Histoire : Epoca

Écrite par Gini le 13 septembre 2006 (16276 mots)

Dernière édition le 01 janvier 2008

Cette histoire a été réalisée par Gini et Sinien

Ma vie a toujours été limitée à ses murs. Epoca est mon univers. Je ne connais que la douleur et le mal depuis des temps illustres. Et elle est arrivée. Celle qui me conduira à ma perte. Pourtant, elle m'attire tout comme je la hais de tout mon être. Mon opposé. Quelle ironie. Si jamais il l'apprenait, même l'enfer ne pourrait me protéger...Et mon devoir est de la supprimer...


Epoca. Un monde sans pareil. Un monde où le temps n’est plus. Un monde où les règles humaines n’existent plus.

La lune berce l’eau de ses reflets. J’y admire sa beauté bien que ça soit contre la loi. Mais qu’est-ce que la loi ? Des règles écrites depuis des millénaires par Ce tyran qui nous sert de chef d’état. Le peuple souffre et, ce, depuis des années. Mais personne n’ose s’y opposer. Rien ne change. Tout est toujours le même sur Epoca. Assise sur les hauteurs d’un ponton, je me mets à rêver à une destinée qui ne s’offrira à moi que dans mes rêves les plus fous. J’ai passé 20 années à suivre ces maudites règles par soumission et par crainte de Son courroux. Mais je ne peux plus vivre dans la crainte. Je me sens remplie d’un courage et d’une force qui me poussent à croire que je puisse jouer un rôle dans l’histoire d’Epoca. Mes cheveux flottent dans le vent. Je repense à mon amour défunt. Cet amour que j’ai perdu à cause de Lui. Je l’aimais tellement qu’on s’était promis d’unir nos vies à nos 19 ans. Mais Il l’a su. Et Il l’a tué sous mes yeux pour bien faire comprendre qu’Il était le chef et qu’Il décidait de nos vies. Mais j’en ai assez. Et il ne reste qu’un mot en moi. Vengeance. C’est pourquoi j’ai quitté mon monde pour le pourchasser. Il a détruit Akilian, mon monde, comme il le fera pour Epoca. Akilian, mon monde, ma famille. Je suis venue pour le traquer. Mais j’ai changé d’apparence, de nom pour Le confondre. Asta est mon nom. Trois siècles durant lesquels ma famille l’a combattu. Trois siècles de souffrances et de crimes injustifiés. Je suis l’unique héritière d’une longue génération de guerriers. Et aujourd’hui, c’est à mon tour même si je m’y refuse.Mais telle est ma destinée, si lourde qu’elle soit.


C’est tout ce qu’il me reste. Un souvenir si faible mais si précieux.
Une légère brise froide vient me refroidir l’échine. Je frissonne. Je n’ai pas l’habitude du froid. Il faisait chaud sur Akilian. Mais il n’est plus. D’un revers de la main, Il l’a détruit. Tous ceux chers à mon cœur sont morts. J’ai survécu. Je ne sais pas comment mais je sais pourquoi : les venger.
Cette terre inconnue est si silencieuse. Je n’aime pas ça. Ça me rappelle trop la mort. La lune est si ronde ici. Elle est encore plus belle que chez moi. Je continue de l’admirer. Mon regard se perd en sa grandeur. Un visage me revient. Il est flou. Mais je sens au plus profond de mon être qu’il m’aime. Un craquement me fait sortir de mes songes. Je suis sur le qui-vive. Personne n’oserait sortir la nuit. A moins que ce ne soit Sa garde.
Ils se faufilent telle une ombre et vous attrapent sans crier gare. Le moindre écart aux lois et s’en est fini de vous. Je me relève. Je suis silencieuse. Mon corps entier est en alerte. Mes yeux ont changés. Ils sont devenus si fins, à l’affût de tout. Je vois très bien dans la nuit. J’aperçois des ombres non loin de moi. M’ont-ils repérée ? Je m’accroupi derrière une vielle pierre de marbre, vestige de notre bonheur passé. Les ombres continuent leur route. Mais je reste aux aguets. Avec eux, il faut toujours se méfier. Je reste bien une demi-heure dans cette position, sans relâcher mon attention. Je sens que le danger rôde toujours. Je dois rentrer. Je me déplace rapidement et silencieusement telle une panthère.
J’ai toujours été comme ça. On m’a dit que c’était dans mes gènes, même si je ne sais pas trop ce que c’est. Ma mère était comme ça aussi. Notre famille a toujours eu ce don, cet instinct. Il se transmet de génération en génération. En apparence, je suis comme n’importe quel être. Mais au plus profond de moi, je sais que je suis différente. Plus agile, plus rapide. On m’a bien souvent comparé à eux. J’ai toujours détesté ça. Je ne suis pas comme eux. Je ne tue pas pour le plaisir, je ne suis pas à Ses ordres.
Je me dirige vers ma cachette. Je suis obligée d’en changer régulièrement pour ne pas me faire prendre. C’est une ancienne église délabrée. La voûte est quasi détruite et seule une petite loge possède encore un toit. Je dispose de quelques malheureuses couvertures. Le vent étant devenu glacial, je m’enroule dedans, soufflant dans mes mains pour me réchauffer. Le ciel se couvre. Il va pleuvoir cette nuit. Je le sens. Il me reste une pomme. Je plante mes dents dedans. Elle n’est pas très juteuse et sucrée mais je n’ai que ça pour me nourrir. Je fouille dans les poubelles ou vole à l’étalage. Je ne suis pas très fière de ça. Mais sans nourriture, je ne pourrais pas Le chercher. Je finis par m’endormir, toute tremblante.


Je fini par m’endormir, toute tremblante.

La lune est pleine ce soir et je me couche sous ses lueurs. Plus rien n'a d'importance. Plus rien ne compte. Je ferme les yeux
lentement et j'étouffe ma respiration pour n'entendre plus qu'un seul bruit qui m'obsède depuis longtemps. Les battements de
son coeur qui ne résonnent désormais que faiblement. Qu’ais-je fais? Je suis maudite...Il me regarde un dernier instant et me
sourit en me murmurant un profond et sincère "je t'aime". Je viens de perdre mon unique amour. Je le regarde mais je ne
pleure pas. La déchirure est trop grande pour laisser place à un flot de larmes. Je suis épuisée et je m'endors sur son corps
en lui murmurant un " pardonne-moi de t'avoir aimé".


Je me réveille en sursaut. Des larmes perlent sur mon visage glacé par le froid de la nuit. Encore ce rêve. Ou plutôt, ce souvenir.
Ce jour qui a fait basculer ma vie. Kalahan. Mon meilleur ami. Mon confident. Mon amour a été tué sous mes yeux par Lui.
Lui qui se fait appeler depuis trois siècles Eoghan. Je lève les yeux au ciel, espérant apercevoir la lune, seule source de lumière
dans ma vie. Il aimait la lune. La première fois qu’il m’a embrassée, l’astre illuminait la lande de toute sa splendeur.
Je passe lentement mes doigts sur mes lèvres, essayant désespérément de me souvenir de la douceur des siennes. Je n’y
arrive pas. Une larme coule lentement sur ma joue, laissant un sillage dans la saleté.
Un bruit familier me fait sortir de mes songes. J’essuie du revers de mon bras, cette marque d’amour et rassemble mes
affaires. Le dénicheur approche. Si je ne bouge pas plus vite, ça en sera fini de moi. Je range mes couvertures et mes
quelques armes dans un vieux sac de toile. Il approche par l’Est. Je me dirige vers le Sud. J’avance prudemment pour ne
pas faire de bruit. Il est juste au dessus de l’église. Il est en train de passer son rayon sur la terre. J’ai soudain mal à
la tête. Je mets mes mains sur mon front. La douleur est violente.

Je suis sur Akilian. J’ai environ cinq ans. Ma tante me serre dans ses bras, cachant mon visage dans sa poitrine. J’ai
peur, très peur. Je tourne légèrement la tête et aperçois un horrible objet dans le ciel. “ Tantine, c’est ... c’est quoi ? ”. “ Ne
regarde pas Asta. ”. Je me blottis encore plus contre ma tante. Mais je continue de regarder la scène. L’objet volant est
rond et gris. Il brille dans la nuit. Une lumière blanche en sort et vient éclairer le sol. Tout le monde court et se cache. La
lumière s’approche de nous. Ma tante recule dans la cachette où nous nous trouvons. Je vois une personne sous le rayon.
Elle est à genoux, en pleurs. Puis soudain, elle disparaît. Une personne juste à coté de nous se relève. “ Non, n’y vas pas ! ”
chuchote ma tante. “ Il le faut, pour nous tous. ” répond l’inconnue. Elle a une voix féminine et réconfortante. Je la voie se
lever et courir.


