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Histoire : Les Chroniques de Valombre - II. Le voyage de Yumi


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Écrite par Flammèche le 12 janvier 2007 (10316 mots)

Dernière édition le 08 juin 2007

« Bienvenue au royaume de Valombre »
Cette phrase résonnait chaque nuit dans l'esprit de Yumi depuis qu'Aramis l'avait prononcé dès leur arrivée, il y a une semaine. Mais ce n'était pas la voix de la Sentinelle. C'était une voix profonde, sauvage, semblant venir des tréfonds de la terre ; la même que celle entendue dans la salle de l'épreuve du Feu. Et à chaque fois que Yumi l'entendait, ces mêmes images défilaient devant ses yeux :
Elle voyait la cité de Luskan qui s'élevait sur une colline, non-loin de la mer. Puis, un paysage de plaines verdoyantes, parcourues de nombreuses rivières, s'étendant à perte de vue, et traversées par des troupeaux de bisons, de wapitis et de chevaux. Ensuite, un vaste marécage allant jusqu'aux pieds d'un mur montagneux noir et menaçant, qui se dessinait au loin. Une lande déserte et rocheuse suivait, puis une terre entièrement recouverte de neige, et enfin, un jardin au sommet d'une colline d'un vert tendre, entourée de hautes montagnes aux sommets enneigés. Trois aigles à tête blanche, l'un doré et les deux autres argentés, tournoyaient au-dessus du jardin.
Ce furent des craquements qui réveillèrent Yumi, comme si du bois s'était mis à brûler. Le bruit persistant, elle finit par ouvrir les paupières.
Il faisait encore nuit. Elle se trouvait dans une grande chambre aux murs ornés de tapisseries. Un feu crépitait dans un âtre de pierre en face du lit, éclairant un étrange personnage : jusqu'à la taille, il ressemblait à un homme, mais ses jambes étaient formées comme les pattes arrières d'une chèvre (avec un pelage noir et luisant). Deux petites cornes dépassaient de son épaisse chevelure noire frisée.
Yumi le reconnut. C'était le faune Pikadias, le meilleur ami d'Aramis, en plus de Skandranon. Il posait, sur une petite table, un plateau garni de denrées appétissantes : jus de fruit, céréales, pain grillé, beurre, confitures. Elle se redressa au moment où il se retournait :
- Oh, vous êtes réveillée ! lança-t-il d'une voix chaleureuse. C'est bien ! Je n'aurai pas à vous secouer ! Aramis viendra dans dix minutes. D'ici là, vous avez le temps de prendre votre petit-déjeuner... et de finir de vous extirper des bras de Morphée ! ajouta-t-il avec malice avant de sortir.
La jeune fille sourit à cette remarque mais ne rit pas ; elle en avait perdu l'envie depuis que les guérisseurs avaient abandonné Ulrich à son triste sort, sous prétexte que l'essence de la fleur de feu, guérisseuse de tous les maux, était inefficace. Cela l'avait mise dans tous ses états. Aramis lui avait alors parlé d'une fontaine aux propriétés magiques supérieures à celles de la fleur, dans les terres du Nord : la Source du Soleil. Yumi avait aussitôt insisté pour y aller.
Et elle doit partir aujourd'hui...
Quelques minutes plus tard, quelqu'un frappa à la porte ; Aramis entra dans la chambre avec une pile de vêtements, une paire de bottes, une cotte de mailles, ainsi que plusieurs armes dont les évantails fétiches de la japonaise.
- C'est tout ce que j'ai pu trouver à ta taille ! dit-elle. Choisi là-dedans ce qui te plaît. Rejoins-moi devant les écuries des chevaux, dès que tu seras décente.
