévoiler ses sentiments en public? Car à chaque fois qu’ils se voyaient, ils étaient toujours en compagnie de quelqu’un d’autre. La peur de la réaction des autres, peut-être? À part les vannes pourries et les taquineries de Odd, il n’y avait pas vraiment de quoi s’inquiéter à ce sujet. La crainte de décevoir ses parents, alors? Lorsqu’elle leur avait annoncé qu’elle sortait avec Antoine (son ex), ils avaient plutôt bien accueilli la nouvelle. Alors pourquoi? En fait, elle n’en savait trop rien.
« Ma vie sentimentale est n’est qu’un échec complet. » pensa-t-elle. « Pourquoi ai-je tout gâché avec Ulrich? On aurait été si heureux ensemble, même si ça n’aurait duré qu’un temps. Et pourquoi ai-je passé tant de temps dans les bras de ce connard d’Antoine sans me rendre compte qu’il avait allait voir une autre depuis presque le début de nôtre relation? J’ai vraiment tout raté à m’être précipitée dans ses bras. Quelle conne j’ai été! »
Elle releva alors alors la tête au ciel et se dit alors, comme adressant une prière au ciel:
« Ulrich, si tu pouvais m’entendre! J’ai tellement besoin de toi! Comment ai-je pu me cacher l’amour que j’éprouvais envers toi depuis tout ce temps? Si tu savais comme je souffre. Après tout, c’est bien fait pour moi! Je t’ai tant fait souffrir la dernière fois qu’on s’est vus. Si tu savais comme je m’en veux terriblement! Tout ça, c’est de ma faute. T’aurais-je aimé si fort au point de rendre nôtre amour impossible? »
De grosses larmes coulaient de ses yeux le long de ses douces joues et venaient s’écraser sur le bureau contribuant chaque fois un peu plus à la petite flaque qui s’était formée au fil du temps. Soudain la porte de son bureau s’ouvrit brusquement, laissant apparaître Marine les bras chargés de dossiers volumineux.
« Tiens, ma cocotte! Karine s’est encore plantée dans les dossiers! Elle... »
Elle s’arrêta en plein milieu de sa phrase car elle venait de remarquer l’état dans lequel se trouvait la japonaise. Elle s’empressa alors de se décharger des dossiers qu’elle transportait et se précipita sur celle qui était devenue au fil des années sa meilleure amie. Elle s’accroupit à côté d’elle, posa une main sur son épaule et lui dit:
« Ben qu’est-ce qu’il y a, ma puce? Ça n’a pas l’air d’aller! Allez, vas-y, raconte-moi tout!
- Je suis trop conne! J’ai tout gâché! » lui répondit Yumi, larmoyante.
- « Quoi?! Rassures-moi, tu parles pas de ce connard d’Antoine, là??
- Mais non! Je te parles d’Ulrich...
- Ha, ouf! Tu m’as fait peur!! Mais pourquoi tu dis ça? Tu sais, les sentiments, ça ne se contrôle pas! C’est pas ta faute si tu t’es laissée séduire par un autre! Et puis tu ne pouvais pas savoir qu’Antoine était un e****é pareil!
- Peut-être, mais si j’avais appris à le connaître et si j’avais écouté les rumeurs qui courraient sur lui avant de me jeter dans ses bras, j’en serais pas là aujourd’hui! »
Yumi, qui s’était calmée quelque peu pendant qu’elle se confiait à Marine, se remit à pleurer de plus belle. Elle se sentait très mal. Marine, l’ayant remarqué, lui dit:
« Rentre chez toi, ma puce, t’es pas en état de travailler. Je vais m’arranger avec le patron et je vais faire annuler tes rendez-vous de l’après-midi.
- Merci, Marine. T’es vraiment une super copine! » répondit la japonaise en s’essuyant les yeux et les joues.
Elle prit ses affaires et partit du cabinet. En bas de l’ancien immeuble de sept étages, elle prit la direction de la station de métro la plus proche. De là, elle se rendit jusqu’au terminus de la ligne de bus qui s’arrêtait devant chez elle. Elle y attendit quelques minutes avant d’en partir et fut rapidement transportée jusqu’au pied de l’immeuble où elle résidait. Elle y pénétra et monta les étages un à un lentement. Quand elle fut devant la porte d’entrée, elle fouilla dans son sac à main. Après quelques instants, elle en ressortit son trousseau de clés et en inséra une dans la serrure, puis la fit tourner et ouvrit la porte. Elle se déchaussa en posant son sac sur le guéridon de l’entrée et enfila une vieille paire de pantoufles. Elle se dirigea ensuite vers le salon et s’allongea sur son canapé en laissant échapper un long soupir. Elle ferma alors les yeux. Elle les rouvrit quelques instants plus tard puis se releva et se dirigea vers l’ordinateur . Elle s’installa devant la machine qui trônait sur un bureau, à proximité de la télévision et de la chaîne hi fi. Elle l’alluma, et celui-ci se mit aussitôt à produire son habituel ronronnement sourd. La première chose qu’elle fit fut de consulter ses mails. Elle en recevait une bonne dizaine par jour, de ses amis, de sa famille, et parfois de ses collègues de bureau et de ses clients. Elle remarqua aussitôt que Marine lui avait envoyé un mail pendant qu’elle rentrait chez elle. Elle l’ouvrit et le lut. C’étaient des mots gentils de sa part pour la réconforter, mais aussi pour lui dire qu’elle passerait après le travail pour voir comment elle allait. Puis lorsqu’elle l’eut mit à la corbeille, elle en remarqua un comme s’il lui était apparu dans un flash. Le nom de l’expéditeur l’avait interpelé dès que la liste des messages reçus était réapparue sur l’écran. Ulrich Stern.
« Tiens?! Pourquoi il m’écrit? Que peut-il encore bien vouloir me dire après ce que je lui ai fait? » s’interrogea-t-elle, surprise.
Elle hésita à ouvrir ce message. Devait-elle le lire? Devait-elle le mettre dans la corbeille sans y jeter un coup d’œil? Elle se dit alors que s’il avait pris la peine de lui écrire, c’était sûrement parce qu’il s’était produit quelque chose de grave. Elle se décida à l’ouvrir. Le message lui apparut alors et elle le lut rapidement.
« Mais pourquoi il m’écrit tout ça?? » se demanda-t-elle tout haut quand elle eut fini.
Elle ne comprenait pas bien pourquoi Ulrich lui faisait toutes ces confidences. Surtout si longtemps après qu’ils se soient échangés leurs derniers mots. Mais une chose l’intriguait. C’était la fin du message. Qu’avait-il bien pu vouloir lui dire par là? Elle ressassait sans cesse ces quelques lignes dans sa tête afin d’essayer d’en comprendre la signification:
« Je t’aime encore. Je n’ai jamais réussi à t’oublier.
À l’heure où tu lis ces lignes, j’en aurai sûrement fini avec toutes ces souffrances qui durent depuis si longtemps.
Ulrich. »
Après quelques instants de réflexion, la signification du message lui apparut clairement.
« Ulrich! Non! Pas ça! » dit-elle alors en se prenant la tête entre les mains.
Quelques larmes perlèrent dans ses yeux. Elle fut alors prise d’un sentiment de culpabilité. Après tout, s’il en était arrivé là, c’était un peu de sa faute à elle aussi. Et si elle était rentrée plus tôt, peut-être qu’elle aurait pu faire quelque chose. Elle regarda alors l’heure à laquelle elle avait reçu le message. 13 heures 18. Cela faisait donc une bonne demi heure qu’il lui avait envoyé ce message. Peut-être n’était ce pas trop tard pour éviter le pire. Elle rechercha alors le nom d’Ulrich sur internet. Elle découvrit alors qu’il avait fini par reprendre la grande entreprise de son père après des études avec des résultats plutôt en dents de scie. Il y avait même une photo de lui. Il était souriant dessus. Il avait l’air heureux. Mais à y regarder de plus prêt, elle remarqua que ses yeux ne disaient pas la même chose. Ils laissaient transparaître clairement son fardeau intérieur. Elle vit alors l’adresse du siège de l’entreprise et la nota sur un bout de papier. Elle décida de s’y rendre de toute urgence.
Il était toujours assis là, sur la corniche. Il se demandait s’il avait bien fait d’envoyer ce mail. Cette question lui torturait l’esprit.
« Va-t-elle le lire ou bien va-t-elle le mettre directement à la corbeille? » se demanda-t-il. « Mais pourquoi j’ai fait ça? C’est évident qu’elle n’en a plus rien à foutre de moi! Elle est heureuse sans moi! Pourquoi je m’acharne à penser à elle? Elle ne m’aime plus! Faudra bien que je me fasse une raison un jour. Elle est dans les bras d’un autre depuis longtemps. J’ai pas le droit de la faire souffrir et de lui gâcher son bonheur comme ça. Pourquoi la vie s’acharne-t-elle ainsi sur moi? Pourquoi est-ce que je souffre autant? Pourquoi? C’est injuste! »
Il allait repartir dans son bureau le cœur gros quand il remarqua un sac à dos posé à côté de lui. Il se demandait qui avait bien pu l’oublier là car il était le seul, hormis les agents de la sécurité, à posséder la clé de la porte d’accès au toit. Il reconnut alors son sac à dos, cela même avec lequel il allait en cours à la fac quelques années plus tôt. Mais que pouvait-il bien faire là? Il n’avait aucun souvenir le l’avoir amené à cet endroit avec lui. Il le saisit alors de la main droite et remarqua qu’il contenait quelque chose. Il l’ouvrit alors et y vit une bouteille en verre blanc. Il la sortit pour voir ce qu’elle contenait et lut sur l’étiquette la mention « Vodka ». Il reconnut aussitôt la bouteille qu’il avait ramené de son voyage d’affaires en Russie quelques mois plus tôt et qu’il n’avait pas encore débouché. Il se posait de plus en plus de questions. Il ne comprenait plus rien de la situation. Après quelques instants de vaine réflexion, il se dit alors:
« De toute façon, c’est bon pour ce que t’as! »
Puis il fit tourner le bouchon de la bouteille pour le dévisser et en but une gorgée. Celle-ci le fit tousser tellement l’alcool était fort. Il regarda l’étiquette et vit la mention « 60° ». Un vraie vodka comme on n’en trouve pas ailleurs qu’en Russie. Il en but alors une autre gorgée comme pour faire passer la première. Il sirota lentement le contenu de sa bouteille pendant encore une heure environ alors que les idées noires et les souvenirs douloureux défilaient dans sa tête seconde après seconde. Jusqu’au moment où il s’aperçut qu’une foule s’était réunie en bas de l’immeuble et le regardait. Il vit peu après des voitures de police et une ambulance arriver en bas. Les forces de l’ordre éloignèrent alors la foule du pied de l’immeuble. Alors qu’il regardait la scène avec amusement, il remarqua qu’il était rond comme une queue de pelle (complètement bourré, quoi!) et s’en amusa. Il regarda la foule. Il y vit une tête blonde.
« Tiens, c’est marrant! On aurait dit Odd! » se dit-il.
Il leva alors la bouteille vers le ciel comme pour la montrer à la foule et dit tout haut en regardant la tête blond plus bas:
« À ta santé, mon ami! »
Puis s’enfila une gorgée de ce qui restait du contenu de la bouteille. Il vit remarqua alors une autre tête blonde et un peu plus loin une tête à cheveux roses.
« Y a même Jérémie et Aélita! À vôtre santé à vous aussi! » leur cria-t-il, avant d’ingurgiter une énième goulée de son breuvage.
Mais en contrebas, la foule ne comprenait rien de ce qu’il disait tant sa voix était difficilement perceptible.
« Il ne manquerait plus que Yumi et tout le monde serait à nouveau réuni! Comme au bon vieux temps! Ha, Yumi...Yumi... »
Puis ses yeux s’inondèrent de larmes. Il fut saisi d’un sentiment de déception quant à lui-même.
« Regarde-toi, Ulrich Stern! Tu es devenu exactement ce que tu voulais éviter de devenir. » pensa-t-il. « Où sont donc tes rêves d’enfance? Où est la vie heureuse que tu voulais? La belle jeune femme que tu aimais plus que tout au monde, qu’as-tu fait pour la retenir et le rendre heureuse dans tes bras? Et tes rêves de devenir champion de pentchak silat? D’avoir de beaux enfants? Bref, que sont-ils devenus, tes rêves? Les aurais-tu oubliés? Où bien les aurais-tu reniés? Tout ça pour elle? »
Elle se précipita hors de chez elle sans attendre et se mit à courir dans la rue en direction du siège de l’entreprise de son ancien ami. Elle courut du plus vite qu’elle pouvait, tant et si bien que lorsqu’elle arriva à proximité, elle eut l’impression de n’avoir parcouru que quelques centaines de mètres depuis chez elle. Pourtant elle en était loin. L’immeuble de bureaux se trouvait en plein Paris alors qu’elle habitait la proche banlieue. Elle vit une foule immense au pied du building. Elle commença à la traverser. Elle remarque que toutes les personnes autour d’elle regardaient dans la même direction. Intriguée, elle se risqua à faire de même et quelle ne fut pas sa stupeur quand elle reconnut Ulrich assis sur la corniche tout en haut de l’immeuble. Elle s’arrêta tout net.
« Ho non! Ulrich! Ne fais pas ça, je t’en prie! Je suis là, j’ai tant besoin de toi » murmura-t-elle.
Elle l’avait dit d’une voie si faible que personne autour d’elle ne remarqua qu’elle avait dit quelques chose. Elle se remit alors en marche en directe de l’entrée de l’immeuble. Et sans ménagement, elle bouscula quelques personnes sur son passage. Elle voulait le rejoindre avant qu’il ne commette l’impensable et elle était prête à tout pour cela. Dans sa progression ralentie par les badauds, elle jetait un coup d’œil de temps en temps pour le surveiller. Elle craignait que le pire n’arrive avant qu’elle ait eu le temps de lui dire qu’enfin elle s’était rendue compte qu’elle l’aimait toujours et qu’elle regrettait de l’avoir tant fait souffrir. Elle ne cessait de se répéter intérieurement:
« Plus vite, Yumi! Plus vite! Sinon tu le regrettera jusqu’à la fin de tes jours! Allez! Plus vite! Il ne va pas t’attendre! »
En haut de l’immeuble, Ulrich n’avait toujours pas bougé de la corniche. Derrière lui, il entendit soudain des coups dans la porte métallique qui refermait l’accès au toit. Il tourna sa tête en direction de la source de ce vacarme. Il constata que la porte s’était refermée et verrouillée toute seule sans qu’il s’en rende compte. Mais cela ne lui posait aucun problème car il avait la clé qui lui permettait de l’ouvrir, ce qui n’était visiblement pas le cas de ceux qui voulaient le rejoindre. Il dirigea son regard vers la foule en contrebas, constatant qu’elle allait grandissante au fur et à mesure du temps au pied de l’immeuble. Il comprit alors pourquoi ils étaient tous rassemblés là.
« Ils croient donc tous que je vais sauter! Et c’est pour ça que tous ces imbéciles sont entassés en bas, juste pour voir si je vais le faire ou pas... Quelle bande de cons! Je ne suis pas assez fou pour ça... Ou bien peut-être suis-je trop lâche pour oser le faire... » pensa-t-il.
La porte de l’escalier menant au sommet de l’immeuble s’ouvrit brusquement dans un grand fracas. Ulrich sursauta puis se sentit soudain comme happé par une force contre laquelle il ne pouvait lutter. Les secouristes se précipitèrent dans sa direction, mais trop tard. Sur la corniche, plus personne. Dans la foule en contre-bas, des cris de terreur, des mains cachant des yeux, des spectateurs impuissants. Sur son visage, un courant d’air rafraîchissant. Dans sa tête, une pensée pour elle, pour eux et pour tous leurs amis. Dans ses yeux, Yumi au milieu de toute cette foule. Puis le sol. Et dans son corps tout entier, une douleur effroyable. Dans sa tête, un regret mêlé à un soulagement. Le noir, enfin. Puis plus rien. Sur le trottoir, un corps inerte. Parmi la foule, un cri déchirant. Celui de Yumi constatant son échec avec effroi alors qu’elle n’était qu’à quelques mètres de la porte d’entrée de l’immeuble.
« ULRICH! NOOOOOOON! »
Elle avait les yeux remplis de larmes. Elle se précipita vers son corps, bousculant tout le monde sur son passage. Elle continuait à crier et à pleurer à chaudes larmes. Elle s’en voulait. Elle savait qu’elle aurait dû lui parler il y a déjà si longtemps. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que s’il en était arrivé là, c’était entièrement de sa faute, à elle et à personne d’autre. Elle arriva au niveau du cordon de sécurité qu’elle passa dans son élan sans la moindre résistance et se précipita sur le corps inanimé de son ami, face contre terre.
« Ulrich! Pourquoi? Pourquoi tu ne m’as rien dit? Pourquoi? Ne me laisse pas, s’il te plaît! J’ai besoin de toi! » hurla-t-elle en sanglots, agenouillée devant la dépouille de son pauvre ami.
Odd et Aélita sortirent d’on ne sait où et se précipitèrent vers Yumi. Elle remuait le corps d’Ulrich comme pour tenter de le réveiller, mais en vain. Elle ne voulait pas qu’il soit mort. Elle ne supportait pas cette idée. Odd et Aélita la saisirent par les épaules pour l’éloigner du corps d’Ulrich. Elle se débattait pour rester auprès de lui. Elle espérait toujours qu’il se réveillerait et qu’il se relèverait.
« Yumi! Arrêtes! C’est trop tard! On ne peut plus rien pour lui! » cria Odd, les larmes aux yeux.
Elle le regarda quelques instants, incrédule.
« Comment tu peux dire ça! C’est ton meilleur ami! On peut encore faire quelque chose pour lui! Je veux pas le laisser mourir sans rien faire! Non! Je veux pas! » déclara-t-elle.
Elle ne se contrôlait plus. Elle était en état de choc.
« Arrêtes, Yumi! Il est mort! Et on ne peut rien y changer! » rétorqua Odd en la secouant.
Et soudain...
« ULRICH!! »
Un sursaut dans l’obscurité. Des larmes sur des joues qui n’en avaient été que trop mouillées. Un cœur palpitant très fort et à un rythme soutenu. Une respiration rapide. Comme si elle avait eu le souffle coupé quelques secondes auparavant. Elle passa ses mains sur ses joues pour essuyer ses larmes.
« Quel étrange cauchemar! Pourquoi est-ce que j’ai rêvé de lui comme ça? »
Elle regarda autour d’elle. Son appartement était plongé dans la pénombre car elle n’avait pas pris le temps d’ouvrir les rideaux le matin même. Seuls quelques rayons de soleil perçaient, éclairant quelque peu la moquette du salon. Elle était allongée sur son canapé dans la position exacte où elle s’était affalée dessus quand elle était rentrée du travail. Elle poussa un soupir de soulagement. Tout cela n’avait été qu’un rêve, un bien mauvais rêve. Elle repensa à ce que Marine lui avait dit plus tôt dans la journée. Elle s’interrogeait. Était-ce dans ce rêve ou dans la réalité qu’elle avait dit cela? Et devait-elle reprendre contact avec lui? Tout ça lui semblait si réel. Et si c’était vraiment la réalité? Le doute commença à s’installer en elle. Elle n’était plus sûre de rien. Elle prit son portable posé sur la table basse et regarda l’heure qu’il était. 16 heures 27.
Au même instant, dans son bureau. Des gouttes de sueur sur le front. Un poing serré par la colère et l’émotion. Il passa sa main droite sur son visage pour l’essuyer. Il s’était affalé devant son ordinateur après s’être assis lorsqu’il était redescendu du toit de l’immeuble. Il sentit comme une légère douleur sur le haut de son crane. Il y passa sa main et sentit comme de petites marques.
« Ho non! C’est pas vrai! Maintenant, je m’endors sur mon clavier! Comme Einstein! Si Odd avait été là, il se serait sûrement pas gêné pour me faire des vannes pourries! Sacré Odd! »
Il se mit alors à rire tout seul. Il imaginait bien la situation. Mais tout ça, c’était un temps révolu depuis bien des années. Il les revoyait tous, à l’époque où ils étaient encore heureux. Lui, Odd, Aélita, Jérémie... Et elle. Il repensa alors au mauvais rêve qu’il venait de faire.
« Non...Ce n’est pas ce que je veux... » se dit-il comme pour s’en convaincre. « Yumi... Je t’ai dans la peau jusqu’au plus profond de moi-même. Parviendrais-je à t’oublier un jour? Mes souffrances s’arrêteront-elles un jour, que je puisse enfin vivre heureux? »
Il se prit la tête entre le mains en appuyant ses coudes sur ses genoux. Son cauchemar l’avait vraiment secoué. Et une fois de plus elle était dans son rêve. Il avait l’impression de devenir fou. Il pensait à elle sans arrêt. Il n’avait plus qu’elle en tête et cela s’en ressentait sur son travail. Il fallait à tout prix qu’il trouve un moyen de la sortir de son esprit, sans quoi il ne tarderait plus à perdre la raison. Souffrait-il autant pour que son subconscient l’imagine sauter du haut du building pour mettre fin à ses jours? Et pourquoi avait-il vu Yumi dans la foule courant vers lui en pleurant alors que d’habitude, dans ses rêves précédents, elle n’avait de cesse de le repousser sans ménagement? Tout cela n’était que pure imagination et pourtant cela lui avait semblé si réel. Était-ce un signe du destin pour qu’il aille vers elle? Où pour qu’il passe à autre chose? Il en restait perplexe.
Elle était assise dans le canapé dans la position du lotus. Elle réfléchissait à ce que pouvait bien avoir pu signifié ce rêve. Son subconscient lui démontrait-il enfin qu’elle l’aimait encore depuis tout ce temps? Et que si elle ne faisait rien, elle allait finir par le perdre à tout jamais? À moins que ce ne soit déjà trop tard? Elle n’en savait trop rien. Elle ne savait plus quoi penser. Elle resta pendant de longs instants dans cette position afin de tenter d’éclaircir ce qu’elle avait dans la tête, quand quelqu’un sonna à la porte. Elle fut tirée de ses pensées. Elle se leva, sécha ses dernières larmes et se dirigea vers l’entrée pour ouvrir la porte. Elle y retrouva Marine.
« Mais qu’est-ce que tu fais là? T’es pas au boulot à cette heure-ci? » lui demanda Yumi, surprise de la retrouver là.
- « Ben non! T’as vu l’heure qu’il est? Il est presque 19 heures!
- Quoi?! Déjà?
- Voilà ce qui arrive quand on passe son temps à se morfondre! On voit pas le temps passer!
- Sympa! Moi qui avait besoin d’une amie, une vraie!
- Mais non! Je rigolais!
- Ha! Je préfère ça! Allez, rentre! On va pas passer la nuit sur le palier! »
Marine pénétra alors dans l’appartement. Elle retira son manteau, le posa sur le porte-manteau de l’entrée puis les deux amies s’installèrent dans le salon. Marine vit que Yumi avait l’air triste. Elle lui demanda:
« Alors? Ça n’a pas l’air d’aller! Ça va pas mieux depuis ce midi?
- Ben non, pas vraiment...
- Allez, raconte-moi tout!
- Quand je suis arrivée, je me suis endormie sur le canapé. Et ensuite, j’ai fait un de ces cauchemars...
- C’est pas grave! C’est juste un cauchemar!
- Ouais, mais là, c’était... »
Marine vit que la japonaise commençait à avoir les larmes aux yeux. Elle se rapprocha d’elle et la serra contre elle en lui disant:
« Pleure pas ma belle. Raconte-moi tout, ça ira mieux après. »
Yumi se lança dans le récit de ce qu’elle avait rêvé. Le mail, sa course contre la montre, la chute d’Ulrich, les paroles de Odd et Aélita... Marine était impressionnée tellement ce que disait Yumi était précis et regorgeait de détails. Elle resta la regarder quelques instants sans dire un mot après ce qu’elle venait d’entendre. Puis pour détendre l’atmosphère, Marine commença à délirer sur un tout petit détail que Yumi n’avait pas noté.
« Ben dis donc! T’en a, de l’imagination, toi! Surtout pour courir plus d’une demi-dizaine de kilomètres à pied en moins de trente secondes! Et en pantoufles, en plus! »
Ce qui fit éclater de rire les deux jeunes femmes. Yumi se sentait déjà un peu mieux après s’être confiée, et cela se voyait sur son visage. Marine en profita pour lui faire part de son opinion sur quelque chose qu’elle avait déjà cru comprendre lors de leur discussion pendant le déjeuner.
« Tu sais quoi?
- Non, mais quelque chose me dit que je vais pas tarder à le savoir!
- Plus je t’écoute parler et plus j’ai l’impression que t’es encore amoureuse de ton Ulrich! »
La japonaise ne répondit pas et son visage devint alors rouge écarlate. Elle était gênée par ce que venait de dire son amie et pourtant elle savait à quel point elle avait raison. Marine décida d’enfoncer le clou:
« Tu devrais peut-être l’appeler, tu sais. Peut-être qu’il t’aura pardonné...
- Ça m’étonnerait. Et puis si ça se trouve, il est marié et il a des enfants.
- Mais qu’est-ce que t’en sais? Ça ne te coûtera rien d’essayer!
- Si ça se trouve, il est heureux aujourd’hui et je ne voudrais pas lui gâcher son bonheur en faisant ressurgir en lui des mauvais souvenirs...
- Qu’est-ce que t’en sais?? T’as toujours son numéro de téléphone?
- Oui, je crois. Mais il va savoir que c’est moi et il va sûrement pas vouloir décrocher...
- Rhaaa... Mais t’es fatigante, à la fin! »
Marine se leva du canapé où elle était assise et saisit d’un geste vif le téléphone portable de Yumi qui était posé sur la table basse. Elle fouilla tant bien que mal dans le répertoire en se débattant de Yumi qui avait bondit sur elle pour essayer de l’en empêcher. Son regard s’arrêta sur un nom. Elle releva la tête vers la japonaise en écarquillant les yeux.
« Non mais j’hallucine! Ulrich Stern! LE Ulrich Stern?! C’est de lui que tu me parles depuis tout à l’heure?!
- Oui, pourquoi? Tu le connais?
- Si je le connais?? C’est le patron d’une des plus grosses entreprises de France! En plus il est super mignon! Et toi, tu me demande si je le connais... Tu te rends pas compte de la chance que t’as!
- Tu parles d’une chance! Je suis sûrement la seule personne au monde qu’il ne veut plus voir...
- Arrêtes ton délire, Yumi! Je suis sûre qu’il n’attend que toi... Et puis, tu sais, il paraît qu’il est célibataire! Alors...
- Là, c’est toi qui délire! Allez, rends-moi mon portable!
- Tu peux toujours courir! »
Marine appuya sur une touche puis colla le portable à l’oreille de Yumi.
« Tiens! Maintenant, c’est à toi de jouer! » déclara-t-elle.
- « Hé! Mais arrêtes!! T’es folle!! Qu’est-ce que je lui dis?? » répondit la japonaise en panique.
- « Tu verras bien! T’as qu’à improviser! »
Il était toujours dans son bureau. Depuis deux bonnes heures, il essayait d’avancer dans son travail pour se changer les idées. Il vit qu’il était déjà presque 19 heures 30. Il se décida à rentrer chez lui... Il commença à ranger les quelques dossiers qui trainaient sur son bureau puis éteignit son ordinateur lorsque son téléphone, qui se trouvait dans la poche intérieure, se mit à vibrer. Il l’en sortit et décrocha.
« Allô? »
Pas de réponse. Il retenta.
« Allô? Qui est-ce? »
Toujours aucune réponse. Puis il entendit un léger souffle dans le téléphone.
« Allô? Répondez! Je sais que vous êtes là! J’ai entendu vôtre respiration dans le téléphone! »
Pour seule réponse, il obtint que son appelant lui raccroche sans dire un mot. Qui était-ce? Et pourquoi l’appeler à une heure aussi avancée dans la nuit? L’espace d’un instant, il avait cessé de penser à elle. Il s’en rendit compte et fut soulagé de constater que, par moments, il arrivait à ne plus être submergé par les émotions qu’elle procurait en lui.
« Mais... Et si...? » pensa-t-il. « Non! Faut que j’arrête de délirer! Et puis pourquoi m’aurait-elle appelé? Qu’aurait-elle à me dire? Faut vraiment que j’arrête de me faire des films tout seul... »
Il replaça son portable dans sa poche intérieure puis se leva et enfila sa veste. Il sortit de son bureau et referma la porte à clé derrière lui.
Elle reposa son téléphone sur la table basse et se laissa retomber sur son canapé. Pourquoi avait-elle été incapable de dire un mot? Pourquoi son cœur s’était-il mis à battre si fort tout à coup? Se pouvait-il alors qu’elle l’aime encore à ce point? Ces interrogations se bousculaient dans sa tête. Elle était complètement troublée. Fort heureusement, Marine avait pris soin de masquer son numéro et donc il ne saurait jamais que c’était elle qui l’avait appelée.
« Non mais je rêve!!! Pourquoi t’as rien dit??? » questionna Marine.
- « Je... Je sais pas... » répondit Yumi, toute troublée.
- « J’y crois pas! Tu crèves d’envie de lui parler et lorsque t’as enfin l’occasion de le faire, tu trouves le moyen de lui raccrocher au nez!
- Heu... Ben... Je... Je savais pas quoi lui dire...
- Tu sais combien de filles rêvent d’être à ta place?? Alors gâche pas ta chance et reprends contact avec lui!
- Je suis désolée, je suis vraiment pitoyable...
- Mais non! Arrête de dire des conneries! T’es une fille géniale! Et puis si t’as pas pu lui dire un mot, ça veut dire que t’es encore folle de lui, non?... Bon, on réessayera demain! Je dois y aller, il y a quelqu’un qui m’attend!
- O.K., vas-y! Dis bonjour à Arnaud de ma part.
- J’y manquerais pas! »
Puis Marine reprit ses affaires et sortit de l’appartement de Yumi pour rentrer chez elle. Puis elle se retourna vers Yumi qui la raccompagnait jusqu’à la porte d’entrée et lui dit:
« Tiens, au fait! J’avais oublié de te dire! On a un nouveau client et il a demandé à ce que ce soit toi qui t’occupes de lui! Il a dit qu’il te connaît! En plus il est super beau gosse! Comme ça, si jamais ça marche pas avec ton Ulrich, tu pourras toujours te rattraper sur lui!
- Marine!
- O.K., O.K.! Je m’en vais! Allez, bonne nuit, ma puce!
- Bonne nuit, ma folle furieuse! À demain!
- À demain! Comme d’hab’, je passe à 8 heures!
- Pas de problème! »
Puis Yumi referma la porte et se dirigea vers sa chambre pour aller se coucher. Quelques minutes plus tard, toutes les lumières étaient éteintes dans l’appartement. Mais elle ne dormait pas encore. Elle était allongée dans son lit, à regarder le plafond dans l’obscurité. Elle repensait à sa voix. Elle lui avait paru si agréable malgré le ton qu’il avait employé. Cela lui avait fait du bien de l’entendre à nouveau, même si elle était devenue un peu plus grave depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Elle repensait également à ce que Marine venait de lui dire. Peut-être qu’au fond, sa meilleure amie avait raison. Elle ferma les yeux et s’endormit sur cette pensée.