Je suis tombée à genoux. Ma peau s’est écorchée sous le coup et m’a fait sortir de mes rêves. Le dénicheur et toujours là
et m’a entendu. Il me cherche. Je reste immobile, souffrant en silence. Il s’approche de moi. Je suis trop à découvert. Deux
possibilités s’offrent à moi. Soit fuir, soit me battre. Je dispose d’une dague et d’un truc qui électrocute. Je sais aussi
que ces machines n’aiment pas l’eau. J’ai décidé de me battre. Ces engins disposent d’informations intéressantes quand on
sait chercher dans les fils et les écrans. Je cherche mon lanceur d’eau. Je l’ai fabriqué moi-même. Peu de gens savent qu’il
est facile de se débarrasser des machines, ou du moins de certaines. Je me mets en position pour tirer. Mes genoux saignent
d’avantage mais ma vie est en danger. Je vise et tire. Le dénicheur est déstabilisé. Il tourne sur lui-même et commence
à faire des étincelles. Je le voie tomber à terre. Il raconte des choses incohérentes. Je m’approche lentement. Il commence
à clignoter, puis soudain s’immobilise. J’attends encore une bonne dizaine de minute avant d’ouvrir le capot du compartiment
principal. Une multitude de fils de couleurs différentes s’entremêlent. J’en coupe quelque uns et les relie ensemble. Une étincelle
jaillit. L’écran se situant sur le devant s’allume. Il a répertorié de nombreuses personnes. Je les faits défiler, cherchant
un visage ressemblant à ma mère. J’arrive à la fin de la liste. Personne. Mais depuis quelques semaines, je cherche
d’autres résistants. J’en ai entendu parler mais je ne sais pas où ils se trouvent. Je repasse la liste en lisant avec difficulté
les informations. Nombreux sont des personnes emprisonnées ou recherchées pour rien du tout. Mais ce que je cherche
c’est la mention ennemie. Je continue de visualiser quand j’aperçois un “ennemi”. C’est un homme d’une trentaine d’année.
Je mémorise son visage et l’endroit où il se trouve. C’est plus au Nord, vers la capitale, là où Il vit. Je pars donc en direction
du Nord, voir cet homme. Peut-être pourra t’il m’aider ?
Cela fait deux jours que je marche. J’ai faim et soif. Je n’ai croisé que deux petits villages. Le froid s’accentue de jours
en jours. Mes plaies commencent à cicatriser mais la douleur est encore vive. Je suis fatiguée. Fatiguée de me battre contre
du vent, fatiguée de souffrir, fatiguée de chercher. J’ai l’impression d’avoir fait le mauvais choix. Je sens mes forces qui
m’abandonnent. Je marche la tête baissée, levant les jambes sans réfléchir. Le soleil se lève. Je sens les premiers
rayons qui me réchauffent. Je lève péniblement la tête. L’astre jaune m’ébloui. Je cache mes yeux avec mes mains.
Mes yeux se font plus petits, scrutant l’horizon. Après m’être habituée à la lumière, j’aperçois au loin des maisons. Au plus
profond de mon cœur, j’espère que c’est là qu’il vit. Le courage et la force reviennent. Je me redresse et reprends un rythme
plus rapide.
Je suis aux portes de la ville. Juste derrière, je peux deviner la capitale avec Son palais. La ville est très animée. Je vais
pouvoir me nourrir et boire sans trop de difficultés. Je m’approche d’une fontaine et me lave le visage pour être plus
présentable. L’eau est fraîche, mais marron. Mon regard va de stand en stand, cherchant le meilleur endroit et moment.
J’ai remarqué un homme bien portant, tenant un étalage de fruits et légumes. Il y a une petite ruelle non loin. Je commence
à m’approcher quand une main me saisie le bras et me serre violemment.
- Qu’est ce que tu fais là ? Je t’avais dit de te cacher. Que je m’occupais de tout.
- Mais lâchez moi ! Criais je.
L’homme a le visage caché comme beaucoup d’hommes, pour se protéger du sable. Mais je n’aime pas la façon qu’il avait
de me tenir. Je me mets en position de défense. Je rejette l’homme brusquement. Je peux lire dans son regard de
l’étonnement. Lui aussi se met en position de combat. Nous sommes face à face, au milieu de la rue, prêts à se battre.
- Tu n’es pas comme d’habitude, dit l’inconnu. Il t’a attrapé. C’est ça ?
- Je ne sais pas de quoi vous parlez mais vous m’êtes antipathique.
Je reste immobile. Je sais que je ne suis pas en mesure de me battre. Même un enfant gagnerait dans l’état où je suis.
Mais je dois faire semblant où cet homme me fera du mal.
- Je ne veux pas te faire de mal, dit l’homme. Alors cesse d’être sur la défensive. D’accord Yumi ?
- ...
Je rabaisse mes mains et fixe l’homme. Il a prononcé le nom de ma mère. La connaît elle ? En tout cas, il m’a prit
pour elle. La tête me tourne. Les sons s’éloignent. Je tombe à terre, inconsciente.


Quelques heures plus tard, je rouvre les yeux et constate que je me trouve dans une sorte de maison très rustique. La pièce dans laquelle je suis est assez petite et très différente du confort d’Akilian. Je me relève et attrape mes affaires quand j’entends une voix derrière moi :
-Yumi ?
A nouveau, il m’appelle par son prénom. Je me retourne pour lui faire face tout en le dévisageant. Mais son visage ne me dit rien. J’ai beau essayé de me souvenir de mon enfance sur Akilian, rien ne vient. Ma tante qui m’avait élevée, me parlait très peu de la vie de résistante de ma mère. J’avais tenté de découvrir par moi-même son passé mais elle s’était montrée très réticente à cette idée. Maman était partie quand j’avais 5 ans et mon père, quand j'avais trois ans, dixit ma tante. J’ignore son identité mais j’ai l’intuition que je pourrais le trouver sur Epoca. Comme ma mère. Une année s’est écoulée depuis la chute d’Akilian. Douze mois que je la cherche depuis ce fameux jour où j'ai découvert ma destinée. Celle de tuer Eoghan.
- Yumi ? Tu m’écoutes ?
Sa voix me fait sortir de mes pensées. Je lève les yeux vers son visage et le regarde en tentant de dissimuler mon trouble. Peut-être sait-il où elle se trouve. Non, décidément son visage m’est inconnu.
- Je t’écoute.
- Pourquoi t’es-tu mise à découvert ? On a déjà assez de problèmes pour rester cachés mais si en plus, tu leur donnes ce qu’ils veulent, tu vas faire notre perte, Yumi !
Je suis stupéfaite de sa réponse mais je le cache. Alors pendant tout ce temps, ma mère était cachée! C’est le moment où jamais pour savoir où elle est. Je décide de jouer le jeu.
- La cachette n’était plus très sûre.
- Tu rigoles ? Te cacher à Arcadia était le meilleur endroit ! Même les dénicheurs n’osent pas s’y rendre tant ils redoutent ce coin si reculé et si effrayant. Maintenant, ils vont repérer ta trace. Tu sais que tu es recherchée par Eoghan ! Tu te rends compte que par ta stupidité, tu risques nos vies !
Je ne sais pas quoi répondre. Je me trouve dans une impasse mais au moins, j’ai découvert où se cache ma mère. Arcadia.
- Yumi !
Je me retourne au son de la nouvelle voix. Une femme apparaît, elle est d’une grande beauté et a une étrange particularité. Ses cheveux sont d’un rose éclatant que je n’avais jamais vu. Pourquoi je ne les connais pas ? Pourquoi ne m’as-tu rien di maman ? Elle s’approche de moi et m’enlace affectueusement. Sa présence me rassure.
- Yumi ! Je suis si heureuse de te voir ! Ca fait si longtemps !
- Aelita ! Elle s’est mise à découvert et risque de tout foutre en l’air !
- Jérémie ! Arrête un peu ta paranoïa et laisse-la souffler. Tu as l’air d’oublier que ça fait près d’un an qu’on ne l’a plus vue.
Un an ? Donc, ils l’ont connue alors qu'elle m'a abandonnée. Pourquoi ? Je ressens le besoin d'être seule, c'est pourquoi, je prétexte une fatigue.
- Je suis épuisée par ce voyage. Où est-ce que je pourrais me détendre un peu ?
- Je vais te montrer.
Aelita se lève et m’emmène dans une pièce avec une fontaine.
- Il y a des affaires pour te changer si tu veux. Je te laisse te reposer.
Je lui sourit en remerciement puis je m’approche de la fontaine. Il s’agit d’un joli bassin rempli de poissons couleurs argent et or se baladant dans l’eau transparente. Il y en avait de semblables sur Akilian. Je m’asseye devant la fontaine en réfléchissant à ce que j’allais faire pour trouver ma mère. Je ferme les yeux et fait le vide autour de moi. C’est la seule façon pour moi de réfléchir. Soudain, je sens qu’on m’observe. Je me retourne aussi vite mais je ne vois personne. Cette sensation d’être surveillée me glace le sang. Même chez des amis de ma mère, je ne suis pas en sécurité. D’ailleurs, je ne les connais même pas et si ma mère ne me les a jamais présenté, c’est qu’elle devait avoir une bonne raison. C’est décidé ! Je quitte cet endroit pour Arcadia. Je change de tenue et me dirige vers la lucarne de la pièce. Une fois sortie de là, j’arrive dans une rue. Je constate que c’est la nuit. Je lève instinctivement mes yeux vers la lune. Elle est toujours pleine. Je m’enfonce un peu plus dans la ville en direction d’Arcadia. Je demanderai mon chemin pour y arriver mais l’important est de quitter cette ville. J’ai trouvé deux résistants qui connaissaient ma mère. J'avance dans la rue quand soudain, ma tête me fait à nouveau souffrir. Ma vue se brouille. J’essaye de me rattraper à un mur mais j’ai trop mal. Je m’effondre dans l’obscurité de la rue.
C’est trop bête...

« Asta, ma petite, il est temps pour toi de voler de tes propres ailes. Je ne voulais pas que tu aies à supporter mon fardeau mais par ma faute, je t’ai entraînée dans cette destinée que je désirais différente pour toi. » « Tantine, qu’est-ce qui se passe ? » « Je veux que tu quittes Akilian avec Kalahan. Akilian n’est plus sûr. Pars et ne reviens jamais. » « Mais Tantine, quand vais-je te revoir ? » « Je serais toujours là pour toi. Mais c’est mon combat, Asta ! »

Je me réveille en sueur. Je dois avoir de la fièvre. Je me touche le front mais étrangement, je sens un bandage. Je lève les yeux et je constate que je me trouve dans les ruines d’une église. Comme mon repère. Décidemment, Eoghan refuse tous les cultes. Je cherche après mes affaires qui par chance, ne m’ont pas été dérobées. Elles sont à mes côtés. Je ramasse ma dague et me relève tout en titubant. Qui que soit celui qui m’ait bandé, je ne peux faire confiance à personne.


Je me réveille en sueur. Je dois avoir de la fièvre. Je me touche le front mais étrangement, je sens un bandage. Je lève les yeux et je constate que je me trouve dans les ruines d’une église. Comme mon repère. Décidemment, Eoghan refuse tous les cultes. Je cherche après mes affaires qui par chance, ne m’ont pas été dérobées. Elles sont à mes côtés. Je ramasse ma dague et me relève tout en titubant. Qui que soit celui qui m’ait bandé, je ne peux faire confiance à personne.