Yumi opta pour une tunique bordeaux descendant jusqu'à mi-cuisse pour cacher son armure de mailles, un pantalon rouge et une cape brune, fermée au col par une fibule en forme de feuille de hêtre. Elle se saisit ensuite d'une épée qu'elle attacha à son côté, d'une dague et de ses évantails, puis sortit, prenant la direction de la chambre d'Ulrich ; elle ne voulait pas partir sans lui dire au revoir. Elle entra discrètement dans la pièce. Il était allongé, tel qu'elle l'avait vu si souvent depuis six jours, la tête appuyée contre les coussins, le visage d'une grande pâleur sous l'éclat des deux lunes. Il dormait profondément, sous l'effet d'un puissant sédatif ; les nuits étaient les seules trêves à ses journées de souffrances.
Yumi se pencha pour l'embrasser doucement, déposa ses deux évantails sur la table de nuit, puis disparut en silence. Une fois dehors, elle tourna à droite, descendit quelques marches, et entra dans une cour éclairée par des braseros, face aux imposantes écuries. Aramis l'y attendait, tenant par la bride un puissant poney à la robe alezane, queue et crinière blanches au vent.
- Voici Ellou, annonça-t-elle. Elle sera ta monture pendant ton voyage...
Yumi caressa doucement les larges naseaux de la jument, puis se hissa en selle.
- Une fois dans les terres enneigées, cherche un lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel, recomanda Aramis. La Source du Soleil se trouve de l'autre côté. (elle attacha un carquois plein de flèches à la selle et lui tendit un petit arc) Tiens, tu en auras sûrement besoin ! Et ne t'inquiètes pas pour ton bien-aimé, je veillerai sur lui, et en même temps, j'essaierai de retrouver tes autres amis. Bon voyage, Yumi ! (elle s'adressa à la ponnette) Cours, Ellou ! Montre-lui ce que célérité veut dire !
Ellou releva la tête, et s'élança, faisant résonner ses fers sur le sol de pierre. En un rien de temps, elle fut hors de la cité ; elle s'engouffra dans la nuit.

Sur Terre, plus précisément au premier sous-sol d'une vieille usine, en fin d'après-midi, Jérémie cherchait depuis une semaine ses amis disparus. Les traits tirés, les yeux cernés, il semblait épuisé. Sur sa gauche, les portes du monte-charge s'ouvrirent sur Aélita et Odd ; ce dernier tenait dans ses bras un petit chien gris.
- Alors ? s'enquit la jeune fille.
- Rien à faire, répondit Jérémie d'une voix lasse. J'ai pourtant passé tout Lyoko au peigne fin, y comprit le nouveau territoire ! Sans résultat... Mais je dois les retrouver ! Si XANA passe à l'attaque, nous risquons d'avoir besoin d'eux !
Soudain, une brusque secousse ébranla tout le bâtiment ; des morceaux de béton se détachèrent du plafond ; le chien hurla à la mort.
- Du calme, Kiwi ! fit Odd. C'était quoi, ça ?
- Allons voir en haut ! suggéra Aélita.
Tous trois entrèrent dans le monte-charge pour monter au rez-de-chaussé de l'usine. Dehors, ils se figèrent devant la scène qui se déroulait sous leurs yeux : d'innombrables sbires de XANA poursuivaient les habitants de la ville, les regroupant comme le font les chiens de berger pour les livrer ensuite à la Méduse, horrible masse transparente flottant dans les airs, ses tentacules enroulées autours des corps des victimes qu'elle possédait peu à peu.
- Cette fois, XANA a gagné pour de bon... lâcha Jérémie, anéanti.



Au même moment, à Luskan, Aramis sentait que quelque chose de grave se passait sur Terre. Elle sortit de la chambre d'Ulrich, laissant Gwenhwyvar, sa panthère noire, veiller sur le jeune homme, et traversa le château aussi vite qu'elle le put en direction des souterrains. Là, dans une pièce qui ressemblait en tout point au laboratoire de l'usine, un homme à la barbe et aux cheveux gris piannotait avec frénésie sur un clavier, face à trois écrans d'ordinateur.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
- Regardez !
Il montra une carte complète de la Terre sur l'écran de droite : une multitude de petits points rouges s'étalaient sur toute l'Europe, et commençaient à grignoter les terres de Russie.