Le lendemain matin, 9h30. Yumi et Marine venaient tout juste d’arriver dans leur cabinet. Elles s’étaient rendues dans le bureau de Marine pour discuter un peu avant de démarrer leur journée de travail, non sans avoir auparavant pris le temps d’aller saluer leurs collègues et patrons comme elles se le devaient. Elles étaient en pleine discussion sur la soirée agitée de Marine et son petit ami lorsque Karine, l’une de leurs assistantes, entra pour signaler l’arrivée du premier client de la jeune et jolie blonde pulpeuse. Yumi se leva du coin du bureau où elle était assise et dit:
« Bon, ben je te laisse à tes affaires! Tu me raconteras la suite ce midi! Tchao, poulette!
- OK, pleurnicheuse! »
Puis elles s’échangèrent un regard complice et éclatèrent de rire. Yumi se dirigea alors vers la porte et quitta la pièce. Elle passa devant quelques clients attendant qu’on les reçoive. Elle se rendait à son bureau lorsqu’elle entendit une voix s’élever derrière elle.
« Mademoiselle Ishiyama? »
Elle resta figée. Elle ne se retourna pas vers son interlocuteur. Cette voix si particulière, elle semblait l’avoir reconnue même si elle était devenue un peu plus rauque avec les années. Était-ce bien lui? Après toutes ces années sans se voir, il était venu jusqu’à elle. Mais pourquoi? Il ne lui en voulait donc pas d’avoir coupé les ponts avec lui et tous ses anciens amis de Kadic?
« C’est bien vous mademoiselle Ishiyama? » continua l’homme derrière elle.
Elle se retourna vers lui. Elle le reconnut presque instantanément malgré le fait qu’il avait bien changé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Et pourtant c’était bien lui. Il était là, devant elle, se tenant droit comme un i, un grand sourire aux lèvres. Son visage n’avait pas beaucoup changé malgré les années et une barbe mal rasée qui y avait pris place. Il avait les cheveux noirs, mesurait un bon mètre quatre-vingt et avait visiblement une musculature très développée. Il portait un costume noir très élégant et ses yeux étaient cachés derrière des lunettes noires.
« Ben alors?? Tu me reconnais pas? » poursuivit-il.
Effectivement, elle avait cru reconnaître sa voix précédemment mais quelque chose ne collait pas avec son visage. mais ses cheveux ainsi que sa démarche semblaient être celui d’un autre qu’elle avait aussi bien connu. Elle eut une hésitation plus elle se lança:
« Odd... Dumbar?! » dit-elle alors, amusée.
- « Quoi?! Odd Dumbar?! Comment oses-tu me faire ça, à moi, le plus grand séducteur que le monde ait connu?? » rétorqua l’homme interloqué par ce qu’il venait d’entendre.
- Excuses-moi, William Della Robia! » ajouta la japonaise en riant.
- Ho!... Là, franchement, Yumi, tu me déçois! Oser mélanger mon nom avec celui de ce... De ce... De ce... Enfin voilà, quoi! Non mais franchement! On n’a pas idée de faire ça avec le grand, le magnifique, l’illustre, que dis-je! Le dieu vivant! Odd Della Robia!
- Pardonnes-moi mais c’était trop tentant avec tes cheveux!
- Quoi, mes cheveux?? Qu’est-ce qu’ils ont, mes cheveux?? Ils sont très bien, mes cheveux!
- Ben, c’est-à-dire que ça te change vachement... »
Ils furent interrompus dans leurs retrouvailles par les cris d’une femme visibement hystérique.
« Haaaaa! Monsieur Della Robia! Monsieur Della Robia! »
Ils se retournèrent dans la direction d’où provenait cet éclat de voix et virent Karine, toute émoustillée, courir vers eux, un carnet et un crayon à la main.
« Monsieur Della Robia! Je suis votre plus grande fan! J’ai vu tous vos films! J’adore tout ce que vous faites! Est-ce que je peux avoir un autographe, s’il vous plaît? »
Yumi et Odd se retournèrent l’un vers l’autre, amusés par la situation. Elle s’était arrêtée net devant lui et sautillait sur place comme une gamine impatiente.
« Heu... Oui, bien sûr! » répondit Odd qui se plia à sa demande.
- « Bien, maintenant, nous avons à faire! Si vous voulez bien nous laisser, Karine! » enchaîna Yumi, dès que Odd eut fini sa séance de gribouillis.
- « Bien, Mademoiselle! » répondit Karine, l’air ravi, serrant son autographe contre elle avec ses deux mains et sautillant de joie jusqu’à son bureau.
Yumi fit entrer son vieil ami dans son bureau. Sitôt que la porte fut refermée, des éclats de rire s’y firent entendre. Après quelques instants, Odd demanda:
« Dis donc, ils sont tous comme ça, ici? Déjà que hier, il y a une espèce de folle qui n’a pas arrêté de me draguer...!
- Quoi?! Et cette fille, elle était pas blonde, par hasard??
- Si, pourquoi?
- Ha, O.K.! Je me disais bien, aussi! Tu ne changeras jamais!!!!
- Comment ça??
- En fait, c’est toi qui a essayé de la draguer mais tu t’es encore pris un râteau!
- Ouais... Bon... O.K.... J’avoue! Mais je suis sûr qu’elle t’a tout raconté!
- Même pas!
- Comment t’as su, alors??
- Ho, mais c’est très simple! Elle va se marier le mois prochain!
- Ha! O.K.! Je comprends mieux pourquoi elle a résisté à mon charme pourtant irrésistible! »
Tous deux éclatèrent de rire. Quand ils furent calmés, Yumi poursuivit:
« Bon, dis-moi ce qui t’amène ici, ô toi divinité incarnée!
- Ben, voilà... »
« Mais dis-moi, maigrichon, quel bon vent t’as poussé jusqu’ici?
- Mais c’est pas vrai, ça! Je suis pas maigre! Je suis svelte! C’est pas pareil! Et puis je suis ici parce que... »
12h08. Après deux heures et demi de discussion entre la belle japonaise et le dragueur au charme irrésistible à propos de ce qui l’amenait en ce lieu, ils se décidèrent tous deux à mettre un terme à cet entretien. Ils se levèrent alors et sortirent du bureau. Au moment de se dire au revoir, Odd se retourna vers Yumi et lui fit une requête:
« Dis, Yumi. On peut pas se quitter comme ça! Depuis le temps qu’on ne s’est pas vus, on a plein de choses à se dire! Ça te dirais que je t’invite au resto, ce midi?
- Heu... Ben... » répondit-elle, un peu surprise. « O.K., c’est d’accord. Mais avant je dois faire quelque chose. Tu m’excuse deux minutes?
- Comme tu veux, princesse! »
Puis Yumi s’éloigna de Odd et prit la direction du bureau de Marine. Elle frappa à la porte et entra sans attendre la réponse de son amie. Celle-ci était plongée dans ses documents à étudier pour quelques affaires concernant des clients qu’elle recevrait plus tard daans la journée.
« Coucou, folle furieuse! Je passe juste en coup de vent pour te dire que je mange pas avec toi ce midi! Mon client de ce matin m’a invité au resto! » déclara Yumi.
- « Quoi? Ce dragueur de pacotille qui se prend pour une star?? » répondit l’intéressée.
- Ben ouais! Et puis c’est un vieil ami du temps où j’étais au collège! Alors je peux pas refuser! En plus ça fait super longtemps qu’on s’est pas vus, tous les deux! On va avoir plein de choses à se raconter!
- Hou là! Toi, tu vas avoir bien des choses à me raconter plus tard sur ton passé, petite cachotière!
- Je sais, je sais! J’ai encore des tonnes de secrêts à te raconter... Bon, allez! Il faut que je te laisse! Il va s’impatienter!
- O.K.! À plus, ma puce!
Après cette petite discussion, Yumi sortit du bureau de Marine en lui faisant un petit signe de la main pendant qu’elle refermait la porte derrière elle. Puis elle retourna dans son bureau pour prendre quelques affaires et rejoignit Odd qui l’attendait d’une manière pas très sage devant l’ascenseur. En effet, il était en train de draguer sans retenue celle qui s’était présentée à lui quelques heures plus tôt comme étant la plus grande de toutes ses admiratrices. Yumi, voyant la scène, ne put s’empêcher de sourire et de lui dire:
« Sacré Odd! Toujours fidèle à ta réputation!
- Hein?! Quoi?! Comment ça? Quelle réputation? » interrogea Odd.
- « T’es toujours aussi dragueur!
- Moi?? Dragueur?? Non! Séducteur émérite, oui! » déclara-t-il le plus sérieusement du monde.
- « Non mais sans blague! Qu’est-ce qu’il faut pas entendre, des fois! Je vous jure!
- Ben quoi? C’est vrai!
- Ouais, ouais! On va dire ça comme ça! Bon, allez, je suis prête! On y va?
- Ha! Enfin! C’est pas trop tôt! Parce qu’il y a mon ventre qui rouspète depuis au moins dix minutes!
- Quoi?? Seulement dix minutes? T’es malade ou quoi? En temps normal, t’aurais eu fin juste après avoir fini d’engloutir ton petit dej’! Qu’est donc devenu le ventre à pattes que j’ai connu il y a bien longtemps? » rétorqua la nippone avant d’éclater de rire.
- « C’est ça! Rigole, rigole! » dit-il, avec un faux air vexé, avant d’ajouter sur un ton un peu pervers: « Tiens, pendant que j’y pense, t’aurais pas pris deux ou trois tailles de bonnet depuis la dernière fois qu’on s’est vus??
- Odd!! Non mais ça va pas??? Tu t’es pas arrangé avec le temps, toi! T’es pas un peu pervers sur les bords?! » répondit Yumi, offusquée.
- « Ben?? Pourquoi que sur les bords?? » enchaîna l’intéressé, non sans humour.
Puis l’ascenseur arriva à leur étage. Les deux amis montèrent et le bel homme appuya sur le bouton du rez-de-chaussée. Pendant la descente, Odd en profita pour demander:
« Au fait, tu connaîtrais pas une bonne adresse dans le coin pour ce midi, parce que je connais pas du tout le quartier...
- T’inquiètes pas, je connais un petit resto sympa pas très loin d’ici. Tu m’en diras des nouvelles!
- O.K., je te fais confiance! »
Une fois arrivés en bas de l’immeuble, ils sortirent dans la rue et se mirent en rout en direction du restaurant auquelle Yumi avait fait référence quelques instants plus tôt. Ils commencèrent à parler de ce qu’ils avaient fait et ce qu’ils étaient devenusdepuis le temps qu’ils ne s’étaient pas vus.
12h13. Ulrich venait d’en finir avec une réunion du conseil d’administration qui lui avait pris toute la matinée. Il sortit de la salle de réunion et se rendit dans son bureau pour prendre sa veste. Il passa devant le bureau de sa secrétaire et lui signala au passage qu’il s’absentait pour aller déjeuner et qu’il risquait d’être un peu long. Il descendit les étages un à un par les escaliers et sortit de l’immeuble. Une fois dans la rue, il commença à marcher un peu au hasard. Il avait besoin de s’aérer les idées. Mais il n’y parvenait pas vraiment. Il repensait à son rêve. Celui-ci l’avait grandement perturbé. Pourquoi avait-il rêvé de cela? Ce genre d’idée ne lui avait pourtant jamais traversé l’esprit. Et il ne se sentait pas la force de le faire non plus. Alors pourquoi? Était-ce un signe du destin lui disant que tout cela finirait par l’avoir? Fallait-il donc qu’il reprenne contact avec elle? Et quelle serait sa réaction? Le rejetterait-elle à nouveau? Lui répondrait-elle? Allait-il ne faire qu’en souffrir plus? Rien que pour cela, il se dit qu’il allait prendre le temps pour bien y réfléchir. Il ne voulait pas raviver ses souffrances mais qu’elles cessent enfin.
« Arrête de penser à elle, Ulrich! » se dit-il. « Tu te fais du mal pour rien. Oublie-la comme elle t’as sûrement oublié depuis longtemps de son côté.Il faudra bien que tu te fasses une raison. Elle ne reviendra jamais vers toi. Elle n’a aucune raison de le faire. Et espérer quelque chose venant de sa part maintenant relève complètement de l’utopie. Oublie-la, Ulrich, oublie-la. C’est ce que tu as de mieux à faire. »
Au plus profond de lui-même, il avait toujours l’impression d’éprouver de l’amour envers elle. Mais après tout ce temps passé loin d’elle, était-ce toujours de l’amour? Ou bien était-ce devenu des regrets? Ou encore juste un souvenir qui avait gardé l’empreinte de ses sentiments passés? Il n’en savait trop rien. Il n’avait jamais été aussi peu sûr de ses sentiments.
Bras dessus, bras dessous, les deux amis poursuivaient leur chemin jusqu’au lieu de restauration, discutant joyeusement de tout et de rien. Odd, constatant que le bout de chemin qu’ils avaient déjà parcourus commençait à être long, demanda:
« Dis donc, Yumi. Il est encore loin, ton resto?? Parce que là, je suis pas loin d’être en hypoglycémie!!!
- Non, non, on y est presque! »
Puis Yumi s’arrêta brusquement et se tourna vers Odd. Elle avait perdu son sourire. Elle avait même l’air inquiète.
« Dis, Odd. Tu m’en veux pas trop de m’être éloignée de vous comme ça? » lui demanda-t-elle.
- « Mais pourquoi je t’en voudrais? À un moment donné, on doit tous faire des choix, bons ou mauvais. C’est la vie!
- Oui, mais je m’en veux, tu sais! Vous avoir lâchement abandonnés, comme ça, sans donner de nouvelles. Quand j’y repense , je trouve que j’ai été franchement débile... J’ai honte, tu sais... »
Des larmes firent leur apparition dans les yeux de la jeune femme. Odd la prit dans ses bras pour la réconforter.
« Yumi, c’est pas grave. C’est du passé. Si tu l’as fait, c’est parce que tu avais sans doute une bonne raison. Je ne t’en veux pas pour ça. » lui dit-il, sur un ton rassurant.
- « C’est vrai? Tu ne m’en veux pas?
- Bien sûr que je ne t’en veux pas. Je regrette juste que tu ne nous en ai
pas parlé avant, c’est tout. Mais je ne t’en tiens pas rigueur. On est amis et on le restera pour toujours, surtout après ce qu’on a vécu ensemble, pas vrai? "
Yumi fut soulagée d’entendre ces paroles. Elle remarqua à quel point il avait gangé en maturité sur certains points. Elle esqissa alors un sourire et posa sa tête sur les pectoraux saillants de l’ancien gringalet. Puis elle ferma les yeux.
« Merci, Odd. » lui dit-elle alors.
Ulrich continuait son chemin, perdu dans ses pensées mélancoliques. Soudain, au détour d’une rue, son regard fut attiré par quelqu’un. Un homme. Grand, brun, lunettes de soleil sur les yeux, arrêté au beau milieu de la rue. Et elle. Elle, toujours aussi belle, toujours aussi radieuse. Mais elle dans les bras d’un autre, la tête posée sur la poitrine musclée de l’homme en question. Elle avait un sourire sur les lèvres. Il était figé sur place. C’était la première fois qu’il la revoyait depuis leur dernière discussion devant Kadic.
Flashback
Un matin de mars, vers 7h30. Dans sa chambre, yumi revenait de la salle de bain après y avoir fait sa toilette et commençait à s’habiller. Malgré ses occupations, elle avait la tête ailleurs. Elle s’interrogeait sur la manière de lui annoncer sa décision sans trop le faire souffrir. Plus elle y pensait et plus elle hésitait à le faire car il lui était apparu qu’il souffrirait quand même quelle que soit ce qu’elle lui dirait. Devant elle se posait un dilemme cornélien car elle voulait vraiment éviter de lui faire du mal en lui déclarant cela, comme le jour ou elle lui avait dit qu’entre eux, il n’y aurait rien de plus que de l’amitié.
« Je le fais ou je le fais pas? » se demandait-elle sans cesse. « Bon, allez! Je le fais! Après tout, je vais pas rester 107 ans à espérer quelque chose qui n’est pas prêt d’arriver! »
Puis elle s’arrêta brusquement d’enfiler son pantalon et saisit son portable. Elle composa un SMS à toute vitesse et se dépêcha de l’expédier avant d’éprouver le moindre regret qui lui ferait ne pas l’envoyer.
Quelques instants plus tards, à Kadic. Ulrich et Odd venaient de revenir de la douche. Ulrich, après s’être habillé, jeta un œil sur son portable et remarqua qu’il avait reçu un message. Il manipula son téléphone afin d’afficher le SMS et put y lire:
« RDV à midi à l’entrée de Kadic. À + »
Il se dit alors qu’il aurait peut-être enfin l’occasion dont il rêvait tant. Il esquissa alors un sourire, très vite remarqué par son compagnon de chambrée qui s’empressa de le taquiner:
« Alors, Roméo? T’as reçu un message d’amour de ta Juliette??
- Odd!!
- Ça, ça veut dire oui!
- Mêle-toi de ce qui te regarde, tu veux?!
- Oh oh oh! On dirait que j’ai vu juste! Et qu’est-ce qu’elle t’as dit??
- Odd! Je te conseille d’arrêter tout de suite sinon tu vas avoir de la salade de doigts pour le petit dej’! »
Tout cela avait mit Ulrich de bonne humeur. Lorsqu’ils étaient descendus prendre leur petit déjeuner, Odd n’avait pu s’empêcher de faire part aux autres de ce qui s’était produit dans la chambre et Ulrich dut céder à leurs questions incessantes tant elles étaient nombreuses. Ils étaient contents pour lui. Ils pensaient tous qu’entre Yumi et lui, il allait enfin se passer quelque chose.Mais aucun d’entre eux ne pensait que ce qui allait se passer marquerait si profondément le beau brun ténébreux. Pour Ulrich, la matinée de cours passa très vite, alors que de son côté, Yumi redoutait ce moment et la réaction qu’il aurait à l’annonce de la terrible nouvelle. Puis l’heure du déjeuner arriva. Ulrich e précipita hors de la salle de cours où il était. Il arriva à l’entrée de Kadic où il retrouva Yumi qui l’attendait déjà.
« Salut, Yumi! » dit-il avec un grand sourire en se rapprochant d’elle.
- « Salut! » répondit-elle avec un ton distant.
- « Ben, qu’est-ce que t’as? T’as pas l’air bien...
- Voilà... Ulrich... J’ai quelque chose de très important à te dire. » déclara-t-elle, visiblement gênée.
- « Ça tombe bien, moi aussi! Ça fait super longtemps que j’y pense mais j’arrivais pas à trouver le moyen ni le courage de te le dire...
- Non! Attends! Il vaut mieux que je te dise d’abord ce que j’ai à te dire!
- Ha... Bon, et bien je t’écoute...
- Ben voilà... Je sais pas comment te le dire mais... J’en ai assez de notre relation qui ne mène à rien! Alors je ne t’attends plus et j’ai décidé qu’on devait...
- Moi aussi! C’est pour ça que je voulais te demander si tu voulais bien... Qu’on aille... Un peu plus loin dans nôtre relation... Enfin, tu vois ce que je veux dire...
- Non, Ulrich tu n’as pas compris! Je n’ai pas dit "je ne t’attendais plus" mais "je ne t’attends plus".
- Comment ça?! Je comprends pas...
- Ça veut dire qu’il n’y aura jamais rien entre nous, voilà! J’en ai plus qu’assez d’attendre que tu me demande de sortir avec toi. Alors il vaut mieux qu’on en reste là et qu’on soit juste bons amis. C’est tout.
- Mais Yumi...
- Je n’ai plus de sentiments pour toi, Ulrich. Il y a quelques mois encore, j’aurais dit oui volontiers. Mais avec le temps, mes sentiments pour toi se sont envolés. Je t’ai trop attendue, Ulrich. Et je n’ai plus envie de passer ma vie à attendre quelque chose qui n’arrivera jamais. Au revoir. »
Puis Yumi s’en alla, laissant Ulrich planté là, sans voix, incapable de faire le moindre geste pour tenter de la retenir tant il avait du mal à encaisser les phrases assassines qu’elle venait de prononcer. Le monde aurait pu disparaître autour de lui, il n’aurait pas bougé d’un pouce. Il était pétrifié, cloué sur place. En fait, c’était son propre monde qui venait de s’effondrer sous ses pieds. C’était pire que tout. Tout ce dont il avait rêvé jusqu’alors venait d’être réduit à néant en un clin d’œil. Il était tellement choqué qu’il n’avait même plus la force de verser la moindre larme. De son côté, Yumi aussi avait des larmes plein les yeux. Ce qu’elle venait de faire lui avait déchiré le cœur plus qu’elle ne l’aurait imaginé mais, comme à son habitude, elle ne voulait rien laisser transparaître de ce qu’elle ressentait et c’était la raison pour laquelle elle lui avait tournné le dos si rapidement. Il faisait un temps magnifique en cette matinée de mars malgré la saison et pourtant, pour tous les deux, c’était une mauvaise, oui, une bien mauvaise journée.
Fin du flashback
Après quelques minutes, elle rouvrit les yeux. Elle remarqua alors Ulrich qui se tenait devant elle, à quelques mètres d’elle et Odd. Il paraissait comme pétrifié. Dans sa tête, c’était la panique. Il se demandait s’il devait aller vers elle ou pas. Elle releva la tête puis se décolla de Odd. Ce dernier lui demanda ce qui se passait mais elle resta sans voix. C’était la première fois qu’ils se revoyaient depuis ce fameux jour où elle avait décidé de mettre un terme à leur relation qui était au point mort depuis le début. Ulrich remarqua que le sourire de Yumi disparaissait à vue d’œil. Il se dit alors:
« Non, faut pas que j’aille la voir. Je vais la faire souffrir, c’est sûr. »
Il fit alors demi-tour et essaya de se fondre dans la foule pour ne pas qu’elle le rattrappe. À ce moment-là, il pouvait sentir son cœur battre très fort dans sa poitrine, à cause de l’émotion que lui avait procuré cette rencontre inopinée ainsi que la gêne qu’il avait alors ressenti quand il avait remarqué qu’elle avait cessé de sourire quand elle l’avait aperçu. Elle avait l’air si heureuse dans les bras de cet homme et il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il venait gâcher cet instant de bonheur entre eux.
« Ulrich! Attends! » dit-elle.
Lorsqu’il entendit sa voix, il se mit alors à courir. Sa voix n’avait pas beaucoup changé. Elle était toujours aussi douce et cristalline. Rien qu’à lentendre à nouveau, cela éveillait trop de vieilles douleurs en lui. Et il ne voulait plus souffrir.
« Ulrich! Ulrich! Reviens! » poursuivit-elle.
Elle allait se mettre à le suivre pour le rattraper quand elle sentit une main la retenir. Elle se retourna alors et vit que c’était Odd qui la retenait.
« Attends, Yumi!
- Mais pourquoi?
- Tu sais, il a vraiment été très mal après le jour où tu lui as dit que tu ne l’aimais plus. Il en a énormément souffert et il s’est replié sur lui même petit à petit. Heureusement qu’on a été là avec Jérémie et Aélita, sinon, je pense qu’il aurait été capable de faire une grosse connerie, tu sais. Apparemment, il en souffre encore beaucoup.
- Mais, je voulais juste...
- Laisse lui le temps de réfléchir, il en a besoin. Il ne faut surtout pas précipiter les choses, sinon ça risque de tourner encore plus mal que ça ne l’est aujourd’hui. Mais ne t’inquiètes pas, j’irais lui parler demain. En attendant, si on allait enfin manger? C’est pas le tout mais je sens l’hypoglycémie qui arrive, moi! »
Ulrich poursuivait sa course effrénée le plus loin possible afin qu’elle ne le suive pas. Mais au fond de lui-même, il s’interrogeait car toutes les certitudes qu’il avait acquises sur lui-même et ce qu’il ressentait s’étaient évaporées en un instant, laissant place à un océan de questions. Pourquoi fuyait-il celle qu’il avait tant aimé alors que, toutes ces années, il n’avait fait que rêver de ce moment? Avait-il eu peur de sa réaction après qu’elle l’ai aperçu? Ou bien de celle qu’il aurait eu lui-même s’il était resté planté là, devant elle, sans rien oser lui dire? Et pourquoi avait-il senti son cœur s’emballer quand il l’avait reconnue, même dans les bras d’un autre? Se pouvait-il que ses sentiments, qui lui paraissaient pourtant si lointains et affadis avec le temps, soient bel et bien forts comme au premier jour? Au fond, tout ceci était-il bien réel ou bien n’était-ce encore qu’une illusion? Juste une énième création de son subconscient qui ne pouvait se résoudre à cette trahison de la part de celle qu’il avait tant aimé?
Yumi, visiblement marquée par ce qui venait de se produire mais aussi quelque peu rassurée par les paroles de Odd, se résolut à accompagner celui-ci déjeuner dans son restaurant préféré. En chemin, les deux amis ne s’étaient échangé que peu de mots, espacés par de longs silences lourds laissant transparaitre clairement la tristesse et les regrets de Yumi ainsi que l’embarras de Odd. Quand ils furent arrivés, ils s’installèrent à une table et passèrent leur commande. L’intensité de leur conversation semblait prendre le même chemin que lors de la fin du trajet, ce qui ennuyait profondément Odd. Il se décida alors à briser ce mur de glace qui commençait à s’installer entre eux.
« Qu’est-ce qui ne va pas, Yumi? Tu sais que tu peux tout me raconter. » dit-il avec une voix douce et rassurante tout en lui saisissant les mains.
- « Si tu savais comme je m’en veux, Odd. Je voulais pas en arriver là. » répondit-elle en fondant en larmes.
- « C’est pas de ta faute, Yumi. Tu ne pouvait pas savoir qu’il réagirait comme ça!
- Oui, mais ses yeux! T’as vu son regard? Il était...
- J’ai vu, Yumi, j’ai vu. » l’interrompit Odd. « Ne tire pas de conclusions trop hâtives de tout ça. Je suis sûr qu’au fond de lui, il est encore amoureux de toi. Comme au premier jour!
- Dis pas de conneries, Odd. Je suis sûre qu’il me déteste, après ce que je lui ai fais! Je suis ignoble! Je ne le mérite vraiment pas! Je ne suis pas une fille suffisamment bien pour lui!
- Ha non! Là, c’est toi qui dit des conneries! Vous êtes faits l’un pour l’autre! Ça crève les yeux! Et pourtant, c’est pas faute d’avoir essayé de vous pousser dans les bras l’un et l’autre!
- Peut-être, mais maintenant, je suis certaine qu’il me déteste!
- Lui? Te détester?? Il en est incapable! Déjà, longtemps après que tu lui ai dit que tu ne voulais plus de lui, il n’arrêtait pas de nous demander de tes nouvelles!
- C’est vrai? Tu dis pas ça juste pour me remonter le moral?
- Bien sûr que c’est vrai! Pourquoi je te mentirais là-dessus?? Et puis, il y a autre chose aussi... Mais je sais pas si je dois te le dire... Parce que c’est pas glorieux de ma part...
- Ben, vas-y! Au point où j’en suis, de toute façon... » déclara-t-elle en s’essuyant les quelques larmes qui parcouraient ses joues.
- « D’abord, tu dois me promettre que ça restera entre nous!
- Promis!
- En fait, voilà... Un jour, y a Kiwi qui a un peu pété un câble dans la chambre et il s’est un peu acharné sur tout ce qu’il a trouvé, et... Il est tombé sur le... Journal intime d’Ulrich.
- Quoi?? T’es en train de me dire que t’as lu le journal intime d’Ulrich?!
- Oui mais non! En fait, J’ai eu beaucoup de chance. Kiwi venait juste de le trouver quand je suis entré dans la chambre. Heureusement, il l’a pas trop abîmé, alors j’ai pu le remettre à sa place sans qu’Ulrich s’en aperçoive... Mais avant de le remettre en place, je l’ai fait tomber sans faire exprès et il s’est ouvert sur une page. Alors j’ai pas pu m’empêcher de la lire... Et les deux ou trois suivantes aussi. J’ai été interrompu par Ulrich qui allait arriver dans la chambre. Alors je me suis dépêché de le remettre en place et de ranger au maximum la chambre avant qu’il arrive...
- Et alors?
- Ben, en fait, dans le peu que j’ai lu, il ne parlait que de toi, de ce qu’il ressentait pour toi et tout et tout. Ce que j’en ai compris, c’est qu’il t’a dans la peau. Jusqu’au plus profond de ses tripes. Tu es le grand amour de sa vie. Et je suis convaincu que c’est pareil pour toi, même s’il n’y a jamais rien eu entre vous. Pas vrai?
- Heu... Ben... C’est-à-dire que...
- Ça veut dire oui, ça!!!
- Ben... En fait... Je crois que t’as raison...
- J’en étais sûr! J’aurais dû le parier avec les deux einsteins! En tout cas, vous avez de la chance de vous être trouvés tous les deux, même si vous vous êtes fait du mal tous les deux. Car cette chance-là, elle n’est pas donnée à tout le monde! Alors, même si ça prend du temps, ne la gâchez pas!
- Oui mais là, c’est trop tard! Tu l’as bien vu comme moi! Il m’a tourné le dos quand il m’a vue! Ça veut dire qu’il ne veut plus jamais me revoir!
- J’en doute sérieusement. Je pense qu’il a fait ça parce qu’il a été submergé par ses émotions. Et tu sais comment il est! Il ne veut jamais montrer quand il va mal et il se referme sur lui comme une huitre! Il ne veut jamais rien laisser transparaitre de ses peines et de ses douleurs. Un peu comme toi, d’ailleurs! »
À peine eut-il le temps de finir sa phrase que les plats qu’ils avaient commandés leur étaient servis.
« Ha! Enfin! Je commençait à mourir de faim, moi! Bon, on change de sujet, si tu le veux bien! » déclara Odd, pressé d’en découdre avec son appétit toujours aussi vorace mais dont il avait soigné la manière de le contenter.
Tous les deux se souhaitèrent un bon appétit, puis ils commencèrent à parler de leurs vies respectives et de ce qui leur était arrivé pendant la longue période où ils ne s’étaient pas vus. L’ambiance entre eux était redevenue toute aussi joviale que celle du matin-même quand ils étaient au cabinet.
Cependant, leur conversation restait quelquefois entrecoupée par quelques courts blancs pendant lesquels Yumi ne pouvait s’empêcher de repenser à ce qui c’était passé. La fin du déjeuner se passa dans une ambiance agréable. Après avoir payé la note et laissé un pourboire plus que généreux, Odd, en vrai gentleman, raccompagna Yumi jusqu’à son bureau tout en poursuivant la discussion qu’ils avaient lors du déjeuner. Une fois arrivés à destination, les deux amis s’échangèrent leurs adresses et numéros de téléphone. Puis vint le moment de se séparer, moment qui leur semblait difficile tant ils avaient de choses à se raconter. Odd se lança alors:
« Bon, ben quand il faut y aller, faut y aller! Salut, princesse!
