Dernière édition le 19 avril 2008
Il est un monde où s’aventurer le soir, seul, relève du courage. Dans les rues sombres se dissimulent pires dangers qu’on ne peut imaginer ni nommer. Ce monde ne connaît que désolations et terreur. La civilisation en a été réduite à la soumission. Le maître, qui s’est imposé depuis plus de trois ans, est parvenu à se faire redouter. L’aube d’un nouvel avenir ne semble plus être possible.
- Aelita ! Ne te retourne pas ! Continue à courir ! hurla une voix masculine.
- Je ne te laisserai pas ! Je t’en prie, il faut que tu tiennes le coup ! lui répondit-elle, non sans frayeur.
- Je me débrouillerai ! Continue ! Je vais les ralentir. Lui dit l’homme en la regardant droit dans les yeux.
- Mais...tenta de protester la jeune femme.
- Aies confiance. Je te retrouve au même endroit. Maintenant, tu vas courir sans te retourner, promis ?
- ...
- Promis ?
- Promis.
- Je t’aime Aelita.
- Moi aussi Papa.
La jeune femme tint sa promesse et se mit à courir le plus vite possible, tout en s’empêchant de se retourner pour regarder ce qui se passait. Elle ne put distinguer que des bruits de lutte et des cris sauvages. Soudain, son sang se glaça quand elle entendit un cri familier de souffrance. Des larmes coulèrent sur ses joues empourprées par la froideur de la nuit. Sans s’arrêter, elle murmura :
- Oh non...ils l’ont eu aussi...Nous sommes perdus !
Dans une ancienne maison de la vieille ville, deux jeunes gens se tenaient debout près d’une cheminée où des bûches en bois crépitaient sous la chaleur des flammes. Deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années, aux carrures athlétiques, témoins d’entraînements quotidiens, un luxe que l’on se paye si l’on veut survivre à cette époque. Tous deux avaient des cheveux blonds et l’un portait des lunettes.
- Et s’il avait raison ? Et si la menace se propageait plus vite qu’on ne le pensait ? fit l’un.
- Je ne crois pas Odd. Je ne sais pas si on peut avoir confiance en ses dires. Rappelle-toi la dernière fois, il nous avait mené en bateau. Répondit l’autre.
- Je crois qu’on peut quand même en tenir compte, Jérémie. Et puis, d’après ce que j’ai vu...
Un bruit les interrompit soudain. On frappa à la porte de manière lasse. Cela les surprit et de la panique pouvait se lire sur leurs visages. Odd et Jérémie se regardèrent un moment, s’interrogeant du regard sans bouger. On refrappa à la porte puis un bruit sourd retentit. Un bruit de choc contre la porte. Odd fut le premier à réagir.
- Reste derrière moi et quand je te fais signe, tu cours. Il ne faut pas qu’ils nous attrapent tous les deux.
- Non mais ça va pas ? Je ne te croyais pas si héroique que ça mon pauvre ami. Ricana Jérémie.
Odd lui fit signe de se taire, écoutant le moindre bruit à l’extérieur. Rien. Il attendit encore quelques secondes avant de se décider d’ouvrir la porte. Personne. Il allait refermer la porte quand une masse au sol remua. Son regard fut attiré sur la masse et ses yeux s’écarquillèrent.
- Jérémie ! Viens m’aider !
Jérémie arriva rapidement tout en gardant une arme à la main et la jetta quand il vit la silhouette affalée devant eux. Les deux jeunes gens ramassèrent la masse et l’installèrent à l’intérieur près du feu. Les flammes se reflétèrent sur le visage de l’inconnu. Odd s’approcha et dégagea le visage de la capuche sombre. Jérémie et lui en furent stupéfaits. Il s’agissait d’une jeune femme d’une très grande beauté. Elle arborait une longue chevelure en cascade et son visage était pâle. Ses lèvres roses contrastaient presque. Ils furent tous deux subjugués par une telle beauté si mystérieuse. Odd s’osa à la toucher, trop curieux et constata que sa peau était très froide.
- Jérémie, elle est trop froide. Il faut la réchauffer ! Je vais lui faire un bain pour qu’elle se réchauffe.
Jérémie ne répondit pas et s’approcha de la jeune femme inconsciente. Il souleva de longues mèches et découvrit des égratignures sur son front, ses joues et son cou. Elle semblait épuisée et pourtant si paisible. Il voulut lui ôter son long manteau pour lui donner des vêtements plus chauds quand il remarqua un tatouage sur son poignet accompagné d’une gourmette en argent avec une inscription : « Aelita ». Le tatouage était de forme < O > (clin d’œil à ma série préférée). Jérémie la contemplait, le mystère qui l’entourait l’attirait.