Après m’être débarrassée de mon bandage, je sors de l’église tout en me dissimulant grâce à mon long manteau. Bien que je ne sois encore qu’une inconnue aux yeux de tous, ma ressemblance avec ma mère pourrait me nuire. Eoghan me connaît et attend le jour où je vengerai Kalahan. Nos souvenirs me permettent de garder le courage et l’énergie nécessaires pour continuer dans ma quête. Je m’enfonce dans les rues obscures d’Epoca. Le soleil illumine lentement les rues et dévoile le va-et-vient des habitants et des commerçants de la capitale. Je n’avais jamais vu une telle agitation. Pourtant, les gens ne semblent pas heureux de leurs vies. Ils ont plutôt l’air de marionnettes qui n’attendent qu’une chose : qu’on leur coupe les fils pour vivre pleinement leurs libertés. C’était différent pour Akilian. Eoghan ne s’était pas amusé avec le peuple. Il avait imposé sa volonté et se moquait bien du sort de Ses gens. Tous ces souvenirs me reviennent au fur et à mesure que je parcoure une ruelle d’échoppes. Je ne dois pas m’attarder dans cette ville au risque de me faire prendre. Il faut donc que je sache mon itinéraire le plus rapidement. Mais comment ?
Je vois au loin une femme d’une trentaine d’années occupée à une présentation de vases. Elle semble être du coin. Je vais la questionner sur Arcadia.
- Pardon Madame.
- Oui ?
- Pourriez-vous m’indiquer le chemin qui mène à Arcadia.
La dame lâche subitement le vase qu’elle tenait et me dévisage, horrifiée. Tout à coup, le brouhaha de la ruelle se tue et tous les regards convergent vers moi à la simple évocation de ce lieu. Cela me dérange et me gène plus que tout. S’il y a bien une chose que je déteste, c’est bien d’être au centre de l’attention publique. Surtout que tous ces regards sont terrifiés.
- Vous devez être étrangère pour poser une telle question.
Je me retourne vers la voix masculine qui s’est ajoutée à la conversation.
- En effet. C’est pour cela que je vous demande le chemin pour y aller.
- Arcadia n’est pas un endroit pour une jeune fille.
- Ecoutez, dites-moi où se trouve Arcadia et je m’en irais.
L’homme commence à s’énerver et m’attrape par le bras.
- Vous ne comprenez pas. Nous ne voulons aucun problème.
Je me défait de son emprise en lui retournant le bras et en le faisant tomber à terre tout en dégainant mon glaive que je place juste sous sa gorge.
- Dites moi ce que je veux savoir.
- Très bien. C’est à Milo que vous devez demander.
- Milo ?
- Le vieux fou qui habite au bout de la grand’rue. Lui seul sait où se trouve ce lieu. Lui seul y est allé. Enfin, c’est ce qu’il dit.
J’aide l’homme à se relever et je fais comprendre à la foule de continuer leurs occupations. L’homme se dépoussière et me toise d’un regard suspect.
- Personne n’ose s’aventurer dans cet endroit. On raconte tellement d’horreurs à son sujet. Je ne sais pas ce qui vous y pousse, mais sachez, étrangère, que vous courrez un grand danger si vous vous y aventurez.
Je lui souris et m’engage dans la grand’rue en direction de la maison de Milo, le vieux fou.
C’est bien ma veine de devoir compter sur un dément pour poursuivre mes recherches sur ma mère.
Après quelques minutes, je me retrouve devant une vieille bâtisse qui semble sur le point de s’écrouler tant la vieillesse se marque dans ses pierres. J’allais frapper quand la porte s’ouvrit soudainement. Je sers ma dague sous mon manteau par réflexe quand soudain, une voix m’interpelle.
- Entrez, Milo vous attend.
J’entre dans une pièce sombre dont le mobilier est assez rudimentaire. Des bougies, des masques, des breloques remplissent la pièce qui est tamisée par un feu de cheminée. On se croirait dans la caverne d’Alibaba. La jeune fille qui m’a fait entrer s’enfonce dans un coin obscur de la pièce et s’immobilise. En me concentrant, je peux y voir un vieillard assis qui se balance dans un fauteuil à bascule. Sans un regard, il me dit :
- Approchez, étrangère. Je sais pourquoi vous êtes ici
- Mais...comment ?
- Mon grand-père est voyant. Enfin, pour certaines choses.
- Je viens vous voir pour que vous me disiez où se trouve Arcadia.
Le viellard s’arrête tout à coup.
- Alana, laisse-nous.
- Mais grand-père !
- Laisse-nous, je te dis !
La jeune fille sort en me lançant un regard noir. Décidemment, ils sont très accueillants les gens de cette ville.
- Que veux-tu y trouver ?
- Ma mère.
- Et sais-tu ce qu’on dit sur Arcadia ?
- Je ne prête guère attention aux rumeurs et légendes.
- Je vais quand même te dire ce qu’il s’y cache. Arcadia est un monde sous-terrain peuplé d’êtres malfaisants et d’anges déchus du monde de l’air. J’y suis allé moi aussi pour y retrouver ma fille.......Mais trop de croix. Trop de larmes......
Le vieillard se tut, perdu dans ses souvenirs douloureux.
- Est-ce que ça va ?
Il lève la tête vers moi et me regarde. Mais c’est alors que je m’aperçois qu’il est aveugle. Quel monde étrange !
- Crois-moi petite, ce n’est pas un monde pour toi. Autrefois, Arcadia était un univers luxuriant et de magie. Mais la vanité des hommes a eu raison d’eux. Les dieux de l’autre monde les ont transformés pour les punir et Arcadia est devenue leur prison pour l’éternité.....Pourquoi ta mère est-elle là ?
- Je l’ignore. Elle se cache d’Eoghan.
- Tout le monde craint Eoghan. Mais au point de se cacher...Qui est ta mère ?
- Yumi.
A ce nom, le vieillard sombre dans une folie inexplicable.
- Non ! Non ! Elle ne doit pas. Trois échecs. Une réussite. Elle va le perdre. L’espoir...
- Mais enfin, je ne comprends pas ?
- Tu vas nous détruire !
Le vieillard se lève de sa chaise et s’avance vers moi en essayant de m’étrangler.
Je commence à étouffer quand j’entends la jeune fille hurler à son grand père de me lâcher. Ce qu’il finit par faire. Etrangement, il me regarde comme si de rien était et me lance :
- Tu penses avoir tout perdu mais tu ignores encore ce que te réserve ton destin. Fuis, il est encore temps.
- Je crois que vous feriez mieux de partir, me lança la jeune fille.
Je sors rapidement de la maison, encore un peu perturbée par ce qu’il venait d’arriver. Tout en repensant à cet évènement, je marche dans la rue quand je sens qu’on me suit depuis un bon moment. Je me retourne vivement et j’empoigne mon « suiveur » qui semble surpris par ma rapidité.
- Donne-moi une bonne raison pour que je ne te fasse pas regretter ce que tu viens de faire ?
- Arcadia !
Sa réponse m’a si surprise que je lâche ma poigne.
- Quoi ?
- Oui. Je sais t’y emmener.
- Et pourquoi je te ferai confiance ?
- Car tu n’as pas le choix. Personne ici ne veut t’aider. Moi oui.
Je le regarde, sceptique. Je me surprends même à admirer sa beauté. Il semble avoir mon âge. Il a ma taille, a les cheveux blonds et les yeux verts. Très séduisant en réalité.
- Je suppose que ton silence veut dire d’accord. Mon nom est Sholan.


Je le regarde, sceptique. Je me surprends même à admirer sa beauté. Il semble avoir mon âge. Il a ma taille, a les cheveux blonds et les yeux verts. Très séduisant en réalité.
- Je suppose que ton silence veut dire d’accord. Mon nom est Sholan.
Je prends mes affaires et le toise d’un regard de méfiance.
- C’est par où ? Dis je sèchement.
- Suis moi.

Cela fait près de deux heures que l’on marche dans un désert. Je sens bien que Sholan est nerveux. Il ne cesse de se retourner sans arrêt, comme si il avait peur qu’on nous suive. A chaque fois qu’il se retourne, il regarde mes pieds, n’osant affronter mon regard. Je crois même que je l’ai vu rougir à un moment. Mais c’est peut être à cause de la chaleur. En ville, il fait beaucoup moins chaud. Il ne doit pas être habitué à des températures élevées, pas comme moi. Mais malgré ça, je ne vois pas le soleil. Je crois bien que j’ai oublié à quoi il ressemble.

“Regarde Asta. C’est le soleil.” Un astre tout jaune et rouge sort de derrière la dune de sable. Il éclaire toute la maison. Je ferme les yeux car il m’ébloui. Puis je les rouvre lentement. Je peux enfin le voir. Il est immense. Sa couleur rouge me fascine. Je me lève et m’avance vers lui. “Non Asta ! Reviens.” Ma tante me rattrape et j’entends ses murmures. “Beaucoup de sang à coulé cette nuit. Il recommence”

- Eh ! Tu vas bien ?
Je lève et la tête et voit le visage de Sholan. Je remarque que je suis à genoux, les mains enfoncées dans le sable. Depuis plusieurs jours je n’arrête pas d’avoir ces souvenirs. Je me relève péniblement. Sholan me tend la main, mais je l’ignore.
- On va s’arrêter là. Tu es épuisée, dit il.
- Non ! On doit continuer.
- Tu es sûre ?
Mais pour toute réponse je lui jette son sac et reprends la route. Je sens son regard dans mon dos. Un regard de peur et d’incompréhension. Mais il y autre chose, et je n’arrive pas à mettre un mot dessus.
Au loin, j’aperçois une oasis. J’accélère le pas pour qu’on y soit avant la nuit. Sholan me suit sans rechigner. Mais il s’avère qu’elle est beaucoup plus oin que je ne l’imagine. On commence à sentir la fraîcheur de la nuit. J’entends Sholan claquer des dents. Il ne dit rien et continue de me suivre. Puis après une heure de marche, je pose mes affaires. Sholan s’écroule dans le sable. Je sors à manger. Quand à Sholan il s’est endormi comme un enfant. Je prends une couverture et la lui met. Je ne voudrais pas que mon guide tombe malade. Le ciel à finit par se dégager. J’arrive à voir la lune. Je m’allonge et l’observe. Je finit pas m’endormir.
Une petite bête poilue vient me réveiller. Je regarde autour de moi. Je vois toujours l’oasis. Je secoue Sholan pour le réveiller mais ce dernier est trop épuisé. Je n’ai pas de temps à perdre. Je prends mon sac et pose Sholan sur mes épaules. Il est léger comme une plume. J’avance donc ainsi vers Arcadia. Ce n’est que trois heures plus tard que j’arrive à l’oasis. Sholan commence à me peser. Je le jète dans l’eau pour que monsieur daigne ouvrir les yeux.
- Hein !? Quoi ?
Il me regarde, d’abords surprit. Puis il se met à me crier dessus et même à m’injurier, toujours dans l’eau. Moi, je me suis allongée pour reprendre des forces. Ses paromes glissent sur moi. Je ne pense qu’à une chose. Retrouver ma mère. Sholan finit par sortir de la marre. Je prends son sac et le met sur mon dos. Il me regarde étonné.
- C’est où maintenant ?
- Ben, euh par là.
Je me met en marche, sans l’attendre. Je le vois se mettre à coté de moi, tout essoufflé. On vient de quitter le désert pour une forêt. C’est la première fois que j’en voir une d’aussi prêt. Je passe ma main sur l’écorce des arbres. Je sens qu’il y a quelque chose de vivant dans cette forêt.