- Salut, Odd le magnifique! » répondit la belle nippone, affichant un grand sourire.
- « Ha! Enfin! Tu reconnais l’existence de mon charme irrésistible!
- Sans vouloir te vexer, je te signale qu’à cet étage, on est deux à résister à ton charme prétendu irrésistible...
- Heu... Ouais, bon, d’accord... J’admets! Mon charme n’est pas irrésistible... Mais j’ai quand même beaucoup de charme, non?
- Heu... Ben... Comment dire?... En fait...
- Ouais... Bon... C’est bon! J’ai compris! Dis que je suis moche comme un c*l, aussi!
- Mais non! Je déconne!
- Ha! Bon! Je préfère ça! »
Odd regarda sa montre puis déclara:
« Bon, c’est pas le tout mais je dois y aller, sinon je vais être en retard!
- T’as raison, moi aussi! Je dois aller voir un client chez lui cet après midi!
- Ha bon? Pourquoi? Tu vas lui faire des trucs sympa??
- Odd!!! Si tu recommences à insinuer des trucs pareils, c’est à toi que je vais faire des trucs! Mais ça va pas du tout être sympa, tu peux me croire! Et puis je vais chez lui parce qu’il ne peut pas se déplacer, c’est tout!
- Ho! C’est bon! Je rigolais! Bon, je file sinon je vais encore me faire engueuler! Salut, princesse!
- Salut!
- Je t’appelle demain soir, histoire de te donner des nouvelles de ton beau gosse!
- Heu... Ouais... D’accord! Mais fais gaffe à ce que tu lui dis! Je veux pas qu’il sache que tu fais ça pour moi, sinon il va pas vouloir!
- T’inquiètes pas pour ça! Je suis pas fou non plus! À plus!
- À plus! »
Puis les deux amis se séparèrent, Yumi prenant la direction de son bureau et Odd celle de l’ascenseur,non sans avoir attiré l’attention de Karine, qui s’empressa de le suivre, bien décidée à ne pas laisser partir son idole comme ça sans réagir.
Ulrich avait cessé de courir depuis bien longtemps. Il s’était arrêté dans une supérette afin s’acheter de quoi manger car sa petite course lui avait sacrément ouvert l’appétit. Puis il avait poursuivi son chemin calmement et, au fil des rues, il s’était aperçu qu’il connaissait le quartier dans lequel il se trouvait. Il pressa alors le pas et, après quelques longs instants, s’arrêta devant une grille. Cet endroit, il y avait vécu beaucoup de très bons moments comme de très mauvais. Il l’avait aimé autant qu’il l’avait détesté, cet établissement scolaire. Car il était arrivé devant l’entrée de Kadic. Il se trouvait à l’endroit même où sa vie avait basculé, et où son quotidien s’était transformé en cauchemar, là où Yumi lui avait dit qu’elle ne voulait plus de lui.
Il repensait à tout ce qu’il avait vécu là. Sa première rencontre avec Yumi, l’arrivée de Odd, l’électrocution de Jérémie à la machine à café, l’usine, Aélita, le supercalculateur... Bref, tout ce qui avait fait son adolescence. Et puis ce fameux jour où tout a basculé pour lui... AU fur et à mesure de sa course effrénée, les questions qui lui taraudaient l’esprit s’étaient calmées pour la plupart d’entre elles alors que d’autres avaient tout simplement trouvé leur réponse. Premièrement, sur les sentiments qu’il avait ressenti lorsqu’il l’avait aperçue. Pourquoi son cœur s’était-il emballé comme ça? Et pourquoi était-il resté paralysé face à elle? Tout simplement parce qu’il l’aimait toujours autant. Ses sentiments étaient forts comme au premier jour où ils s’étaient rencontrés, au club d’arts martiaux de Jim. Il était resté figé devant elle quelques instants parce que cette rencontre s’était faite de façon inopinée et, à vrai dire, il ne s’y était jamais vraiment préparé. Sans doute pensait-il que cela ne se produirait jamais, bien qu’il avait toujours désiré le contraire.
Alors pourquoi avait-il fuit devant elle comme s’il ne voulait plus la revoir de toute sa vie? C’était d’abord parce qu’il n’avait pas pu résister à la panique qui s’était emparée de lui, toutes ces questions qui lui avaient fait perdre pied dans son esprit. Et aussi parce qu’elle semblait heureuse dans les bras de cet autre homme. Mais surtout, qu’allait-il, bien pouvoir lui dire? Après tout, c’était à elle de faire le premier pas vers lui et pas l’inverse car c’était elle qui l’avait fait tant souffrir. Les quelques réponses qu’il avait trouvé, aussi dérisoires soient-elles, avaient réussi à apaiser son esprit, toujours désireux de réponses à ce sujet. Il y pensait encore quand, soudain, il fut tiré de ses pensées par une voix féminine.
« U... Ulrich? C’est... C’est bien toi? »
Il sursauta.
« Cette voix! Non! Ce n’est pas possible! Ça ne peut pas être elle! Comment... » pensa-t-il.
Il se retourna mais n’eut pas le temps de dévisager son interlocutrice pour vérifier sa pensée qu’il sentit la jeune femme l’étreindre et reposer sa tête contre son torse.
« Ho Ulrich! Je suis si heureuse de te revoir enfin! Ça fait si longtemps! Tu m’as tellement manqué! Je croyais que tu avais fini par m’oublier... Nous oublier... »
Il n’osait pas trop la serrer dans ses bras tant la gêne qu’il ressentait était grande. Il n’osait pas non plus l’appeler par son prénom car il avait peur de se tromper et de ne pas l’avoir reconnue. Et pourtant, ces cheveux, ce parfum, cette douceur qui émanait d’elle, tout lui indiquait que c’était bien elle pourtant il n’osait y croire. Et puis cette voix, elle semblait ne pas avoir changé depuis l’époque du collège. Elle lui paraissait toujours aussi douce et angélique. Pour le peu qu’il avait entendu sa voix, il y avait remarqué comme une plus grande assurance, comme si elle s’assumait pleinement, elle qui semblait si timide et réservée auparavant, ayant toujours peur de mal faire ou de blesser quelqu’un.
Devant lui, il remarqua une voiture garée le long du trottoir avec la portière côté passager ouverte. Elle en descendait sûrement avant de l’avoir aperçu et de s’être précipitée dans ses bras à toute allure. Puis une voix masculine provenant de l’arrière de la voiture attira son attention.
« Chérie, je ne le trouve pas! Tu peux regarder dans la boite à gants s’il y est, s’il te plaît? »
Le coffre de la voiture était ouvert et quelqu’un s’affairait à y chercher quelque chose. N’obtenant aucune réponse à sa requête, l’homme passa la tête par le côté du haillon du coffre pour jeter un œil devant et voir la raison de ce silence. Il était blond., assez grand et mince, avec une légère barbe mal rasée. Il portait également de fines lunettes. Lui aussi avait si peu changé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, malgré une calvitie naissante.
« Mais, chérie... Qu’est-ce que tu fais dans les bras de... Ulrich?! Ulrich Stern?! C’est toi?? Ça alors!!! Ça fait super longtemps!!! Mais qu’est-ce que tu fous ici?? »
Dès qu’il l’eut reconnu, l’homme s’empressa de se précipiter vers Ulrich.
« Jérémie?! Alors cette folle qui vient de se jeter dans mes bras comme une furie, c’est donc bien Aélita?! Je suis super heureux de vous revoir enfin!
- Et nous donc! » répondit Aélita en décollant sa tête du torse du grand brun.
Elle laissa apparaître les quelques larmes de joie qui glissaient le long de ses joues roses. Puis les deux hommes se firent une poignée de main chaleureuse. Pour une fois depuis bien longtemps, dans le cœur d’Ulrich, la peine laissa place à la joie de retrouver des amis fidèles et sincères, mais qu’il avait hélas perdu de vue avec le temps.
« Mais qu’est-ce que vous devenez; depuis tout ce temps? » demanda Ulrich.
- « Et bien je suis le patron de ma propre boite de programmes informatiques » répondit Jérémie.
- « Et moi, je suis physicienne dans un laboratoire de renommée internationale. Et accessoirement, je suis aussi devenue la femme de ce petit blond à lunettes... » poursuivit Aélita, avec un petit sourire en coin.
Puis ils furent interrompus par une petite voix provenant de l’intérieur de la voiture:
« Maman! C’est quand qu’on y va?! On a faim!! »
Ils se retournèrent tous les trois vers le véhicule. Ulrich y découvrit deux petites têtes qui dépassaient par la vitre d’une des portières arrières de la voiture.
- « HA oui! On a aussi deux charmants petits garnements qui ne font que se disputer à longueur de journée... » ajouta Jérémie avec un air exaspéré par leurs chamailleries. « Venez dire bonjour les enfants! C’est un ami de papa et maman! »
Les enfants sortirent alors de la voiture, laissant apparaître aux yeux d’Ulrich leurs ressemblances avec leurs parents. Les deux génies avaient eu d’abord une fille, prénommée Mélina et âgée de cinq ans, puis un garçon qui s’appelait Loïc et qui avait trois ans et demi. Tous les deux étaient blonds comme leur père et avaient les beaux yeux verts de leur mère. Le visage de Mélina ressemblait plus à celui de Jérémie alors que celui de Loïc semblait être la copie conforme de celui d’Aélita. Tous les deux s’approchèrent de leurs parents et dirent bonjour à Ulrich. Ils paraissaient intimidés par cet homme qu’ils voyaient pour la première fois. Jérémie et Aélita les rassurèrent et firent les présentations. Puis le trio d’amis poursuivit sa discussion alors que les enfants étaient remontés dans la voiture du couple.
« Et toi, qu’est-ce que tu deviens? » demanda Aélita.
- « Ben moi, c’est simple. Je suis toujours célibataire et pas d’enfants à l’horizon... J’ai aussi repris la direction de l’entreprise de mon père, et ça, c’est pas une partie de plaisir tous les jours! Étrangement, surtout quand il vient m’engueuler quand il remarque que ses actions sont en baisse...
- Tiens donc! Comme c’est étrange! » rétorqua Jérémie.
Tous les trois éclatèrent de rire. Ulrich raconta alors ce qu’il avait fait pendant le temps qu’ils ne s’étaient pas vus, ses études, son travail, ses quelques rares amis de fac, mais évita soigneusement le sujet du chaos de sa vie sentimentale.
« Mais dites-moi, vous deux. Vous avez des nouvelles de ce ventre à pattes qu’était Odd? » demanda-t-il.
- Bien sûr! Il passe de temps en temps à la maison pour nous faire un petit coucou entre deux tournages de ses horreurs de films! » répondit Jérémie.
- « Tu voulais plutôt dire ses films d’horreur, mon chéri. » corrigea Aélita.
- Non non! Enfin... Si! De toute façon, c’est du pareil au même! C’est horrible et c’est signé Odd Della Robia!
- Tiens? Il a laissé tomber les documentaires humoristiques pour faire des films d’horreur! C’est dommage, il était doué pourtant! Ha! Je sais pourquoi! En fait, il a dû perdre sa source d’inspiration, la belle Sissi! »
À ces paroles, les deux génies se retournèrent l’un vers l’autre pour se regarder quelques instants avant de diriger à nouveau leurs regards vers le beau brun de la bande, alors qu’Ulrich était en train de rire. Mais il s’arrêta très vite, ayant remarqué ce que venaient de faire ses deux interlocuteurs qui, eux, avaient conservé leur sérieux. D’ordinaire, ils auraient rit eux aussi à ce que venait de dire Ulrich. Il trouva cela étrange et demanda alors:
« Ben, quoi?? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas?
- Ben... En fait... Comment dire? » bredouilla Jérémie en se grattant l’arrière du crane.
- En fait » interrompit Aélita, « ce que Jérémie essaie de te dire, c’est que Odd et Sissi sont, comme qui dirait, mariés...
- Hein?! C’est pas vrai?? » fit Ulrich, abasourdi par la nouvelle. « Non... C’est une blague?! C’est ça! C’est une blague que vous me faites, tous les deux!!
- Ben... » dit alors Jérémie, devant un Ulrich qui restait éberlué par l’annonce du couple.
Les deux époux se regardèrent encore l’un l’autre. Puis chacun d’eux esquissa un petit sourire en coin avant qu’Aélita ne crache le morceau.
« Non mais franchement, Ulrich! Tu les vois vraiment ensemble, ces deux là?? » déclara-t-elle avant d’éclater de rire avec Jérémie.
- « Ouf! Vous m’avez fait peur tous les deux! Non mais franchement, on n’a pas idée de faire des blagues comme ça! » rétorqua l’intéressé.
- « C’est bon! Ne te vexe pas, Ulrich! C’est juste pour rigoler! » déclara alors Jérémie
- « Sissi avec Odd! C’est quand même un peu gros, non, vous ne trouvez pas?
- « Ouais, mais tu y a cru un petit peu quand même sinon t’aurais pas réagi comme ça! Pas vrai, Aélita?
- Complètement d’accord, mon amour! »
Puis ils restèrent là à discuter quelques minutes encore à propos du blondinet excentrique et de ce qu’il devenait depuis leur départ de Kadic, ce qui occasionna quelques éclats de rire tant Odd avait vécu de mésaventures toutes plus drôles les unes que les autres. Ayant tout raconté à Ulrich ce qu’ils savaient sur Odd, Jérémie mit alors les pieds dans le plat et demanda alors:
« Au fait, T’as eu des nouvelles de Yumi? Parce que nous... »
Il s’arrêta de parler et se retourna vers Aélita qui venait de lui donner un coup de coude dans le ventre pour lui faire comprendre qu’il venait de faire une bourde. Sur le coup, il ne comprit pas le geste de sa femme et la regarda. Il vit alors qu’elle le fixait avec un regard insistant.
« Ben quoi?? » demanda-t-il
- « Hé bien! T’as la mémoire courte, mon chéri! » déclara Aélita.
- « Hein? Comment ça?
- À ton avis??? » rétorqua Aélita en lui faisant comprendre avec ses yeux qu’il avait magnifiquement gaffé.
Dans ce grand moment de solitude, Jérémie mit quelques instants avant de se remémorer ce qui s’était passé entre Ulrich et Yumi.
« Ho! Excuse-moi, Ulrich! Je ne m’en souvenais plus! Je suis vraiment désolé! Je voulais pas...
- C’est pas grave, Jérémie! Moi non plus je n’ai pas de nouvelles d’elle. Et puis, quelque part, c’est mieux ainsi... »
Jérémie et Aélita virent alors apparaître sur le visage de leur ami un air de tristesse et de résignation face à sa relation manquée avec Yumi. Ils se rendirent compte que leur ami souffrait toujours autant que le jour où Yumi lui avait dit qu’elle en avait assez qu’il ne se passe rien entre eux. Ils étaient tous deux embarrassés par la gaffe de Jérémie et voyaient bien qu’Ulrich était lui aussi gêné que ce sujet délicat soit abordé. Pour détendre l’atmosphère, Aélita trouva alors un sujet de conversation qui correspondait bien au ton de leur discussion avant le fâcheux incident.
« Et si on fêtait nos retrouvailles ce soir devant un bon dîner?
- Bonne idée, Aélita! » répliqua Jérémie. « Qu’est-ce que t’en dis, Ulrich?
- Pourquoi pas! Ça me changera un peu de mes soirées monotones à la maison!
- En plus, on devait dîner avec quelqu’un ce soir! Comme ça sera la surprise de la soirée! » poursuivit Jérémie.
- Ho mais j’y pense! Faut qu’on appelle le resto pour prévenir qu’il y aura un convive de plus! » déclara Aélita.
Elle saisit alors son portable dans sa poche et composa le numéro du restaurant où elle avait réservé une table puis s’éloigna un peu des deux hommes. Quelques instants plus tard, elle revint un peu déçue et déclara que le restaurant était complet pour la soirée et qu’ils ne pouvaient pas accepter un personne en plus. Jérémie fut quelque peu embarrassé par la situation.
« Comment on fait, alors? » demanda-t-il, les yeux suppliants dirigés vers son épouse.
- « On n’a qu’à faire ça chez moi! » proposa Ulrich, tout sourire.
- « Ça te dérange pas? » demanda Aélita
- « Mais non, ça me fait plaisir!
- C’est vrai? T’es sûr qu’on va pas te déranger? » renchérit Jérémie.
- « Puisque je vous le dis! Bon, c’est un peu loin de Paris, mais au moins c’est au calme et on ne sera pas dérangé par les voisins! » dit alors Ulrich tout en notant son adresse sur un morceau de papier avant de le donner à ses amis.
- « Mais ça va te faire beaucoup de boulot pour préparer le repas, non? » questionna Aélita.
- Mais non, ne t’inquiète pas! Tout sera prêt en temps et en heure. Je te le garantis! Alors vous venez pour 20 heures à la maison? »
Le couple fut quelque peu gêné d’avoir invité Ulrich et au final de se retrouver invités chez lui. Mais dans leur tête, les deux einsteins de la bande se dirent que ce n’était pas tous les jours que l’on retrouvait un de se meilleurs amis et que, malgré tout, il fallait marquer l’événement.
« D’accord pour 20 heures! » déclara Jérémie
- « Par contre, on fait garder les enfants ce soir, mais on a toujours notre invité surprise! Donc on sera trois au total! » ajouta Aélita.
- « C’est noté! Soyez à l’heure, je compte sur vous! Et n’oubliez pas d’annuler votre réservation pour le restaurant! » dit alors Ulrich.
Puis ils se dirent tous les trois au revoir et se séparèrent, tous trois avec la joie de s’être retrouvés après tant d’années sans aucune nouvelle. Ulrich s’en retourna alors à son bureau tandis que le couple de génies s’en retourna vaquer à ses occupations.
Le soir venu, vers 19 heures, devant un grand hôtel parisien, un homme vêtu d’un imperméable gris et d’un chapeau prit place à l’arrière d’une voiture qui semblait tout ce qu’il y a de plus banale. Pourtant les deux personnes qui se trouvaient à bord, tout comme l’homme à l’imper qui venait de les rejoindre, n’étaient pas si banales que cela. Une fois l’homme installé à bord du véhicule, celui-ci s’éloigna rapidement du palace. Vers 19 heures 45, dans la campagne francilienne, le véhicule en question s’approchait de la grille d’entrée en longeant le mur entourant la grande propriété. À bord, tous trois restaient incrédules.
« Whouaaa! C’est énorme! T’es bien sûr que c’est là, chéri?
- Ben oui! C’est le GPS qui m’a emmené ici!
- T’es sûr que ton GPS s’est pas planté, Einstein? » lança l’homme à l’arrière du véhicule.
- De toute façon, on n’a qu’à sonner à l’entrée et on verra bien! » rétorqua le conducteur.
Le véhicule arriva devant la grille fermée. Le conducteur baissa la vitre de sa portière et appuya sur le bouton de l’interphone. Après une petite attente, il entendit un interlocuteur lui demander son identité. Sur ce, il répondit:
« Monsieur et madame Belpois et leur invité surprise! Monsieur Ulrich Stern nous attend.
- Bien » répondit l’interlocuteur. « Je vais prévenir monsieur de votre arrivée. »
Quelques instants plus tard, le mécanisme d’ouverture s’activa et la grille libéra le passage pour le véhicule. Jérémie engagea alors sa voiture dans la longue allée qui traversait l’immense jardin et menait à la grande maison. À bord du véhicule, tous restaient sidérés tant par l’immensité que la beauté des lieux. Aélita en restait bouche bée.
« Ben dis donc, les affaires marchent bien pour notre Ulrich, à ce que je vois...
- C’est pas étonnant, avec le boulot qu’il fait! Il a de quoi se payer tout ça! » rétorqua Jérémie.
Après la lente traversée du jardin, le véhicule arriva devant la grande bâtisse et les visiteurs furent accueillis par le majordome. Lorsqu’ils furent tous les trois sortis du véhicule, le voiturier monta dans celui-ci et alla le garer quelques dizaines de mètres plus loin. Les trois visiteurs restaient admiratifs devant le demeure de leur ami. Le maître des lieux fit alors son apparition sur le perron puis descendit les quelques marches en se dirigeant vers ses invités. Soudain, il s’arrêta, le regard fixé sur le fameux invité surprise dont parlaient Jérémie et Aélita quelques heures plus tôt. Ce visage, il l’avait déjà vu quelque part récemment mais ne s’en rappelait plus. Soudain, il le reconnut. Comment avait-il pu ne pas le reconnaître tout de suite? Il était comme un frère pour lui. Comment avait-il pu couper les ponts avec lui? Il se sentait si heureux et s’en voulait en même temps.
Il s’approcha alors de lui d’un pas vif, affichant un grand sourire sur son visage d’ordinaire si fermé.
« Comment ça va, vieux frère?! » déclara-t-il en avançant vers lui,la main tendue dans sa direction.
« Ben, moi, ça va! Et visiblement, ça va plutôt bien pour toi aussi! » répondit l’invité.
Puis celui-ci enleva son chapeau, laissant apparaître la nouvelle couleur de sa tignasse à son hôte. Ulrich, en voyant les cheveux de son vieil ami, s’arrêta dans son élan et parut alors effaré par la couleur de ceux-ci. Il se tourna alors vers le couple Belpois en montrant le troisième invité du doigt.
« J’y crois pas! Qu’est-ce que vous lui avez fait, à ce pauvre Odd?? Vous l’avez dumbarisé ou quoi?! » leur dit-il en souriant quelque peu.
- « Mais qu’est-ce qu’ils ont, mes cheveux? Ça me va si mal que ça?? » répondit Odd alors que Jérémie et Aélita riaient de la vanne lancée par le maître des lieux.
- « Ben... C’est pas ça, c’est que... Enfin... » bredouilla Ulrich.
- « C’est qu’il faut du temps pour s’y habituer... Ça te change vachement, quand même! Et puis c’est la première fois que Ulrich te vois avec cette tête! Alors que nous, on est habitués, depuis le temps... » déclara Aélita, sortant ainsi son ami de cet embarras d’ordre capillaire.
- « Mouais, bof, j’y crois moyen, quand même, à ton argument. Surtout que c’est pas la première fois qu’on me dit ça aujourd’hui... » rétorqua Odd en faisant la moue.
Les trois autres éclatèrent de rire en entendant leur ami. Ulrich s’approcha alors de Odd et le serra dans ses bras, ce que Odd fit également. Ils étaient tous deux heureux de se retrouver enfin après tant de temps.
« Ça me fait super plaisir de te revoir, tu sais! » dit Ulrich.
- « Moi aussi, je suis super content de te revoir, mon vieux! »
Puis ils se séparèrent et Ulrich invita ses amis fraîchement arrivés à le suivre pour pénétrer dans la magnifique demeure devant laquelle ils se trouvaient, ce qu’ils firent sans rechigner un instant. Ils emboîtèrent donc le pas de leur hôte pour se rendre sur le perron, suivis du majordome. Rien qu’à l’extérieur de la bâtisse, ils étaient subjugués par la taille et la beauté du lieu. Une treille d’âge respectable recouvrait partiellement la façade et lui donnait un charme supplémentaire. Quand ils passèrent le pas de la porte, ils furent alors émerveillés par la décoration intérieure de style XVIIIe siècle. Les murs étaient recouverts de tapisseries et tentures, caractéristiques de l’époque où la demeure avait été construite, ainsi que d’immenses tableaux tous aussi magnifiques les uns que les autres. Quelques dorures couraient ça et là sur les murs pour agrémenter le tout. Les trois invités en restaient contemplatifs tant la beauté du lieu resplendissait à leurs yeux. Où qu’ils posaient leur regard, il n’y avait aucune faute de goût, rien de laid ou de déplacé. Le majordome les débarrassa alors de leurs vestes et manteaux, qu’il rangea délicatement.
Très vite, ils arrivèrent devant l’entrée de la salle à manger. Lorsqu’Ulrich en ouvrit la porte, celle-ci leur parut immense de part sa taille. Elle était tout aussi richement décorée que le simple couloir qu’ils venaient d’emprunter. Puis le regard de chacun se détourna des murs pour se poser sur la table à manger. Celle-ci leur parut elle aussi gigantesque. Elle était recouverte d’une nappe blanche au centre de laquelle étaient finement brodées les armoiries de la famille Stern. Cette nappe était bordée par une petite bande de dentelle, elle-même agrémentée par un fin liseré doré. Sur la table étaient disposés deux chandeliers à trois branches sur lesquels se consumaient lentement de longues bougies blanches torsadées. Quatre couverts étaient disposés sur la table, dont un à l’une des extrémités de celle-ci. Les assiettes étaient d’une blancheur immaculée et agrémentées d’un fin liseré d’or sur le bord. Autour de celle-ci étaient disposés des couverts en argent qui semblaient d’excellente facture. Devant chacune des assiettes étaient disposés deux verres à pied d’une transparence cristalline et sur lesquels on pouvait également remarquer la présence d’un fin trait doré sur le rebord.
« Prenez donc place, mes amis. Je vous en prie! » déclara alors Ulrich.
- « C’est vraiment magnifique! Tu as dû te donner beaucoup de mal pour nous! » répondit Aélita, émerveillée par tant de beauté et de raffinement.
- « Je te rassure, Aélita. J’ai juste voulu faire quelque chose de simple.
- C’est marrant mais j’ai l’impression qu’on n’a pas la même notion du simple, toi et moi... » rétorqua Odd sur un ton ironique.
- « Oui, enfin, quand je dis simple, c’est simple pour ici! Parce que dans cette maison, c’est très dur de faire du simple. Et puis je n’étais pas tout seul à préparer le dîner. Surtout pour nourrir un maigrichon comme toi! » lui répondit Ulrich en souriant.
- « Mais c’est pas vrai, ça! Je suis pas maigrichon! Je suis svelte! Svelte! C’est pourtant pas compliqué à retenir! Depuis le temps que je vous le répète! »dit alors l’intéressé.
Puis la discussion continua quelque peu sur la propriété d’Ulrich avant de se poursuivre sur les vies respectives des uns et des autres, occasionnant quelques éclats de rires. Le dîner se poursuivit dans la bonne humeur. Pendant ce temps, loin de là, Yumi et Marine arrivèrent dans le petit appartement de la belle japonaise, les bras chargés de sacs pleins de nourriture. Une fois la porte d’entrée fermée, elles se dirigèrent toutes les deux vers la cuisine et commencèrent à déballer les affaires et à les ranger. Puis elles commencèrent à préparer leur dîner. Tout en faisant cela, elles papotaient de tout et de rien, comme à leur habitude, quand soudain Marine aborda le sujet délicat de la journée.
« Au fait, tu ne m’as pas raconté ce que tu a fait de ta journée avec l’autre dragueur relou!!! » lança-t-elle avec un grand sourire aux lèvres.
- « Ho, rien de bien extraordinaire! Ce cher Odd Della Robia n’a pas changé depuis le collège!
- Quoi?! » l’interrompit Marine, éberluée. « Attends! Tu ne vas quand même pas me dire que ce type c’était Odd Della Robia, quand même?!
- Ben si, pourquoi? Tu le connais aussi??
- La bonne blague! Tu connais aussi personnellement LE Odd Della Robia?! Celui qui fait des film?!
- Heu... Bah, oui. Pourquoi?
- Pourquoi?! Non mais attends! D’abord Ulrich Stern, ensuite Odd Della Robia! Et après, ça sera qui? Le dernier prix Nobel de physique aussi???
- On ne sait jamais! C’est quoi son nom??
- Je me souviens plus exactement mais c’était un prénom bizarre! Alia... Aéla... Aélia ou un truc du genre! En tout cas, le nom, je l’ai bien retenu, c’est Belpois! J’ai vu ça heir soir à la télé!
- Quoi?? » dit alors Yumi en se retournant vers sa meilleure amie alors qu’elle était occupée à cuisiner. « Elle avait pas les cheveux roses, par hazard??
- Heu, attends que je m’en souvienne... Heu... Oui, c’est ça! Elle a les cheveux roses!
- Et ses yeux, est-ce qu’ils étaient verts?
- Heu... Oui, je crois. Pourquoi? Toi aussi, tu l’as vue à la télé, hier soir?
- Ça alors, Aélita prix Nobel de physique! Et Odd qui ne m’a rien dit!
- Oui, c’est ça! Aélita Belpois! C’est comme ça qu’elle s’appelle! Mais... Attends! Tu vas quand même pas me dire que tu la connais aussi?!
- Ben, évidemment que je la connais! C’est la cousine de Odd! Elle aussi, elle était avec nous au collège!
- Alors là, je crois que je rêve! Oui, c’est ça, je rêve! Je vais pas tarder à me réveiller! » déclara Marine en fermant les yeux et en se pinçant l’avant-bras. « Aïe! Ha ben non, tiens! Je rêve pas!
- Ben pourquoi tu dis ça?
- Non mais attends! Là, c’est du délire, là! T’en connais encore combien, des célébrités comme ça?? Si je ne te connaissais pas aussi bien, il y a longtemps que je t’aurais prise pour une grosse mythomane!
- Comment ça?
- Tu te rends pas compte! Tu connais personnellement Ulrich Stern, l’un des hommes les plus riches de France et célibataire qui plus est, Odd Della Robia, the acteur-réalisateur de films d’horreur en vogue en ce moment, et Aélita Belpois, une chercheuse qui vient de recevoir le dernier prix Nobel de physique! Tu trouves pas que ça fait un peu gros tout de même?!
- Ben heu... C’est vrai que, dit comme ça, ça fait un peu beaucoup mais pourtant c’est la vérité!
- Ha la la! Heureusement que je me suis vraiment fait draguer par Odd Della Robia en personne sinon il y a longtemps que je aurais cru que t’es complètement cinglée! En tout cas, il faut que tu me les présente!
- Ben, pour Odd, c’est déjà fait. En ce que qui concerne Aélita, ça devrait pouvoir se faire. Par contre... Pour Ulrich... Ça m’étonnerait un peu, quand même... »
Le visage de Yumi s’était refermé lorsqu’elle avait prononcé ces paroles. La réaction d’Ulrich en la voyant le midi même lui revint en mémoire. Elle n’avait fait qu’y penser toute l’après-midi. Marine remarqua que Yumi n’allait pas bien et s’empressa de la prendre dans ses bras en disant:
« Qu’est-ce qu’il y a, ma puce? Vas-y, racontes-moi. »
Yumi commença à sangloter. Puis après quelques instants d’hésitation, elle commença à raconter ce qu’elle avait sur le cœur. Elle lui raconta tout dans les moindres détails. La discussion avec Odd, le réconfort qu’il lui avait apporté quand il l’avait pris dans ses bras, Ulrich qu’ils n’avaient pas vu arriver en face et les regarder un moment, sa fuite, ce que Odd lui avait dit après. Tout y passa. Marine comprit alors le désarrois que son amie avait pu ressentir à ce moment-là.
« Ne t’inquiètes pas, ma puce. Je suis sûr que ça va s’arranger entre toi et lui. Et puis il ne pourra pas te fuir toute sa vie à chaque fois qu’il te verra. » lui dit-elle alors. « Mais j’y pense! Si ça se trouve il n’a pas reconnu Odd quand tu étais dans ses bras, il l’a peut-être pris pour ton petit ami et c’est pour ça qu’il a fuit!!!