Odd revint de la salle de bains et découvrit Jérémie agenouillé près de l’inconnue. Il sourit, se disant, que peut-être son meilleur ami allait connaître l’amour.
- Mais je m’emballe un peu trop je crois...fit le jeune homme en souriant intérieurement.
Quelque part ailleurs...
Un homme entra dans une immense pièce sombre et lugubre. Seules des sources de lumières scintillaient dans la salle. Il marcha d’un pas non rassuré. Devant lui, au loin, trônait une silhouette sombre, imposante et inspirant la crainte.
- Maître...fit l’homme d’une voix craintive.
- L’avez-vous retrouvée ? J’espère car sinon vous me faites perdre mon temps ! vociféra t’il.
- Elle...Elle est introuvable, nous l’avons recherchée partout. Mais elle a fui au moment où nous avons attrapé son père.
- Et ?
- Il nous a aussi échappé...maître je...
Mais le chef l’interrompit. Il leva sa main et forma une boule d’énergie de couleur bleue.
- Non, maître !! Ce..Cela ne se représentera plus, je vous le promets ! pleurnicha le soldat.
- En effet, cela ne se représentera plus.
Il envoya la boule d’énergie sur le malheureux qui disparut aussitôt. Le Maître se leva et se dirigea vers un portrait accroché sur un des murs. Une belle jeune femme était représentée. Un sourire énigmatique. Elle avait un regard profond et des yeux bridés. Sa longue chevelure noire cascadait sur ses épaules. Elle semblait heureuse.
Le Maître souligna les contours du visage peint de son doigt puis descendit au cou et serra son poing.
- Quand je te retrouverai, crois-moi, tu regretteras ce que tu m’as fais subir !
Il frappa de son poing contre le mur et du sang s’écoula lentement. La lueur d’une bougie éclaira son visage balafré au niveau de l’œil, ce qui accentuait son aspect lugubre.
Dehors, la nuit était tombée très tôt. La neige recouvrait les sols d’un épais manteau blanc. Il neigeait abondamment et la visibilité en était très réduite. Personne n’osait s’aventurer tant les dangers dehors étaient présents. Pourtant cela ne fit pas reculer une personne qui osa braver les interdits imposés par le maître depuis son accession au pouvoir. Une personne où plutôt un homme. Sa silhouette se déplaçait de manière très discrète et furtive. Il n’avait qu’un but en cette soirée très sombre. Où plutôt une mission qu’il s’était fixée voilà plus d’un an. Des paysages si familiers défilaient au fur et à mesure de sa progression. Soudain, la silhouette se figea. Elle venait d’entendre un bruit. A peine perceptible mais présent. La neige tombait si fort qu’il était impossible de voir plus loin que cinq mètres. Sa main se serra contre son fourreau. Ne voyant pas l’origine, il voulut se remettre en marche mais son regard fut attiré par quelque chose dans la neige, juste à sa droite. Il se méfia, attendit quelques secondes, et comme la « chose » ne bougeait pas, il s’en approcha. Il se mit à genoux et découvrit avec stupéfaction une main. Si fine qu’elle ne pouvait appartenir qu’à une femme. Il regarda de plus près et vit le corps féminin en question, recouvert de neige. Il prit instinctivement son pouls. Elle respirait faiblement mais était toujours en vie. Il la souleva de la neige et la prit dans ses bras. Sa mission n’allait pas être pour ce soir. Pas cette fois.
Le crépitement des flammes venait rompre le silence qui s’était installé dans la pièce. Jérémie ne pouvait s’empêcher de se demander qui pouvait bien être cette belle inconnue et que lui était-il arrivé. Aelita dormait à l’étage. Elle s’était peu à peu réchauffée mais était toujours inconsciente. Odd descendit pour retrouver son ami.
- Elle dort paisiblement. Je me demande bien ce qu’il a pu lui arriver.
Jérémie se retourna au moment où Odd parlait. Mais quelque chose l’intriguait car il n’avait rien écouté de la conversation.
- Oh tu m’écoutes ? demanda Odd.
- Euh oui...Désolé.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Son poignet. Tu l’as vu ?
- Oui. Elle avait un bracelet avec une inscription gravée. Je crois que c’était AELITA.
- Oui, c’est cela. Mais elle avait aussi un tatouage.
- Et ?
- Il me semble l’avoir déjà vu quelque part. Mais je ne sais plus où...
- Et sa chevelure, c’est étrange n’est-ce pas ? Je n’avais jamais vu une telle couleur de cheveux auparavant. Rose c’est pas courant.