- Les forces de XANA s'étendent. À cette vitesse, elles auront colonisé la Terre entière en quelques minutes !
- Maudit sois-tu, XANA ! siffla la jeune femme.
Elle tourna les talons et fila vers l'armurerie récupérer son arc et ses flèches, ainsi que son épée, puis courut vers les écuries réservées aux griffons. Elle siffla Skandranon, son géant ébène, qui se tenait devant l'entrée du bâtiment, revenant tout juste d'une promenade. Sans prendre le temps de le harnacher, elle sauta sur son dos. Le griffon fit aussitôt volte-face et bondit dans les airs, comme la flèche décochée par l'arc. Aramis plongea ensuite la main dans la bourse qui ne quittait jamais sa ceinture ; tous deux disparurent du ciel de Valombre... pour réapparaître au-dessus d'une ville terrienne en proie à la panique : les habitants couraient dans tous les sens pour échapper aux monstres qui les poursuivaient et les regroupaient, certains étaient prisonniers des tentacules d'une immense méduse translucide, d'autres marchaient comme des automates vers une usine désaffectée, visible au loin sur un petit ilôt.
- Plus vite Skan ! Il faut arriver à l'usine avant les possédés !
Le griffon obéit. Sur les lieux, elle vit trois adolescents qui fixaient, éberlués, ce qui se passait. Parmi eux, elle reconnut les cheveux roses d'Aélita, la fille de l'informaticien qu'elle avait recueillit il y a peu. Elle fit atterrir Skandranon devant eux, les tirant de leur hébétude. En voyant une énorme masse noire surgir de nulle part, ils filèrent se réfugier dans l'usine.
Sans attendre d'ordre, le griffon s'élança à l'intérieur, plana quelques secondes dans la salle cathédrale, et se posa devant les portes d'un monte-charge, barrant la route aux adolescents. Kiwi, toujours dans les bras de son maître, grogna ; d'un sifflement menaçant, Skandranon le fit taire.
- N'ayez pas peur, leur dit sa cavalière d'un ton qu'elle voulait rassurant. Je suis Aramis, la Sentinelle de Lyoko. Je suis venue vous chercher et vous emmener à Valombre, auprès de vos deux autres amis.
- Valombre !?! C'est quoi, ça ? interrogea Odd.
- Un des nombreux royaumes d'un monde parallèle au votre. Dépêchez-vous de monter, les possédés ne vont pas tarder !
- Et le super-calculateur ? lança Jérémie. Si XANA le détruit, on ne pourra jamais rammener Franz Hopper !
- Si ça vous rassure... soupira la jeune femme.
Elle sortit de sa bourse un flacon contenant une poudre blanche, dont elle en versa une petite quantité dans une main. Elle prononça d'incompréhensibles paroles et les fines particules s'envolèrent pour dessiner la forme d'un gigantesque serpent. Puis la poudre regagna le flacon, dévoilant une splendide créature : elle avait un corps long et souple dont les écailles nacrées jetaient un éclat rose et blanc, des membres semblables à ceux des rapaces, et deux longues moustaches entouraient sa gueule ; sa crinière grise et les franges de sa queue ondulaient avec grâce, bien qu'il n'y ait pas un souffle de vent. L'animal leva sur Aramis sa tête de loup d'où brillaient deux prunelles couleur de rubis.
- Je te confie la garde de cet endroit et de ce qu'il renferme. Personne ne doit entrer, ordonna la Sentinelle. (la créature chimérique inclina la tête) Quant à vous, montez, et vite !
Aélita s'installa devant elle, tandis que Jérémie et Odd, après maintes tentatives, prirent place derrière. Le griffon peina au décollage mais parvint à atteindre le plafond de la salle, avant de disparaître avec son chargement.

Depuis des heures qu'elle chevauchait, Yumi avait eut le temps de revenir sur son impression initiale à propos de l'équitation : aller à cheval n'était pas de tout repos. Elle avait mal au dos, aux fesses, aux cuisses et dans les épaules, et pour couronner le tout, elle était épuisée.