Cet endroit est si étrange... Tout est si différent d’Akilian. Pourtant, beaucoup me connaissent et paraissent savoir tout de moi. Cela me met mal à l’aise. Que voulait dire Maya par « tu as des armes qui sont bien plus puissantes que les Siennes ». Et mes parents m’attendent ? Mais mon père n’a jamais eu vent de mon existence sinon je l’aurai déjà vu...
Je décide d’abandonner toutes ces interrogations et je me retourne sur Sholan. Il avait toujours cet air émerveillé par tant de beautés. Mais depuis le voyage, nous avons échangé si peu de mots. Cela me désole quelque peu même si je suis habituée à la solitude. Etrangement, sa présence m’apaise et me rassure. Mais ce pressentiment ne me quitte pas. Un pressentiment que quelque chose est sur le point de se produire. Quelque chose de grave...Au bout de quelques instants, Sholan me tire de mes pensées.
- C’est étrange...
- Quoi donc ?
- Je ne me souviens pas de ce champ. On en voit même pas la fin.
L’obscurité de la nuit commence à se faire ressentir. La lune baigne le champ d’une intense lumière. Je distingue enfin les limites du champ. Il donne sur une autre forêt. Sholan l’a remarqué aussi.
- Je vais aller chercher du bois pour faire du feu. Reste ici auprès des affaires. La nuit va bientôt tomber et il vaut mieux être prudents.
- Pourquoi ?
- La forêt que tu vois là-bas marque la véritable entrée pour Arcadia. Il existe de nombreuses légendes à son sujet. On m’a toujours dit de me méfier de cette forêt. Surtout la nuit.
- Que peut-il y avoir ?
- On raconte qu’il y a des monstres, que l’on appelle hybris en raison de leur hybridité, résultant de la fureur d’Eoghan qui s’est abattue sur la population du village à la lisière de cette forêt. Il les a transformés en monstres assoiffés de sang. Cependant, ils ne peuvent sortir de la forêt et ne vivent que la nuit. C’est pourquoi, il vaut mieux qu’on reste ici et qu’on parte demain matin. Arcadia n’est plus très loin.
Sholan...Son comportement m’étonne. Autant tantôt il semblait retomber dans l’enfance, autant ici, il m’impressionne par sa détermination et son professionnalisme. Décidemment, il prend sa mission très à cœur, ce qui me fait sourire. Je finis par me rendre compte qu’il me fixe de son regard intense. Cela me met mal à l’aise.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu as souri.
- Oui....Et alors ?
- Tu ne le fais pas assez souvent. Je préfère te voir ainsi. Bon, je vais chercher du bois.
Il se leva et partit, m’empêchant de lui répondre. Ce qui n’est pas plus mal. Je ne suis plus habituée à de tels compliments. Peut-être est-ce le signe qu’il faut que je cesse de vivre dans le passé...Les paroles de Maia me reviennent tout à coup. « Tes souffrances ne font que commencer... » Et si ce pressentiment envers Sholan était un avertissement ? Et si...
- Asta !
- Hein ? Quoi ?
- Tu avais encore le regard dans le vide...
- Je...
- Il faut qu’on dorme. On part tôt demain. Il nous faut traverser cette forêt et le meilleur moment est à l’aurore. Bonne nuit !
- Bonne nuit !
Je m’endors, épuisée par le tas de questions qui envahissent mon esprit. Sholan a le sommeil facile. Il tombe comme une masse. Il est si attachant...

Quelques heures plus tard, une touche humide et glacée frôle mon visage. Je me réveille en sursaut. Sholan est déjà debout et rassemble les affaires. A nouveau, cette sensation glacée. Je lève mes yeux vers l’origine.
- Non, c’est impossible...
- Et si !
- Mais comment...
- Tu es sur Epoca, Asta. Tout est possible. Y compris de la neige après un beau soleil. Il y en tout le temps.
- Mais il l’avait banni !
- Oui. Mais on est à Arcadia. N’oublie pas que c’est un monde à part.
- Ca fait si longtemps...
La dernière fois que j’en avais vu, c’était sur Akilian. Le jour de la mort de Kalahan. En fait, quand j’y réféléchis, il y en avait à chaque événènement important de ma vie. Le jour où j’ai perdu ma mère...Dois-je le prendre comme un signe ?
Sholan éteint les braises du feu et me fait signe de le suivre. Le soleil ne va se lever que dans quelques heures. Nous nous dirigeons vers la forêt. Je tiens ma main près de ma dague. Je ne me sens pas à l’aise. Sholan me tient la main, étant donné l’obscurité, pour me guider sans trop faire de bruit. Après deux heures de traversée silencieuse, nous avons parcouru environ la moitié de la forêt. Sholan s’arrête tout à coup. Je fais de même mais cela m’inquiète.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Tu entends ?
- Quoi ?
- Rien. Il n’y a rien. Et c’est ça le problème.
- Que veux-tu dire ?
- Ils sont là. Je ne comprends pas comment ils ont été prévenus de notre présence.
Un craquement suivi d’un autre se fait entendre derrière nous. Mon cœur s’accélère. Tout comme celui de Sholan que je sens à travers sa main. Ma vue étant habituée à l’obscurité, je remarque des ombres se faufilant tout autour de nous. Je serre la main de Sholan et je le regarde. Il comprend ce que je vais lui dire.
Nous nous mettons à courir droit devant nous de toutes nos forces. C’est à ce moment que des rugissements sauvages et des cris animaliers résonnent dans la forêt. Nous courons jusqu’à perdre haleine. Qu’importe, du moment qu’on s’en sorte ! Sholan m’entraîne tout droit quand tout à coup, on se retrouve coincé face un énorme rocher. Le soleil se lève révélant la présence de trois de ces hybris. Mi homme, mi choses. Des monstres de la main d’Eoghan. Ils semblent terrifiants. Je serre la main de Sholan. Il a peur mais ne le montre pas. Du moins, il essaye. Je tente de faire de même. Le regard de ces monstres m’hypnotise. Il est si pénétrant que j’en reste immobile. Soudain, l’un deux s’avançe et dit en me regardant :
- L’Invisible nous a bien renseigné. Et Eoghan va être fier de nous quand nous allons lui apporter le corps de la guerrière.
Au nom de l’Invisble, Sholan sursaute. Pourtant, ce nom ne m’évoque rien. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’ils ne soient que trois. Ce qui signifie...
- Asta, il faut qu’on fasse quelque chose avant que tous ces hybris se ramènent...
Je dessère ma dague et je me charge de mon interlocuteur. Sholan comprend où je veux en venir et se charge d’un deuxième. Ma tactique d’attaquer par surprise a l’effet que je voulais. Ils sont si sonnés qu’ils n’ont pas le temps de réagir. Je tranche la gorge de mon adversaire qui est décidément assez stupide. Sholan a moins de chance que moi. Son adversaire a compris notre ruse et a bien envie de rester en vie. Je ne vois pas le troisième. Le soleil se voile. La visibilité en est réduite. Le temps que je me réhabitue à l’obscurité, je sens des griffes lacérer mon dos, ce qui me fait hurler de douleur. Je me retourne et constate que ce regard hypnotique n’est qu’à quelques mètres du mien. Ses crocs se dévoilent tout en accompagnant un rugissement. Je veux prendre ma dague mais je constate avec horreur que je l’ai perdu dans la foulée. Je réfléchis en vitesse à une solution tout en vérifiant de la distance qui me sépare de cette chose. Je cherche ma dague des yeux. Elle n’est qu’à deux mètres de moi. Aurais-je le temps ? Tant pis ! Je n’ai pas le choix. Je me jette par terre pour l’attraper quand je sens la bête plonger sur moi. Je l’évite de justesse mais elle m’attrape la cheville. Je tombe de tout mon poids, non sans douleur. Je n’entends plus rien, sous l’effet du choc. Où est Sholan ? Est-ce qu’il va bien ? Ma vue se trouble aussi. Non, Eoghan ne peut pas gagner ! Je suis la dernière guerrière. J’ai fait une promesse. Une douleur atroce se fait ressentir dans ma jambe. Je distingue une ombre qui se relève. Il va me tuer si je ne bouge pas. Je cherche un bâton pour me protéger quand je vois ses griffes s’abattrent sur moi.




Je desserre ma dague et je me charge de mon interlocuteur. Sholan comprend où je veux en venir et se charge d’un deuxième.
Ma tactique d’attaquer par surprise a l’effet que je voulais. Ils sont si sonnés qu’ils n’ont pas le temps de réagir. Je tranche
la gorge de mon adversaire qui est décidément assez stupide. Sholan a moins de chance que moi. Son adversaire a compris
notre ruse et a bien envie de rester en vie. Je ne vois pas le troisième. Le soleil se voile. La visibilité en est réduite. Le temps
que je me réhabitue à l’obscurité, je sens des griffes lacérer mon dos, ce qui me fait hurler de douleur. Je me retourne et
constate que ce regard hypnotique n’est qu’à quelques mètres du mien. Ses crocs se dévoilent tout en accompagnant un
rugissement. Je veux prendre ma dague mais je constate avec horreur que je l’ai perdu dans la foulée. Je réfléchis en vitesse
à une solution tout en vérifiant de la distance qui me sépare de cette chose. Je cherche ma dague des yeux. Elle n’est
qu’à deux mètres de moi. Aurais-je le temps ? Tant pis ! Je n’ai pas le choix. Je me jette par terre pour l’attraper quand
je sens la bête plonger sur moi. Je l’évite de justesse mais elle m’attrape la cheville. Je tombe de tout mon poids, non sans
douleur. Je n’entends plus rien, sous l’effet du choc. Où est Sholan ? Est-ce qu’il va bien ? Ma vue se trouble aussi. Non,
Eoghan ne peut pas gagner ! Je suis la dernière guerrière. J’ai fait une promesse. Une douleur atroce se fait ressentir dans
ma jambe. Je distingue une ombre qui se relève. Il va me tuer si je ne bouge pas. Je cherche un bâton pour me protéger quand
je vois ses griffes s’abattrent sur moi.

Je ferme les yeux et j’enfonce mon bâton dans son ventre. Le monstre hurle de douleur et tombe de tout son poids sur le côté.
Ma vue se stabilise et je découvre que c’est Sholan qui vient de me sauver la vie en plantant ma dague dans le dos de la bête.
Il me sourit, heureux de me voir en vie. Puis tout à coup s’effondre inconscient, dévoilant ses blessures à son abdomen
et à sa tête.
Je me relève, non sans peine et je l’attrape en l’appuyant sur moi. Mieux vaut ne pas rester là. Notre combat va très vite avoir
des échos. Tout en titubant, j’emmène Sholan à travers
la forêt. Mais que faire sans mon guide ?
J’ignore quelle direction prendre. Et Sholan commence à me peser. Il est toujours inconscient et a besoin de soins au plus vite.
Mes blessures commencent à cicatriser. C’est un don, tout comme ma vue dans le noir que j’ai depuis ma naissance mais
je ne sais les expliquer. Je marche en suivant mon intuition. Espérons qu’elle soit correcte. Soudain, j’entends des bruits
au loin, derrière nous. Les même que tout à l’heure. Mon cœur s’accélère et je me retiens de céder à la panique. J’avance la
cadence mais l’angoisse m’empêche de voir correctement où je mets les pieds. Les bruits se rapprochent. Je prends Sholan
sur mon dos, même si cela me fait souffrir. Je tente de courir à travers le bois, essayant d’échapper à ce cauchemar. Ils se
rapprochent, j’entends leurs pas et leurs rugissements. Je cours quand soudain, je me prends une racine, tombe en
emportant Sholan. Et malheureusement, il s’agit d’un fossé qui se termine quelques mètres plus bas. La chute est longue et
me parait interminable. Les roulades nous secouent au plus haut point. Comme si j’avais pas déjà assez mal ! Quelques
minutes plus tard, nous nous retrouvons devant une grotte. Elle semble assez sombre et idéale pour s’abriter des hybris.
Dans un dernier effort, j’emmène Sholan à l’intérieur, m’y enfonçant assez loin pour ne pas être repérés. De la lumière
semble émaner depuis le fond. Portant toujours Sholan sur mon dos, je m’en approche pour voir de quoi il s’agit. Plus je
progresse, plus la lumière amplit la grotte. C’est alors que je découvre un spectacle irréel et tout à fait extraordinaire. Un monde
s’ouvrait à nous à l’intérieur d’une grotte. Un monde ? Un ciel, plutôt. Des êtres volants s’agitent. C’est tellement beau. Je crois
n’avoir jamais vu une chose pareille. Le poids de Sholan me fait revenir à la réalité. Je dépose mon guide pour le soigner.
Mais la fatigue se ressent et je m’écroule d’épuisement à ses côtés. Il me semble entendre des bruits qui me sont familiers
mais cette fois-ci je ferme les yeux pour de bon.