Mais Jérémie ne l’écoutait déjà plus. Il était trop occupé à tenter de retrouver l’endroit où il avait déjà vu ce tatouage.
Le jeune homme se précipita à l’orée de la ville et se faufila avec son inconnue dans les rues sombres.
- « La neige a quand même de bons côtés, tout compte fait » Pensa l’homme.
En effet, la poudreuse dissimulait son passage et de plus, l’obscurité de la nuit rendait difficile de discerner quelque chose au loin. Il traversa toute la ville avant d’arriver à destination. Il poussa la porte d’une vieille bâtisse. Il grimpa des escaliers et arriva dans une sorte d’appartement. Mais l’état de délabrement indiquait qu’il n’y vivait que très rarement. Il déposa la jeune femme sur son lit. Ce n’est qu’à ce moment qu’il la découvrit vraiment. Il n’avait pas vu son visage sous la neige. La jeune femme était d’une très grande beauté. Elle avait une longue chevelure noire qui lui tombait sur les reins. Sa peau était si blanche qu’elle contrastait avec ses lèvres bleutées par le froid. Ses doigts si fins étaient, eux aussi, un peu bleus, signe qu’elle avait du rester dans le froid depuis un petit temps. Ses vêtements étaient déchirés. Et elle était recouverte de boue, comme si elle était tombée à terre lourdement. Il se releva et alla chercher une couverture et un bol d’eau pour lui nettoyer le visage. Mais le plus important était qu’elle se réchauffe. Il alla allumer un feu dans la cheminée et chercha ce qui pouvait lui permettre d’avoir plus chaud. Le jeune homme fit bouillir de l’eau. Il regarda par la fenêtre la neige tomber. Il plongea sans le vouloir dans de douloureux souvenirs. Le bruit de la bouilloire le fit revenir à la réalité. Il versa l’eau dans une tasse, y plaça du thé et s’approcha de son inconnue. Il prit une bassine et un linge pour lui nettoyer le visage. Le jeune homme tordit le linge humide et commença à nettoyer le visage de son invitée. Cette dernière lui attrapa violemment le poignet et le fixa d’un regard pénétrant. Il remarqua ses traits asiatiques et ses yeux bruns. Il lui rendit son regard puis observa sa main sur son poignet. Une énorme cicatrice mal soignée s’étendait sur la largeur de sa main droite et des gerçures sur chacun de ses doigts, signe du froid.
- Je ne te veux aucun mal... lui dit-il sans détourner son regard de sa main.
Elle n’ouvrit toujours pas la bouche. Elle l’observa quelques secondes puis desserra sa poigne. Il lui nettoya le visage doucement tout en sachant qu’elle l’observait. Elle avait un beau teint beige. Sa lèvre inférieure était coupée et avait une entaille au niveau du front. L’homme était vraiment subjugué par sa beauté. Il se leva pour aller chercher la tasse. L’inconnue le détailla du regard. Il était grand, brun, une carrure athlétique et un regard si profond. Elle avait pu y déceler une profonde souffrance, sans doute un drame qui lui était arrivé. Il avait un anneau à sa main droite.
-« Sans doute marié...mais où est-elle alors ? ». La jeune femme reporta son regard aux alentours. Elle découvrit un habitat assez simple. Il y avait le strict nécessaire et peu de confort, signe qu’il se déplaçait très souvent. Et aucune trace d’ « elle ».
-« Etrange ».
Il se rassit devant elle, coupant court à ses interrogations. Il avait amené une tasse et un bandage. Il la regarda droit dans les yeux et lui dit :
- Ta main n’a pas été correctement soignée. Cela risque de faire mal. Il lui prit sa main et la nettoya. Elle se retint d’hurler de douleur et serra le plus possible les draps. Il lui retourna la main pour la nettoyer et constata la même blessure.
- « une lame a transpercé sa main. C’est incroyable qu’elle puisse encore la bouger. »
Il banda sa main et releva son regard sur elle. Ses yeux étaient luisants. Elle se retenait de ne montrer aucune expression pourtant cela se voyait qu’elle avait mal. Il avait tant de questions à lui poser mais ne voulait pas la brusquer. Elle lui semblait si sauvage. Il se releva vers la cuisine. Mais il ne put s’empêcher de regarder vers l’extérieur.
« - Lâchez-la ! Elle n’y est pour rien ! Prenez-moi à sa place !
- Les ordres sont les ordres, ne vous mettez pas en travers du Maitre.
- Mais elle n’a rien fait...
- Elle doit mourir pour ne pas avoir collaborer aux ordres du Maitre.
- Je t’aime Ulrich, ne m’oublie pas...On se reverra.