Ellou était mouchetée d'écume, mais dressait fièrement l'encolure et allait bon train à travers les plaines de Valombre, sans ralentir ni même s'arrêter et sans que sa cavalière n'eut besoin de la diriger, frappant la terre de ses sabots dans un bruit de tonnerre. Elle gravissait les collines, traversait les vallons, sautait au-dessus des rivières, sans montrer le moindre signe de fatigue.
Le soleil tomba lentement du ciel dans l'Ouest, le transformant en une gigantesque fournaise d'or en fusion. Elles poursuivirent leur route jusqu'à ce que la nuit recouvre entièrement le firmament de son manteau noir piqueté d'étoiles. Quand Ellou daigna enfin faire halte, Yumi chancela lorsqu'elle mit pied à terre.
- Ouille ! Oh, mes pauvres jambes, gémit-elle. Le premier qui dit que l'équitation est un sport reposant, je le casse en six ! Aïe, mon dos !
À ce moment, la japonaise crut rêver, car très distinctement, la ponnette lui dit :
- T'inquiètes pas, ça passera avec le temps.
Yumi fixa les yeux immenses de sa monture et, d'étonnement, les siens s'agrandirent presque autant :
- Tu... tu parles ?
- Je viens du Belerian, le royaume des elfes. Là-bas, presque tous les chevaux parlent. On nous appelle les Ranyhyn. D'ordinaire, nous n'allons jamais dans les autres royaumes, mais comme Aramis nous a demandé de l'aide...
- Tu connais Aramis !?!
- Et même très bien. Mais elle m'a ordonné de ne rien te révéler à son sujet. Ne me demande pas pourquoi, car je n'en sais rien !
- Je vois. Tu me réveilleras ?
- Bien sûr...
Yumi s'allongea sur l'herbe épaisse et sombra aussitôt dans un profond sommeil, enroulée dans sa cape. Debout à ses côtés, parfaitement immobile, Ellou fixait l'obscurité, les oreilles rabattues en arrière : des relents de moisissure et de décomposition, portés par le vent, agressaient ses naseaux, signalant la proximité du marais le plus dangereux de ce monde.
Elle réveilla Yumi quelques heures plus tard ; cette dernière, hébétée, ouvrit péniblement les yeux.
- Allez, debout petite chose, susurra amicalement la ponnette.
La japonaise se redressa avec beaucoup de difficultés. Elle était si courbaturée qu'elle crut qu'elle n'arriverait plus jamais à bouger. Elle en fit la remarque à Ellou, mais cette dernière feignit de n'avoir rien entendu et la poussa doucement avec son nez, tant et si bien qu'elle fut obligée de se lever.
- Je sais que c'est dur pour toi, mais nous ne sommes plus très loin du Marais du Ferment. Nous ferions mieux d'atteindre la Chaîne d'Onyx avant le crépuscule, si l'on veut rester en vie et en bon état.
Elles repartirent sous les froides lunes jumelles, aussi rapides qu'à la lumière du jour.

Skandranon émergea d'une mare et rejoignit un terrain recouvert de gazon. Odd lâcha son chien et descendit précipitamment du griffon, se tenant le ventre à deux mains :
- Oh làlà... Je suis malâââââde...
- Inspire à fond, coupa la Sentinelle, et ça passera. Grimpe, ou on part sans toi !
Il rappela Kiwi et remonta, avec appréhension, derrière Jérémie. De son côté, Aélita regardait, les yeux écarquillés, la vaste vallée constellée de petites mares. Elle n'eut pas le temps de demander où ils se trouvaient : Aramis avait conduit sa monture dans une autre mare et plongé la main dans sa bourse. Après un bref passage (très éprouvant pour Odd) dans un maelström de formes floues, ils réapparurent au-dessus d'un long et large fleuve. Ébahis, les lyokonautes n'osèrent prononcer un seul mot.