« Asta...Ne m’oublies pas ! Tu es notre dernier espoir ! Sauve moi mon Asta ! »

- Asta ! Réveille toi !
- Sholan ?
- Tu faisais un cauchemar. Tu parlais dans ton sommeil.
- Oh Sholan ! Je suis si heureuse de te voir en pleine forme !
Je le prends dans mes bras tellement je suis soulagée de le voir en bonne santé. D’ailleurs, cela le surprend un peu. Puis
je me détache de lui et observe l’endroit où l’on se trouve.
- Mais où est ce qu’on est ?
- Je ... je crois qu’on est dans ... dans les volages.
- Je croyais que ça n’existait pas.
- Ben si.
- Et ils sont comment ceux là ?
- Ça dépend. Si ce sont ceux d’en haut, on ne risque rien, pas contre ceux d’en bas, on pour réputation d’être sanguinaires.
- Tu me rassures vachement là.
Je me lève. Nous sommes dans une petite pièce toute blanche. Si blanche que la luminosité me fait mal aux yeux. J’aide Sholan
à se relever. Notre attaque sous terre la blessé. Je lui ai fait un bandage mais il n’a pas la même facilité que moi à guérir.
J’entends des cliquetis derrière la porte. Cette dernière s’ouvre et laisse apparaître un jeune homme. Il est grand et bien musclé.
Il avance lentement vers moi. Je recule mettant Sholan derrière moi. Il sourit. Je n’aime pas ça. Mais maintenant je n’ai plus
d’issue. Je suis contre le mur. Il pose sa main près de ma tête. Il s’approche encore plus de moi. Avec son autre
main il me prend le visage. Sholan est en train de se débattre dans les bras d’un autre homme.
- Ils avaient raison. Tu es vraiment belle.
- Ne me touchez pas, espèce de ...
- Tsss. Pas d’insulte.
Il a bloqué mon attaque si facilement. Comment peut il être si fort ? Il retourne mon bras, me forçant à lui faire dos.
Il en profite pour mettre sa tête dans ma nuque. Je peux sentir son souffle chaud. Cela me répugne.
- Et en plus elle sent bon. Je comprends pourquoi ils la voulaient.
- Je ne suis pas une chose.
S’en est trop. Mon corps se tend. Mon cœur ralentit. Je ferme les yeux et laisse la haine m’envahir. Je rouvre les yeux.
Ils sont si fins. Avec mon autre bras libre, je frappe d’un coup sec dans ses côtes. Son emprise se relâche. J’en profite pour
me libérer. L’homme est au sol, plié en deux. Les autres sont prêts à m’attaquer. Sholan est à mes cotés, les poings en avant.
- Ne ... les ... touchez pas ! Hurle l’homme.
- Quoi ? demande un des gars.
- Si tu les touche c’est toi que je détruis.
- Mais je croyais que nous ...
- Ben tu crois mal, dit il en se relevant.
Je regarde la scène avec un regard interrogateur. Que nous veut donc cet homme ?
- Excusez moi pour cet accueil. Mais je me devais de m’assurer que vous étiez bien Asta et Sholan. Surtout toi Asta.
Tu es comme ils l’avaient dits. Sauvage.
- ...
- Jérémie et Aelita. Ils vous cherchent depuis un bon moment. Surtout toi Sholan. Tes parents s’inquiètent pour toi.
- Parents ? Tu es leur fils ? Dis je dans un regard de trahison. J’avais confiance en toi. Et toi, tu me caches ça.
- Asta je ... murmure Sholan.
- Je te déteste !
Je sors de la pièce en furie. Je cours sans regarder ce qui m’entoure. Au bout d’un moment, je m’arrête et observe le décor.
C’est si beau. On peut voir le ciel si bleu. Sur terre, il est noir même en plein jour. De multiples îles flottent dans les airs.
Les gens passent de l’une à l’autre par des passerelles. Je m’assoie et admire ce magnifique paysage.
- C’est beau ? Hein ? Me demande une voix derrière moi.
- Oui.
- Tu ne dois pas en vouloir à Sholan. Il ne voulait pas que tu le laisses.
- Il m’a menti.
- Et alors ? Tu ne lui as jamais menti toi ?
- Si. Mais j’ai mes raisons !
- Tout comme lui.
- Je voudrais tant que tout s’arrête, que tout redevienne comme avant.
- Chacun de nous espère en ce rêve.
Il s’assoit à mes cotés. Son regard est devenu si triste. Il ferme la main et lorsqu’il l’ouvre, une femme miniature apparaît.
- C’est un hologramme. Celui de ma femme, morte pour me sauver.
- Je suis désolée.
- Ne le soit pas. Ne te laisse pas envahir par ma souffrance. Tu en as déjà beaucoup trop pour une jeune fille si jeune.
Tes parents, ton amour défunt, tes peurs.
- Co ... comment vous pouvez ... savoir ?
- J’ai moi aussi un don. Je sais lire dans les cœurs. Et le tien est rempli de chagrin.
- Beaucoup trop.
- Allez, petite fille. Souris, la vie ne mérite pas nos pleurs.
- Je voudrais tant rester ici, tout est si beau. Pourquoi la vie en dessous est elle si horrible ? C’est si injuste.
- La vie n’est pas meilleure ici. Il ne nous laisse aucun répit. Nous subissons chaque jour Ses attaques. Nous devons
donner nos femmes, nos enfants et nos âmes. En bas vous pouvez vous cacher, ici non.
- Alors pourquoi vous n’allez pas en bas ?
- Nous ne pouvons y vivre. Nous sommes faits pour l’air, comme certains sont faits pour les ténèbres.
- Et moi, je suis faite pour vivre où ?
- Aucun de ces mondes ne te conviens. Tu vas devoir créer ton propre monde.
- Mais comment ?
- En te battant, pour ce que tu crois.
- Mais ... ?
- Chut. Les réponses viendront, soit patiente. Tu devrais peut être aller voir Sholan.
- Oui. Dis je en me relevant, remplie de volonté. Merci pour tout ... Je ne sais même pas ton nom.
- Odd.
Je repars en direction de la ville. Cet homme est si étrange. Il est jeune mais semble avoir vécu encore plus de choses
que moi. Sholan est assis sur un rebord de fenêtre, la tête entre les mains. Je m’approche de lui. Ses yeux sont
si rouges. Il a pleuré. Nous avons le même âge, mais ce n’est encore qu’un enfant.
- Sholan, je suis désolée. J’ai mal réagi.
- Non, c’est moi. J’aurais dû te dire qui j’étais réellement.
- Si tu l’avais fait, je t’aurais laissé tomber. Et maintenant que je te connais mieux. Je ne voudrais pas te perdre.
Tu es la première personne en qui j’ai eu confiance sur Epoca. Sans toi, je n’aurais pas pu aller en Arcadia. Merci.
Je le vois légèrement sourire. Je sais bien qu’il éprouve plus que de l’amitié pour moi, mais moi je ne peux oublier Kalahan.



On décide de passer la nuit ici. Sholan a besoin de repos et de soins. Il dort dans la maison d’Odd. Je regrette tant qu’il se soit embarqué dans cette histoire. Moi, par contre, je n’arrive pas à trouver le sommeil. Je sors dehors. On peut voir la lune de si prêt, entourée de ses fidèles amies les étoiles. Je m’allonge dans l’herbe fraîche et plonge mon regard dans la splendeur de l’astre. Je revois ce visage flou. Mais qui est ce ?
- Toi non plus tu ne dors pas, dit une voix dans mon dos.
- Odd ! Tu m’as surprise.
- Tu regardes la lune. Eux aussi l’ont regardée, beaucoup trop et s’y sont perdus.
- Qui ? Qui c’est ceux que tu appelle “ils” ?
- Des gens... que je connais. Des amis, de la famille. Ceux qui vivent sous terre.
- Ta ... ta famille ? Dans les ténèbres ?
- Oui. Les gens qui vivent à Arcadia sont des gens du ciel. Mais ils ont trop regardé la lune et ont perdu leurs ailes. Ils sont donc tomber sur terre. Ils ont rejeté leur vraie nature. Mais ils ont continué à voir le ciel et la lune. Alors pour fuir, ils ont créé Arcadia.
- Je comprends mieux.
- Qu’est ce que tu comprends mieux ?
- Ton regard. Pourquoi il m’intriguait tant. C’est que je m’y retrouve. Malgré toutes tes souffrances, tu continues à te battre. Je t’admire
- Merci. Juste, fais attention à la lune, elle peut nous détruire comme nous faire vivre.
Je lui souris. J’ai l’impression de me retrouver face à un miroir. Je me lève et rentre me coucher. Demain je redescendrais.
Des bruits de voix me réveillent. Le soleil vient poser ses rayons sur mon lit. Je peux sentir la chaleur. J’écoute attentivement la conversation. Elle est loin. Mais je reconnais quand même. Je me lève brusquement et sors. Plus loin, trois personnes sont en train de parler.
- Vous ... vous êtes venu le chercher ?
- Asta ! Comme je suis heureuse de te voir, dit la jeune femme en me serrant très fort.
- Aelita. Je ne savais que Sholan était votre fils. Je suis désolée. Rentrez avec lui sur terre.
- Nous avons d’autres projets, dit Jérémie.
- Comment ça ?
- Rentrons. Nous serons mieux pour parler, répondit Odd.
Une fois installés, Jérémie prit la parole.
- Voilà. Je vais commencer par le début. Il y a environ trois ans de ça, j’ai rencontré ta mère par hasard. Elle était comme toi, sauvage et dans un piteux état. Je l’ai donc soigné. On aurait dit une bête. Elle me craignait beaucoup. Mais petit à petit, elle commença à se confier à moi. Elle me parla de son passé. Son mari, sa fille, sa fuite pour vous sauver. Puis elle commença à me parler de son désir de se venger de Lui. Par chance, je n’ai jamais été un de ses partisans. On a donc débuté nos actions. J’ai rencontré Aelita qui se joignit à nous. Mais notre révolte prit une ampleur que nous ne contrôlions plus et, il y a deux moi de ça, des rumeurs commencèrent à circuler. Yumi est recherchée par Eoghan. Il a envoyé son meilleur pisteur et tueur. On le nomme l’Invisible. Personne ne l’a jamais vu. On a donc décidé de cacher Yumi, le temps de trouver une solution. Et le meilleur moyen était Arcadia. Mais il y a eu des fuites. Il est au courant.
- Je ... je. On doit aller la prévenir et la secourir !
- C’est pourquoi on est là. Je l’ai appris hier en même temps que ta position et celle de mon fils que nous croyions enlevé, dit Aelita.
- Nous avons décidé de t’accompagner ... continue Jérémie.
- Et je viens avec vous, fini Odd.
- Tu ... tu viens ? Je croyais, enfin que ta vie était ici.
- Oui. Mais je crois que j’ai fait ce que j’avais à faire et que mon destin continuera sur la terre, voir sous terre.
- Tu vas retrouver ta famille ?
- Peut-être, dit il le regard plein de tristesse.
- Jérémie, je voulais savoir ... Qu’est ce que t’a raconté ma mère sur mon père ? Personne n’a jamais voulu m’en parler.
- Je ne sais que ce qu’elle a bien voulu me dire ; c'est-à-dire peu de choses. Je ne sais même pas son prénom. Mais je vais quand même te raconter.
- Merci.
- Elle l’a rencontré alors qu’elle était jeune et qu’Eoghan commençait à atteindre son apogée. Ils sont tombés fou amoureux l’un de l’autre. Ils ont combattus ensemble contre Lui. Puis elle est tombée enceinte ; de toi. Mais il fallait continuer de se battre. Lors d’un combat, Il déploya toute sa puissance, jusqu’alors ignorée. Beaucoup moururent.
- Mon père ... ?
- Elle l’a cru. Mais des années plus tard, elle apprit qu’il vivait toujours, sous ... Ses ordres.
- ... Ses ... ordres ? Non, j’y crois pas !!
- Si. Mais personne ne l’a vu plus d’une fois.
- Que veux-tu dire ?
- Je veux dire par là qu’il laisse rarement des traces derrière lui, si tu vois ce que je veux dire.
Je ne savais plus que penser. D’un côté, j’étais soulagée de savoir que mon père était encore en vie mais d’un autre, j’étais effondrée de savoir qu’il était sous la coupe d’Eoghan.
- Et ma mère, elle ne t’a rien dit à propos de moi ? Je veux dire, elle ne t’a pas expliqué pourquoi elle m’avait abandonné ?
- Asta, nous connaissons Yumi pour avoir combattu à ses côtés, commença Aelita. Jamais elle n’aurait abandonné l’un des siens. Elle a sûrement voulu te protéger.
- J’espère que tu as raison.
Sholan s’approcha de moi et me prit dans ses bras pour me réconforter. Cela me perturba au début mais cela faisait tellement de bien. Juste en amis.
Jérémie se leva et dit :
- Il faut qu’on aille dans les profondeurs d’Arcadia et vite, sinon l’Invisible trouvera Yumi avant nous et tout sera perdu !
- Oui mais comment comptes-tu t’y prendre ? dit Odd.
- Chacun de nous a un don. Ce n’est pas pour rien qu’on est ensemble. Toi Odd, tu as le don de lire les cœurs et donc les intentions des gens, Aelita a le don de la magie. Quant à Asta, elle sait voir la nuit et guérit assez vite. De plus, je suis sûre que tu as la télékinésie de ta mère. Et pour ma part...eh bien on va dire que c’est la matière grise mon point fort.
- Et moi ?dit Sholan
- Toi mon fils, tu le découvriras par toi-même. Il se peut que tu n’en aies pas, tout comme moi.
- Super...
Je me lève à mon tour, pressée de revoir ma mère et surtout d’en finir avec Eoghan. Je quitte la pièce en disant : il faut partir. Les autres me suivent et s’ornent des mêmes armes qu’ils avaient employées contre Eoghan.