- Nonnnnnn ! »
Il fut interrompu dans ses songes pas un toussotement. Il se retourna et vit l’inconnue debout face à lui.
- Est-ce que ça va ? lui demanda la jeune femme.
- Oui. Très bien. C’est plutôt à vous que je devrais poser la question. Lui répondit Ulrich.
- Maintenant oui. Je...Je voulais vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi.
- C’est pas la peine. C’est normal. Lui dit en souriant. Je m’appelle Ulrich et vous ?
- Yumi.
- Enchanté yumi.
Elle lui sourit, prit la tasse de thé et partit se rasseoir sur le lit. Elle tenait la tasse de sa main gauche, son autre main lui était trop douloureuse. De la cuisine, il la détaillait du regard et le visage de sa femme se superposa au sien.
- « Le même sourire, le même regard... »
Quand Yumi remarqua ses yeux posés sur son visage, elle ne put s’empêcher d’être gênée et remit une de ses mèches derrière ses oreilles. Ulrich s’en rendit compte et se retourna, également gêné. Il regarda par la vitre. Il neigeait toujours.
- « comme ce jour-là... »
- Je ne vous laisserai pas l’emmener !
- C’est la loi ! Ecartez-vous si vous ne voulez pas subir le même sort que votre femme !
- Ulrich ne t’en fais pas...
- Mya !
Une larme coula sur sa joue en repensant à ce douloureux moment de sa vie. Mais c’était le passé. Et un an s’était écoulé depuis. Il fut sorti de ses songes par une voix dont il avait oublié la présence.
- Ulrich...
Il passa sa main sur sa joue et reprit une attitude convenable avant de se retourner sur elle. Il lui sourit timidement comme pour lui faire croire que tout allait bien.
- Oui ?
- Puis-je utiliser votre bain ?
- Oui bien sûr, quelle question. C’est par là.
Il lui indiqua de la main droite la salle de bains.
- Je vais vous donner de quoi vous changer.
Il lui tendit une chemise à lui en attendant que ses habits sèchent. Yumi lui sourit timidement et partit vers la salle de bains. Ulrich ne put s’empêcher de la suivre du regard. Et quand la porte se referma, il partit chercher sa dague pour la faire luire, chose qu’il faisait tous les soirs depuis un an ; sorte de moyen pour occuper ses pensées et ne pas revivre ce même cauchemar qui le hante durant ses nuits. Mais plus il frottait son arme, au plus de questions se bousculaient dans sa tête. Soupirant, Ulrich posa sa dague sur la table et prit sa tête entre ses mains durant quelques secondes. Il rouvrit les yeux et regarda son annulaire droit.
- A quoi bon garder cet anneau, c’est du passé...Je ne la reverrai jamais. Je dois avancer et faire en sorte que sa mort ne soit pas vaine. Dit-il tout haut.
Voila la promesse que s’était fixé Ulrich depuis près d’une année. Venger son épouse et continuer le combat. Mais seul, cela lui était difficile.
Il replongea dans ses pensées, et quand il refixa son regard dans la réalité, il la vit. Yumi lui faisait face et le regardait intensément. Sans doute pour tenter de comprendre ce qui avait pu lui arriver pour souffrir autant. Elle avait lavé ses cheveux et ils lui tombaient sur ses épaules recouvertes de la chemise anthracite qu’Ulrich lui avait prêtée auparavant. Le vêtement, bien qu’ample, mettait en valeur ses formes et sa silhouette fine mais sportive. La chemise lui arrivait au-dessus des genoux. Ses jambes étaient fines et musclées légèrement. Elle croisait les bras sans rien dire.
- Tu lui ressembles tellement...murmura t’il, ses yeux embués d’un passé lointain. Le visage de sa femme se superposa à nouveau sur celui de la japonaise.
« Ulrich... »
Il se revit l’embrassant.
- Ulrich !
Il rouvrit les yeux et se rendit compte qu’il venait de l’embrasser. Il se recula et croisa son regard apeuré. Il pouvait y lire de la peur et de la tristesse.
- Je ...navré. Je suis désolé. Je ne sais pas ce qui m’a pris.
Yumi s’approcha de lui et lui fit face.
- Elle a beaucoup de chance.
Ulrich fut comme réveillé par cette affirmation. Il leva les yeux et fut surpris de la voir si près.
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Tu m’as sauvé la vie. Si tu n’étais pas à l’affut du moindre bruit, tu ne m’aurais pas trouvée.
- Ce n’est...Ma femme....J’ai perdu ma femme il y a un an. Répondit Ulrich tristement.
- Désolée...
- C’est gentil. Dis-moi, puisque tu sais quelque chose sur moi, à mon tour. Que t’est-il arrivé ?