- Je ne crois pas, non. Il n’aurait pas pu ne pas reconnaître Odd. Au collège, ils étaient comme des frères. » rétorqua Yumi, les yeux encore pleins de larmes.
- « Mais qu’est-ce que t’en sais? Moi non plus je ne l’ai pas reconnu quand il est venu me draguer hier soir! Alors il se peut très bien que ce soit aussi le cas pour Ulrich quand il vous a aperçu. Odd avait peut-être mis aussi ses grosses lunettes noires, ce qui n’aide pas à le reconnaître avec sa nouvelle couleur de cheveux!
- Ha, si seulement tu pouvais avoir raison... » soupira Yumi en séchant ses larmes.
- « Si ton cher ami Odd fait ce qu’il a dit, ça devrait bien se passer! » répondit Marine. « Bon, allez! On se dépêche de finir de préparer le repas parce que j’ai super faim! »
Yumi se mit alors à rire. Marine fut intriguée par ces éclats si impromptus et l’interrogea:
« Ben, pourquoi tu rigoles maintenant?
- C’est rien! C’est juste que tu me fais penser à Odd! Il est toujours à réclamer à manger! »
Elles se mirent alors toutes les deux à rire puis reprirent la préparation de leur dîner.
Plus tard dans la soirée, chez Ulrich, le repas venait de se terminer. Tous les quatre sortirent de table et s’en allèrent dans le salon afin de prolonger la soirée en discutant un peu autour d’un café. Ils prirent place autour de la table basse tandis qu’une servante leur apporta un plateau sur lequel reposait quatre tasses ainsi qu’une cafetière dont le verseur laissait s’échapper une volute de fumée laissant diffuser le doux parfum de son contenu. Le tout était accompagné de petites cuillères ainsi que d’un petit pichet contenant du lait et d’une coupelle contenant quelques morceaux de sucre. Aélita et Jérémie étaient assis l’un à côté de l’autre dans le canapé en velours rouge et de style ancien alors que Odd et Ulrich avaient pris place chacun dans un fauteuil assortis au canapé. Les discussions allaient bon train lorsque, vers 22 heures, le majordome fit son apparition et s’approcha d’Ulrich.
« Excusez-moi, Monsieur. Mademoiselle votre cousine vient d’arriver. » dit-il avec le plus grand détachement.
- « Ma cousine?? » rétorqua Ulrich, surpris par la nouvelle. « excusez-moi, les amis, je vais voir et je reviens aussitôt! »
Ulrich se leva alors de son fauteuil et se dirigea vers la porte d’entrée de la maison, précédé par son majordome. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que sa cousine était effectivement bien là, devant lui, dans l’entrée.
« Lénaïg??? Mais qu’est-ce que tu fait là??
- Ben, je suis venue te faire une petite visite, tu te rappelles?
- Mais tu devais pas arriver demain??
- Ben non, banane! Je devais arriver dans dix ans!!
- ...
- Heureusement que ton chauffeur ne m’a pas oublié et qu’il est venu me chercher à la gare, lui, au moins!
- Excuses-moi, j’avais oublié!
- Ça fait plaisir à entendre, ça!!
- Pourtant, j’aurais juré que c’était demain que tu devais arriver!
- Dis donc, cousin! Agenda, tu connais?? Pourtant, ça existait déjà à l’époque où on était à l’école, tu sais!
- En tout cas, je suis ravi de te voir si tôt et de constater que tu es en très grande forme!
- Justement, non! Je suis crevée! Trois heures de train plus une heure de route pour venir jusqu’ici, moi, ça m’a épuisé! »
Ils se rapprochèrent et se firent la bise tandis que le majordome s’occupait des bagages de la nouvelle arrivante. Puis Ulrich l’invita à le suivre pour faire les présentations avec ses invités qui patientaient dans le salon. Lorsqu’ils arrivèrent tous deux dans le salon, Odd écarquilla les yeux à la vue de la belle demoiselle qui se présentait à ses yeux.
« Dis donc, petit cachottier! Tu ne m’as pas dit que tu avais une cousine aussi mignonne!
- Odd!!! Tu ne changeras donc jamais!!! » répondit Ulrich, exaspéré par la réflexion que venait de faire son ami.
- « Mon cher Ulrich, que trouves-tu donc à refaire sur un être aussi parfait que moi? Franchement? » rétorqua l’intéressé tout en souriant, bien étalé dans son fauteuil.
- « Sinon, ça va toujours, tes chevilles??? Elles n’ont pas trop enflé?? Elles te font pas trop souffrir, au moins??? » poursuivit le maître des lieux.
- « Heu... Bah non, pourquoi?? » répondit Odd tout penaud, n’ayant pas compris la boutade de son ami.
Constatant cela, les quatre autres éclatèrent de rire. Ulrich fit ensuite les présentations d’usage et Lénaïg alla s’asseoir su le canapé, à côté de Jérémie et en face de ce dragueur compulsif de Odd. Les discussions reprirent de plus belle dans le salon. Puis vint un moment où Odd, alors en pleine conversation avec la cousine d’Ulrich, regarda sa montre puis s’interrompit dans ce qu’il était en train de dire.
« Ulrich, je peux te parler seul un moment? »
Il avait dit cela avec un ton plutôt sérieux, ce qui attira l’attention de tous sur lui.
« Heu... Oui, bien sûr » répondit Ulrich, intrigué.
Puis les deux hommes s’en allèrent et se dirigèrent vers le perron. Une fois dehors, Ulrich déclara:
« Vu le ton que tu as employé, ça doit être super important! Alors, qu’avais-tu à me dire?
- « En fait, voilà... C’est à propos de...
- « En fait, voilà... C’est à propos de... Enfin...
- Ouais... Et quoi d’autre?...
- En fait, c’est un sujet plutôt délicat... Je sais pas trop comment te le dire...
- Vas-y, lance-toi. On verra bien après!
- Heu... T’es sûr que t’y tiens vraiment? »
En entendant cela, quelque chose fit tilt dans l’esprit d’Ulrich. L’expression de son visage changea alors.
« C’était donc toi... » déclara-t-il sur un ton de désolation, l’air désemparé.
- « C’est à dire? » répondit Odd, feignant de ne pas comprendre.
- « Avec elle, ce midi... Dans ses bras... C’était toi...
- Ha! Heu... Oui, c’était bien moi. Mais il faut que je te dise...
- C’est pas grave. Je ne t’en veux pas. »
Odd parut alors soulagé par la déclaration de son ami.
« Tu m’avais jamais dit que t’avais gardé le contact avec elle... » poursuivit Ulrich.
- « Tu sais, après le jour où elle est venue à Kadic pour te dire qu’elle ne voulait plus de toi, on a perdu très vite le contact avec elle, nous autres. Ça a duré quelques semaines, cinq ou six, si je me rappelle bien. Au début, elle n’arrêtait pas de nous demander des nouvelles de toi, parce que tu refusais de lui en donner. C’était un peu normal d’ailleurs. Elle savait qu’elle t’avait fait beaucoup souffrir. Et elle s’en voulait. Ce que tu ne sais pas, c’est qu’un jour, elle s’est ramenée à Kadic avec l’idée d’aller te voir pour s’excuser, mais on lui a dit de ne pas le faire parce qu’en plus elle était venue avec son mec de l’époque. T’étais dans un tel état, on a eu peur que tu fasse une connerie après ça. J’espère que tu ne nous en veux pas pour ça... »
Un lourd silence tomba entre les deux hommes. Ils étaient tous deux assis sur la dernière marche de l’escalier menant à la porte d’entrée qui faisait face au jardin, le regard perdu sur l’horizon encore légèrement rougeoyant du crépuscule. Odd était assis à gauche d’Ulrich. Odd craignait la réaction de son vieux compagnon après cette révélation. Celui-ci paraissait calme mais combien de fois Odd l’avait vu ainsi quelques secondes puis laisser éclater sa furie sur tout ce qui se trouvait devant lui. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il entendit son ami lui dire avec un ton pausé:
« Vous avez eu raison de l’en empêcher. C’est vrai que j’étais vraiment au fond du trou à ce moment-là. Heureusement que vous étiez là pour moi sinon j’aurais sûrement été capable de faire une grosse connerie... »
Il avait les larmes aux yeux. Odd le remarqua alors qu’il venait de tourner la tête vers lui. Il s’approcha de son ami et posa sa main sur son épaule gauche.
« Ulrich, je veux que tu saches que, quoi qu’il arrive, tu pourras toujours compter sur moi. Après tout ce qu’on a vécu ensemble, on est amis à la vie, à la mort, non? »
À ces paroles, Ulrich esquissa un léger sourire. Il posa sa main sur celle de Odd comme pour le remercier de tout ce qu’il avait fait pour lui alors qu’il était au plus mal. C’était lui et Aélita qui l’avaient littéralement ramassé à la petite cuillère après le terrible aveu de Yumi. Jérémie, lui, s’était abstenu de tenter quoi que ce soit car il se savait très mauvais psychologue et ne voulait surtout pas empirer l’état de son ami. Et pourtant, rien qu’en voyant ce n’était pas l’envie qui lui manquait d’aller lui parler pour le réconforter. Mais il n’arrivait pas à trouver les mots justes. Cela avait fait l’objet d’une discussion entre eux deux durant laquelle Jérémie lui avait dit qu’il se sentait coupable de n’avoir rien fait pour lui. Et Ulrich, connaissant bien son ami, avait bien compris sa réaction.
« Merci, Odd. Merci pour tout. » déclara-t-il en se tournant vers son ami. « Je ne vous mérite vraiment pas comme amis, tous les trois. Ce que je regrette le plus, c’est que je me suis éloigné de vous toutes ces années. »
En disant cela, il n’avait pu retenir plus longtemps ses larmes.
« J’avais cru qu’en m’éloignant de vous, je réussirais à l’oublier. En fait, ça a été pire. Et j’ai multiplié les conneries pour essayer d’y arriver, mais en vain... »
Odd, en l’écoutant, avait saisi toute la profondeur de la peine et le désespoir d’Ulrich. Il avait aussi saisi quelque chose de plus important.
« Tu l’aimes encore, pas vrai?
- Je sais plus. Je suis complètement perdu. Je ne suis plus sûr de rien. Parfois, j’ai l’impression que ce que je ressens pour elle n’est qu’une illusion. » répondit Ulrich après un long soupir.
- « C’est peut-être parce que tu n’arrêtes pas d’y penser et de te poser des questions sur ça que t’as cette impression de ne plus savoir la nature de tes sentiments. Faut que tu te changes les idées, que tu t’aères l’esprit un bon coup pour te vider la tête de tout ça. Et après, je te garantis que tu verras plus clair dans tout ça.
- C’est plus facile à dire qu’à faire. J’ai essayé bon nombre de fois de le faire mais je n’y suis jamais parvenu.
- Si ce n’est que ça, je sais comment y parvenir efficacement! » déclara Odd, un petit sourire aux lèvres.
- « Merci, Odd, mais t’en a déjà tellement fait pour moi. Je ne veux plus être un boulet pour toi.
- Attends, t’as pas compris ce que je t’ai dis tout à l’heure. On est amis pour toujours et je ferais tout ce que je peux pour t’aider. C’est ça l’amitié.
- Après tout, c’est de ma faute s’il n’y a rien eu entre elle et moi. Je n’ai eu que ce que je méritais. J’aurais dû aller la voir bien plus tôt au lieu d’attendre comme un con qu’elle vienne faire le premier pas.
- Non, je ne peux pas te laisser dire ça. Personne ne mérite de souffrir autant que ça, surtout à cause de quelque chose qui ne s’est jamais produit. Et puis tu sais très bien que c’est pas de ta faute!
- Ha bon?! Et c’est la faute à qui, alors, si c’est pas la mienne?? En tout cas, Yumi, elle a réussi à faire le premier pas, même si c’est pas celui que j’espérais...
- Arrêtes de te ressasser les mauvais souvenirs sans cesse comme ça! Tu sais quoi? Tu peux t’en vouloir tant que tu veux, tu peux lui en vouloir à elle aussi, ou même au monde entier si ça te chante, ça ne changeras rien à la situation! On ne peut pas changer ça, même avec le supercalculateur! En tout cas, il y a seule chose de sûre là-dedans, c’est que c’est pas de ta faute si t’as pas réussi à vaincre ta timidité pour lui avouer tes sentiments. C’est des choses qui arrivent! T’es loin d’être le seul dans ce cas là! En plus tu te fais du mal pour rien à te dire qu’il n’y a que toi qui a merdé!
- Qui d’autre alors?
- Moi, par exemple! J’aurais dû faire quelque chose pour t’aider à avouer tes sentiments à Yumi au lieu de te taquiner bêtement comme je l’ai fait. Et puis, il y a Yumi aussi. Qu’est-ce qu’elle a tenté pour que vous vous rapprochiez tous les deux? Hein? Pas grand chose, faut bien l’avouer! Aélita par contre, elle a fait ce qu’elle a pu de son côté pour parler de ça avec Yumi. Mais visiblement, ça n’a servi à rien. On aurait dû insister plus chacun de nôtre côté, moi et Aélita. Ça aurait peut-être marcher entre vous deux, même si ça n’avait duré que quelques temps. Au moins tu n’aurais pas été dans cet état aujourd’hui. Quelque part, on est aussi un peu responsables de cette situation, nous aussi. En tout cas, sache que je ferais tout pour réparer mon erreur. »
Ulrich ne savait pas quoi lui répondre. Il se sentait gêné par la déclaration de son ami. Odd, lui, repensait à la manière dont tous ces événements s’étaient enchaînés durant cette folle journée, et notamment après l’instant où lui et Yumi avaient croisé fortuitement le chemin d’Ulrich.
Flashback
Ils étaient tous deux dans la rue. Il l’avait prise dans ses bras pour lui témoigner son soutien et son affection. Après ce qu’il venait de lui dire, elle était soulagée. Elle avait versé quelques larmes auparavant et lui, avec ses paroles et sa sincérité, il l’avait réconfortée. Ils étaient restés dans les bras l’un de l’autre quelques instants. Elle avait même posé sa tête contre son torse. C’était bien la première fois qu’elle lui manifestait ainsi l’affection et l’amitié qu’elle avait pour lui. Elle se sentait plus légère et avait même esquissé un sourire. Puis elle redressa brusquement la tête. Odd lui demanda se qui se passait mais n’obtint pas de réponse. Il dirigea son regard dans la même direction que celui de Yumi et comprit alors. Il était là, devant eux et les regardait. C’était la première fois qu’il revoyait Ulrich depuis bien longtemps. Il était comme figé sur place. Il semblait désespéré et paniqué à la fois, comme si quelque chose de douloureux lui était revenu à l’esprit en voyant ainsi Yumi dans les bras d’un autre homme que lui. L’espace d’un instant, il avait semblé hésiter à s’approcher d’eux mais que quelque chose l’en avait empêché, comme s’il avait pesé le pour et le contre et qu’il avait choisi de ne pas venir vers elle. Ce fut à cet instant que Odd se rendit compte qu’Ulrich n’avait pas réussi à tourner la page sur cette histoire. Puis, aussi brusquement qu’il avait surgi de nulle part, Ulrich fit demi-tour et s’éloigna d’eux d’un pas vif.
« Ulrich! Attends! » dit alors Yumi.
À ces paroles, Ulrich se mit à courir dans la foule et fut rapidement hors de portée de leurs regards.
« Ulrich! Ulrich! Reviens! » poursuivit-elle.
Elle allait se mettre à le suivre pour le rattraper quand elle sentit une main la retenir. Elle se retourna alors et vit que c’était Odd qui la retenait.
« Attends, Yumi!
- Mais pourquoi?
- Tu sais, il a vraiment été très mal après le jour où tu lui as dit que tu ne l’aimais plus. Il en a énormément souffert et il s’est replié sur lui même petit à petit. Heureusement qu’on a été là avec Jérémie et Aélita, sinon, je pense qu’il aurait été capable de faire une grosse connerie, tu sais. Apparemment, il en souffre encore beaucoup.
- Mais, je voulais juste...
- Laisse lui le temps de réfléchir, il en a besoin. Il ne faut surtout pas précipiter les choses, sinon ça risque de tourner encore plus mal que ça ne l’est aujourd’hui. Mais ne t’inquiètes pas, j’irais lui parler. En attendant, si on allait enfin manger? C’est pas le tout mais je sens l’hypoglycémie qui arrive, moi! »
Yumi regardait dans la direction où Ulrich était partie. Sa réaction l’avait grandement perturbée. Elle se retourna vers Odd, l’air inquiète.
« Dis, Odd. T’iras lui parler? Dis, tu me le promets? » lui demanda-t-elle, le regard suppliant.
- « Je te le promets, princesse! Parole de Odd Della Robia! » répondit celui-ci.
Puis tous les deux reprirent leur chemin en direction du restaurant auquel Yumi avait convié Odd. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent à destination. Ils s’installèrent et passèrent leur commande auprès du serveur. Puis Odd s’absenta quelques instants, prétextant un besoin urgent. Dès qu’il fut arrivé aux toilettes, Odd sortit alors son portable de sa poche et composa un numéro, le colla contre son oreille et attendit quelques secondes. Loin de là, dans une voiture garée dans une rue paisible, une jeune femme entendit son téléphone sonner. Elle le prit et, voyant le nom de l’appelant, s’empressa de décrocher.
« Allô?
- Allô, Princesse? C’est moi!
- Ah?! Et c’est qui, ça, "moi"?
- Ben c’est moi! Odd! Tu m’as pas reconnu?
- Mais si, Odd! J’ai bien vu que c’était toi! Comment ça va?
- Moi, ça va! Et toi, petite farceuse?
- Très bien! Mais dis-moi, que me vaut l’honneur de ce coup de fil?
-Ben, disons qu’il y a eu comme un petit souci avec Ulrich...
- Comment ça, avec Ulrich? Tu devais pas plutôt aller voir Yumi aujourd’hui?
- Si! Mais le problème, c’est que tout à l’heure, en allant au restaurant avec elle, on a croisé Ulrich par hasard!
- Ah! Et comment il a réagi en vous voyant tous les deux?
- Disons qu’il s’est enfui en courant!
- Ah... J’aurais dû m’en douter! Vu l’état dans lequel il était la dernière fois qu’on l’a vu, ça ne pouvait que se passer comme ça...
- Bon, là, je dois y aller! Yumi m’attend! On en reparle ce soir, O.K.?
- D’accord! À ce soir!
- Tchao, princesse! Et bonjour à Einstein!
- Je n’y manquerais pas. Salut! »
Puis ils raccrochèrent tous les deux et Odd revint à la table où s’était assise Yumi. Plus tard, loin de là, Ulrich arrivait devant l’entrée de Kadic. Tout un tas de souvenirs lui revinrent à l’esprit. Ce qu’il n’avait pas remarqué, c’était une voiture garée juste devant, le long du trottoir. Et plus particulièrement la jeune femme qui était assise à la place du passager avant. Elle était en train de fouiller dans la boite à gants quand elle le remarqua. Elle avait les cheveux roses et les yeux verts. Elle était sortit du plus vite qu’elle pouvait dès lors qu’elle l’eut reconnu.
« U... Ulrich? C’est... C’est bien toi? » lui demanda-t-elle alors.
Il sursauta puis se retourna. Aélita se précipita contre lui pour le serrer dans ses bras. Il sentit la jeune femme l’étreindre délicatement et reposer sa tête contre son torse.
« Oh Ulrich! Je suis si heureuse de te revoir enfin! Ça fait si longtemps! Tu m’as tellement manqué! Je croyais que tu avais fini par m’oublier... Nous oublier... »
Ulrich, Aélita et Jérémie venaient de se retrouver après bien des années durant lesquelles ils s’étaient perdus de vue. Ils discutèrent tous trois de leurs vies respectives et de ce qu’ils avaient fait durant tout ce temps. Ils restèrent ainsi environ une demi-heure avant de se séparer et de se donner rendez-vous chez Ulrich le soir même. Dès qu’Ulrich fut loin d’eux, Aélita s’empressa d’envoyer un SMS à Odd pour lui annoncer ce qui venait de se produire. Celui-ci n’en revint pas et lui passa un autre coup de fil pour lui demander si tout cela était bien vrai. Aélita le lui confirma et Odd se réjouit alors de l’occasion qui se présentait ainsi à lui de manière impromptue. Il allait pouvoir lui parler plus tôt qu’il ne l’avait prévu.
Fin du flashback
Les deux hommes étaient toujours assis l’un à côté de l’autre, devant la maison. Ulrich avait pris sa tête entre ses mains et reposé ses coudes sur ses genoux. Son regard était perdu dans le vide.
« Je suis vraiment trop con. » dit-il alors. « Vous m’avez soutenu du mieux que vous pouviez pendant des mois et la seule chose que je trouve à faire, c’est de me séparer de vous sans même vous remercier!
- Non. » rétorqua Odd. « C’est de notre faute si tu t’es éloigné de nous sans qu’on fasse quoi que ce soit pour ne pas te laisser seul dans ton coin. Tout ça, c’est de notre faute. Quand t’as commencé à t’éloigner de nous, on en a discuté tous les trois et on a pensé qu’il valait mieux te laisser quelque temps seul afin que tu digères cette histoire. Après quoi, on serait revenus vers toi. Mais au lieu de ça, on s’est laissés tous les trois par déborder par les études et le travail. C’est nous qui t’avons laissé tomber bien malgré nous. On t’a laissé t’enfoncer tout seul sans réagir. »
Les deux hommes se turent à nouveau. Même s’il souffrait toujours, Ulrich se sentait quelque peu soulagé de s’être confié sur ce qu’il ressentait. Les paroles de Odd l’avaient aussi aidé à prendre un peu de recul sur la situation. Cependant, une interrogation subsistait dans son esprit. Il voulut en faire part à Odd.
« Est-ce que ça vaut encore le coup de tenter quoi que ce soit? »
Odd fut étonné car il ne s’attendait pas à une telle question.
« Heu... Ben, tu sais, il n’y a que toi et Yumi qui avez la réponse à cette question. Si tu ne tente rien, tu ne sauras jamais!
- Oui, mais toi? » rétorqua Ulrich sur un ton hésitant.
- « Moi? Qu’est-ce que je viens faire là-dedans?
- Yumi et toi, vous êtes bien ensemble, non? »
À cette question, Odd écarquilla les yeux avant d’éclater de rire quelques secondes plus tard.
« Ben quoi? Qu’est-ce que j’ai dit de drôle? » questionna Ulrich.
- « Non, mais franchement! Tu nous vous ensemble, Yumi et moi??
- Ce midi, pourtant...
- Ah! Mais attends! » interrompit Odd. « Je sais qu’elle n’était pas très expressive côté sentiments au collège, la Yumi. Mais de là à dire qu’on est ensemble juste parce qu’on s’est pris dans les bras, il y a tout un monde! Surtout avec Yumi! Tu sais, les gens changent avec le temps.
- Je sais. Et c’est ce qui me fait le plus peur dans tout ça.
- C’est-à-dire?
- Plus le temps passe et plus j’ai l’impression que je ne sais rien d’elle et que je n’ai jamais rien su. En fait, j’ai l’impression de ne jamais l’avoir vraiment connue...
- Si c’est juste ça qui t’empêche d’aller la voir, ça peut s’arranger, tu sais!
- En fait, je me demande si j’ai toujours envie d’aller vers elle...
- Dis donc! Tu serais pas en train de te débiner, toi, par hasard?
- Non, c’est pas ça! Après tout, c’est à elle de faire le premier pas!
- C’est bien ce que je disais! Tu fais tout pour l’éviter!
- Mais non! Je te jure!
- Écoute, Ulrich! Tu ne pourras pas la fuir comme tu l’as fait ce midi! Ça n’arrangera pas la situation et, en plus, tu souffriras encore pour rien! C’est vraiment ça que tu veux? Après tout ce que tu viens de me dire, ça m’étonnerait beaucoup! Alors, au bout d’un moment, faut se sortir les doigts du c** et prendre sur soi! En plus, tu n’as aucune idée de ce que Yumi a bien pu me dire à ton sujet!
- Ah bon?! Elle t’a dit quoi??
- Demande-le lui toi-même! On n’est jamais mieux servi que par soi-même! Sur ce, j’ai affaire! Il y a une petite bretonne bien sympa qui m’attend gentiment dans le salon... » dit alors Odd en regardant l’heure sur sa montre.
Il se leva et partit, laissant Ulrich derrière lui. Ce dernier se leva précipitamment alors que Odd venait de passer le seuil de la porte d’entrée pour se rendre dans le salon où Aélita, Lénaïg et Jérémie discutaient tranquillement en attendant les deux hommes.
« Éh! Non! Odd! Attends! » dit Ulrich en rattrapant son ami.
« Éh! Non! Odd! Attends! » dit Ulrich en rattrapant son ami. « Faut que je te prévienne d’un truc à propos de Léna!
- Comme c’est mignon! Le beau Ulrich qui s’inquiète pour sa cousine! » lança Odd sur un ton moqueur tout en se retournant vers son ami avec un air amusé. « T’inquiète pas! Il ne va rien lui arriver, à ta cousine! Je ne suis pas un sauvage! Je ne vais rien lui faire! Du moins, rien de grave...
- Ben justement! C’est pas pour elle que je m’inquiète!
- Ha bon?? Et on peut savoir pour qui, alors?
- Ben, en fait, c’est surtout pour toi que je m’inquiète...
- Pour moi?! Comment ça, pour moi?? Tu vas quand même pas essayer de me faire des trucs si je tente quelque chose avec elle?! » rétorqua Odd, surpris et s’arrêtant en plein milieu du couloir reliant l’entrée au salon.
- « Moi?? Non... Par contre, je connais quelqu’un qui ne va pas te louper...
- Qui ça?
- Hmmm... Je te laisse le plaisir de la découverte! Tu vas être surpris, c’est moi qui te le dis...
-Allez! Dis-le moi!
- Nan! Je te laisse la surprise!
- Allez! S’te plait!!!
- J’ai dit non!
- Bon allez! Tu peux bien me le dire, à moi!
- N’insiste pas! Ça ne sert à rien! »
Odd se tut un instant, essayant de deviner ce que Ulrich essayait de lui cacher. Puis il écarquilla les yeux.
« Nan, tu déconnes, là! Elle peut pas être comme ça! Elle a l’air douce comme un agneau, pourtant... Elle peut pas aimer ce genre de trucs! C’est pas possible! Ou alors, elle cache bien son jeu, la petite! » dit-il alors avant d’esquisser un grand sourire un peu pervers. « En même temps, si ce que tu me dis est vrai, ça me tente assez, finalement, ce genre de choses! Hé hé... »
Odd repartit alors de plus belle vers le lieu où les trois autres convives les attendaient.
« Mais de quoi tu parles, là?
- Ben, des tenues en cuir, des fouets, des menottes, tout ça, quoi!
- Non mais ça va pas la tête??? C’est pas ce genre de choses qu’elle va te faire!
- Hein?! Quoi?! Ha ouais, mais là, non, Ulrich! Tu me déçois vachement! Me faire espérer des trucs pareils alors que c’est même pas vrai! À moi, ton meilleur ami! T’as pas honte! » répondit Odd en s’arrêtant encore une fois dans sa progression vers celle qu’il avait espéré être sa nouvelle proie.
- « Hé ho! Non mais t’es pas un peu gonflé, toi?! Le gros pervers qui s’est fait des films dégueulasses tout seul, ici, c’est pas moi! Et puis je ne me serais jamais permis de balancer des trucs pareils sur le dos de ma cousine!!
- Hé! C’est bon! Je déconnais!
- Ha bon?! Vu ta tête, on aurait plutôt dit que t’es déçu!
- Humm... » laissa échapper Odd, gêné. « Ouais, bon! On va pas se prendre le chou pour ça! Surtout le jour de nos retrouvailles!!!
- Ouais! T’as raison! Allons vite retrouver les autres! Depuis le temps qu’ils nous attendent, ils doivent s’impatienter! Mais fais gaffe, je t’ai à l’oeil »
Les deux hommes se remirent en marche vers le salon.
« Et sinon, c’est quoi que tu voulais me dire sur ta cousine?
- Odd!
- Ha non! Là t’en a trop dit, Ulrich! Maintenant, faut que tu finisses par me le dire sinon je révèle tout ce que tu m’as dit à ta belle Yumi!
- Quoi?! Tu oses me faire du chantage!!! Et chez moi, en plus!!
- Ben ouais! Tu sais, j’ai le nouveau numéro de Yumi dans mon portable! Et je peux l’appeler à tout moment!
- Que de la gueule!
- Quoi?! Que de la gueule?! Attends un peu, c’est ce qu’on va voir! »
À ce moment-là, Odd dégaina son téléphone portable de sa poche et se mit à le trifouiller puis le porta à son oreille.
« Arrête ton bluff, Odd! » lança Ulrich.
Il fut vite surpris de percevoir, après quelques secondes, une voix féminine aux paroles incompréhensibles dans le téléphone de Odd. Et elle semblait lui répondre.
« Allô, Yumi? C’est Odd!
-
- Ouais, ça va! Et toi?
-
-Devine avec qui je suis, là!
-
- Si si! Je te le jure! Il est juste à côté de moi, là!
-
- En fait, il voulait juste que tu sache que...
- Arrête! C’est bon! T’as gagné! Je vais te le dire! » l’interrompit Ulrich en lui éloignant le téléphone de l’oreille.
- « Ha! Bah enfin! Tu te décides! » fit Odd avec un large sourire sur les lèvres.
Ulrich fit quelques pas en arrière, prenant Odd avec lui, s’éloignant un peu de la porte du salon devant laquelle ils étaient presque arrivés.
« Bon, voilà... Lénaïg est comme qui dirait une... Dresseuse d’hommes!
- Une dresseuse d’hommes?? C’est quoi, ça?
- Ben, en fait, elle fait ce qu’elle veut de celui sur lequel elle a jeté son dévolu! Il paraît qu’elle en a maté des plus coriaces que toi et qu’ils étaient à sa botte comme des petits toutous bien sages. C’est franchement pas beau à voir! C’est pire que Sissi avec Hervé et Nicolas! Tu vois le genre!
- T’inquiète pas pour moi! Ça c’est un défi à la mesure de Odd le magnifique!
- Méfie-toi, Odd! Il va t’arriver des bricoles! Et tu ne vas pas comprendre ce qu’il t’arrive!
- Mais non! J’ai l’habitude!
- Y en a plus d’un qui a dit ça et qui a regretté ensuite!!
- Tiens, au fait! Parle donc avec Yumi! Elle est encore en ligne et elle doit avoir quelque chose à te dire! » déclara Odd en plaquant son portable contre l’oreille du beau brun.
- « Non!! Odd!! Arrête!! »
Odd lâcha son portable et, malgré lui, Ulrich l’avait maintenu contre son oreille. Comme si son inconscient voulait quand même entendre ce que la belle nippone semblait avoir à lui dire.
« A... Allô? » dit-il alors timidement.