Nous quittons ce lieu paradisiaque pour regagner la grotte dans laquelle nous nous étions réfugiés après l’attaque des hybris. Je marche, accompagnée de Sholan. Mais cette fois-ci il n’est plus le guide. Mais bien Odd, Aelita et Jérémie. C’est étrange. Quand je les observe, je peux voir une profonde amitié qui les unit, tout comme une certaine souffrance lointaine. Cette guerre personnelle concerne bien plus de gens que je ne le pensais. Sholan me fait sortir de mes pensées en posant une question à ses parents :
- Comment allons-nous faire avec les hybris ?
- Nous sortirons d’un autre côté de la grotte. Mais crois-moi, là où se trouve Yumi, est bien pire...fit Jérémie.
- Jérémie, ce ne sont encore que des enfants...dit Aelita.
- Aelita, si je les protège de la vérité, je ne leur rends pas service et tu le sais.
Le silence retombe sur le groupe. Nous progressons à l’intérieur de la caverne. Mais le fait de ne pas contrôler la situation me contrarie. Non. Surtout le fait d’ignorer où je vais. Soudain, Odd lâche :
- Nous allons devoir quitter la grotte et traverser la forêt. L’accès aux souterrains d’Arcadia se trouve à la sortie de la forêt. A cette heure-ci, les hybris nous laisseront tranquilles à moins que...
- A moins que l’Invisible soit déjà sur nos traces, fit Jérémie.
Après plus d’une heure de marche silencieuse, nous arrivons à la sortie de la caverne. Le soleil commençait à se lever et réchauffait la terre, encore recouverte de neige. J’aurais tant aimé partager ce moment avec Kalahan. Mais la perspective de retrouver ma mère me redonner du courage et, il est vrai, un sourire.
Nous finissons pas arriver à l'entrée d'arcadia après plusieurs heures de marche. Mais une fois à l'intérieur, j'ai comme l'échine glacée...D'ailleurs, je le fais remarquer:
- Je n’aime pas cet endroit. Tout est si ténébreux. On se croirait en enfer.
- On l’est, en quelque sorte. Ceci est l’enfer des êtres du monde d’en haut. Fit Sholan.
- Surtout n’approchez personne. Il ne faut pas qu’ils vous touchent, sinon vous resterez ici à jamais. Vous risquez de voir des gens de votre passé. Evitez-les. Il n’y a que Yumi qui compte ! fit Odd.
Nous avançons péniblement dans la fumée qui émane depuis le sol. Les parois sont rocheuses et c’est un vrai labyrinthe. J’ignore ce à quoi nous allons devoir faire face mais j’ai un pressentiment.
- Qu’est-ce qui se passe si on les touche ?
- Il le saura. Et l’Invisble viendra s’il n’est pas déjà là.
Nous continuons notre chemin quand soudain la fumée gagne du terrain et nous empêche de voir devant nous.
- Restez sur vos gardes et restez où vous êtes ! Il ne faut pas que l’on se perde !
Mais la voix semble être loin. J’habitue mes yeux à l’environnement et je crie :
- C’est un piège !
Trop tard, nous nous retrouvons scinder en 2 groupes : Odd, Aelita et moi d’une part; Sholan et son père d’autre part. J’ai un mauvais pressentiment sur ce qui va se passer, et ce, depuis le début.
- Asta ? demanda Aelita.
- Je suis là. Où sont les autres ?
- Moi je suis là mais je ne vois ni Jérémie ni Sholan. Fit Odd. Restons groupés. On finira bien par les retrouver. Ce qui compte, c’est de retrouver Yumi.
Je sens soudain quelque chose me frôler. J’essaye d’habituer mes yeux à la faible luminosité mais je ne vois rien. Tout à coup, Aelita s’avance et joint ses mains. Une sphère blanche s’échappe et monte au sommet de la cavité. C’est ainsi que nous pouvons voir où nous marchons. Après quelques instants, Odd se fige sur place. Il semble avoir le regard dans le vide. Aelita le remarque et s’en inquiète.
- Odd, ca va ?
- Tu la vois ?
- Qui ça ?
- Cleia. Elle est si belle...
- Odd, c’est un esprit. Tu ne dois pas la toucher...
- Mais elle me manque tant...
Nous ne pouvons voir que les êtres qui nous étaient chers. Mais ceux-ci peuvent s’avérer très dangereux. Surtout si Eoghan les a transformés. Aelita tente de le retenir mais Odd s’avance vers sa femme. Je me rappelle de l’hologramme. Cleia était une très belle femme. Et le fait qu’elle se retrouve ici est très dur pour Odd.
- Asta, aide moi à le retenir ! fit Aelita.
Je l’aide et à deux, nous le projetons en arrière, juste au moment où il allait toucher sa femme.
- C’était moins une !
- C’est curieux...Mais ces esprits vous hypnotisent à un tel point...
- Je suis désolé...Mais c’était très tentant.
- L’important, c’est de ne pas avoir céder. Reprenons le chemin. Nous en avons encore pour un bout de temps.
Nous nous remettons en marche mais cette fois-ci, sous la lumière. C’est un vrai labyrinthe. Je comprends pourquoi ma mère s’y cache. Cependant, je me demande comment elle a fait pour vivre parmi ces esprits. Et si...
A nouveau, je sens une présence derrière moi. Je me retourne et je manque de tomber à terre, tellement le choc est énorme.
- Asta...
- Non c’est impossible...pas toi...
- Asta...
- Asta, qu’est-ce qui ce passe ?
Mais la question d’Odd reste en suspens. A mon tour, je reste figée dans le vague. Je n’entends pas mes amis me mettre en garde. C’est trop beau pour être vrai. Ma raison me dit de ne pas croire ce que je vois mais mon cœur vient de revivre.
- Kalahan...C’est toi ?
- Asta...Mon amour...
- Non..tu es mort. Tu es mort dans mes bras !
- Odd, elle est en train d’avoir des hallucinations à cause de l’esprit. Il faut l’empêcher de continuer la connexion.
- Facile à dire Aelita ! C’est son fiancé. Il est mort dans ses bras il y a un an. A cause d’Eoghan.
- Asta...Rejoins moi. Je suis si bien ici. On se bat plus, on vit en paix et tout ceux que tu aimes sont ici. Asta viens mon amour
- Kalahan...
Je suis comme hypnotisée par cette apparition. C’est étrange, une sensation de bien être m’envahit. Pour la première fois depuis si longtemps, je me sens heureuse. Je vois sa main se tendre vers la mienne. Elle me frôle. Inconsciemment, je la touche. Un onde secoue la galerie et se répand à travers les souterrains. Je me rends compte que je n’aurais pas du. J’entends à nouveau les voix d’Aelita et de Odd qui me hurlent de resister et je les sens me tirer en arrière. Mais la main de Kalahan me retient. Reste avec moi ! Je lève les yeux sur lui et je hurle d’horreur en le voyant sous sa forme de zombie. Aelita et Odd parviennent à me dégager. Nous finissons tous à terre.
- Tu vas bien ?
- Je suis navrée...Mon dieu qu’ais-je fait ?
- Ce que tous ici auraient fait, Asta. Mais maintenant, Il sait. Il faut qu’on se presse.
Nous nous relevons et nous mettons à marcher plus vite.