- Longue histoire.
La japonaise partit se rasseoir. Elle sirotait son thé le regard dans le vide, emprunt d’une certaine mélancolie. Ce qui n’échappa pas au beau brun.
- Ta main, comment cela t’est arrivé ?
La jeune femme regarda sa main comme si elle la voyait pour la première fois. Et tous ses souvenirs lui revinrent.
« - Je t’en prie, ne me demande pas ça !
-Je n’ai pas le choix Yumi !
- On a toujours le choix !
- C’est trop tard...
La lame se leva et tout alla vite. Mais elle n’atteint pas son objectif premier. Yumi venait de mettre sa main devant la lame. Elle n’hurla même pas. Elle le regarda, larmes aux yeux... ».
- Yumi ?
- Je...
Elle cacha sa main meurtrie comme pour échapper à la question. Sans lever son regard vers son interlocuteur, elle dit d’un ton las :
- Disons que nous avons tous deux perdus quelque chose qui nous était cher. Toi ta femme et moi...
- Toi ?
- ...
- Tu n’es décidemment pas bavarde comme fille, fit-il sur la plaisanterie.
Elle releva ses yeux et lui sourit.
- Tu as raison. C’est une façon de me protéger....Mais je vais t’avouer une chose, c’est que ...
Mais Yumi s’interrompit soudainement, son visage se glaça tout à coup. Un mauvais pressentiment la parcourut. Ulrich s’étonna de ce revirement de situation et quand il la fixa, ses yeux s’assombrirent.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- On ne peut pas rester là. Tu dois t’en aller au plus vite.
- Mais pourquoi ?
- Fais-le maintenant avant qu’il ne soit trop tard.
- Mais Yumi...
- S’il te plait. Fais-le.
Ulrich alla chercher sa dague et se dirigeait vers la porte, suivie de Yumi quand une ombre noire et menaçante passa devant la fenêtre.
- Cours ! lui hurla Yumi.
Mais juste au moment où Ulrich ouvrit la porte, une énorme déflagration résonna et tout l’appartement fut soufflé. Ulrich et Yumi furent projetés en arrière contre un mur. Une énorme fumée noire envahit l’environnement et se dissipa au bout de quelques secondes. Un spectre à la forme humaine apparut et s’approcha des deux jeunes gens. Il avait une allure menaçante et très féroce. Il s’agenouilla, face à la japonaise et la toisa d’un regard noir.
- Décidemment, le personnel n’est plus ce qu’il était. Regardez-moi ça ! Même pas fichu de terminer correctement la mission qu’on lui donne.
La japonaise ouvrit les yeux et reconnut son adversaire. Elle tâta de sa main le sol à la recherche de la dague d’Ulrich. Mais la créature l’empoigna avec force par le cou et la souleva dans les airs. Yumi s’agrippa aux mains meurtrières sans pouvoir s’en défaire.
- C’est votre jour de chance, altesse. Le maître désire vous revoir. Votre châtiment est levé. Mais sachez en profiter, car le maître n’est pas généralement d’humeur aussi clémente de ces temps-ci. Lui dit-il en la narguant tout en continua de lui presser le cou.
- Relâche-la tout de suite, fit Ulrich qui se tenait debout derrière la créature.
- Pauvre mortel, tu ne sais pas à qui tu as à faire. Lui répondit-elle.
- Toi non plus apparemment. Lui répondit Ulrich avec audace.
Ce qui mit le spectre dans une colère noire. La créature lâcha Yumi qui tomba lourdement au sol en suffoquant.
- Tu vas périr pour ton insolence.
Le spectre se lança dans un corps à corps avec le beau brun. Malheureusement pour lui, son adversaire prit vite le dessus. Le spectre leva son bras et juste au moment où il allait l’abattre, celui-ci se bloqua en l’air. Le spectre jura et retourna la tête en direction de la jeune femme. Yumi fermait les yeux et avait un bras tendu devant elle. Le bras avec la main blessée. Elle semblait souffrir en se concentrant, tous ses membres tremblaient. Ulrich n’avait pas compris sur le moment ce qui venait de se passer. C’est quand il entendit la voix de Yumi qu’il revint à la réalité.
- Ulrich, ta dague...murmura t’elle.
Ce dernier la rechercha sous les décombres sans la trouver. Le spectre tentait de se débattre de l’emprise de la japonaise. Elle commençait à faiblir, ce qui ne lui échappa pas. La créature utilisa toute sa force pour bouger et juste au moment de surgir sur le jeune homme, elle sentit une douleur au niveau du thorax. Le spectre vit la dague d’Ulrich plantée dans son corps. Il releva les yeux vers lui et ricana avant de disparaître en fumée.