- « 22 heures 18 minutes 50 secondes... Bip... Au quatrième top, il sera 22 heures 19 minutes... Bip... Bip... Bip... Bip... »
Lorsqu’il se rendit compte de la supercherie de son ami, Ulrich constata que celui-ci s’était empressé de rejoindre discrètement les trois autres convives dans le salon. Il ne put cependant pas se retenir de dire à voix haute:
« Odd!!! Salaud!!
- Oui, oui, je sais. Le peuple aura ma peau... » répondit celui-ci d’un ton faussement las depuis le fond du salon, ce qui ne manqua pas de faire rire les trois autres.
Ulrich raccrocha aussitôt et se rendit d’un pas vif dans le salon.
« Dis donc, maigrichon! La prochaine fois que tu me refais un coup comme ça, je te jure que tu vas le regretter! » dit-il alors qu’il arrivait juste derrière Odd.
- « Allons bon! Qu’est-ce que t’as encore fait comme coup foireux, Odd? » questionna Aélita.
- « Moi? Mais j’ai rien fait, voyons! » rétorqua l’intéressé.
- « Mouais! On va dire ça comme ça! Et puis mieux vaut que ça reste entre nous deux! Hein, Odd? Parce que c’est pas franchement glorieux comme exploit, si on peut appeler ça comme ça! » déclara le beau brun.
- « Ouais, bon. Tu vas pas en faire tout un foin! Et au passage, je te signale pour la énième fois, mon cher Ulrich, que je ne suis pas maigre mais svelte! C’est pas du tout pareil!! » ajouta Odd.
En entendant la réflexion du dragueur invétéré qui était assis près d’elle, Lénaïg ne put s’empêcher d’éclater de rire. Les quatre autres se tournèrent vers elle. Odd la regardait avec un air d’incompréhension.
« Heu... On peut savoir ce qui te fait rire? » questionna-t-il.
- « Ho la tronche du svelte, sérieux! Non mais franchement! Tu crois sincèrement ce que tu viens de dire? » répondit la belle demoiselle, toute hilare.
- « Ben oui! Pourquoi tu dis ça?
- Dans ce cas, je suis ravie de t’annoncer que si être svelte pour toi, ça signifie être maigrichon pour les autres, alors t’es svelte!! Mais alors vraiment très svelte!! »
Odd resta sans voix, écarquillant les yeux face à Lénaïg qui, quant à elle, affichait un sourire quelque peu moqueur. L’excentrique de la bande était resté scotché par le répondant de la jeune femme. Il en était presque resté figé tellement ça l’avait surpris.
« Hé ben! Un peu spéciale, la cousine Stern! Il a bien fait de me prévenir, Ulrich! Ça va être un peu plus dur que prévu, finalement! » pensa-t-il.
« Ben alors, Odd? Qu’est-ce qui t’arrive? Tu dis plus rien! T’es sûr que ça va? » questionna Ulrich.
- « Hein... Heu... Si si! Ça va très bien! » répondit Odd, visiblement perturbé. « Ho! Tiens! Pendant que j’y pense, Ulrich! Qu’est-ce que tu fais samedi prochain?
- Samedi... Tu veux dire demain ou samedi de la semaine prochaine?
- Hein?? Quoi?? On est déjà vendredi?? C’est dingue!! Je vois même plus le temps passer, moi!!
- Ha, surmenage, quand tu nous tiens!! » lui lança Ulrich en levant les yeux au plafond et en tendant ses bras devant lui comme pour implorer le ciel.
- « Tu l’as dit! Faut que j’arrête de bosser autant parce que ça ne me réussit pas!! » déclara Odd en se posant une sur le front.
- « Ha? Et tu fais quoi comme boulot? » interrogea Lénaïg.
Ulrich, Aélita et Jérémie se mirent à pouffer de rire devant tant d’innocence de la part de Lénaïg qui les regardait, surprise par leur réaction étrange, tandis que Odd était consterné qu’elle ne l’ait pas reconnu.
« Ben quoi? J’ai rien dit de drôle! Pourquoi vous rigolez? » demanda la jeune femme.
- « Pour rien, pour rien... » lâcha Odd, visiblement déçu.
- « Ha ben si! Je vois bien qu’il y a quelque chose! Je ne suis pas conne, non plus!
- Mais non, je te jure! Laisse-les rigoler tout seuls dans leur coin! Heu... Sinon, cinéma, tu connais?
- Dis donc, maigrichon! Tu te foutrais pas un peu de ma gueule, là?!
- Rhaaaa! Je ne suis pas maigrichon!!! Combien de fois je vais devoir te le dire!!!
- Bon, O.K.! Si ça peut te faire plaisir, maigrichon, je dirais que t’es svelte! Mais quand même, t’es sacrément maigrichon pour quelqu’un qui prétend être svelte! Et puis, tu m’as toujours pas dit c’était quoi ton boulot! À croire que t’en a pas!!!
- Oh que si, mademoiselle, j’en ai un! Et qui paye un max, en plus de la gloire et de la célébrité qu’il m’apporte! Mais visiblement, tu ne fréquente que trop rarement les salles obscures pour ne pas m’avoir reconnu!
- Ha bon?? T’es célèbre, toi??
- O.K. ... Bon, je crois qu’on ne va pas trop tarder. C’est qu’il commence à se faire tard! » déclara Odd, dépité par tant d’’ignorance à son égard de la part de la jeune femme qu’il convoitait.
Jérémie et Aélita regardèrent leurs montres respectives tandis qu’Ulrich jetait un oeil sur l’horloge qui trônait au-dessus du linteau surplombant l’âtre. Il était déjà un peu plus de 22 heures 30. Jérémie se leva alors et déclara:
« Hou là! Effectivement, il est déjà assez tard! Je suis désolé, Ulrich, mais on ne peut pas rester trop tard. On a beaucoup de route à faire pour rentrer et, en plus, on doit s’occuper de nos enfants demain, ma petite femme chérie et moi!
- Ne t’excuse pas, Jérémie. Je comprends parfaitement. Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à vous raccompagner jusqu’au perron. » répondit Ulrich avec un ton compréhensif, alors qu’il venait à peine de s’assoir à côté du génie de la bande. « On aura le temps de se voir plus longuement une prochaine fois!
- Tiens, en parlant de prochaine fois! » lança Odd. « Vu qu’on est déjà vendredi, tu fais quoi demain, Ulrich?
- Moi? Heu, ben j’ai rien de prévu, il me semble...
- Ha si, cousin! » interrompit Lénaïg. « Tu m’avais promis de m’emmener visiter Paris!
- Hein?? T’es sûre que c’est pas plutôt dimanche qu’on avait prévu ça??
- Ha... Bah... Heu... » fit la cousine du beau brun en se grattant la tête. « P’t-êt’e bien, oui... J’m’en souviens plus trop, en fait!
- Comment on fait, alors? » questionna Ulrich, un peu embarrassé.
- Ben, vous n’avez qu’à venir tous les deux! J’en profiterais pour faire découvrir le cinéma à Lénaïg!!!
- Ha, les hommes et leur fierté mal placée, je vous jure!!! » rétorqua l’intéressée.
Après quelques éclats de rire bien vite dissipés, ils se levèrent tous les cinq et prirent la direction du hall d’entrée où le majordome les attendait avec les vêtements des trois invités sur le départ. En chemin, Odd et Ulrich fixèrent le lieu de rendez-vous du lendemain. Et lorsqu’Ulrich interrogea l’ex-blondinet sur ce qu’il avait prévu, celui-ci laissa planer le mystère en ajoutant qu’il n’avait pas lieu de s’inquiéter et qu’il le remercierait sûrement plus tard à ce propos. Ulrich lui fit part des quelques doutes que cela avait suscité en lui mais Odd lui dit qu’il n’avait rien à craindre à ce sujet. Puis le couple de génies et Odd revêtirent leurs effets qui avaient été soigneusement rangés par le majordome à leur arrivée. Quand ils eurent salué leur hôte et sa cousine, le majordome leur ouvrit la porte. Ils descendirent les quelques marches du perron et prirent place dans la belle voiture de Jérémie qui venait tout juste d’arriver, conduite par le voiturier. Lors du départ, ils échangèrent quelques signes de la main avec Ulrich et Lénaïg. Très vite, la voiture s’éloigna de la grande demeure tous feux allumés, s’enfonçant dans la longue allée menant aux portes de la propriété familiale, pour ne plus devenir qu’un petit point rouge sur l’horizon.
Sur le perron, Ulrich et Lénaïg se retournèrent pour rentrer. Cette dernière en profita pour poser une question à son cousin:
« Au fait, c’est quoi son boulot, à Odd?
- Si je te le dis, ça sera moins drôle demain! » rétorqua le beau brun en fermant la porte derrière eux.
- « Allez! Tu peux me le dire, à moi quand même!
- Ouais, en même temps ça pourrait être marrant de lui faire la surprise, vu le caractère que t’as!!!
- Quoi, mon caractère?? Qu’est-ce qu’il a, mon caractère?? Il te plait pas, mon caractère??
- Non, non!! C’est pas ça!! C’est juste qu’il est... Comment dire? Bien trempé? Voilà! C’est ça!! T’as un caractère bien trempé! Et puis Odd, il est acteur et réalisateur...
- Sans blague!!! Tu veux dire que c’est Odd... Heu... Zut! Comment c’est déjà son nom?? C’est un truc du genre Della bidule!!! Je m’en rappelle plus!
- Si tu veus dire Della Robia, alors oui, c’est bien lui!
- C’est ça! Della Robia! Odd Della Robia! Mais qu’est-ce qu’il a fait à ses cheveux?? Ça lui va pas du tout!! Ça le rend moche!!
- Alors ça, c’est à lui qu’il faut le dire, pas à moi! T’as de la chance, on le reverra demain!!! Mais attention!! Je ne t’ai rien dit et n’es au courant de rien sur lui! O.K.?
- D’accord! T’en fais pas pour lui! Je vais le faire tourner en bourrique un petit moment!
- Heu... Ben, justement, c’est ça qui me fait un peu peur! Parce que j’aimerais pas que tu lui fasse ta "spécialité", si on peut appeler ça comme ça!
- T’inquiète pas, je vais juste m’amuser un tout petit peu mais pas trop! Et juste demain! C’est promis!
- Bon, O.K., si ça peut te faire plaisir...
- Super! Je monte dans ma chambre, j’ai un coup de fil à passer!!!
- Hé!! Mais attends!! Je t’es pas montré où est ta chambre!! »
Ulrich n’avait même pas eu le temps de finir sa phrase que Lénaïg avait déjà disparu en haut des escaliers face auxquels il se trouvait. Sa cousine était déjà au téléphone dans le couloir du premier étage quand elle remarqua qu’elle ne connaissait pas les lieux. Elle redescendit les escaliers à toute vitesse tout en continuant de papoter. Quand elle fut en bas, face à son cousin, elle interrompit sa conversation quelques instants.
« T’aurais pas oublié un truc, par hasard??? » lança Ulrich sur un ton sarcastique.
- « Heu... Ben si...
- Il me semblait bien, aussi!! Allez, viens! Je vais te montrer ta chambre! »
Lénaïg remonta alors les escaliers, précédée par Ulrich. Elle avait repris sa conversation téléphonique pendant que son cousin la conduisait jusqu’à sa chambre. Une fois arrivés, Lénaïg retrouva toutes les affaires qu’elle avait emporté avec elle. Elle remercia son cousin tout en poursuivant son papotage. Puis elle ferma la porte, mais malgré cela, Ulrich pouvait entendre ce qu’elle racontait:
« Tiens, au fait! Tu devineras jamais avec qui j’ai diné ce soir! » pouvait-il entendre. « Nan... Non plus!... Attends, je vais te le dire! C’est Odd Della Robia!!!... (silence un peu plus long que les autres)... Ben, avec mon cousin, on doit le revoir demain! T’as qu’à... »
« Faudra vraiment que je pense à faire insonoriser les cloisons! » pensa Ulrich en s’éloignant pour se rendre dans sa propre chambre.
Pendant ce temps, sur la route, les trois convives discutaient de tout et de rien, et surtout de la cousine de leur ami. Jérémie et Aélita taquinaient Odd quant au fait qu’elle avait résisté à son charme prétendument irrésistible... Odd fut vite vexé, et pour se sortir de cette situation, interrompit la conversation pour passer un coup de téléphone. Il chercha le numéro de son correspondant, valida puis le plaqua contre son oreille. Et dans l’habitacle du véhicule, les deux amoureux purent entendre ceci:
« Allô!! ... Salut ma belle! C’est Odd! Ça va? ... Moi? Ça va du tonnerre! Dis, tu fais quoi demain après midi? ... Pourquoi? Ben faut que je te parle en tête à tête ... »
Quelques secondes plus tôt, dans le petit appartement de la japonaise, les deux jeunes femmes venaient de finir de dîner lorsque le portable de celle-ci sonna. Yumi s’approcha de la table basse où elle l’avait posé et le saisit. Elle dit alors:
« Tiens, c’est Odd! Qu’est-ce qu’il me veut à cette heure-ci?
- Ben, décroche! Qu’est-ce que t’attends?? Tu verras bien ce pourquoi il t’appelle! » lui rétorqua Marine.
Yumi ne se fit pas prier plus longtemps et décrocha. Elle n’eut même pas le temps de prononcer un mot que son interlocuteur avait déjà entamé la conversation:
« Allô!!
- Oui?
- Salut ma belle! C’est Odd! Ça va?
- Ha! Salut, Odd! » répondit-elle sur un ton feintant l’innocence. « Ça va, et toi?
- Moi? Ça va du tonnerre! Dis, tu fais quoi demain après midi?
- Demain après-midi? J’avais rien de particulier de prévu, pourquoi tu me demande ça?
- Pourquoi? Ben faut que je te parle en tête à tête...
- Ha! Je vois. Tu lui a parlé...
- Ouais, ma grande! Et faut que je te raconte tout de A à Z! Alors, c’est d’accord pour qu’on se voit demain après-midi?
- O.K., ça marche pour moi! Mais on se retrouve où et quand? »
Puis les deux comparses s’accordèrent sur le lieu et l’heure du rendez-vous du lendemain. Après quelques échanges sur ce qu’ils étaient en train de faire et comment s’était déroulé le reste de leur journée chacun de leur côté, ils raccrochèrent rapidement, Odd ne voulant pas trop en dévoiler à son amie, histoire de ménager un peu le suspens.
« On dirait que ça s’arrange un peu pour toi! » lança Marine.
- « Je sais pas trop. J’appréhende un peu. Il n’a rien voulu me dire. Si ça se trouve, il n’a pas voulu me dire qu’Ulrich ne veut plus me voir. » répondit la belle nippone avec un air perplexe.
- « Ça, ça m’étonnerait bien! De toute façon, tu le sauras demain, quoi qu’il arrive! Et là tu seras fixée sur ce que tu dois faire! » rétorqua son amie en lui faisant un petit clin d’oeil. « Bon, ben moi, faut que j’y aille! J’en connais un qui va commencer à s’impatienter si je tarde trop!
- Allez, file sinon il va encore m’appeler la briseuse de couple! »
Marine prit ses affaires et se dirigea vers la porte d’entrée, accompagnée par Yumi. Elles se dirent au revoir et la japonaise promit à sa meilleure amie de la tenir au courant de l’évolution de la situation. Yumi referma ensuite la porte puis se retourna et s’y appuya en levant la tête, les yeux fermés. Elle repensait à ce que Marine venait de lui dire.
« Si seulement tu pouvais avoir raison... » pensa-t-elle.
Puis elle se ressaisit et se rendit dans la salle à manger pour débarrasser la table et faire la vaisselle. Elle qui n’avait fait que papoter de tout et de rien avec sa meilleure amie toute la soirée, voilà qu’un coup de fil lui avait rempli l’esprit de questions. Vers 23 heures, elle se rendit dans sa chambre et se coucha. Mais un fois fait, impossible de fermer l’oeil sans qu’elle soit submergée par les doutes et les interrogations. Odd n’avait été que trop évasif sur ce qu’il avait à lui dire et le ton qu’il avait employé avait éveillé en elle quelques craintes. Pourquoi Odd voulait-il la voir si rapidement? Ulrich lui avait-il révélé quelque chose qui lui ferait mal à entendre? Ne voulait-il plus la revoir? Était-ce pour cela qu’il avait fuit quand il l’avait aperçue? Avait-il rejeté toute proposition de Odd pour cela? Ou alors souffrait-il toujours de ce qu’elle lui avait fait? Voulait-il qu’elle disparaisse totalement et définitivement de sa vie? Ou bien faisait-elle tout simplement fausse route, bien qu’elle n’y croyait pas trop? Tout cela lui torturait l’esprit. Plus le temps passait, plus elle y pensait et plus elle craignait le pire. Après une bonne demi-heure, c’en était trop. Elle se dressa dans son lit et dit à voix haut:
« J’en peux plus! Faut que je sache! »
Cette dernière demi-heure, elle l’avait passée à se tourner et se retourner dans son lit sans pouvoir trouver le sommeil. Il fallait qu’elle en ait le cœur net immédiatement, sans quoi elle ne fermerait pas l’oeil de la nuit. Elle sortit précipitamment de la chambre et se rendit en quatrième vitesse dans le salon. Elle saisit son portable qu’elle avait laissé sur la table basse et rappela Odd. À peine celui-ci avait-il été déposé par ses amis devant l’entrée de l’hôtel où il était descendu que son portable sonna. À peine eut-il le temps de décrocher qu’il fut assailli de questions:
« Odd, c’est Yumi! T’en a trop dit où pas assez! Alors dis moi ce qu’il t’as dit, s’il te plait! Qu’est-ce qu’il t’a dit? Il veut plus me revoir, c’est ça?
- Hé! Yumi! Calme-toi! » interrompit Odd. « Je t’ai dit que tout c’était bien passé! Alors pourquoi tu t’inquiètes comme ça?
- Odd, s’il te plait! J’ai besoin de savoir! Dis-le moi franchement s’il ne veut plus jamais me revoir! Parce que c’est en train de me rendre folle!
- Ça ne sert à rien de paniquer! Si ça peut te rassurer, à mon avis, il meurt d’envie de te revoir. Mais tu sais comment il est. Sa fierté lui interdit de l’avouer! Par contre, il ne faut pas t’attendre à ce que ça redémarre entre vous exactement comme avant. Il a besoin d’encore un peu de temps pour digérer tout ça. »
Ces quelques phrases avaient suffit à apaiser l’esprit tourmenté de Yumi. Pour seule réponse, Odd eut de sa part un timide:
« Merci, Odd. T’es vraiment un ami.
- Je sais, je sais! Qu’est-ce que vous deviendriez sans moi? Je te le demande » lança Odd. « Bon, c’est pas le tout, mais j’ai un rendez-vous urgent avec Paul, moi!
- Paul? C’est qui, ça?
- Quoi?! Tu connais pas Paul?
- Ben non, je crois pas! Je ne connais aucun Paul, moi!
- Paul Hochon, ça te dit rien??
- Heu... O.K., d’accord... C’est encore une de tes blagues vaseuses!
- Ha, zut! J’ai oublié mes bottes!!!
- Mouais... Heu... Tiens! Là, j’ai comme un violent coup de barre! Je crois que je vais aller me coucher tout de suite, moi!
- Ben, quoi? C’était pas drôle?
- Comment dire? C’est du Odd Della Robia, quoi!
- O.K., ça fait plaisir!
- Si ça peut te rassurer, les grands artistes sont toujours incompris!
- Ha! Enfin quelque chose qui me fait plaisir à entendre! Bon, c’est pas le tout mais j’ai sommeil! On se voit demain, comme prévu?
- O.K., ça marche! À demain, Odd!
- À trois pieds, Yumi!
- Odd!!!
- Bon, O.K., j’arrête! À demain, princesse! »
Et ce fut sur cette dernière blague à deux balles qu’ils mirent fin à leur conversation téléphonique et allèrent tous deux se coucher.
Le lendemain matin, vers huit heures et demi, dans la demeure de la famille Stern, Ulrich fut le premier réveillé. Il était allongé dans son lit à regarder le plafond tout en songeant à la journée qui s’annonçait quelque peu chargée. Qu’avait bien pu prévoir Odd pour lui changer les idées aussi radicalement qu’il le prétendait? Plus il y pensait et plus il se disait qu’il valait mieux ne pas trop se poser de questions car, connaissant Odd, il trouvait que ça sentait le plan foireux. Malgré ses craintes, il allait quand-même se rendre à ce rendez-vous, accompagné de sa cousine, car ce serait une occasion de passer un bon moment avec celui qu’il considérait comme son frère. Au bout d’une quinzaine de minutes, il se leva et se rendit dans la salle de bain pour y prendre une douche chaude pour bien se réveiller. Il en sortit vers neuf heures avec pour seul vêtement une serviette autour de la taille. Il saisit alors quelques vêtements dans la grande armoire de sa chambre et les enfila. Il portait une belle chemise blanche, un pantalon ainsi qu’une veste tous deux gris foncé. Il avait également aux pieds de belles chaussures en cuir qui brillaient. (Sauf peut-être dans le noir. Il n’habite pas à Tchernobyl, non plus!). Quand il fut prêt, il descendit au salon afin d’y prendre son petit déjeuner. Une dizaine de minutes plus tard, il fut rejoint par Lénaïg qui, elle, était encore en peignoir.
« Mais qu’est-ce que tu fais dans cette tenue? T’as pas pris ta douche? » questionna Ulrich.
- « Ben non, je viens seulement de me réveiller! Trois heures de train pour venir, ça fatigue, tu sais! » lui répondit sa cousine la tête encore un peu dans le brouillard. (Qui a dit dans le ***?!)
- « Voilà ce qui arrive quand on reste scotché à son téléphone jusqu’à pas d’heure!
- Quoi?! T’écoute aux portes, toi, maintenant?!
- Pas besoin d’écouter aux portes, ici! On entend très bien à travers les murs même sans y coller son oreille! Heureusement que ta chambre est assez éloignée de la mienne sinon je crois que j’aurais pas pu fermer l’oeil de la nuit!
- Pour une fois je suis bien d’accord avec toi! On devrait fêter ça, tu trouves pas?
- Pourquoi tu dis ça???
- Yumi! Ma Yumi! Je t’aime! Tu es l’amour de ma vie! Pourquoi tu me fais ça? Tu es tout pour moi!... » déclara Lénaïg imitant la voix de son cousin avec un ton implorant.
- « Ouais, bon! Ça va! J’ai compris! » interrompit Ulrich, irrité. « On part dans une demi-heure! Tant pis pour toi si t’es pas prête! »
Puis Ulrich se leva et sortit de la pièce. Lénaïg fit comme si de rien n’était et entama son petit déjeuner.
« Hé ben! Il est bien susceptible, aujourd’hui, le cousin! Aurais-je touché une corde sensible? » pensa-t-elle. « En tout cas, j’ai pas trop intérêt à l’énerver plus sinon je sens que l’ambiance va être bien pourrie toute la journée... »
Vers neuf heures quarante, après quelques coups de klaxon, Lénaïg sortit enfin de la grande maison pour rejoindre Ulrich qui fulminait d’impatience dans sa belle voiture.
« C’est pas trop tôt!! » lui lâcha-t-il alors qu’elle venait de prendre place à sa droite. « J’espère qu’on ne sera pas trop en retard.! »
Puis ils se mirent en route. Pendant le trajet, un silence de plomb régnait dans l’habitacle du véhicule. Au bout d’une vingtaine de minutes, Lénaïg s’aventura à essayer de le briser.
« Dis, on commence la visite par quoi?
- La tour Eiffel, ça te dis?
- On peut pas plutôt la faire en fin d’après-midi, plutôt?
- Si tu tiens tant que ça à te retrouver en plein milieu d’une foule de touristes qui ont la bonne idée d’arriver là-bas tous à la même heure, pourquoi pas! En plus, à ces horaires-là, y a plein de chinois qui n’arrêtent pas de photographier tout et n’importe quoi! On se croirait dans une meute de paparazzis!
- Ha... D’accord! Bon, ben va pour la tour Eiffel! Bon ben faut que je le dise à une copine!
- Fais ce que tu veux... »
Lénaïg saisit alors son portable et envoya un SMS à son amie en question, tandis qu’Ulrich constatait que sa cousine ne pourrait pas survivre plus de quelques heures sans son portable à portée de main. Quarante minutes plus tard, le beau brun engageait son gros engin dans la rue qui menait au collège Kadic. Quand il fut à proximité, il chercha une place le long du trottoir enfin d’y garer son véhicule. Ce fut chose fait à une vingtaine de mètres de l’entrée du lieu de rendez-vous.
« Ho, non! C’est pas vrai!! Pas encore lui!! » pensa soudainement Lénaïg en voyant un homme à la carrure élancée, aux cheveux noirs et aux yeux bruns, qui discutait semble-t-il avec un ami.
Elle commença à essayer de se cacher tant bien que mal dans le véhicule, sous les yeux de son cousin tout étonné de la voir ainsi.
« Je peux savoir ce que tu essayes de faire, là? » lui demanda-t-il.
- J’me planque! Ça se voit pas??
- Ben si! Mais je peux savoir pourquoi tu fais ça?
- Regarde là-bas! Y a mon ex! »
Ulrich jeta un coup d’oeil dans la direction indiquée par sa cousine. Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’il reconnut l’un des deux hommes en question.
« Mais?! Qu’est-ce qu’il fait là, celui-là?! » déclara-t-il.
Il saisit alors son portable dans la poche intérieure de sa veste qui était posée sur la banquette arrière et appela Odd.
« Allô, Odd! C’est Ulrich!
- Ha! Salut, vieux frère! Je suis désolé mais j’ai un peu de retard!
- Merci, j’avais remarqué! Dis, à quoi tu joues, là??
- Comment ça? Je comprends pas!
- Ton plan foireux!
- Mon plan foireux?? Quel plan foireux?? Explique-toi!
- Devant l’entrée de Kadic, il y a deux gars en train de discuter. Et parmi eux, il y a cette espèce de c****rd de...
Ulrich n’avait pas eu besoin d’en dire plus que Odd avait compris la situation. Car une seule et unique personne au monde était capable de le faire enrager à ce point.
« Bouge pas, Ulrich. Je ne suis plus très loin de Kadic. J’arrive dans deux minutes. » déclara Odd, craignant une rixe entre les deux hommes.
Il raccrocha et pressa le pas aussitôt afin de rejoindre au plus vite son ami. Dans la grosse voiture, Ulrich bouillait littéralement à ma vue de l’homme en question tandis que Lénaïg essayait de se soustraire du mieux qu’elle pouvait du champ de vision de son ex. Cela faisait à peine trente secondes qu’Ulrich et Odd avaient raccroché que le beau brun enrageait rien qu’à la vue de celui qu’il considérait comme un intrus dans le paysage. Il se décida à aller à sa rencontre et ouvrit la portière.
« Hé! Mais qu’est-ce que tu fais?? » lui demanda Lénaïg.
- « Je vais régler un vieux problème. » répondit-il.
- « Fais gaffe de pas ramener mon ex trop près de la voiture, s’il te plait...
- T’inquiète pas, ça va bien se passer! Enfin... Pour moi! »
Puis il sortit de la voiture et se dirigea vers les deux hommes. L’un deux remarqua Ulrich et le reconnut. Il mit fin à sa discussion avec son ami et tous deux se séparèrent. Ulrich et l’homme se rapprochaient de plus en plus. Au même instant, Odd fit son apparition au coin de la rue. Il s’arrêta net lorsqu’il reconnut l’individu que son ami avait mentionné plus tôt, accompagné d’une flopée de noms d’oiseaux.
« Mais qu’est-ce qu’il fout là, celui-là?! Il va faire foirer mon plan, ce c**!! » pensa-t-il. « Faut que je dépêche sinon j’en connais un qui va regretter de s’être trouvé là!! »
Puis il se remit en marche vers les deux hommes qui n’étaient plus qu’à quelques mètres l’un de l’autre.
« Hé! Salut Ulrich! Si je m’attendais à te revoir ici!! Comment ça va? Ça va? » dit l’homme en lui tendant la main.
- Ça pourrait aller beaucoup mieux! Dis, je peux savoir ce que tu fais ici?
- Moi, j’avais rendez-vous avec quelqu’un devant Kadic à dix heures mais visiblement on m’a posé un lapin! Et toi? »
En entendant cela, Ulrich, qui fulminait déjà rien qu’à cause de la présence de son interlocuteur, sentit que la moutarde lui montait sacrément au nez.
« Odd, je te jure que je vais te tuer!! » pensa-t-il. « Et toi, espèce de c****rd, faut toujours que tu te retrouves en travers de ma route! Décidément, tu peux pas t’empêcher de me pourrir la vie!! »
L’homme regarda un instant par dessus l’épaule d’Ulrich et lui demanda:
« Dis, elle est à toi la grosse voiture noire, là-bas?
- Ouais! Pourquoi? T’es jaloux??
- Non, c’est pas ça! On aurait dit qu’il y a quelqu’un dedans!
- Je l’aurais su s’il y avait quelqu’un dedans!
- Mais si je te jure! Regarde! Y a un truc qui remue dedans!
- Et moi je te dis qu’il n’y a rien!
- Viens voir avec moi! Je te dis qu’il quelqu’un dedans! » lui dit l’homme qui se dirigea vers la voiture en prenant Ulrich par le bras.
- « Hé! Ne t’avise pas de t’en approcher! Tu serais capable de la dégueulasser rien qu’en la regardant! » déclara Ulrich tandis que l’autre homme continuait sur sa lancée. « Hé t’entends ce que je te dis!!! »
C’était peine perdue pour Ulrich car son interlocuteur était déjà à proximité du véhicule. Il constata la présence d’une jeune femme aux cheveux longs et châtains qui se cachait le visage.
« C’est pas vrai! C’est la fin des haricots! Les carottes sont cuites! Y a du pétrole dans le chou-fleur!Ça sent le fumier! Il va me reconnaître! » se disait-elle en voyant l’homme se rapprocher du véhicule.
L’homme regarda de plus près la jeune femme. L’espace d’un instant, avec le peu qu’il pouvait voir de son visage, il crut la reconnaître.
« Léna? C’est toi? » demanda-t-il, surpris de sa présence dans la voiture d’Ulrich.
- « Non, c’est pas moi! Tu fais erreur! » répondit-elle.
- « Léna, arrête de mentir! Je t’ai reconnu! Sors de là!
- Non, Willou! Je ne veux plus te voir! Va-t-en! » dit-elle en fermant alors les portes à clé.
- « Willou?? » firent simultanément Ulrich et Odd, ce dernier venant tout juste d’arriver sur les lieux.
Les deux hommes se regardèrent, éberlués par ce qu’ils venaient d’entendre. Ces deux-là se connaissaient donc et, qui plus est, avaient été ensemble. C’en était trop pour Ulrich qui commençait à en avoir assez de le trouver une fois de plus sur son chemin.
« Dis donc, William Dumbar! D’abord tu me pourris la vie en t’immisçant entre moi et Yumi. Et là tu essaies de t’incruster dans ma famille en sortant avec ma cousine! Tu trouves pas que ça fait un peu trop, là?! Tu commence sérieusement à me taper sur le système! J’m’en vais te montrer de quel bois j’me chauffe, histoire que tu me lâche la grappe! » déclara-t-il, excédé.