Nous nous relevons et nous mettons à marcher plus vite. Je sens qu’on nous suit, que ça se rapproche. Je n’aime pas ça. Ce n’est pas bon signe, pas du tout. Je me mets à l’avant et fais comprendre aux autres d’accélérer le pas. Je n’arrête pas de penser à ce que je viens de faire. Je m’en veux. Peut être ne suis-je pas si forte que ça. Mais un cri d’Aelita me fait sortir de mes pensées.
- Aelita !! Crie Odd derrière moi.
- Qu’est-ce qui se passe Odd ?
- Aelita ... elle a ... disparu.
- Comment ça !? Il faut aller la chercher. On a déjà perdu Sholan et Jérémie, pas elle.
Je retourne sur mes pas, suivie par Odd. Nous sommes sur le qui-vive. Toutes ces personnes errantes qui essayent de nous attirer, rendent notre recherche difficile.
- Là Aelita. Elle est là, me dit Odd.
Je me précipite vers elle. Elle vit encore par chance. Odd commence à lui faire quelques soins de secours. Je me relève, pas rassurée. Il y a trop de personnes autour de nous, beaucoup trop. Ils se rapprochent de nous.
- C’était un piège Odd !
- Hein ?
- Ils sont nombreux, on ne pourra pas s’en sortir, pas cette fois.
- Si Asta. On le pourra et tous ensemble. Je ne me laisserai pas faire, dit Odd.
- Moi non plus.
Un silence s’installe pendant quelques minutes puis est brisé par une voix métallique
- Je n’en attendais pas moins de vous, dit une voix inconnue et grave non loin de nous.
- Qui ... qui êtes vous ?
- Asta. Ah ma chère Asta. Ça fait longtemps que je te regarde. C’est dommage de gâcher un si beau corps. Mais j’aime bien ça, dit il en ricanant.
- Vous n’avez pas répondu à ma question !!!
- Voyons, c’est MOI, l’Invisible.
- L’In ... l’Invisible, bégaye Odd.
Je vois une ombre s’avancer vers moi. J’ai envie de reculer, de fuir, pour la première fois. Mais je ne peux pas les abandonner. Je me mets en garde et attends. Mes sens en alerte ne me sont pas très utiles, comme si il les neutralisent.
- Mais qu’est-ce que tu es bon sang !? Tu ne peux pas être humain, c’est impossible. Encore une de Ses créations.
Odd se pencha à mon oreille.
- Elle est très mal. Je ne sais pas si elle tiendra bien longtemps. On doit partir au plus vite me chuchota-t-il.
- Facile à dire. On est face à l’Invisible, t’as pas oublié.
- Bien sur que non.
- Bon, je vais faire tout ce que je peux, et dès que tu peux, tu t’enfuis avec Aelita.
- Non ! Je ne t’abandonnerais pas.
- Odd, c’est un ordre. C’est mon combat, pas le tien. Comprit ?
- Je ...
- Comprit !!?
- Oui, dit il péniblement.
Il prend Aelita sur ses épaules et reste derrière moi.
- C’est bon vous avez fini de bavarder ? Demande l’Invisible. C’est que j’ai pas que vous à m’occuper.
- Mais tu seras les dernières personnes à voir, car même si je dois mourir, je t’emportais avec moi, dis je d’un ton ferme.
L’Invisible se met à rire, un rire froid, glacial qui me fait trembler. Je fais signe à Odd de s’écarter. Je lui adresse un sourire pour le rassurer en vain.
La prison d’âmes s’écarte pour laisser place à ce monstre d’Invisible. Je n’arrive pas à distinguer son visage caché par l’ombre. Je le vois sortir deux petites dagues noires. Moi j’ai déjà la mienne en main depuis un bon moment. Mais les siennes sont différentes. Je vois des inscriptions dessus. Je l’entends murmurer des paroles dans une autre langue. Au fur et à mesure qu’il parle, ses armes s’illuminent puis tout son corps, sauf son visage. Cette énergie n’est pas normale. Mais je ne me laisse pas impressionner et me mets en position de combat. Quant à mon adversaire, il reste droit, impassible. Aelita pousse des gémissements de souffrance, c’est pourquoi je me dois d’agir au plus vite. Je dois attaquer en premier, coûte que coûte. Je me rue sur lui, en levant mon arme. Il ne bouge toujours pas. Je ne suis plus qu’à quelques centimètres de lui. Je le frappe de toutes mes forces. Une grande lumière remplit la salle où nous nous trouvons. Je ferme les yeux pour me protéger. La fumée m’entoure, m’empêchant de distinguer quoi que ce soit.

Après m’être habituée à cet environnement, je distingue toujours la lumière. Je me jette sur lui, à nouveaux, le frappant de toute part. Mais il esquive mes coups sans difficultés. Je suis en train de m’épuiser. Le plus incroyable, c’est qu’il ne s’est pas servi de ses armes pour m’attaquer, il ne fait que me contrer. J’essaye de reprendre ma respiration. Je l’entends toujours ricaner. La fumée fini par se dissiper. Il n’a même pas une seule égratignure, contrairement à moi. Je ne m’en suis pas rendu compte, mais il m’a eu, finalement. Je découvre une énorme plaie au niveau de ma cuisse gauche. Je m’écroule, incapable de résister à la douleur. Il s’avance vers moi. Il lève ses dagues au dessus de moi. Je sens la fin de ma vie approcher. Je ferme les yeux, essayant de penser aux bonnes choses. J’attends le coup, mais rien. Lorsque je rouvre les yeux, l’Invisible n’est plus au dessus de moi, mais c’est Sholan.
- Sho ... Sholan.
- Ce n’est rien Asta. Jérémie et moi sommes là. On va vous sortir de là.
- Il est trop fort. C’est l’Invisible, dis je avec difficulté.
- Ne t’inquiète pas, me murmure Sholan en me caressant les cheveux.
Il se relève, se met devant moi, comme pour me protéger. Derrière moi, Jérémie prodigue des soins à Aelita. C’est parce qu’ils s’aiment, qu’ils se sont retrouvés. Mais vont-ils en ressortir vivant ?
L’Invisible continue à ricaner.
- Oh que c’est chou. Amour, amour. Beurk, conneries, hurle t’il. C’est bien que vous soyez venu tous les deux. Je n’aurez pas à aller vous chercher. Je vais faire d’une pierre deux coups. Youpi !
- Je ne vois pas ce qui peut te réjouir, intervint Sholan. C’est moi qui vais te faire mordre la poussière monstre.
- Merci, répond il. Bon assez de compliments. Qu’est-ce que tu attends ?
Sholan cour vers lui. Tout le monde se retourne et crie.
- Non !!!!!
Mes paroles sont vaines. L’attaque de mon ami est inefficace. Je le vois tomber au sol. Le sang coule sur la terre. Je rampe vers Sholan.
- Sholan, mais pourquoi as-tu fait ça ? Dis je en pleurs. Pourquoi ? Tu n’es qu’un idiot.
- Je ...je sais. C’était pour ... que tu ... vives.
- Mais je vais vivre. Mais toi. Tu es en train ...
- Ce n’est ... pas ... aïe ... pas grave, répond t’il en souriant.
- Si ! Je devais te protéger, pas l’inverse.
- Asta, je veux que tu me fasse une promesse.
- Quoi ?
- Retrouve ta mère.
- Oui je te le promets. Non Sholan reste !
- Adieu Asta, j’aurais tant voulu que tu me vois autrement qu’en ami.
- Comment ça ?
- Je ... t’aime, murmure t’il avant de rendre son dernier souffle.
Je pleure sur le corps de mon ami défunt, qui s’est sacrifié pour moi. Je sens la rage monter en moi, cette rage comme aux premiers jours. Je me relève péniblement. J’avance avec difficulté vers l’Invisible. Je trébuche mais me redresse à chaque fois. J’ai mal partout mais cela m’importe peu. Je lève le bras pour le frapper. D’un seul doigt il arrête mon attaque. Je tombe à genoux devant lui, sans force.
- Quoi ? Déjà fini ? Tu n’es pas si forte que ça. Incapable de protéger les tiens, ni même toi.
Je suis sur le dos. Il se penche sur moi. Il me dit quelque chose, mais je n’entend plus, je suis perdue. Tout est flou autour de moi. Il lève sa main, sa dague luit. Cette fois c’est la bonne.
Mais une ombre se glisse entre nous deux, interceptant le coup. Je m’évanouie, ayant perdue trop de sang.












Je suis sur le dos. Il se penche sur moi. Il me dit quelque chose, mais je n’entend plus, je suis perdue. Tout est flou autour de moi. Il lève sa main, sa dague luit. Cette fois c’est la bonne.
Mais une ombre se glisse entre nous deux, interceptant le coup. Je m’évanouie, ayant perdue trop de sang.

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Des bruits ... des cris ... des coups ... oui des lames qui s’entrechoquent. Deux ombres dansent devant moi dans un ballet majestueux. J’ai mal ... partout. Des voix me parlent mais je ne comprends pas ce qu’elles me disent. J’ai trop mal ... beaucoup trop. Et puis de nouveau le trou noir. Non, je ne dois pas sombrer. On a besoin de moi. Je dois me battre. Mais je n’ai plus de force.
Je sens qu’on me soulève délicatement. Une douce chaleur m’enveloppe. Apaisante, réconfortante. Une odeur de vanille ... un souvenir que je croyais oublié.

Je suis dans une clairière baignée par un soleil chaud. Je cours vers une silhouette et me jette dans ses bras. Je n’arrive pas à bien voir son visage mais cela m’est égal. Je me sens si bien contre ce corps. Comme protégée.
« Regarde Asta. Sais tu ce que c’est ? » Je pose mon regard sur une fleur rouge magnifique. « Non mais ça sent bon. » La personne que je devine être une femme me met la fleur dans mes cheveux et je devine un sourire sur ses lèvres. « C’est une orchis vanille Asta. C’est la fleur d’Akilian. Elle dégage un léger parfum de vanille. Tu aimes ? » « Oh oui !!!! » Et je rigole, innocente enfant que je suis encore.


- Elle va s’en sortir, dit une voix proche de moi.
- Tu es sûr ? Elle est gravement blessée.
- Ne t’inquiète pas Aelita.

J’essaye d’ouvrir les yeux pour leur montrer que je suis réveillée mais en vain. Mon corps semble crier de toute part sa douleur lorsque j’essaye de bouger. Des mains se posent sur moi. On me prodigue des soins. Je sens que l’on me déshabille pour nettoyer mes plaies. Cela dure un certain temps pendant lequel je sombre à plusieurs reprises dans les ténèbres. Une odeur de menthol flotte dans l’air, signe de désinfectant. Et puis je me retrouve seule, ne sentant plus de présence à mes cotés.
Doucement, les derniers souvenirs d’Arcadia me reviennent. Kalahan, les âmes perdues, l’Invisible, la mort de Sholan et cette ombre qui m’a sauvée. J’ai honte ... si honte. Par ma faute Sholan est mort. Je ne pourrais jamais me pardonner. A cause de moi les gens meurent les uns après les autres. Je ne sais qu’apporter mort et désolation autour de moi. Soi-disant une guerrière, je suis plutôt un fardeau pour les autres. Pourquoi moi je vis alors que tant d’autres sont morts à cause de moi ? Je ne mérite pas d’être encore là. Partir pour ne pas creuser plus de tombes autour de moi. Sauver le peu qu’il reste quitte à y perdre ma vie. De toute façon plus rien ne me retient sur cette terre à part ma vengeance de Le tuer. Lui, qui m’a tout pris. Mon amour, ma famille, ma planète, mon monde, mes amis et même ma mère ... enfin je n’en ai pas la certitude mais en voyant sa puissance et ce qui règne en Arcadia, je n’ai plus l’espoir de le revoir entière. Alors il ne me reste plus qu’à me lever et partir pour essayer de tuer Ce monstre même si je sais que je vais mourir. Mais avec un peu de chance je l’emmènerais avec moi et alors je pourrais me dire que mon existence aura servie à quelque chose même si au final ce sera d’apporter la mort à chaque instant.