- Je reviendrais vous rechercher altesse...le maitre a toujours ce qu’il désire.
Yumi était tombée à terre sous le choc du spectre. Sa main était sanguinolente et elle tremblait d’avoir fourni un tel effort. Ulrich s’approcha d’elle et l’aida à se relever. Elle lui murmura en lui souriant difficilement.
- Tu vois, on a tous nos petits secrets...
Aelita courait dans les bois, poursuivie par des loups. Elle cavalait le plus vite qu’elle pouvait mais les bêtes gagnaient du terrain. La jeune femme n’en pouvait plus : elle suffoquait tant l’effort lui coûtait. Elle ne faisait pas attention à la direction qu’elle prenait, elle ne faisait que courir. Aelita ne vit pas la racine de l’arbre à ses pieds et trébucha dessus. Et quand elle releva la tête, une gueule féroce lui faisait face. La jeune femme hurla de terreur.
- Réveillez-vous ! entendit-elle au loin.
Mais elle ne réagissait pas.
- Aelita !
Elle ouvrit difficilement les yeux et regarda autour d’elle. L’endroit lui était inconnu et cela lui fit peur. Aelita tourna la tête vers son interlocuteur. Jérémie et Odd étaient face à elle et semblaient inquiets. La jeune femme les dévisagea et chercha à comprendre la situation.
- Vous avez fait un cauchemar. Mais c’est fini. Vous êtes en sécurité ici. Lui dit doucement Odd.
Elle le dévisagea étrangement comme si elle ne le comprenait pas. Jérémie le remarqua et lui demanda :
- Aelita, pourquoi êtes-vous ici ?
Le regard de la jeune femme se détacha du premier pour se poser sur son deuxième interlocuteur. Elle ne répondit pas.
- Je vais faire plus simple. Qui êtes-vous ? demanda Jérémie.
Aucune réponse.
Le jeune blond s’impatienta. Mais Odd le calma en émettant une supposition :
- Elle ne parle peut-être pas...Laissons-la se reposer.
Odd fit signe à Jérémie de partir. Et au moment, où ils franchirent la porte, Aelita se mit à parler.
- Où suis-je ?
Odd et Jérémie se retournèrent subitement, ne s’attendant pas que la jeune femme sorte de son mutisme.
- Vous êtes chez nous. Je m’appelle Odd et lui c’est Jérémie. Vous êtes arrivée chez nous cette nuit. Vous vous rappelez ?
Elle les regarda à nouveau sans comprendre. Cela exaspéra Jérémie.
- Mais enfin ! Vous vous fichez de nous ?
Aelita prit peur et le regarda effrayée. Il se radoucit voyant l’expression de la jeune femme.
- Pardonnez-moi, je n’aurai pas du.
- Vous vous appelez bien Aelita ? Tenta Odd.
- Je crois. Dit-elle en regardant sa gourmette.
- Vous étiez en hypothermie quand vous êtes arrivée chez nous. Et vous avez une blessure à la tête. Que vous est-il arrivé ?
Elle passa instinctivement sa main sur sa tête et senti la blessure. Elle releva les yeux vers eux et murmura larmes aux yeux :
- Je ne sais pas...Je ne me souviens de rien !
Yumi et Ulrich marchèrent depuis une bonne heure sans rien dire, toujours à l’affût d’un bruit. Puis le jeune homme lui prit la main et l’emmena dans un coin qu’il connaissait bien.
Yumi se laissa glisser contre un mur tant elle était épuisée du combat qu’ils venait d’avoir. Ulrich s’assit devant elle et soupira.
- je crois avoir droit à quelques explications, non ? dit-il après quelques minutes de silence.
- Ecoute,...C’est compliqué...
- Oue...Ca tu vois, je l’avais compris.
- Je ne veux pas t’y mêler. C’est trop dangereux. Je..
Mais Ulrich la coupa :
- Attends ! J’ai bien le droit de savoir ce qui se passe. Je te rappelle que j’ai pris des risques en te sauvant.
- Je...
- C’est quoi ce truc...Ce « pouvoir » ?
- Un pouvoir ? Une malédiction, tu veux dire...
- Et tu l’as depuis longtemps ?
Yumi se releva et déchira un pan de sa chemise pour bander sa main. :
- Ecoute. Je te remercie de m’avoir sauvée la vie mais nos chemins vont se séparer ici.
- Quoi ? Mais attends ! Je veux savoir ! Pourquoi en voulait-il après toi ? Et c’est quoi ce surnom d’ « altesse » ?
- S’il te plait, ne te mêle pas de ça...
Ulrich lui attrapa le poignet et commença à hausser le ton.