- « Hein?! Quoi?! Léna, c’est ta cousine?? » fit ce dernier, visiblement interloqué.
- « Fait pas semblant d’être étonné. Une fille dont le nom de famille est Stern, toi, ça te met pas la puce à l’oreille?!
- Heu... »
William n’eut pas le temps de dire un mot qu’Ulrich, ne se sentant plus, lui expédia une salade de doigts façon pentchak silat droit dans la figure. William, n’ayant pas eu le temps de réagir en tomba sur les fesses. Odd se précipita sur son ami afin de le calmer et de retenir un autre de ses coups tandis que Lénaïg était sortie de la voiture pour prendre soin de William qui se tenait la mâchoire.
« Willou! Ça va?
- Léna, je t’aime! Reviens avec moi! S’il te plait!
- William, j’ai besoin de prendre du recul sur notre relation. J’ai besoin de réfléchir sur nous deux. J’ai l’impression d’étouffer, tu comprends?
- Oui, mais moi, je t’aime. Je ne peux pas vivre sans toi. Je n’arrive plus à rien quand tu n’es pas là. Si tu veux, je ferais tout ce que tu veux, je serais là tout le temps quand tu le voudras, et même quand tu ne le voudras pas. Je serais ton petit toutou...
- Justement, c’est ça le problème! T’as aucune volonté! T’es mou! Tu fais vraiment tout ce que je veux! Tu me colle trop! J’étouffe, tu comprends!!! Il me faut de l’air, beaucoup d’air! Surtout quand t’es là! »
Lénaïg s’était relevée en disant cela alors que William, lui, s’était agrippé à sa jambe et continuait à l’implorer pathétiquement, les yeux pleins de larmes et avec un air de chien battu. Ulrich et Odd, qui observaient la scène, étaient partagés entre l’envie de rire, celle de plaindre William et celle de lui coller des baffes tant il était pathétique et fatigant.
« Beurk! Ça, c’est moche! » déclara Odd.
- « Ouais, vraiment moche! Et le pire, c’est que c’est pas le premier! » renchérit Ulrich.
- « Heureusement que tu m’as prévenu!
- Depuis le temps, tu devrais le savoir! Quand je dis qu’il y a un truc louche, c’est parce qu’il y a vraiment un truc louche!! Alors? T’es calmé, là?
- Honnêtement, je ne la voyais pas comme ça, ta cousine!
- Maintenant, tu sauras! »
Puis Odd regarda sa montre. Il vit qu’il était déjà presque onze heures. Il en fit part à Ulrich qui, voyant de sa cousine avait du mal à se débarrasser de son pot de colle, se rapprocha d’elle et prit par le colback.
« Dis donc, Willou chéri, t’arrive pas à comprendre ce qu’elle te dit ou quoi?! Lâche-lui la grappe sinon je vais devoir te faire ta fête façon quatorze juillet en avance! Un vrai feu d’artifice en plein jour, si tu vois ce que je veux dire! » lui dit-il en le secouant comme certaine le font avec les pommiers et d’autres avec les cocotiers...
Puis il le lâcha et William s’affala sur le sol sans même réagir, regardant les trois acolytes monter à bord de la voiture d’Ulrich. Lénaïg et son cousin reprirent leur place et Odd monta à l’arrière. Quelques instants plus tard, ils s’en allèrent et prirent la direction du Champ de Mars de la tour Eiffel tandis que sur le trottoir, une silhouette fit son apparition derrière William.
« William? C’est toi? Mais qu’est-ce qu’il t’arrive? »
Dans le véhicule, les questions fusaient à propos de William et Lénaïg, la manière dont ils s’étaient rencontrés, et tout le reste. Elle fut rapidement fatiguée d’avoir à subir cet interrogatoire en bonne et due forme. Elle décida d’envoyer promener les deux hommes sans ménagement tout en ajoutant qu’elle aurait aimé ne plus avoir à en parler avant longtemps. Une dizaine de minutes plus tard, Ils arrivèrent à proximité de leur destination et garèrent le véhicule dans une petite rue tranquille. Ils finirent le trajet à pied. Quand ils arrivèrent aux pieds de la tour Eiffel, les deux hommes furent surpris de voir qu’une amie de Lénaïg les attendait. Elle leur avait fait signe et Lénaïg, en la voyant, s’était précipitée vers elle alors qu’ils étaient tous les trois à quelques dizaines de mètres d’elle. De loin, Ulrich avait l’impression de l’avoir déjà vue mais il ne savait pas où. Odd, lui, la trouvait déjà bien à son goût. Elle portait une sorte de grosse casquette grise qui camouflait ses longs cheveux noirs et allait bien avec son teint si particulier. Mais alors qu’ils n’étaient plus qu’à une petite dizaine de mètres des deux jeunes femmes toutes en joie de se retrouver, Ulrich et Odd s’arrêtèrent tout net. Ils l’avaient tous deux reconnue. Depuis le temps qu’ils ne l’avaient plus revue, elle n’avait pas beaucoup changé.
« Ulrich! Ne me dis pas que c’est...
- Si si, c’est bien elle... »
La jeune femme vit alors Odd. Malgré sa nouvelle couleur de cheveux, elle l’avait reconnu du premier coup. Elle le regardait fixement, elle était sous le charme, tout comme Odd était sous le sien d’ailleurs. Lénaïg prit le bras de sa meilleure amie et l’entraina vers les deux hommes.
« Bonjour, Odd. Ça faisait longtemps!
- Salut,... »
« Bonjour, Odd. Ça faisait longtemps!
- Salut, Sam! »
Il était toujours autant sous le charme de la belle métisse. À tel point qu’il ne savait plus trop quoi lui répondre. Il était tout fébrile rien qu’à l’idée qu’elle se tenait juste en face de lui. Son cœur battait la chamade. Il ressentait une impression étrange, comme un mélange de joie de la retrouver, même de façon aussi impromptue, d’intimidation et d’admiration, car Sam lui avait toujours fait cet effet quand ils étaient tous les deux ensemble. Et Lénaïg dans tout ça? Il n’en avait plus que faire. Le seul véritable amour de sa vie était là devant lui et, cette fois, il n’était pas décidé à la laisser s’en aller comme ça. De son coté, Sam était exactement dans le même état. Ulrich et Lénaïg, tous les deux stupéfaits par leur découverte, se mirent un peu à l’écart des deux amoureux transis.
« Dis donc! Depuis quand tu connais Sam, toi? » demanda Ulrich, encore abasourdi.
- « Ben c’est plutôt à vous deux que je devrais poser la question!
- Odd et moi, on la connait depuis le collège. Ça devait être en quatrième ou en troisième, je ne me rappelle plus trop bien. Elle était dans un autre collège que nous mais Odd a quand même réussi à sortir avec elle. Jusqu’à ce qu’elle déménage pour partir dans le Sud. Et toi, comment tu l’as connue?
- Ben moi, faut croire que c’était juste après vous, quand j’étais en internat à côté de Marseille.
- Ha, oui! Je me rappelle! C’était en plein dans ta période "True Rebelz de la mort qui tue"!!!
- Mouais bon... Mais toi, c’était combien de temps avant ta période "Ouin! Je suis désespéré! L’amour de ma vie, le seul, l’unique, vient de me plaquer pour un super blaireau qui a tout de moins que moi!"
- Heu... Sans vouloir te vexer, je crois que t’es sorti avec très récemment le super blaireau en question...
- Quoi?! Tu veux dire que c’était...
- Ton "Willou chéri d’amour"!
- Nan! Tu déconnes, là!
- Pas le moins du monde!
- Alors ça! Je ne lui pardonnerais jamais!
- Heu... On t’a jamais dit que t’étais un peu bizarre dans ton genre, toi??
- Comment ça?
- Ça s’est passé avant que tu le connaisse, tu sais?
- M’en fout! Faut pas faire chier les membres de ma famille! C’est tout! La prochaine fois que je le vois, ça va barder! Et il va s’en souvenir longtemps!
- Je peux t’aider pour ça, si tu veux!!
- Si tu compte faire comme ce matin, il ne vaux mieux pas! Je préfère largement ma méthode à la tienne! Certes, c’est moins expéditif mais on s’en souvient très longtemps!
- Comme tu veux! Mais si t’as besoin d’aide, n’hésite pas! »
Puis le beau brun et sa cousine se retournèrent vers Odd et Sam. Sur le coup, ils furent surpris par la tournure que les événements avaient pris entre eux alors qu’ils ne les avaient laissés tous les deux que quelques instants.
« Miam miam! De la soupe de langues! » lança Lénaïg sur un ton moqueur.
- « Dis, Odd! Tu pourrais quand même laisser Sam respirer un peu!! » renchérit Ulrich, toujours aussi épaté par la rapidité de son ami dans ce domaine.
- « Faudrait peut-être penser à arrêter sinon vous n’aurez plus faim ce midi!! »
Mais les deux tourtereaux ne l’entendaient pas de cette oreille et, entre deux tours de langues, Odd fit un signe aux deux autres afin qu’ils se taisent, sans pour autant cesser d’embrasser sa dulcinée. Le genre de signes qu’on fait quand on fait quand on est enfant et qui signifie "ferme donc ta boite à camembert!". (Hou là!! Où ai-je donc été chercher ce vieux relent de puérilité, moi???). Cela eut pour effet de faire éclater de rire Lénaïg et son cousin. Puis Sam et Odd se décollèrent l’un de l’autre. Puis Odd posa son front contre celui de Sam. Ils se regardaient amoureusement dans les yeux avec un petit sourire aux lèvres car la situation les avaient eux aussi quelque peu amusés.
« Bon alors? On se la visite, cette tour Eiffel, oui ou non? » questionna Ulrich.
- Plutôt deux fois qu’une! » répondit Odd heureux comme jamais.
Et ce fut ainsi qu’ils se dirigèrent vers l’un des guichets pour prendre leurs tickets d’entrée. Une fois cette formalité accomplie, ils prirent tous les quatre l’ascenseur pour se rendre directement au troisième étage de l’édifice d’acier. Arrivés à destination, ils se laissèrent aller à admirer la vue splendide qui s’offrait à eux. Lénaïg était subjuguée par tous ces monuments qu’elle pouvait apercevoir de plus ou moins loin. Elle n’en avait jamais vu de pareille. L’Arc de Triomphe, le Sacré Cœur, Notre-Dame, l’Obélisque de la Concorde, le Louvre, la Tour Montparnasse, le Panthéon, et tant d’autres dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Odd et Sam étaient comme scotchés l’un à l’autre, regardant dans la même direction. Ulrich les observait tous les deux. Il était heureux pour son ami mais éprouvait aussi une certaine mélancolie. Il ressentait même une espèce de vide à ses côtés, comme s’il s’agissait de l’absence de celle qu’il avait tant aimé auparavant.
Le temps passa quelque peu. Le quatuor poursuivit sa tournée des monuments de Paris par l’Arc de triomphe. Vers midi et demi, ils en ressortirent et entamèrent la descente des Champs Élysées. Ils s’arrêtèrent aux environs du milieu de l’avenue pour rentrer dans un restaurant afin d’y déjeuner. Celui-ce se déroula dans la joie et la bonne humeur. Après une bonne heure à table, au moment de reprendre la visite, Ulrich demanda:
« Bon, alors, on continue avec quoi comme monument, maintenant?
- Et si on se faisait les quais de Seine et ensuite Notre-Dame. Ça serait bien, vu qu’on est dans la bonne direction. Non? » proposa Odd.
Les trois autres acquiescèrent et tous les trois se mirent en route. Odd et Sam étaient toujours aussi inséparables. Lénaïg, elle, avait des étoiles plein les yeux tant elle était émerveillée par la beauté des monuments auprès desquels elle passait à proximité. Les Petit et Grand Palais, les divers ponts, l’Obélisque de la Concorde, le jardin des Tuileries, le Louvre, son Carrousel et sa pyramide de verre. Et, sur l’autre rive, le musée d’Orsay, le palais de l’Assemblée Nationale (Je ne me rappelle plus de son nom...), et par dessus les toits, le sommet de la tour Eiffel et le dôme des Invalides. Vers quinze heures trente, ils arrivèrent enfin au pied de Notre-Dame.
« Ça vous dit de monter jusqu’en haut? » proposa Odd.
- « Y a un ascenseur, au moins? » lui demanda Lénaïg.
- « Ben, non, pas trop! Les ascenseurs, c’était pas trop leur trip, aux bâtisseurs de cathédrales, tu sais!
- Bon ben dans ce cas, ça sera sans moi! » répondit la jeune femme. « C’est pas que je m’ennuie, bien au contraire, mais je crois que j’ai besoin d’une pause parce que je commence à avoir mal aux jambes!
- T’as raison! » poursuivit son cousin. « Ça sera déjà pas mal si on visite le rez-de-chaussée! »
Ils s’y engouffrèrent tous les quatre et en ressortirent une vingtaine de minutes plus tard. Lénaïg avait toujours autant d’étoiles dans les yeux malgré une douleur aux jambes qui devenait de moins en moins supportable. Puis Odd proposa à ses amis de faire une petite pause dans un petit bar de sa connaissance sur une petite place dans le quartier latin tout proche (de l’autre côté de la Seine). Le petit groupe s’y rendit en moins de cinq minutes et Lénaïg put rapidement y soulager sa douleur. Ils s’installèrent en terrasse pour profiter des premiers beaux jours (je ne sais plus si je l’ai mentionné quelque part auparavant, mais ça se passe entre la fin mars et le début mai). Un des serveurs prit leur commande puis revint quelques minutes plus tard pour les servir. La discussion allait bon train dans le petit groupe. Au bout d’un moment, Lénaïg s’éclipsa pour satisfaire à un besoin urgent à l’intérieur du petit bar tandis que les trois autres étaient restés attablés. Et très vite, Odd voulut également sortir de table accompagné de Sam avec comme mauvais prétexte celui d’aller payer immédiatement la note.
« Ça fait à peine quelques heures qu’ils se sont retrouvés qu’ils sont déjà inséparables, ces deux-là! » pensa le beau brun.
Mais au moment ou Odd s’était levé pour partir, Ulrich remarqua que son ami venait de faire un clin d’oeil à quelqu’un qui se trouvait derrière lui. Il se retourna pour voir de qui il s’agissait. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit qui c’était. Elle se tenait là, à quelques mètres derrière lui, immobile. Comme si elle craignait sa réaction. Et lui, il était comme figé, ne sachant pas comment réagir face à elle. Puis il eut comme un éclair de lucidité dans ce vide si profond qui avait pris place dans son esprit. C’était cela que Odd avait manigancé et pour lequel, d’après son ami, il l’aurait remercié plus tard. Elle décida de s’approcher de lui, voyant qu’il ne bougeait plus, ne s’attendant pas à la voir ici.
« Salut, Ulrich. » fit-elle timidement.
« Salut, Ulrich. » fit-elle timidement.
Lui ne savait pas quoi répondre. Il la regardait alors qu’il était pétrifié, incapable de faire le moindre mouvement tant il était surpris de la voir se tenir là. Il ne pouvait non plus ne serait-ce que bredouiller un seul mot. Chaque fois qu’il la voyait, c’était la même chose. Il avait l’esprit totalement vidé de la moindre pensée, du moindre soucis ou tracas, combien même cela lui avait pris la tête avant qu’elle ne se présente devant lui. Cette fois, il se ressaisit assez vite. Il n’avait plus envie de fuir face à elle, se remémorant ce que Odd lui avait dit la veille. Seule sa timidité naturelle le retenait encore sur sa chaise au lieu d’aller vers elle. Il ne savait pas trop quoi faire. Il ressentait un mélange de joie et d’appréhension. Elle n’était plus qu’à deux ou trois mètres de lui quand, brusquement, il sentit des bras se poser sur ses épaules pour lui serrer tendrement le coup. Puis une douce voix féminine se fit entendre dans le creux de son oreille droite. Il se tourna, l’air surpris, vers la demoiselle qui lui avait susurré quelques mots à l’oreille. Il se retourna vers la belle nipponne qui était venue à sa rencontre. Des larmes avaient perlé dans ses beaux yeux couleur onyx. Il les avait remarqué mais à peine eut-il le temps de se défaire de la douce étreinte de sa cousine pour se lever et aller à sa rencontre qu’elle déclara, toute perturbée qu’elle était par cette image de lui avec une autre:
« Je suis désolée, j’aurais pas dû... »
Puis elle fit demi tour avant de s’éloigner en courant. Pour seule réaction, Ulrich, qui se tenait enfin debout, ne prononça que ces quelques mots:
« Non, Yumi! Attends! C’est pas ce que tu crois! »
Il la regarda s’éloigner sans bouger, comme s’il était resté impuissant face à la tournure des événements. Odd, qui surveillait de temps en temps du coin de l’oeil le déroulement de la rencontre, remarqua la présence auprès d’Ulrich de quelqu’un qui n’aurait en aucun cas dû se trouver à cet endroit à cet instant aussi crucial pour ce couple qui ne l’avait jamais vraiment été. Il s’était précipité vers eux afin d’éviter le drame mais en vain. Yumi venait tout juste de tourner les talons lorsqu’il arriva derrière son ami. Il remarqua qu’Ulrich n’allait rien tenter de plus pour la retenir.
« Mais qu’est-ce que t’attends?! Rattrape-la!! Elle n’attend que ça!! Fonce sinon tu vas la perdre pour de bon!! » lui dit-il.
Ulrich ne se fit pas prier. Il prit aussitôt la direction qu’avait empruntée Yumi. Il traversa la place où se trouvait le café en diagonale avant de s’enfoncer dans une petite rue étroite mais très fréquentée. Il ne l’apercevait pas tant le flot des passants était dense. Il bousculait sans ménagement quelques uns d’entre eux mais il n’avait que faire des réactions que son passage suscitait. Il n’avait qu’une seule idée en tête, la retrouver coûte que coûte et tout lui dire. Vraiment tout. Aussi bien le quiproquo de la situation que ce qu’il avait sur le cœur depuis toutes ces années. Ce qu’il ignorait, c’est qu’elle était à peine à une vingtaine de mètres devant lui. Mais il ne pouvait pas l’apercevoir tant la petite rue était bondée de monde. Et elle, dans sa tête, elle était désespérée.
« Je suis vraiment trop conne! » pensait-elle. « J’aurais dû m’en douter! Odd m’avait pourtant prévenu! C’est ça qu’il a voulu dire quand il a dit qu’il ne fallait pas que je m’attende à ce que ça ne reparte pas comme avant! Pourquoi je me suis fait des films aussi idiots?? Mais qu’est-ce que j’avais dans la tête pour oser espérer que ça redémarre entre nous?? Quelle idiote, quelle idiote quelle idiote!! Fallait bien que je m’y attende! »
Elle avait beau les sécher, ses yeux étaient toujours inondés par ces larmes qui ne voulaient cesser de couler et de se déverser le long de ses joues. Dans sa course, elle ferma les yeux à peine quelques fractions de secondes lorsqu’elle heurta quelqu’un. Elle s’accrocha à ses bras afin de ne pas tomber à la renverse.
« Yumi?? C’est toi?? Ça alors!! Ça fait un bail qu’on s’est pas vu! » lui dit l’homme avec lequel elle venait d’entrer en collision.
Yumi le dévisagea et le reconnut aussitôt. Lui aussi était là, dans le même quartier qu’elle et Ulrich. Mais par quel heureux hasard était-il là? (Par celui de l’auteur, évidemment!!!). Après tout elle s’en fichait. Ce dont elle avait besoin dans l’immédiat, c’était de l’épaule de quelqu’un qui avait été un ami il y a bien longtemps. L’homme remarqua l’état dans lequel elle se trouvait.
« Qu’est-ce qui t’arrive? Pourquoi tu pleures, Yumi?
- Ho, si tu savais! » lui dit-elle en posant sa tête contre le torse de l’homme.
Elle continuait à pleurer à chaudes larmes. Elle avait besoin d’évacuer toute sa peine et sa douleur. À quelques mètres de là, à la faveur d’une percée dans la foule des badauds, Ulrich l’aperçut enfin. Mais ce qu’il vit le fit s’arrêter tout net. C’était la scène qu’il avait toujours redouté de voir. Elle dans ses bras à lui! Il n’en fallait pas plus pour qu’il enrager en un quart de tour.
« C’est pas vrai!! Encore toi!! Cette fois, ça va pas se passer comme ça!! » pensa-t-il.
Il avait pris le temps d’analyser les informations que son meilleur ami avait donné au sujet de la femme de sa vie. Et il savait que cette fois elle ne risquait pas de tomber dans les bras de son rival. Il était bien déterminé à ce que cela ne se passe pas, une fois de plus, comme s’il n’avait rien tenté pour que cela marche entre eux deux.
« Ulrich! Ulrich!! » entendit-il derrière lui.
Il se retourna et vit sa cousine toute essoufflée arriver à sa hauteur.
« Excuse-moi, Ulrich! Je ne savais pas que c’était elle! Je vraiment désolée! Odd ne m’avais pas mise au courant! Si j’avais su, je n’aurai rien fait » lui dit-elle.
Il se retourna pour jeter un coup d’oeil en direction de celle qu’il avait attendu toutes ces années. Il était dans un état de rage tel qu’il commença à enlever sa veste.
« Hé! Mais qu’est-ce que tu fais?? » lui demanda Lénaïg, étonnée par le comportement de son cousin.
- « T’inquiète pas! Tiens moi ça deux secondes s’il te plait! » lui répondit-il en lui tendant sa veste.
- « Hé! Mais où tu vas?? »
À peine avait-elle fini de prononcer ces mots qu’Ulrich avait déjà retroussé les manches de sa chemise et était parti en direction de Yumi et de l’homme qui l’étreignait. Lénaïg écarquilla en voyant le couple vers lequel se dirigeait son cousin. Elle comprit aussitôt la raison pour laquelle ce dernier semblait agir anormalement. Une fraction de seconde plus tard, Ulrich sépara énergiquement le couple en criant à l’homme:
« Toujours prêt à me pourrir la vie, toi!! Hein?! Ça commence à bien faire!! Le petite leçon de ce matin t’as pas suffit, apparemment!! Je m’en vais te faire passer l’envie de recommencer, moi!! Tu t’en souviendras longtemps, tu vas voir!! »
En disant cela, Ulrich en profitait pour lui administrer quelques soins buccodentaires à sa façon, faisant ainsi voler quelques plombages accompagnés de leur support. À tout cela, il adjoignit quelques soins d’ordre esthétique au faciès de celui qui fut un temps son rival, lui refaisant ainsi le nez ainsi qu’une magnifique coloration rouge à l’oeil gauche accompagnée d’un renflement cutané au même endroit. (En clair: dents qui volent, nez cassé et oeil au beurre noir). Il avait fait tout cela sans que son adversaire ne prenne le temps ni la peine de réagir. Mais alors qu’il était en pleine séance de chirurgie esthétique, Ulrich sentit une main retenir la sienne.
« Ulrich! C’est bon! Arrête! Je crois qu’il a eu son compte pour aujourd’hui! »
C’était Odd qui venait de lui dire cela. Lui et Sam l’avaient également suivi, au cas où il lui viendrait à l’idée de faire une grosse bêtise. Et ils avaient bien eu raison. Sam, quant à elle, maintenait Yumi un peu à l’écart, ainsi que Lénaïg. Une fois que Ulrich fut calmé par son ami, Lénaïg ne résista pas un instant et se précipita vers celui qui avait reçu les coups de son cousin.
« Willou!! Mon Willou!! Ça va? Tu souffres pas trop? » lui dit-elle, en lui caressant son visage légèrement boursoufflé.
Mais William ne put donner une réponse cohérente et sensée car il était à demi inconscient tant Ulrich avait mis du cœur à l’ouvrage dans cette altercation.
« Dis donc, cousin! T’aurais pu y aller mollo, quand même! Tu me l’as pas mal amoché, là! » déclara Lénaïg en constatant l’étendue des dégâts.
Alors que Lénaïg n’avait même pas fini de prononcer ces quelques paroles, Yumi n’en revenait pas des premiers mots qu’elle venait d’entendre. Elle resta figée devant Sam, la regardant dans les yeux.
« C’est... C’est... Sa cousine??? » lui dit-elle, abasourdie par la nouvelle.
- « T’as tout compris! » répondit Sam.
- « Mais quelle idiote!! J’aurais dû m’en douter!! C’est évident qu’ils se ressemblent, tous les deux! Je suis vraiment trop bête!!
- Mais non! Dis pas ça! Ça peut arriver à tout le monde de louper des choses aussi évidentes soient-elles sous le coup de l’émotion! »
Pendant que la belle métisse réconfortait la belle nipponne, la discussion entre les deux Stern continuait son cours.
« La prochaine fois, tu fais gaffe de pas trop l’amocher!
- M’en fout! Il a eu que ce qu’il mérite! Et encore, j’ai pas vérifié si le compte y était!
- Ouais mais là... Il louche comme un gros teubé! T’as vu l’air débile qu’il a, maintenant?!
- Ho, si c’est que ça, faut pas t’inquiéter! Il a toujours eu cet air là! C’est un peu comme une seconde nature chez lui!
- Qu’est-ce que je vais en faire, moi, maintenant? Déjà que c’était un vrai paillasson, avant! Alors maintenant...
- T’as qu’à le donner à Émmaüs! Ils pourront peut-être le recycler en balayettes à chiottes! Les poils de Dumbar sont recommandés par tous les spécialistes, tu sais! C’est très efficace pour décoller les "traces de pneus" les plus récalcitrantes sans rayer la cuvette, paraît-il!!
- Bon, ça va! Il en a eu assez, là, tu crois pas?! Je sais que tu ne peux pas le voir en peinture et que je le ménage pas en ce moment mais j’y tiens un peu, quand même, à mon Willou!
- Ouais, ben avec lui, un peu, c’est déjà beaucoup trop! Tu lui donne la main et il te prend le bras!
- Bon? C’est bon? T’es calmé, là, Ulrich? » interrompit Odd en desserrant ses mains qui retenaient les poings de son ami.
- « Ouais. C’est bon. Tu peux me lâcher. » fit l’intéressé qui avait visiblement fini de déverser son flot de haine et de rancœur envers William dans ces derniers mots.
À l’instant même où Odd avait totalement libéré Ulrich, William, qui était affalé sur le sol, en plein milieu de la ruelle avec Lénaïg à ses côtés, revenait à lui.
« Négna? Ch’est koi? » demanda-t-il (dents + nez pétés, faut pas s’attendre à des miracles!!!)
- « Gné?? Qu’est-ce que tu dis??
- Gneu ke gueumangais gnuste ch-i ch’était bien koi.
- Ben bien sûr que c’est moi, banane!! Qui veux-tu que ce soit d’autre?? Et puis, sois gentil, mon Willou. Articule quand tu pètes!
- Ha, ma Négna! Ch-i ku ch-avais comme gneu ch-uis heureux que ku ch-ois nà, à côké gueu moi! Mromets-moi qu’on ch-era kougnours ench-emble kout nes gueux, koi et moi, et que gnamais rien ne nous ch-émarera!
- Hou là! Minute, mon gars! T’as oublié quelque chose, là! De un, c’est pas parce que je prends soin de toi que tout repart comme avant! Et de deux, qu’est-ce que tu faisait avec cette fille dans tes bras?? Hein?? » rétorqua Lénaïg en montrant Yumi du doigt par dessus son épaule gauche.
William, qui avait la tête posée sur les genoux de Lénaïg, se redressa pour voir de qui elle parlait et vit la belle japonaise, qui avait l’ait vraiment mal à l’aise face à toute cette situation bien étrange dans laquelle elle avait entrainé tout le monde bien malgré elle.
« Gn’ai rien fait, moi!!
- Menteur! Je t’ai vu!!
- Ch’est mas moi! Gneu ke le gnure! Ch’est enne qui ch’est gneukée ch-ur moi!
- C’est ça! Continue à me prendre pour une conne, je te dirais rien!! Et puis, arrête de me postillonner dessus! C’est dégueulasse!!
- Mais ch’est na vériké!! K’as qu’a gueumanguer à Gnumi! Enne ke ne guira!
- Je vais me gêner, tiens! Et puis d’abord, qu’est-ce que tu faisais dans le quartier, d’abord?? Hein??Tu me suivais, c’est ça??
- Mais non, gneu ke ch-uivais mas! Gn’étais venu mour mrengre un kruc mour toi! » dit-il en fouillant dans une de ses poches.
Puis William se mit à genoux devant Lénaïg qui s’était relevée. Il sortit de sa poche un étui qu’il ouvrit aussitôt, laissant ainsi apparaître une belle bague en or avec un énorme diamant dessus. Lénaïg écarquilla les yeux.
« Mais qu’est-ce qu’il est en train de me faire, là » se demanda-t-elle, toute paniquée.
Puis, continuant sur sa lancée, William lui fit une déclaration:
« Négna, gneu k’aime à na fonie. Veux-ku m’émouser? »
Lénaïg était toute déboussolée. Elle n’en revenait pas de ce qu’elle venait d’entendre. Ulrich et Odd non plus. Ils se regardaient, tous deux aussi abasourdis l’un que l’autre.
« Dis donc! Tu l’as sacrément poqué, là, le Willou!! » dit Odd avec une pointe d’ironie.
- « Ouais! Finalement, je crois qu’il a eu sa dose... Maintenant, y a plus qu’à l’interner! » rétorqua Ulrich.
Pendant ce temps, Lénaïg avait repris ses esprits.
« Non mais attends! T’as rien compris, là, Willou! » déclara-t-elle. « Je t’ai déjà dit cent fois que j’avais besoin d’air! Tu m’étouffes! T’es pire qu’une sangsue! T’es toujours collé à moi! Un vrai petit toutou! Tu m’empêche de respirer! Tu peux comprendre ça, non?! J’ai besoin de prendre du recul sur notre relation, et c’est pour ça que je me suis éloigné de toi! Mais toi, comme d’habitude, t’as pas pu t’empêcher de venir me scotcher! T’es soulant, à la fin!! »
Odd contemplait le drôle de spectacle qui s’offrait à lui. Tout cela le faisait doucement sourire.
« Quel duo détonnant, ces deux là! J’aimerais pas me retrouver entre les deux! » fit-il en tournant la tête vers Ulrich. « Hé! Mais Ulrich! Où tu vas??
- J’ai besoin d’être seul un moment... »répondit le beau brun qui avait commencé à tourner les talons quelques secondes auparavant, le pas lent mais assuré.
Il avait énormément honte de ce qu’il venait d’infliger à William. Il n’avait pas pu se maitriser. C’était plus fort que lui. Chaque fois qu’il voyait William à proximité de Yumi, il démarrait au quart de tour. Mais là, il avait bien vu qu’il n’avait rien à craindre de sa part. Il était littéralement dingue de sa cousine et Yumi était allée vers lui en le voyant assis à la terrasse du café. Il n’osait plus regarder Yumi dans les yeux après ce qu’il venait de faire. Et après ce qu’elle venait de voir, voudrait-elle encore aller vers lui, comme elle venait de le le faire? La déclaration que William venait de faire à Lénaïg avait également fait remonter en lui quelques souvenirs douloureux accompagnés de leur lot de regrets.