Je finis par arriver à ouvrir les yeux. Je suis dans une petite pièce aux tons bleus. Une fenêtre laisse passer un très mince filet de lumière blanche que je devine être la lune. Lentement, je me relève. Mon corps me fait souffrir et je grimace en sentant le tiraillement de mes plaies. Ma tête me tourne un peu et je reste quelques minutes assise sur mon lit à essayer de calmer les cognements contre mes tempes. Un bruit assourdissant, presque éreintant qui me donne envie de me recoucher. Mais je n’ai pas le droit. Alors je prends sur moi et me mets debout. Mes affaires sont posées sur une chaise bancale juste à coté. J’enfile mes vêtements et vérifie que j’ai bien mes armes. Rien ne manque. Je jette un dernier coup d’œil à cette pièce qui malgré moi m’apaise et en sors furtivement. J’atterri dans un couloir creusé à même la pierre noire, éclairé par endroit de quelques torches. J’avance à tâtons, utilisant mes dons pour voir dans le noir. Je sens qu’il n’y a pas de danger autour de moi, que les personnes qui sont non loin de moi sont des amis, des êtres bons. Mais je ne veux pas me faire repérer alors involontairement je me prépare comme lorsque je suis en danger. A l’affût du moindre bruit, de chaque geste. Sur le qui-vive, écoutant tout ce qui m’entoure. En passant devant une porte je devine qu’ils sont derrière. De la lumière passe dessous le bout de bois qui sert de porte et des voix se font entendre. Je reconnais celle de Jérémie, Odd et Aélita. Il y a une autre personne avec eux. Une femme. Elle parle beaucoup. Sa voix est mélodieuse. J’aime bien. Mais je ne dois pas me laisser aller et me concentrer sur ma sortie en discrétion. Je recule, toujours à moitié accroupie. J’arrive enfin à la porte qui semble être celle de la sortie. Je la pousse doucement pour éviter de faire du bruit. De hors c’est la nuit. Je lève tout de suite la tête pour voir un bout de ciel étoilé.
Magnifique.
Je cherche la lune pour pouvoir la contempler mais je ne la trouve pas. Des pas derrière moi me pousse à me hâter et à stopper ma contemplation. Je sors rapidement et la fraîcheur de la nuit me fouette violemment le visage ... comme des milliers de lames qui me transpercent. Mes bras encerclent automatiquement mon torse pour me procurer un peu de chaleur.

- Tu es enfin là, me fait sursauter une voix non loin de moi.

Tout de suite je suis en alerte. Mes muscles se tendent, prête à me défendre. Je ne vois qu’une silhouette la personne s’étant mise dans l’ombre.

- Calme toi Asta. Je ne te veux aucun mal.

C’est une femme. Mais je ne suis pas en confiance. De toute façon je ne le suis jamais vraiment. Sa voix est calme, presque chantante. Un doux rire mélodieux s’échappe de sa gorge. En l’entendant je me détends un peu. De toute façon je sais très bien que je ne suis pas en état de combattre avec mes blessures.

- C’est une belle nuit n’est-ce pas ? Les étoiles brillent beaucoup ce soir. Il manque juste la lune. Mais elle ne se trouve pas de ce coté. Il faut monter en haut pour la voir.
- Qui êtes vous ? Je demande un peu agressivement.

Je l’entends soupirer. Comme si ma question l’avait peinée.

- Je te le dirais plus tard. Mais je ne suis pas une personne qui te veut du mal.
- Qu’est-ce qui me le prouve ?
- Si j’avais vraiment voulu te faire du mal je l’aurais fait depuis longtemps surtout dans ton état, ça aurait été facile.

Elle n’a pas tort.

- Vous savez comment je m’appelle mais moi je ne sais pas le votre.
- Je suis désolée mais je ne peux pas te le dire maintenant. De toute façon tu le sauras bien assez tôt.
- Bon ravie d’avoir fait votre connaissance mais je dois partir.
- Pour aller où ? Tu ne sais même pas où tu te trouves et où aller.
- Peu importe. Je ne peux rester ici plus longtemps.

Je commence à partir quand l’inconnue reprend la parole.

- Ce n’est pas de ta faute si Sholan est mort. Il savait qu’il allait mourir en t’accompagnant mais il le voulait. Comme les autres. Ils savent très bien qu’en te suivant ils risquent leur vie. Mais c’est ce qui leur semble juste.
- Taisez vous !! J’hurle. Vous ne savez pas ce que s’est de voir les gens mourir autour de vous à chaque instant.
- Tu te trompes. Je le sais que trop bien. J’ai vu mes parents mourir alors que je n’avais que treize ans. Et ce n’était que le début. Des amis, d’autres membres de ma famille, l’homme que j’aimais ... tout comme toi. Mon passé ressemble bien trop au tien. Je sais ce que c’est. Et moi aussi j’ai voulu m’éloigner des gens que je chérissais pour les épargner. Mais cela n’a servi à rien. Et grâce à Aelita et Jérémie j’ai arrêté de fuir.

J’ai envie de pleurer. Des larmes que je retiens depuis trop longtemps. Mais je ne dois pas les laisser aller car elles signifient ma faiblesse. Je les ravale difficilement, reniflant au passage.

- Tu peux pleurer, je ne te jugerais pas.
- C’est une faiblesse.
- Non. Au contraire. C’est une force. Après avoir pleurer tu te sens mieux, prête à repartir pour ce que tu crois être bon. Alors cesse de les retenir et pleure.

Et je n’arrive plus d’un coup à me contrôler. Les perles salées tombent d’abord doucement puis deviennent un flot. Je me retourne vers cette femme qui lit en moi, peut-être parce qu’elle a vécu la même chose et me jette dans ses bras. Ses bras m’enserrent dans une douce étreinte réconfortante. Mes larmes coulent sans retenue. Je me blottis d’avantage contre son corps qui me rappelle quelque chose mais je ne sais quoi. Une douce odeur de vanille m’enveloppe à nouveau. J’aime tant cette odeur. C’est comme un bout d’Akilian qui vient à moi. Un bout de mon passé. Illusion que tout n’est pas détruit. Une âme d’enfant qui s’éveille et revit car elle a grandit bien trop vite.
Ses mains caressent mon dos et m’apaisent lentement. Mes pleurs finissent par se tarir. Juste mes sanglots persistent, vestige de mon laissé allé.

- Ah tu es là !!! Asta aussi ? S’exclame Aelita.

Je me retire vivement des bras de l’inconnue et me retourne vers Aelita qui me sourit.

- Tu vas mieux Asta ?
- Oui.
- Tant mieux.
- Aelita, je ... je suis désolée ...
- Chut, dit elle en s’approchant de moi et en posant un doigt sur mes lèvres pour me faire taire. Ce n’est pas ta faute. Je crois qu’il serait mort un jour ou l’autre de toute façon. Il était rebelle et pas très discret. Il l’aurait tué à un moment ou à un autre. Et au moins je sais pourquoi il n’est plus là aujourd’hui. Pour que tu vives.
- Ça aurait dû être moi.
- Non. Toi tu dois encore vivre. Tu es notre espoir.
- Arrête !! Je m’énerve. Je ne suis pas votre espoir. Je ne suis rien du tout. Je suis juste Asta. Vous ne devez pas avoir confiance en moi. Vous allez mourir si vous rester avec moi.
- Écoute moi !! Je sais que je mourais parce que je refuse de me soumettre à Ses ordres. Je le sais. Mais je préfère encore que se soit auprès de toi, en me battant, que sur une place d’exécution sans avoir fait quelque chose pour que ça change avant !
- Et je pense pareil, intervient Odd qui nous a rejoint.
- Mais ... mais ...

Pourquoi ? Qu’ils aillent mourir ailleurs. Je ne veux pas avoir leur perte sur le dos. J’en ai assez comme ça. Je ne veux plus les entendre. Je me bouche les oreilles et cherche une échappatoire. La falaise sur ma gauche, dans laquelle une pseudo maison a été construite est parfaite. Je me jette sur la paroi et commence mon ascension.

- Asta !!! Me crie Aelita.
- Non laisse là, réplique celle que je reconnais comme étant l’inconnue.

Je grimpe agilement même si j’ai encore un peu mal. Par chance le processus de cicatrisation est bien avancé. Dans une heure plus rien ne paraîtra. Mes doigts s’accrochent aux aspérités de la roche et mes pieds prennent appui pour me permettre de mieux m’élancer. J’arrive rapidement en haut. C’est un plateau recouvert d’herbe verdoyante. Les paysages sont si étranges ici. Arcadia reste un mystère.
Elle avait raison. De là je peux voir la lune à demi pleine. Je m’allonge sur le dos et une légère brise me caresse doucement, faisant virevolter quelques mèches. C’est calme et silencieux. Mon regard erre sur la blancheur céleste, la détaillant, cherchant la moindre imperfection. Mais rien. Juste parfaite.
Je reste là, repensant à tout ce qui vient de se passer. Et qui est donc cette femme ? Je revois alors la silhouette qui, il me semble, nous a sauvé. Est-ce elle ? Je ne sais pas. Et je ne le saurais probablement jamais car je ne la reverrais jamais puisque je vais partir loin d’eux. Mais avant ça je veux encore profiter de cette ambiance paisible. Mes yeux se ferment d’eux même et je laisse juste mes autres sens s’épanouir. Le vent frôle ma peau, la faisant frissonner par endroit. Une douce odeur d’herbe me parvient et je m’en enivre. J’entends un sifflement qui se transforme en mélodie envoûtante. Je l’écoute, faisant abstraction du reste.
Et puis je sens une présence. Mais je la reconnais immédiatement. La femme d’en bas. Alors je ne bouge pas.

- C’est beau n’est-ce pas ?
- Oui, je murmure.
- C’est un loup taché. Il appelle son compagnon. Un chant d’amour. Une promesse de toujours.
- Est-ce que c’était vous qui nous avez sauvé de l’Invisible ?
- Oui.
- Comment avez-vous fait ? Je n’ai même pas réussi à l’atteindre. Enseignez moi.
- Tu sais déjà tout ce que tu dois savoir. Et s’il te plait arrête d me vouvoyer. Tutoie moi.

Je rouvre les yeux et me relève, lui tournant toujours le dos.

- Je ne vous connais pas. C’est normal que j’utilise le vous.
- Si tu te retournais tu verrais que tu as tort.

Que veut elle dire ? Je la connaîtrais ? Mais je ne vois absolument pas qui elle peut être. Je fais un demi tour et rencontre alors son visage. Mes pupilles plongent dans deux océans que je reconnais ... en effet.