- Il faut que je sache ! Et comment savais-tu que ma dague allait faire de l’effet sur lui ? Mais qui es-tu à la fin ?!
Le spectre rentra au château et vint informer le maitre, même si cela signifiait qu’il avait échoué à sa mission. Il traversa un long couloir sombre, éclairé par des vestiges de bougies. Au fur et à mesure qu’il s’avançait, il tremblait. Et s’il avait pu avoir un cœur, ce dernier aurait suivi un rythme très rapide. Il traversa plusieurs salles avant de parvenir à son but.
Les portes de la salle centrale s’ouvrirent sans qu’il n’appuie sur les poignées. Le spectre entre et, aussitôt, les portes se refermèrent derrière lui. Même s’il n’avait pas de conscience, il sursauta.
- Où est-elle ?
- Seigneur, elle m’a échappée...
- Et tu oses venir te montrer après ce lamentable échec ?
- Mais Seigneur...
Le maître leva sa main et une énorme boule bleue apparut. Il tendit le bras en direction de son subordonné. Ce dernier tremblait de peur.
- Pitié, Maître ! J’ai quelque chose à vous dire !
- Tu as trois secondes.
- Elle...Elle ne maîtrise pas son pouvoir...Elle n’est pas consciente de son étendue.
- Bien.
Il releva la main dans sa direction, agrandissant la sphère.
- Pitié !...Elle ...Elle n’était pas seule.
Le Maître abaissa son bras de surprise.
- Quoi ? Comment ça ? Qui était avec elle ?
- Un homme. Il possédait la dague sacrée.
Cela fit un choc au Maître même s’il faisait tout pour le dissimuler.
- Est-il au courant de ce que cela implique ?
- Non. C’est elle qui lui a dit de s’en servir.
- Alors elle ne lui a rien dit...songea le dirigeant. Ce dernier plongea dans diverses réfléxions. Son sbire en profita pour se retirer avant d’être puni.
Le « Seigneur » se leva et se dirigea vers une porte secrète. Il la poussa, cette dernière glissa lourdement. Il pénétra dans une pièce éclairée de bougies. Au centre, un lit où reposait un corps féminin. Le maître s’approcha d’elle et caressa son visage.
- Bientôt mon amour, bientôt tu seras à mes côtés, à nouveau. Lui murmura t’il.
Il écarta les cheveux de la jeune femme, dévoilant un visage aux traits asiatiques, semblable en tous points à celui de Yumi.
Elle le regarda interloquée puis fixa son poignet qui devenait rouge.
- lâche-moi, tu me fais mal !
- Je ne te lâcherai que quand tu m’auras dit la vérité.
- Je...Je ne peux pas...lui murmura t’elle.
- Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ? lui cria t’il presque.
- Si je te la dis, tu seras en danger et...
- Mais je suis déjà en danger, Yumi !
Elle le regarda, un voile de tristesse passa sur ses yeux.
- Je ne suis pas celle que tu crois...
- Que veux-tu dire ?
- Je ne suis pas comme toi.
- Je ne comprends pas, explique-toi.
- Je ne suis pas humaine. Ou du moins, je ne le suis plus. J’ai été victime d’une manipulation génétique. Kagan a pris mon ADN pour l’insuffler à sa « création ». Elle me ressemble en tout point.
- Tu veux dire qu’elle a ton apparence ?
- Oui. Et bien plus. Kagan l’a créée pour en faire sa reine. Mais il y a eu un problème. Elle ne s’est jamais réveillée car il lui manquait une chose.
- La vie ?
- Ou plus exactement le souffle de vie. D’après la légende, ce dernier est renfermé dans une amulette.
- Mais quel est le rapport avec toi ?
- Il pense que je suis l’amulette en raison de mon pouvoir de contrôler les actions des gens ou la télékinésie si tu préfères.
- Vivre c’est agir...Mais tu es quoi exactement ?
- Je suis d’apparence comme toi. Je ressens les émotions et la douleur. Mais je ne peux mourir. Sauf si Kagan réveille sa création.
- Kagan ?
- C’est le souverain de ce monde. C’est lui qui a fait enlever ta femme. Il la prise pour moi.
Cette parole abattit complètement le beau brun. Il n’avait jamais su pourquoi elle avait été enlevée.
- Je...Je suis désolée. Tout ça est de ma faute...
- Mais...comment t’es-tu échappée ? Pourquoi toi ?
- Je l’aimais. Et il m’aimait aussi. Avant qu’il ne devienne...
- Un assassin ?