Yumi, quant à elle, ne savait pas trop quoi faire. Et une fois de plus, elle le regardait s’éloigner. Elle n’avait qu’une seule crainte, c’était que finalement il ne veuille plus la revoir après ce qui venait de se passer. Elle était toujours dans les bras de Sam, qui l’avait quelque peu réconfortée.
« Yumi! » fit Odd, discrètement.
Elle tourna la tête vers lui et vit qu’il lui faisait signe d’aller rattraper Ulrich. Elle hésita un instant.
« Non! Cette fois-ci, je dois y aller! Je ne le laisserais pas s’en aller sans lui dire! » pensa-t-elle.
Puis elle s’extirpa des bras de Sam, qui ne s’y opposa pas, et courut derrière Ulrich pour le rattraper, alors que celui-ci était déjà à une dizaine de mètres.
« Ulrich!... Ulrich! Attends! » dit-elle d’un ton inquiet.
« Ulrich!... Ulrich! Attends! » dit-elle d’un ton inquiet.
Lui ne l’avait pas entendu, tout perdu dans ses pensées qu’il était. Quelques secondes après qu’elle ait dit cela, elle l’avait déjà rattrapé et se tenait derrière lui. Elle posa sa main sur son bras droit comme pour tenter de le retenir, ce qui eut pour effet de tirer brusquement Ulrich de ses pensées.
« Ulrich... » dit-elle timidement.
Lorsqu’il reconnut sa voix, il se figea. Il ne savait plus quoi faire. Il se sentait terriblement honteux de la réaction si incongrue qu’il avait eue lorsqu’il l’avait aperçue dans les bras de William. Il ne se sentait pas le courage de se retourner vers elle afin d’affronter son regard. Il s’interrogeait aussi. Pourquoi l’avait-elle suivi pour le rattraper, lui qui s’était montré si pitoyable quelques instants plus tôt? Trouvait-elle qu’il en vaille encore le coup? Ou bien allait-elle lui faire une scène à propos de sa jalousie maladive comme autrefois?
« Laisse-moi, s’il te plait, Yumi. » déclara-t-il d’un ton las.
Yumi s’attendait à ce qu’il se retourne vers elle dans les secondes qui suivaient mais il n’avait pas l’air disposé à le faire. Elle se demandait pourquoi. Était-il possible qu’il lui en veuille autant, même après toutes ces années? Voulait-il ne plus jamais avoir à lui parler ni la revoir? L’avait-elle perdu à tout jamais? Elle ressentit alors un profond sentiment d’abandon et de mal-être, comme si, d’un coup, elle s’était sentie seule au monde. Cela lui fit revenir les larmes aux yeux, mais elle s’efforça de les retenir. Ce sentiment d’extrême solitude qui lui serrait le cœur, elle comprit que lui aussi l’avait certainement éprouvé durant tout ce temps qu’il avait passé à espérer ne serait-ce que la revoir une seule fois sans qu’elle ne l’aperçoive. Cependant, depuis la dernière fois, il semblait commencer à se libérer de ses souffrances. Et maintenant, serait-ce son tour à elle de subir tout cela comme lui l’avait fait auparavant?
« Excuse-moi... Je suis vraiment un imbécile, j’aurais pas dû... Je ne te mérite pas... » dit-il.
Yumi fut surprise par ce qu’elle venait d’entendre. Et le ton qu’Ulrich avait employé lui donna l’impression qu’il avait perdu tout espoir d’une quelconque relation entre eux. Elle pensait que c’était normal, après tout, car c’était elle qui était à l’origine de cette situation.
« Non... Ne dis pas ça! Tu sais que c’est faux... » dit-elle. « C’est moi qui ne te mérite pas. Je ne suis pas digne de toi. Si tu savais comme je m’en veux de t’avoir tant fait souffrir. Je m’en veux d’avoir été aussi égoïste envers toi. J’ai été trop impatiente. Quand je t’ai dit que je n’attendais plus rien de toi, je n’ai pas pensé un seul instant à la force des sentiments que tu éprouvais pour moi. Bien sûr, je savais que tu allais souffrir. Mais je me suis dit que tu t’en remettrais assez vite. Je me suis comportée comme une idiote. Avec le temps, j’ai fini par oublier tout ça. Et puis, un jour, je me suis rendue compte que je m’étais menti à moi-même. J’avais toujours des sentiments pour toi. Et j’ai pris conscience de toutes mes erreurs et de ce que je t’avais fait subir bien malgré moi. »
Alors qu’elle avait dit cela, Yumi avait cessé de retenir ses larmes qui glissaient maintenant le long de ses joues.
« Je m’en veux tellement d’avoir tout gâché entre nous. Tout est de ma faute. Je suis lamentable. Oh, Ulrich, je suis désolée de t’avoir tant fait souffrir. Si tu savais comme je m’en veux. Pardonne-moi, je t’en prie. Même s’il n’y a plus aucun espoir entre nous... Je t’en supplie, pardonne-moi... »
Alors qu’elle implorait son pardon, Yumi s’était collée contre le dos d’Ulrich en l’étreignant doucement. Avant ses déclarations, il ne savait déjà plus quoi faire ni comment réagir. Mais à cet instant précis, il était totalement perdu. Comment devait-il se comporter avec elle, la fille qui était à l’origine de toutes les douleurs de son âme mais envers qui il éprouvait toujours quelque chose? Et surtout que lui dire? De plus, Yumi avait abordé un sujet qui ne lui avait à aucun moment effleuré l’esprit. Si jamais ils se revoyaient un jour dans d’autres circonstances, quelles seraient les chances pour qu’il se passe quoi que ce soit entre eux? Sûrement très proches du zéro le plus rond. Et puis pouvait-il lui pardonner aussi facilement toute la souffrance qu’elle lui avait infligé bien malgré elle, comme elle semblait le prétendre? En avait-il seulement la force, lui qui avait été blessé au plus profond de son être par celle qui occupait alors la moindre de ses pensées? Les sentiments qu’il éprouvait à l’égard de la belle japonaise étaient-ils toujours les mêmes ou bien n’étaient-ils devenus qu’un ramassis de regrets et de souvenirs de sentiments?
Derrière eux, Odd et Sam les regardaient à distance. Ils n’avaient pas bougé, restant là au cas où il aurait fallu en ramasser l’un d’eux à la petite cuillère. Odd murmura:
« Allez, Ulrich! Fais pas ton cœur de pierre! C’est maintenant ou jamais! Allez!... »
Mais ce que ni Yumi ni les deux autres restés en retrait ne voyaient, c’étaient les larmes qu’Ulrich avaient laissé échapper de ses yeux et courir le long de ses joues. À cet instant précis, il était partagé entre l’envie de la serrer dans ses bras et de l’embrasser, et celle bien moins louable de lui vomir à la figure toute sa rancœur et sa douleur. Il n’avait toujours pas bougé d’un poil.
« Tu sais... » lui dit-il. « Ce jour-là, ça a été pour moi comme le début d’un hiver sans fin. Le soleil a disparu peu à peu dans ma vie, laissant place à une nuit froide et interminable. Et depuis, c’est comme s’il ne s’est jamais vraiment levé les jours suivants. Heureusement que les autres étaient là pour moi. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour que j’aille mieux. Mais malgré cela, je n’arrivais pas à m’en remettre. Plus tard, j’ai tout fait pour t’oublier. J’ai coupé les ponts avec tout le monde, je me suis comporté comme un salaud de la pire espèce, j’ai enchaîné les aventures avec des filles sans éprouver un quelconque sentiment pour chacune d’elles, mais en vain. Tu étais toujours là dans mon cœur. Après quelques années de cette attitude honteuse, j’ai compris que jamais je n’y parviendrais tant je t’avais dans la peau. Alors j’ai commencé à vivre comme coupé du monde, ne vivant plus que pour mon travail. J’avais l’impression que je n’étais fait pour l’amour et le bonheur. Et petit à petit, ça allait de plus en plus mal. Jusqu’à ce que je tombe sur toi et Odd par hasard. Quand je t’ai vue, je n’ai pas su quoi faire et j’ai commencé à paniquer. C’est pour ça que je me suis enfui. »
Puis il sécha ses larmes avant de se retourner vers elle. Il remarqua qu’elle aussi avait les yeux remplis de larmes. Il les lui sécha alors délicatement. Ils se regardaient tous les deux dans les yeux même si chacun avait du mal à soutenir son regard vers l’autre tant ils étaient gênés.
« Je voulais que tu saches. » poursuivit-il. « Je te trouve toujours aussi belle. Honnêtement, je ne sais pas si ça pourra marcher un jour entre nous deux. Avec le temps, je me suis rendu compte qu’au fond je ne connaissais pas grand chose de toi. Tout cela même si on a passé beaucoup de temps toi et moi. Et puis, depuis ce temps, tu as sûrement changé. Et moi aussi. En fait, j’ai l’impression que nous sommes devenus deux parfaits étrangers l’un pour l’autre, et aussi que j’ai été amoureux de ce qui semble n’avoir été qu’un fantôme. Je ne sais plus vraiment où j’en suis. J’ai besoin de temps pour faire le point tout seul sur tout ce qui vient de se passer. J’en ai besoin. »
Yumi le regarda d’un air inquiet alors qu’il était sur le point de s’en aller une fois de plus.
« Et... Est-ce qu’on pourra se revoir un jour? » lui demanda-t-elle timidement.
- « J’en sais rien, Yumi. J’en sais rien... » répondit-il.
Puis Ulrich tourna les talons et s’éloigna de la belle japonaise qui le regardait partir une fois de plus sans pouvoir faire quoi que ce soit. Derrière eux, Odd et Sam observaient toujours la scène.
« Aïe aïe aïe! Je crois que ça s’est barré en c... Heu! Sucette!! » déclara Odd.
Puis lui et Sam rejoignirent Yumi pour lui demander si tout allait bien. Elle se jeta alors dans les bras de Odd en sanglotant.
« Mais qu’est-ce que j’ai fait!! Je suis vraiment trop conne!! » déclara-t-elle.
- « Arrête, Yumi. Tu te fais du mal pour rien, là. » lui dit Odd.
Le soir même, Lénaïg avait attendu quelques longues heures avant que son cousin revienne à son véhicule pour rentrer tandis que Sam et Odd avaient raccompagné Yumi chez elle en la réconfortant alors qu’elle était toujours en larmes. Lorsqu’il apparut au coin de la rue dans laquelle il avait garé sa voiture, Ulrich était encore quelque peu perdu dans ses pensées. Sa confrontation avec Yumi avait fait en lui comme l’effet d’un électrochoc. Comme si, depuis tout ce temps, il y avait quelque chose en lui qui venait tout à coup de se débloquer après avoir longtemps été refoulée au plus profond de lui-même. Il commençait à prendre conscience de certaines choses sur lui-même mais également sur Yumi et la relation qu’ils avaient entretenu avant ce jour maudit depuis lequel il avait sombré dans son état dépressif.
Alors qu’il s’approchait de sa voiture, Lénaïg n’avait de cesse d’éviter de le dévisager, afin qu’il ne se sente pas gêné ni même jugé. Jamais elle n’aurait cru en le voyant qu’il pouvait être dans un tel état de malêtre et de souffrance. Quand il fut à proximité de son véhicule, il se sentit gêné par l’attitude qu’il avait eue quelques heures plus tôt envers Yumi mais également William.
« On rentre. » dit-il à sa cousine sur un ton monotone, en évitant de croiser son regard.
Il déverrouilla les portes de la voiture et tous deux prirent place à bord avant de partir quelques instants plus tard. Pendant le trajet, un silence de plomb retentissait dans l’habitacle et aucun d’eux n’était décidé à le briser. Quand la voiture s’immobilisa enfin devant la grande demeure d’Ulrich, Lénaïg se décida à prononcer quelques mots:
« Tu sais, Ulrich, tu peux te confier à moi si tu veux. Comme quand on était petits. Tu te rappelle?
- C’est bien loin, tout ça. » répondit-il sur un ton nostalgique. « Tu m’excuseras mais j’ai pas trop envie d’en parler. Enfin... Pas tout de suite... »
Quelques semaines s’écoulèrent depuis cet événement. Lénaïg était restée deux semaines chez son cousin avant de rentrer chez elle. Elle n’avait pas cherché à revoir William depuis, et lui n’avait pas réussi à la retrouver, ne sachant pas où elle se trouvait pendant ce temps-là. Tout les autres avaient gardé le contact sauf Yumi et Ulrich, bien évidemment. Plus le temps passait et plus Yumi était persuadée que celui qu’elle aimait ne voulait plus la revoir, tandis que celui-ci avait juste besoin de faire un break pour faire le tri dans ses idées et tenter d’y voir plus clair.
Nous étions maintenant aux environ de la mi-juillet. C’était un samedi matin. Le soleil était déjà haut dans le ciel bleu azur parsemé de quelques rares petits nuages blancs qui semblaient s’y être égarés. Ulrich se prélassait sur la terrasse, confortablement assis dans une chaise longue. Dans sa tête, tout était déjà beaucoup plus clair. Du moins, c’était ce qu’il lui semblait. Bien sûr, certains souvenirs ressurgissaient de temps en temps dans son esprit, mais tout cela lui était incomparablement moins douloureux qu’auparavant. Quelques interrogations subsistaient tout de même en lui. Comment allait-il le lui dire? Et comment allait-il réagir en la revoyant? Réussirait-il à affronter son regard? Ou bien la fuirait-il à nouveau sans raison valable comme la première fois qu’il l’avait revue?
La seule chose qui lui paraissait certaine, c’était que leur relation ne serait plus du tout comme avant. Et comme il le lui avait déjà dit, ils avaient évolué tous les deux chacun de leur côté. Ils n’étaient plus comme avant. Et la complicité qu’ils avaient avant avait disparue depuis fort longtemps. Tout avait bien changé entre eux.
Soudain, quelque chose vint le perturber dans ses pensées. Il ouvrit les yeux et vit que c’était son portable, posé devant lui sur la table de jardin en fer forgé, qui vibrait. Il le prit, regarda qui cherchait à le joindre puis décrocha.
« Allô? » dit-il
- « Salut, vieux frère! C’est moi! Ça va? » répondit son interlocuteur.
- « Qui ça, "moi"?
- Ben... C’est moi!
- Ça me dit toujours pas qui c’est, ça, "moi"!
- Enfin, Ulrich! C’est moi! Odd! Tu m’as pas reconnu?
- Bien sûr que si, je t’avais reconnu! Mais c’est pas une façon de se présenter de dire "c’est moi" au téléphone!
- Ha bon? Tu trouves?
- Ben oui! Mais je suppose que tu ne m’appelle pas pour ça!
- Ha oui! Avec tout ça, j’ai failli oublier! Sam et moi, on organise un petit barbecue entre ami dans ma maison de vacances au bord de la mer, le weekend prochain. Ça te dirait de venir?
- Pourquoi pas! J’ai rien de prévu le weekend prochain. Mais elle est où ta maison?
- En Bretagne, au bord du Golfe du Morbihan!
- Hé ben! Tu t’embêtes pas, toi! Chez les Della Robia aussi, y a des sous à dépenser!
- Somme toute, ça reste très modeste comparé à chez toi!
- Hum... Je crois que j’aurais mieux fait de me taire! Ça fait un peu loin pour u barbecue, tout de même!
- T’inquiète! On fait ça sur deux jours et y a de la place pour loger tout le monde pendant le weekend!
- Mouais, j’hésite un peu parce que le lundi suivant, j’ai une journée bien chargée...
- T’en fais pas! Tu serais rentré chez toi pour le dîner!
- Très drôle! Au fait, y aura qui à ton barbeuc’?
- Y aura Aélita, Jérémie et leurs petits monstres. Y aura aussi ta cousine et, éventuellement, son Willou d’amour!
- Heu... Non! Ça, ça m’étonnerait, vu ce qu’elle m’a dit hier soir au téléphone...
- Ha! O.K.! C’est noté!
- Sinon, y aura qui d’autre?
- Y aura p’t’être aussi mes sœurs Pauline et Adèle avec leurs copains, mais c’est pas sûr. Et une ou deux autres personnes qui m’ont pas encore donné une réponse définitive, mais c’est sans importance. Alors? Tu viens ou pas?
- Mouais, j’hésite...
- Allez! Fais un effort! En plus, ça fait super longtemps qu’on s’est pas vus!
- Je sais pas...
- Allez, quoi! Si tu viens pas, j’en connait qui vont être vachement déçus!
- Faut que j’y réfléchisse...
- Au nom de notre amitié!
- Bon... O.K. ... Va pour le barbeuc’!
- Génial! On va bien s’amuser, j’te le promets!
- Tiens! Pourquoi je le regrette déjà? Ha oui, c’est vrai! C’est parce qu’à chaque fois que tu disais ça quand on était à Kadic, je le regrettais toujours après!
- Merci! Ça fait plaisir! Alors je note que tu ne viens pas!
- Mais non! Je déconnais!
- Moi aussi!
- Elles sont pas drôles, tes blagues, Odd!
- Parle pour toi, mon cher! »
La conversation se poursuivit ainsi pendant plusieurs longues minutes. Puis, avant de raccrocher, Ulrich voulut demander à Odd:
« Au fait, est-ce que... Enfin... Est-ce qu’il y aura... »
Ayant remarqué le ton hésitant employé pour son ami, Odd l’interrompit dans sa phrase:
« Oui! Elle sera là! Et c’est pas une raison pour te débiner à la dernière minute! Et puis je te l’ai déjà dit. Tu ne pourras pas passer toute ta vie à la fuir ou à l’éviter! En plus, ça ne te mènera nulle part. Alors t’as intérêt à venir sinon tu vas entendre parler du pays! »
Ulrich resta silencieux quelques instants. Il savait que Odd avait raison mais en lui résonnaient toujours les mêmes craintes irraisonnées quant au moment où il la reverrait. Puis, très vite, Odd relança la conversation. Après quelques minutes, les deux comparses se saluèrent. Ulrich fit passer son bonjour à Sam et tous deux raccrochèrent.
Le samedi suivant, Ulrich arriva à la résidence estivale de Odd et Sam vers dix heures et demi. Il avait pris le train très tôt et avait fait le trajet depuis la gare en taxi. La maison se trouvait à l’extrémité d’une toute petite route. Elle était construite légèrement en retrait d’un minuscule hameau posé au bord du littoral. Visiblement, le chemin qu’Ulrich avait emprunté pour y parvenir l’avait fait arriver par l’arrière de la maison. Le jardin était délimité par un muret en granite surmonté par un grillage et derrière lequel était plantée un haie en guise de brise-vue. On ne pouvait pas voir grand chose de la propriété depuis le chemin, à moins de se pencher fortement par dessus le portillon. Il se présenta au portillon du jardin et actionna le bouton de la sonnette qui se trouvait à proximité. Attendant que le maître des lieux ne vienne le chercher, il jeta brièvement un coup d’oeil à la bâtisse. Les murs de la maison étaient tout en granite et le toit recouvert de chaume. Les volets en bois et les menuiseries des fenêtres étaient peints dans un bleu clair, comme toutes les maisons anciennes qu’il avait pu voir sur le littoral pendant son trajet. La maison semblait spacieuse. Elle était bordée de deux grand pins maritimes. Très vite, la porte donnant accès à l’arrière de la maison s’ouvrit en laissant apparaître Odd qui semblait plus en forme que jamais.
« Ha! Enfin! Te voilà! » dit-il joyeusement. « On n’attendait plus que toi! Tous les autres sont arrivés hier soir!
- Peut-être! Mais moi, j’ai un travail, moi! Un vrai! Et je peux pas partir comme ça quand je veux en laissant tout en plan! Contrairement à certains! Hein! » rétorqua Ulrich, ironiquement.
Odd arriva très vite au niveau du portillon et l’ouvrit. Les deux hommes se saluèrent chaleureusement. Odd prit les quelques effets qu’Ulrich avait pris avec lui et tous deux se dirigèrent vers l’intérieur de la demeure. Quand ils furent rentrés, Ulrich fut émerveillé par le style de la décoration, mélange d’ancien et de moderne. Odd lui fit une visite complète des lieux, qui se termina par la chambre où il allait passer la nuit. Celle-ci était située à l’étage. La décoration était sobre. Les murs étaient peints dans un ton ocre assez clair et les poutres apparentes étaient recouvertes d’un vernis foncé. Un grand lit occupait l’espace, accompagné par une grande armoire normande (oui, en Bretagne aussi, on en a, des armoires normandes!) accolée au mur opposé au lit. Ulrich y déposa ses affaires en vitesse sans prendre le temps de les défaire, Odd l’ayant pressé quelque peu. Il n’avait pas remarqué que quelqu’un y avait déjà rangé ses affaires. À vrai dire, la seule chose qu’il avait eu le temps de remarquer, c’était un léger parfum qui flottait dans l’air. Il lui paraissait doux et envoutant. Ce parfum, il l’avait déjà senti auparavant mais il ne savait plus où ni quand. Pourtant, il lui semblait si familier. N’arrivant plus à s’en rappeler, il décida de ne plus y prêter attention.
Quelques instants plus tard, les deux hommes arrivèrent dans la grande cuisine où s’affairaient Sam, Aélita et Lénaïg pour préparer les entrées.
« Regardez qui je vous ramène! » dit Odd, tout sourire, en s’approchant des trois cuisinières.
Toutes les trois cessèrent leurs activités pour venir dire bonjour au beau brun fraichement arrivé. Ils commencèrent tous les quatre à discuter. Odd s’inquiéta de l’absence des autres invités. Sam lui répondit qu’ils étaient partis se promener avec les enfants car ces derniers n’arrivaient pas à tenir en place en attendant le repas. Lénaïg, voyant l’heure tourner, invita ses deux amies à retourner aux fourneaux, prétextant que le repas ne serait jamais prêt s’ils continuaient à discuter ainsi. Sam et Aélita acquiescèrent et les trois jeunes femmes s’en retournèrent à leur activité précédente, tandis que les deux hommes sortirent de la pièce. Ils traversèrent rapidement le salon et passèrent par la baie vitrée largement ouverte pour se rendre sur la terrasse.
Celle-ci paraissait immense. Le sol était recouvert de dalles de grès ocre. Au milieu de la terrasse trônaient deux grandes tables d’extérieur accolées pour accueillir une quinzaine de personnes, entourées d’autant de chaises. Le tout était surplombé par les branchages d’un pin parasol qui ombrageait le tout. Le jardin était très grand et en légère pente. La haie qu’Ulrich avait vue de l’autre côté de la maison en faisait tout le tour et clôturait entièrement le jardin. Dans le fond, un autre portillon permettait d’en sortir. Le paysage était magnifique. Un bras de mer assez large venait de l’ouest et passait à environ une centaine de mètres au sud du jardin. Au delà de la haie s’étendait une petite étendue de dunes recouvertes d’herbes sauvages traversée par un petit sentier partant du portillon et se terminant sur une plage bordée à chaque extrémité par quelques rochers. Au milieu du bras de mer, un petit îlot faisait face à la maison. Sur celui-ci, on pouvait y voir quelques personnes s’y affairer, la marée basse l’ayant rendu accessible à pied sec.
« Tiens! Ils sont là-bas » déclara Odd en montrant du doigt les personnes sur l’îlot. « Allez, viens avec moi, je vais te présenter à mes sœurs.
- Ha? Lesquelles? » rétorqua Ulrich.
- « Adèle et Louise. Heu... Non, Pauline! Si c’est pas malheureux! Depuis le temps, je me trompe encore dans les prénoms! »
Puis les deux hommes se mirent en marche vers la plage pour rejoindre le petit groupe. Après cinq minutes de marche puis avoir retiré leurs chaussures afin d’éviter de les remplir de sable, Ulrich et Odd arrivèrent à destination. Ils y retrouvèrent dans un premier temps Jérémie et ses enfants. Ulrich et le petit génie de la bande étaient visiblement contents de se retrouver. Puis ils furent rejoints Par Adèle et son fiancé. Très vite, ce fut au tout de Pauline de les retrouver, qualifiant au passage Odd de petite crotte. Ce dernier fit les présentations en bonne et due forme. Tous commencèrent à bavarder. Malgré la joie des retrouvailles avec Odd et Jérémie, Ulrich semblait quelque eu déçu. En effet, il ne semblait y avoir pas l’ombre d’une japonaise à l’horizon.
Puis quelque chose vint le troubler. Un très léger parfum semblait flotter dans l’air iodé. Il lui semblait que c’était le même qu’il avait cru reconnaître auparavant dans la chambre. Deux fois dans la même journée et à deux endroits différents, il ne pouvait s’agir d’une coïncidence. Ce fut à ce moment qu’il entendit une voix douce mais hésitante derrière lui.
« Salut, Ulrich... »
Il se retourna. Elle se tenait là, juste derrière lui. Visiblement, elle était tout troublée. Lui aussi le fut un court instant. Mais, très vite il la dévisagea et fut à nouveau séduit par sa beauté. Il ne savait pas trop quoi dire ni que faire. À vrai dire, lui aussi été tout troublé.
« Salut, Yumi. » répondit-il.
Odd et Jérémie observaient la scène du coin de l’oeil et chacun d’eux craignait que cela ne tourne encore mal, comme la dernière fois que Ulrich et Yumi s’étaient vus.
Une légère brise faisait délicatement flotter ses longs cheveux dans les airs. Elle ne parvenait pas à poser son regard dans les yeux du beau brun qui se tenait face à elle. Chaque fois qu’elle essayait, c’était comme si une force invisible s’opposait à ce que ses yeux plongent dans ceux du beau brun et l’obligeait à détourner le regard après une demi-seconde. Elle se mordillait légèrement la lèvre inférieure tant elle se sentait gênée. Comment fallait-il qu’elle se comporte avec lui? Que fallait-il qu’elle lui dise afin qu’il ne s’éloigne une fois de plus tant il pourrait se sentir mal à l’aise auprès d’elle? Elle n’en savait rien. Elle s’en fichait éperdument, même. Pourtant, ce moment-là, elle l’avait tant espéré. Tellement qu’elle avait tout imaginé, ou presque. Mais à cet instant, elle n’en avait plus que faire. Tout ce qui comptait, c’était l’instant présent. Elle et lui face à face, ne fût-ce que pour une poignée de secondes. Elle en était toute troublée. Son cœur était partagé entre une immense joie qu’elle aurait voulu laisser éclater et la crainte qu’il s’en aille. Elle éprouvait une folle envie de se jeter dans ses bras et de le serrer contre elle de toutes ses forces comme pour rester à ses côtés pour l’éternité. Le temps s’égrainait lentement et ce qu’elle ressentait à l’égard d’Ulrich était maintenant très clair en elle. Jamais elle n’avait ressenti quelque chose d’aussi fort, même pour lui alors qu’ils étaient encore à Kadic. Lorsqu’elle en prit réellement conscience, elle eut l’impression de devenir rouge comme une pivoine et ne savait plus où se mettre.
Depuis qu’il s’était retourné vers elle, Yumi n’avait pas bougé d’un pouce. Elle n’avait pas osé, par crainte de le faire fuir une énième fois sans doute. Et puis peut-être aussi à cause de son éducation qui voulait qu’elle ne manifeste pas ses émotions en public. Lui non plus n’avait pas bougé d’un poil. Il n’avait pas de mal à plonger son regard dans les yeux de la belle nipponne. Une fois encore, il était sous son charme. Mais plus il la regardait et plus il lui semblait que quelque chose avait changé en elle. Il n’aurait su dire ce dont il s’agissait mais cela semblait déjà lui plaire. De plus, il était bien conscient qu’elle n’était plus la même et qu’elle avait beaucoup évolué depuis qu’ils s’étaient perdus de vue, et lui aussi d’ailleurs, même s’il ne s’en était pas rendu compte. Il se demanda alors si ce n’était pas l’occasion de faire table rase du passé et de tout reprendre à zéro entre eux. Après tout, même avec tous les efforts que leurs amis avaient fourni pour qu’ils se retrouvent ainsi, la vie ne leur offrirait pas deux fois une telle occasion de tout recommencer et il était hors de question pour le beau brun de la laisser passer. Mais il ne voulait pas non plus prendre le risque d’aller trop vite afin ne pas tout gâcher une fois de plus. Alors que tout cela lui occupait l’esprit, Ulrich ne pouvait s’empêcher de détailler Yumi du regard. Il la trouvait plus belle encore que lors de leur dernière entrevue.
Voyant qu’aucun d’eux ne semblait se décider à faire le premier pas, Odd prit la parole:
« Bon, ben je sais pas pour nos deux tourtereaux mais nous, on va rentrer! J’ai pas trop envie de rester bloquer sur ce caillou à cause de la marée, moi! »
Cette petite réflexion eut pour effet de faire sortir Ulrich de ses pensées tandis que Yumi semblait de plus en plus dans l’embarras. Les cinq autres qui observaient la scène n’en étaient que plus amusés. Elle avait l’impression qu’on pouvait véritablement lire sur elle ce qu’elle ressentait pour Ulrich à ce moment précis. Jérémie appela les enfants qui jouaient à taquiner quelques petits crabes entre les rochers et ramasser quelques jolis coquillages, puis tous se mirent en route vers la résidence estivale de Odd. Celui-ci avait bien fait de sonner le rappel car une langue d’eau peu profonde commençait à recouvrir lentement l’estran qui séparait l’îlot de la côte.
Une fois tout le monde arrivé au bord de l’eau, Adèle demanda à son fiancé de la porter dans ses bras car elle ne voulait pas mouiller le bas de son pantalon. Pauline et Yumi tentèrent de traverser, la sœur de Odd la première. Mais à peine Pauline eut-elle plongé un pied dans l’eau qu’elle stoppa Yumi dans son élan alors qu’elle était encore au sec.
« Pfouaaa!! Elle est vachement froide! On pourra pas traverser!! » déclara Pauline, avant de se retourner vers Odd et Ulrich qui étaient derrière elles. « Dites, les gars! Vous pourriez pas nous porter??
- Tiens donc! Et en quel honneur?? » rétorqua Odd.
- « Elle est trop froide!! Tu peux bien faire ça pour moi, p’tite crotte!!
- Bon! O.K.! Ça va! J’ai compris, peau de vache!! » répondit Odd. « En plus, Yumi va salir son joli pantalon à remuer le sable dans l’eau, comme ça! »
Puis se retournant vers Ulrich, il déclara dans la foulée:
« Pour une fois qu’elle porte un vêtement blanc, avoue que ce serait dommage! Hein, Ulrich! »
Le beau brun ne put alors que constater que les deux Della Robia étaient de mèche et qu’ils avaient manigancé tout cela depuis le début. Il fit alors une petite grimace à son ami pour lui signifier qu’il venait de comprendre leur petit stratagème puis demanda à celle qui occupait toutes ses pensées s’il pouvait la prendre dans ses bras, tandis que Odd s’occupait de sa sœur. Ces deux-là avaient à peine entamé la petite vingtaine de mètres de la traversée, que Odd se ramassa une flopée de critiques de la part de Pauline parce qu’il n’avançait pas assez vite à son goût. Pendant ce temps, Ulrich avait pris délicatement Yumi dans ses bras. Alors que le beau brun s’occupait de s’assurer de ne pas faire tomber Yumi, celle-ci n’avait de cesse de le dévisager. Comme si ses yeux étudiaient la moindre partie de son visage. Ses yeux, son nez, sa bouche, tout y passa, même ses cheveux. Elle avait passé un de ses bras par dessus l’épaule de son beau chevalier servant. Plus le temps passait dans cette situation et plus son cœur battait fort. La manière dont il la portait, ferme mais délicate, ainsi que la douce odeur qui émanait de lui finissaient de la faire complètement fondre d’amour pour lui. Elle avait envie de le serrer plus fort et même de l’embrasser, par moments, mais elle se retenait car elle ne voulait pas briser cet instant qui lui paraissait magique. Ulrich lui non plus n’osait pas parler non plus. Il se sentait gêné de part l’attitude quelque peu brutale qu’il avait eue lors de leur dernière rencontre. Il se sentait même honteux à l’idée qu’il ne lui avait pas présenté ses excuses pour cela.