- Possédé par une entité...Il a commis tant de crimes en Son nom...Il voulait que je sois Sa Reine. Mais j’ai refusé voyant la folie dans laquelle il m’entraînait. Alors, il m’a manipulée et m’a volé ma vie si je puis dire cela. C’est à ce moment-là que j’ai développé ce don que j’ai pu utiliser pour m’échapper. Et puis tu m’as retrouvée.
Ulrich se leva, complètement perturbé par les propos de son amie. Il alla marcher quelques instants, histoire de voir clair. Yumi finit par s’approcher de lui en lui disant :
- Je suis vraiment désolée...Je ne voulais pas te mêler à tout cela...
Le beau brun s’était assis contre un arbre et leva la tête vers elle :
- Je ne comprends pas ! Quel est ton but ?
- Trouver l’amulette et la détruire car elle détient un très grand pouvoir qui pourrait faire basculer ce monde à jamais.
Ulrich sortit de sa poche la dague.
- Et la dague ?
- Elle est liée à l’amulette. Les spectres la craignent.
- Si j’ai bien compris, t’es une sorte de « spectre » mais avec une conscience et tout ce qui va avec, c’est ça ?
Yumi sourit à la conclusion de son ami.
- C’est à peu près cela. Tu pourrais me tuer avec la dague.
Le jeune homme contempla l’arme. Puis il leva les yeux vers elle, interloqué.
- Mais tu viens de dire que tu étais immortelle.
- Non, invulnérable aux autres armes. Mais cette dague et l’amulette, si elles sont utilisées contre moi, elles peuvent me tuer.
- Ah...
Un craquement se fit entendre. Tous deux se figèrent et tournèrent la tête en direction du bruit. Trois spectres rôdaient dans l’obscurité de la ville et, ayant entendu les éclats de voix, fut attiré vers le lieu où se trouvaient Yumi et Ulrich. Ce dernier lâcha le poignet de la japonaise et serra sa main contre son arme. Yumi se releva, se prépara à se défendre et se figea quand elle reconnut ses adversaires. Le beau brun dégaina son arme et attaqua l’un des spectres. La japonaise ne se laissa pas intimider et aida son compagnon dans le combat. Mais les spectres n’avaient pas l’intention de décevoir une nouvelle fois leur maitre. Ulrich avait réussi à mettre K.O l’un des trois et attaqua un deuxième pendant que la japonaise se battait contre le troisième. Tout à coup, elle entendit une voix :
- Yumi...
Elle se retourna et vit une silhouette juste face à elle. Il la fixa et passa sa main sur son front. La japonaise ne parvenait pas à détacher son regard de son interlocuteur. Ulrich qui en avait fini avec le deuxième spectre grâce à la dague, se retourna et assista à la scène sans trop comprendre. Il tilta au moment où la silhouette toucha la japonaise. Il voulut s’interposer quand il sentit un énorme choc à la tête et tomba à terre sous la douleur. La silhouette retira sa main du front de Yumi et cette dernière sombra dans l’inconscience. Ulrich voulut crier mais ses yeux se fermèrent sous le choc et sombra à son tour dans l’inconscience en gardant l’image d’une ombre emportant la jeune femme dans ses bras.
- Calmez-vous, fit Odd. Nous ne vous voulons aucun mal. Nous voulons juste comprendre...fit-il pour tenter de la rassurer.
La jeune femme à la chevelure rosée les dévisagea l’un après l’autre afin de savoir si elle pouvait leur faire confiance. Elle sécha ses larmes et passa sa main à sa tête.
- Vous avez été blessée à la tête, c’est sans doute pour cela que vous ne vous souvenez plus de rien. S’essaya Jérémie.
La jeune femme fit un signe négatif de la tête. Elle souleva son poignet et remarqua sa gourmette avec son nom. Elle la fit briller au soleil et constata qu’elle avait un tatouage étrange.
- J’ai déjà vu cette marque quelque part mais je ne me souviens pas où...fit Jérémie songeur.
- Vous sembliez faire un cauchemar, vous pouvez nous le dire ? Peut-être que cela nous aidera à comprendre ce qui vous êtes arrivée...
- Des loups...il y a avait des loups qui me courraient après. Je courais le plus vite que je pouvais mais ils me rattrapaient. Je courrais à travers une forêt et je n’ai pas vu la racine, j’ai trébuché et quand je me suis retournée...
Elle ne finit pas sa phrase tant elle était bouleversée. Odd vint s’asseoir auprès d’elle et la prit doucement dans ses bras pour la consoler. Il regarda Jérémie d’un air interrogateur mais ce dernier détourna son regard pour se plonger dans une recherche bien spéciale.
Les trois spectres arrivèrent à l’entrée du château. Mais cette fois-ci, leur maître allait être fier d’eux.