Tous deux marchaient quelques mètres derrière Odd et sa sœur, qui continuait à lui balancer des noms d’oiseaux pour qu’il avance plus vite. Brusquement, Odd s’arrêta d’avancer, visiblement excédé par le comportement de sa sœur.
« Dis donc, vieille bique! T’as pas oublié où t’es, là??? » lui dit-il.
- « Ben non! Je suis dans les bras de ma p’tite crotte adorée!! » rétorqua-t-elle en lui pinçant la joue entre le pouce et la deuxième phalange de son index
- « T’as envie de prendre un bain de mer tout de suite, toi!
- Que de la gueule!
- On parie?!
- Ouais! »
Ce fût alors qu’Ulrich et Yumi arrivèrent à leur hauteur et que le beau brun intervint:
« À ta place, Pauline, je parierais pas avec lui!
- Il me fait pas peur, le morveux! » lança-t-elle. « Tiens, je parie 20 euros qu’il le fait pas!!
- 50 euros qu’il le fait!!
- Pareil pour moi!! » rajouta Yumi, amusée.
- « O.K.! Va pour 50!!
- Ça marche pour moi aussi! » déclara Odd, tout sourire.
- « De toute façon, t’oseras pas me faire ç... Aaaaaaaaaaaahhh »
Pauline n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle s’était retrouvée aux pieds de son frère cadet tandis que les deux autres riaient aux éclats.
« Alors? Elle est fraiche?? » lui demanda Odd, ironiquement.
- « Ha ha! Très drôle! Espèce de salaud! Comment t’as pu me faire ça?! À moi!!
- Tu veux que je te le remontre?? Bon, maintenant, tu vas devoir raquer, ma vieille!!
- Hééé!! J’disais ça pour déconner, moi!!
- Ouais, ben pas nous!!! C’est con, hein??
- T’es pas sérieux, là??
- Bien sûr que si!! Surtout quand c’est un pari!! Allez! Fais péter la tune! On fait pas crédit, nous!
- ’Tain! 150 boules d’un coup!!
- Hé ouais! » déclara Ulrich. « Faut jamais parier avec Odd de ce qu’il est capable de faire ou pas!! C’est marrant, j’aurais cru que tu le savais, vu que t’es sa sœur!! »
Vexée par ce que Odd venait de lui faire, Pauline se releva toute dégoulinante en refusant l’aide de son cadet et s’empressa de regagner le sable sec sur la rive en pestant contre lui. Jérémie, les enfants et l’autre couple, qui les attendaient déjà de l’autre côté de l’eau, avaient eu tout le loisir d’observer la scène et en riaient encore. Ulrich et Yumi arrivèrent sur le sable sec. Le jeune homme reposa la belle japonaise en douceur sur le sol. Elle le remercia timidement en rougissant, toute troublée qu’elle était par les émotions qu’elle venait d’éprouver pendant la traversée. Quant à lui, il avait eu l’impression d’être un peu ailleurs lorsqu’il la portait dans ses bras. Quand Odd, qui était resté derrière à rire à gorge déployée, eut rejoint les autres sur la plage, ils prirent leur temps pour regagner la maison, profitant ainsi du grand beau temps, à l’exception de Pauline qui ne l’avait pas attendu pour aller se changer. Lorsqu’elle réapparut une demi-heure plus tard, les quatre hommes étaient s’activaient autour du barbecue pour l’allumer (À quatre pour allumer un barbeuc’!! C’est ça, la solidarité masculine!!) et les enfants jouaient sur la pelouse tandis que Yumi et Adèle dressaient la table, aidés par Aélita qui faisait d’incessants allers-retours entre la terrasse et la cuisine pour apporter les couverts, les serviettes et tout le reste.
Aux environs de midi, Ulrich, Odd, Adèle et son inséparable fiancé (auquel je n’ai toujours pas donné de prénom!) s’installèrent autour de la table. Aélita et Lénaïg étaient restées quelque peu en retrait pour discuter avec Yumi tout en regardant les autres s’installer.
« Tiens! Regarde, Yumi! Y a une chaise de libre à côté d’Ulrich! » déclara Aélita
- « Je sais pas si c’est une bonne idée. » répondit Yumi. « Déjà que tout à l’heure, j’ai pas su quoi lui dire quand il était en face de moi...
- C’est pas grave, ça! » rétorqua Lénaïg. « T’as juste eu le trac! Ça peut arriver à tout le monde! Allez! Vas-y! Lance-toi!
- Ouais mais si je sais toujours pas quoi lui dire de toute la journée...
- Si ce n’est que ça, on se mettra à côté de toi! » dit Aélita.
- « Ouais mais...
- Ta ta ta ta!! Cherche pas de mauvaises excuses pour te défiler! » interrompit Lénaïg. « Et puis, me dis pas que t’as pas remarqué?!
- Remarqué quoi?? » interrogea Yumi.
- « Ben, pour Pauline! » répondirent en cœur Aélita et Lénaïg.
- « Qu’est-ce qu’elle a, Pauline?? » fit Yumi, toute intriguée.
- « J’le crois pas!! Elle a pas remarqué!! » s’exclama Lénaïg en se tournant vers Aélita.
- « Hé oui! Elle est comme ça, notre Yumi!! On la changera pas!! » ajouta Aélita.
- « Dites-moi ce qu’il y a!! » demanda Yumi.
- « Ben, disons que Pauline a l’air plutôt intéressée par Ulrich... » avoua Aélita
- « Ouais! Et Ulrich n’a pas l’air indifférent à son égard, non plus! » ajouta Lénaïg. « Alors, je serais toi... »
Lénaïg n’eut pas le temps de finir ce qu’elle avait à dire que Yumi s’était éclipsée. Et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle se trouvait déjà derrière le beau brun. Elle hésita un court instant puis, pensant à ce qui risquait d’arriver si elle ne tentait rien, cessa de se poser des questions et passa à l’action.
« Je peux m’asseoir ici? » demanda-t-elle timidement.
Ulrich se retourna vers elle et se mit à bredouiller:
« Heu... Ben... Je... Heu... »
« Je peux m’asseoir ici? » demanda Yumi timidement.
Ulrich se retourna vers elle et se mit à bredouiller:
« Heu... Ben... Je... Heu...
- Évidemment que tu peux! Hein, Ulrich?! » intervint Odd, un petit sourire en coin.
- « Heu... Oui oui, bien sûr! » répondit Ulrich, visiblement perturbé.
- « Ha! C’que c’est beau, l’amour!!! » rajouta Odd.
- « Odd!!! » rétorquèrent simultanément Yumi et le beau brun.
Ils se regardèrent mutuellement car ni l’un ni l’autre ne s’attendait à ce que l’autre lance la même réplique au blondinet excentrique. Ils esquissèrent tous deux un sourire timide, ce qui fit rire Sam, Aélita et Lénaïg qui regardaient de loin la scène qui s’offrait à elles. Les deux amoureux détournèrent très vite le regard l’un de l’autre, quelque peu embarrassés par la situation. Yumi, toute rouge, s’empressa de s’asseoir auprès du jeune homme qu’elle convoitait tant, jetant au passage un coup d’œil en direction des trois jeunes femmes qu’elle avait entendu pouffer de rire derrière elle. Elle leur affichait un air signifiant qu’elle avait compris leur petit manège pour la faire s’asseoir d’elle-même près d’Ulrich. Les demoiselles en question ne tardèrent pas plus pour venir rejoindre le reste du groupe et prendre place autour de la table.
Après quelques minutes, lorsque les enfants furent également attablés, le repas put enfin commencer. D’abord l’apéritif, copieusement arrosé pour certains (on ne citera pas de noms...). Puis ce fut au tour des chipolatas, merguez et autres brochettes de faire leur apparition dans les assiettes. Et deux heures après que toute la bande eut commencé à manger, ce fut enfin l’heure du dessert. Pendant toute la durée du repas, l’ambiance avait été bonne et les éclats de rires avaient fusé dans tous les sens. Malgré cela et malgré qu’ils avaient bien souvent les mêmes interlocuteurs, Yumi et Ulrich ne s’étaient pas une seule fois adressé la parole. Du moins, pas vraiment. Ils ne l’avaient fait que lorsque leurs mains s’étaient frôlées alors qu’ils allaient saisir en même temps du pain, le pot de ketchup ou toute autre chose dont l’un et l’autre aurait eu envie de se servir. À chaque fois que cela se produisait, Ulrich paraissait gêné et Yumi, toute aussi embarrassée, rougissait quelque peu. Leur timidité n’allait pas pour les aider. Et la crainte d’un mot mal placé sûrement aussi. C’était comme si chacun d’eux tentait de retarder le plus possible le moment où ils devraient se parler. Certains des convives l’avaient bien compris et n’avaient pas attendu pour essayer de manigancer quelque chose afin de produire le déclic qui ferait qu’ils se reparlent à nouveau comme à l’époque où ils étaient au collège.
Le repas fini, les jeunes femmes s’activèrent pour débarrasser la table et faire la vaisselle. Quand ce fut terminé, tout le monde partit en ballade. Tout le monde en profiterait, certains pour digérer, d’autre pour cuver avant de remettre cela le soir-même (toujours pas de noms...). Les hommes discutaient entre eux de leurs emplois respectifs et de ce qu’ils y faisaient, tandis que les femmes papotaient de tout et de rien, et les enfants jouaient à se courir après autour des petits groupes qui s’étaient formés.
Après une bonne heure et demi à se promener le long de la côte, tout le monde rentra pour finir l’après-midi à discuter autour de la piscine. Ils étaient répartis en petits groupes de trois ou quatre, certains debout et d’autres assis sur les quelques chaises longues disposées autour de l’eau. Puis brusquement, un bruit se fit entendre. Tout le monde se retourna vers la source de tout cela et vit Yumi en plein milieu de la piscine pestant contre Odd qui s’éloignait de là en riant à gorge déployée. En effet, celui-ci venait de s’incruster incognito dans le petit groupe formé par Aélita, Lénaïg et la belle nippone afin de pouvoir mieux pousser cette dernière à l’eau quelques secondes plus tard. Yumi se rapprocha du bord et, aidée par son beau prince charmant venu à sa rescousse, sortit de la piscine rapidement. Elle avait saisi la main du beau brun sans avoir vraiment fait attention à qui lui venait en aide. Lorsqu’elle vit qu’il s’agissait d’Ulrich, elle se mit à rougir comme une tomate.
« Merci » déclara-t-elle timidement.
- « De rien » répondit-il. « Dépêche-toi d’aller te changer sinon tu vas attraper froid! »
Yumi n’ajouta rien et se dirigea vers la maison afin de suivre le conseil du beau brun au plus vite. Elle était accompagnée par Sam qui, une fois à l’intérieur, s’empressa d’aller chercher une serviette dans la salle de bain et de la lui donner pour qu’elle puisse commencer à se sécher. Quand ce fut fait, Yumi se rendit dans sa chambre pour finir de s’essuyer et enfiler des vêtements secs.
Pendant ce temps, Odd avait refait discrètement son apparition autour de la piscine. Et plus précisément dans le petit groupe formé par Pauline, Jérémie et Ulrich, qui n’y prêtèrent pas grande attention. D’aucun ne se doutait du danger imminent qui guettait l’un d’entre eux.
Dans sa chambre, Yumi avait retiré ses vêtements mouillés et s’était entièrement séchée. Elle avait commencé à se rhabiller. Très vite, elle se rendit compte que quelques uns des habits qu’elle avait emporté avec elle semblaient lui manquer. Alors qu’elle était en sous-vêtements, elle entreprit de fouiller de fond en comble la grande armoire normande que Odd avait mis à sa disposition.
Dehors, un grand cri se fit entendre. Le "sérial plouffeur" de service venait de frapper une fois de plus, et cette fois, c’était au tour d’Ulrich de se retrouver au beau milieu de la piscine. Odd était tout hilare, mais il était bien le seul. Ulrich, quant à lui, se mit à pester contre le blondinet.
« ODD DELLA ROBIA!! TU VAS VOIR SI JE T’ATTRAPPE!! J’TE JURE QUE TU VAS ME LE PAYER!!! » dit-il, passablement énervé par cette mésaventure.
Ulrich regagna rapidement le bord, sortit de l’eau et se mit à courir après Odd qui s’enfuyait devant lui. Le farceur de service commença à tourner autour de la maison avec son poursuivant aux trousses. Après avoir fait un tour de la maison, et devant l’hilarité générale, Ulrich comprit qu’il lui fallait opter pour une autre stratégie pur parvenir à ses fins. Il s’arrêta de courir après Odd et l’attendit derrière un des angles de la maison. Son plan fonctionna à merveille car une quinzaine de secondes plus tard, Odd lui tomba dessus, tout étonné de trouver Ulrich à cet endroit alors qu’il le pensait à ses trousses. Il ne put dès lors plus échapper à son destin qui était alors tout tracé. Ulrich le prit alors par la ceinture et le porta sur l’une de ses épaules comme un sac de patates. Odd se mit à hurler comme un petit cochon.
« NON!! ULRICH!! ARRÊTE!! FAUT ME COMPRENDRE! C’ÉTAIT POUR TON BIEN!! » hurlait-il en se débattant du peu qu’il pouvait.
- « Pour mon bien?! Ha! Ha! Laisse-moi rire!! » rétorqua Ulrich.
- « JE TE JURE QUE JE RECOMMENCERAIS PLUS!! PROMIS!!!
- Ça, c’est dans ton intérêt! Et puis après ce que je vais te faire, ça m’étonnerait que ça te reprenne!!!
- HÉ!! MAIS QU’EST-C E QUE TU VAS ME FAIRE???
- T’inquiète pas, c’est pour ton bien!!!
- HÉ!! NON!!! PAS ÇA!!! PAS LA... »
Odd n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il se retrouva au fond de l’eau, sous les rires de tous ceux qui étaient présents autour de la piscine. Lorsqu’il refit surface, Odd déclara:
« Hé!! Ça va pas!! C’était pour rigoler que j’avais fait ça!!
- Mais moi aussi, mon cher!! » rétorqua Ulrich avant de se diriger vers la maison.
Quand il y pénétra, Sam remarqua son état.
« Ben?? Toi aussi, t’as eu le droit à la piscine?? » demanda-t-elle.
- « Ouais! Mais je suis pas le seul, ce coup-ci!! » répondit-il.
- « Comment ça, t’es pas le seul?
- Ton homme aussi!! Disons que j’ai dû rafraichir les idées à ton homme! J’ose espérer que ça l’a calmé un peu...
- Fallait bien qu’il s’y attende!! » déclara Sam en donnant une serviette sèche au beau brun.
Ulrich se dirigea vers l’escalier qu’il monta à grandes enjambées pour rejoindre le premier étage. Il parcourut le couloir jusqu’à l’entrée de la chambre où il avait déposé son sac. Lorsqu’il fut devant la porte, il ouvrit celle-ci en grand d’un geste vif et tomba nez à nez avec Yumi en petite tenue qui venait de retourner tout ce qu’elle avait rangé dans la grande armoire. Sur le coup, cela la fit sursauter en poussant un petit cri tant elle avait été surprise. Ulrich, gêné, referma la porte aussi vite qu’il l’avait ouverte.
« Oups!! Pardon! » déclara-t-il, perturbé par ce qu’il venait de voir. « Je crois que j’me suis trompé de chambre! »
Pourtant, le léger parfum qui s’était brièvement dégagé de la chambre semblait être le même qu’il avait senti le matin même alors qu’il déposait ses affaires. De plus, ce parfum semblait être celui de la belle nippone car c’était exactement le même qu’il avait senti alors qu’ils s’étaient retrouvés sur l’îlot. Il regarda autour de lui et, plus le temps passait, plus il était convaincu que c’était bien la bonne porte qu’il avait ouverte. Soudain une idée saugrenue lui traversa l’esprit. Et si... (<-message subliminal à destination d’une certaine Gini...). Cette idée était tellement improbable qu’elle semblait irréaliste. Et pourtant, ils étaient chez Odd, alors peu-être que ça ne l’était pas tant que cela. Ulrich s’adressa alors à Yumi à travers la porte.
« Yumi?
- Oui? » répondit-elle timidement.
- « Tu peux vérifier s’il y a un grand sac de voyage au pied de ton lit? »
Yumi fut surprise par la question. Elle n’avait pourtant rien remarqué de nouveau dans sa chambre depuis le moment où elle l’avait quittée le matin même. Elle vérifia quand même, au cas où. D’abord le côté gauche du lit. Rien. Puis le côté droit. Le verdict tomba alors, sans appel.
« Ha oui, tiens! Je ne l’avais pas vu! Mais comment tu sais ça?? » déclara-t-elle, étonnée.
- « Ha! Le p’tit saligaud! J’aurais dû m’en douter!
- Douter de quoi? »
Ulrich ne savait pas vraiment comment lui dire ce qu’il venait de comprendre. Après quelques secondes d’hésitation, il se jeta à l’eau. (encore??)
« En fait, moi aussi j’ai eu le droit à la piscine. Et ce matin, Odd m’a fait déposer mes affaires dans ta chambre... »
Yumi venait à son tour de comprendre ce qu’avait manigancé Odd de leur dos. Elle n’en revenait pas. Mais après tout, elle ne pourrait que l’en remercier car il avait réussi à leur organiser un instant rien que tous les deux et Yumi était bien décidée à en profiter. Elle saisit alors sans trop réfléchir les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main et les enfila. Puis elle s’empressa de ranger le reste de ses affaires qu’elle avait sorti de l’armoire. Elle se décida ensuite à sortir de la chambre. Lorsque la porte s’ouvrit, Ulrich fut comme subjugué par la beauté rayonnante de la jeune demoiselle.
« C’est bon, tu peux rentrer. » déclara Yumi.
Ulrich resta sans voix quelques instants. La belle remarqua l’effet qu’elle avait produit en lui, ce qui la fit rougir quelque peu. Elle vit aussi qu’il était complètement trempé et elle trouvait qu’il n’en paraissait que plus craquant avec les cheveux mouillés.
« Ben qu’est-ce qui t’arrive, Ulrich? » lui lança-t-elle.
- « Hein? Heu... Rien, rien... C’est juste que...
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« Ben qu’est-ce qui t’arrive, Ulrich? » lui lança-t-elle.
- « Hein? Heu... Rien, rien... C’est juste que... Je... Je te trouve... Resplendissante... » fit-il, tout ému.
- « Merci » répondit-elle alors que son visage avait viré au rouge pivoine.
Après être restés en face l’un de l’autre quelques secondes sans rien dire, Yumi, se rendant compte qu’Ulrich était toujours dégoulinant, libéra prestement la chambre en se dégageant de l’entrée sur le côté.
« Change-toi vite sinon tu vas attraper froid. » déclara-t-elle.
Le beau brun esquissa un sourire timide tandis qu’il pénétrait dans la chambre. Il referma lentement la porte derrière lui, comme s’il espérait qu’elle allait la retenir et lui sauter au cou pour lui voler ce baiser fougueux qu’il avait tant voulu lui donner à l’époque où ils étaient à Kadic. Lorsque la porte fut close, il bascula lentement en avant et s’appuya la tête contre celle-ci. Il avait laissé une fois de plus une chance de lui avouer ses sentiments. Sentiments qu’il n’avait jamais eus si forts et incertains à la fois. Il était submergé par ses interrogations. De qui était-il amoureux? De la Yumi qu’il avait connu avant ou de celle qui se tenait face à lui quelques secondes auparavant? Car, assurément, elle avait changé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient revus au lycée. Cela valait-il encore le coup de tenter quelque chose? Et elle? Se lasserait-elle de lui un jour et qu’il en souffre à nouveau? L’aimerait-elle tel qu’il était devenu aujourd’hui? Ou bien attendait-elle de lui qu’il soit resté le même tout ce temps? Ou, pire encore, se pouvait-il qu’elle s’intéresse à nouveau à lui uniquement pour sa fortune et son statut social? Car il avait multiplié les histoires avec des jeunes femmes plus vénales les unes que les autres et, à chaque fois, il en ressortait meurtri.
La Yumi qu’il avait connue auparavant n’aurait jamais fait une chose pareille, mais depuis, le temps s’était écoulé implacablement. La seule chose dont il était sûr, c’était qu’il avait une irrépressible envie de la serrer dans ses bras et de l’embrasser tendrement. Au même instant, de l’autre côté de la porte, Yumi était restée à l’endroit où elle s’était placée pour libérer la chambre.
« Mais quelle conne!! » pensa-t-elle, se prenant la tête entre les deux mains. « J’avais l’occasion rêvée pour lui demander si on pouvait se parler en tête à tête! Et moi, je lui dis d’aller se changer sans rien de plus!! Je suis vraiment la reine des cruches!! »
Elle se tourna vers la porte, leva lentement le bras et s’apprêta à frapper à la porte. Elle s’arrêta brusquement, saisie d’un doute.
« Qu’est-ce que je vais lui dire? » se demanda-t-elle. Cette question, qui avait surgi si soudainement dans son esprit, fut suivie par une autre: « Est-ce que je dois ou pas? ». Tout devenait confus dans son esprit et son hésitation n’en était que grande.
De l’autre côté de la mince paroi en bois qui les séparait, Ulrich se redressa et se dirigea vers son sac qu’il avait laissé au pied du lit sans prendre la peine ni le temps de ranger ses affaires dans la grosse armoire où se trouvaient déjà celles de Yumi. Puis il enleva toutes ses affaires trempées et, les laissant par terre, saisit une serviette dans son bagage afin de s’essuyer complètement. Il déballa ensuite tous ses habits sur le grand lit et prit le temps de choisir un pantalon ainsi qu’une chemise qui lui seyaient bien. Quand il eut fini de s’asperger de déodorant et de s’habiller, il prit un peigne dans sa trousse de toilette avant d’aller se recoiffer face au miroir de l’armoire. Lorsqu’il fut prêt, il ramassa ses vêtements mouillés et les plaça dans un grand panier en osier qui se trouvait au pied de l’armoire, sur le côté droit de celle-ci, en attendant de les mettre à sécher. Après qu’il eut fini cela, prit une grande inspiration comme pour prendre son courage à deux mains puis se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il tomba nez à nez avec Yumi, le bras en l’air, qui ne s’était toujours pas décidée à frapper à la porte.
« Yumi?? » fit-il, tout étonné de la trouver là. « Tu... Tu voulais quelque chose?
- Non... Enfin, oui... C’est à dire que... Je... Enfin... » déclara la belle nippone toute embarrassée, en baissant rapidement le bras.
Elle se sentait terriblement gênée d’avoir été surprise dans cette situation, qui plus est par celui qui était la cause de son hésitation. La panique monta en elle.
« C’est pas grave, excuse-moi. » déclara la jeune femme avant de tourner les talons pour essayer de fuir cette posture gênante dans laquelle elle s’était retrouvée bien malgré elle.
- « Non, attends! » lança Ulrich en la rattrapant.
Il avait posé sa main sur l’épaule droite de la jeune femme, ce qui eut pour effet qu’elle s’arrêta net. Lui-même ne savait même pas pourquoi il avait fait cela. Sans doute s’était-il laissé aller par la passion qui le dévorait depuis de si nombreuses années. Yumi eut un léger frisson. De son côté, Ulrich se laissa porter par sa pulsion et laissa glisser sa main le long du bras de sa désirée. Il commença lentement à la faire se retourner vers lui. Elle n’y opposa aucune résistance et bientôt ils se retrouvèrent face à face. Yumi en était toute troublée. Ulrich porta sa main au niveau de la joue pour la caresser délicatement. Puis il approcha son visage de celui de la belle et posa un tendre baiser sur ses lèvres. Yumi se laissa faire. Un frisson lui parcourut tout le corps. Elle posa sa main sur la nuque du beau brun avant de l’enlacer complètement. Leurs cœurs battaient si fort que chacun pouvait sentir celui de l’autre, si bien qu’ils leurs semblaient battre à l’unisson. Ce baiser leur parut durer une éternité. Mais comme cette éternité leur parut courte tant elle fut agréable. Ils séparèrent enfin leurs lèvres. Yumi reposa sa tête dans le creux de l’épaule de son prince charmant. Elle était aux anges.
« Je crois que je t’aime comme au premier jour. » lui glissa-t-il au creux de l’oreille.
Yumi ne savait pas quoi lui répondre. Elle se sentait si bien dans ses bras. Et Ulrich de se reprendre:
« En fait, non... »
Un frisson parcourut tout le corps de Yumi. Elle ne savait pas pourquoi mais elle craignait quelque peu ce qu’il dire.
« C’est bien plus fort qu’au premier jour. » poursuivit-il.
Elle esquissa un sourire.
« Et toi? » lui demanda-t-il.
Elle le regarda dans les yeux. Il pouvait voir plein d’étoiles dans les siens. Elle l’embrassa passionnément. Lorsqu’elle décolla ses lèvres de celles d’Ulrich, elle lui demanda:
« Ça te convient comme réponse?
- Hmmm... Faut voir! » rétorqua-t-il.
Alors qu’ils allaient à nouveau s’embrasser, un gros bruit se fit entendre dans l’escalier qui menait à l’étage. Sam et Aëlita, qui étaient en train de faire la vaisselle dans la cuisine, se précipitèrent vers la source de ce ramdam.
« Mais qu’est-ce qui t’es arrivé?? » questionna Sam.
- « Oh rien, rien! Juste un petit problème technique... » répondit le malheureux Odd qui avait fait un malencontreux roulé boulé sans conséquences dramatiques dans l’escalier.
« Dis, tu pourrais m’aider à me relever s’il te plait? » poursuivit-il. « Parce que là, je suis pas sûr d’y arriver tout seul et j’ai le sang qui commence à affluer vers le cerveau. »
Le pauvre Odd s’était retrouvé dans une position aussi acrobatique qu’improbable dans laquelle il ne serait parvenu à se mettre même s’il l’avait souhaité, ce qui ne manqua pas de faire éclater de rire les deux jeunes femmes lorsqu’elles se rendirent vraiment compte de la situation dans laquelle il était. Par dessus la rambarde du premier étage, deux têtes firent leur apparition.
« On peut savoir se qui se passe? » questionna Ulrich.
- « Heu... "J’ai glissé!" Ça te convient comme réponse? » rétorqua Odd en lui adressant un petit clin d’œil.
- « T’es incorrigible, toi!! » renchérit le beau brun.
Soudain, son attention fut attirée par un détail que seuls lui et Yumi pouvaient voir du fait de leur point de vue sur la scène.
« Au fait, c’est quoi que t’as dans la main, Odd?? » demanda Ulrich.
- « Hein? Ha ça? Heu... C’est rien!! » fit Odd, gêné et essayant de camoufler l’objet en question.
Mais Sam et Aélita eurent le temps de reconnaître ledit objet.
« Odd!! » s’exclamèrent-elles en même temps.
- « Ne me dis pas que t’as osé, quand même!! » gronda Sam.
- « Ben quoi?? » répondit Odd. « Ça faisait un bail qu’on attendait ça! Fallait bien l’immortaliser, non??
- Quoi?! » tonna Ulrich qui commença à descendre les escaliers. « Ne va pas me dire que c’est un appareil photo!!
- « Oups! » fit Odd. « Tiens-moi ça » dit-il à Sam en lui tendant l’appareil.
Alors qu’il venait tout juste de se débarrasser de l’objet, Odd se remit debout en un clin d’œil et s’éloigna à toute vitesse. En fait, d’appareil photo, il s’agissait en réalité d’un petit caméscope, ce que ne manquèrent pas de remarquer les trois jeunes femmes. Lorsqu’Ulrich le remarqua à son tour, il s’écria:
« Odd!! Petit saligaud!!! Reviens ici tout de suite!!
- Jamais de la vie!! » rétorqua l’intéressé, de loin.
Alors que les deux hommes se lancèrent à nouveau dans une course poursuite effrénée, Yumi descendit à son tour pour rejoindre ses deux amies.
« Alors? » lui lancèrent Aélita et Sam.
- « Alors quoi? » répondit Yumi, l’air de rien.
- « Ben... Avec Ulrich? » fit Sam, inquiète.
- « Ha! Avec Ulrich... Ben... » fit Yumi, se mordant légèrement la lèvre inférieure.
L’espace d’un instant, Sam et Aélita crurent que Odd avait fait une boulette magistrale en leur gâchant une occasion de se rapprocher à nouveau l’un de l’autre, avant que Yumi ne s’exclame, toute souriante:
« Il m’a embrassée!!!Hi hiiii!! »
Les deux jeunes femmes crièrent de joie en se jetant dans les bras de Yumi et elles se mirent à sautiller de joie toutes les trois en même temps tant elles étaient heureuses. Quelques instants plus tard, on put entendre Odd hurler comme à la mort, suivi dans d’un grand bruit d’éclaboussure. Odd venait encore de prendre un bain tout habillé sous les regards hilares des autres convives qui étaient restés tout ce temps autour de la piscine.
Environ un an plus tard, le vendredi du début du mois de juin, aux abords d’une grande bâtisse aux allures médiévales. Le temps était magnifique et quelques cerisiers japonais qui ornaient le bâtiment égrainaient au petit vent leurs quelques derniers pétales retardataires. Sous la grande voûte de la bâtisse, par deux fois une question fut posée. Et par deux fois la réponse fut un "oui" franc et sincère. Quelques minutes plus tard, le tintement des cloches se fit entendre et les grandes portes de la cathédrale s’ouvrirent, laissant apparaître Yumi dans sa belle robe blanche au bras d’Ulrich, sous une pluie de grains de riz. Quand cela fut fini, Ulrich et Yumi se retournèrent l’un vers l’autre et échangèrent un regard plein d’amour.
« Hé ho! Vous deux! Vous avez assez perdu de temps comme ça! Maintenant, le bisou!! » lança Odd devant la foule amassé autour des jeunes mariés.
Yumi et Ulrich se regardèrent un instant et, devant l’insistance de la foule qui avait rallié l’opinion de Odd, ils s’embrassèrent tendrement dans les cris de joie de leurs familles et amis réunis.
« Pour le meilleur et pour le pire... »
Ce petit bout de phrase résonnait encore dans la tête de chacun des jeunes mariés. Et tous deux savaient que, désormais, il n’y aurait plus que le meilleur à venir pour eux.
Pour la petite histoire, ce fut Sam qui attrapa le bouquet de la mariée... ;-)
Fin.