Le griffon suivit son cour pendant un moment, puis sa maîtresse le fit virer à droite, en direction d'un point brillant sous le disque orangé du soleil couchant. Après plusieurs minutes de vol, ils purent admirer la cité de Luskan. Elle s'élevait sur une colline, à proximité de la mer, et était entourée de hautes murailles renforcées par de nombreuses tours fortifiées. À l'intérieur des murs, il n'y avait pas un pouce de cette colline, jusqu'au château au sommet, qui ne disparût sous les constructions : terrasses, larges rues en lacets ou longs escaliers bordés d'orangers et de citronniers, jardins suspendus, balcons... Les rayons du soleil, renvoyés par les innombrables fenêtres et vitraux des habitations et du château, faisaient étinceler la ville, telle une immense étoile parée des couleurs de l'arc-en-ciel.
Skandranon se posa avec légèreté sur le dallage d'une immense cour, devant l'entrée principale du château. Un faune les y attendait. Jérémie, Aélita et Odd, les jambes engourdies par le vol, descendirent, pantelants. Kiwi huma l'air avec interrêt.
- Salut, Pikadias. Tu pourrais t'occuper de Skan, s'il te plaît ?
- Sans problème, Aramis ! lança joyeusement l'interpellé. Au fait, "Il" veut te voir d'urgence. "Il" t'attend dans la salle du trône.
- Merci mon vieux.
Aramis traversa rapidement la cour, les menant vers une haute porte de métal poli. Celle-ci s'ouvrit, révélant une longue salle éclairée de part et d'autre par d'immenses fenêtres, au-delà des rangées de hauts piliers de marbre turquoise veinés de blanc qui soutenaient le plafond. Les murs étaient tapissés de plumes de paon, de faisans et de tentures colorées. Le sol lisse était taillé dans du quartz gris ; dessus était représenté un serpent blanc s'enroulant autour de la tige épineuse d'une rose épanouie. L'ambiance solennelle qui régnait dans la salle mettait Odd mal à l'aise :
- J'ai l'impression d'être dans une église, dit-il.
Au bout, sur une estrade précédée de trois marches, se dressaient deux trônes, vides. Un homme à l'apparence agée, vêtu d'une blouse blanche et d'un pantalon bleu marine, était assis sur la première marche et essuyait ses lunettes. Pendant un instant, Aélita crut voir son père mais elle chassa rapidement cette idée saugrenue de sa tête. Mais quand il se leva pour parler à Aramis, elle n'eut plus de doutes :
- Papa ?!
- Aélita ! Ce... c'est toi ma chérie ?
Aélita allait se précipiter dans les bras de son père lorsqu'une main ferme la retint par l'épaule :
- Un instant, dit Aramis. Vous vouliez me voir, Franz ?
- Oui, pour vous dire ceci : XANA commence à avoir son propre corps. Et pour ça, il subtilise l'énergie d'un être vivant !
- Sûrement à un possédé, dit Jérémie.
- Je ne crois pas... murmura Aramis pour elle-même. Depuis quand ?
- Sept jours. Je crains fort que la victime soit le jeune homme que vous aviez rammené avec la japonaise.
Un éclair de colère passa dans les yeux de la jeune femme. Elle se raidit et serra son poing libre si fort que ses ongles lui entrèrent dans la chair ; des gouttes de sang tombèrent sur le sol.
- Je m'en doutais...
Comprenant de qui ils parlaient, Jérémie, Aélita et Odd échangèrent un long regard, le visage décomposé.





Lentement, à l'Est, l'aurore se leva, claire et brillante, diffusant une douce lumière dorée sur les plaines. Les herbages se déroulaient jusqu'à une épaisse nappe de brume, teintée de rose par l'éclat du soleil levant, qui semblait toucher le pied de la Chaîne d'Onyx.
- Le marais est sous le brouillard ? demanda Yumi.
- Oui. Mais je crois qu'une bonne lieue nous en sépare encore, l'herbe vient juste de dépasser mes jarrets.
En effet, plus elles approchaient du marais, plus la hauteur de l'herbe augmentait, et plus le terrain s'aplanissait. Dès que la jeune fille sentit une odeur désagréable lui agresser les narines, l'herbe lui arrivait jusqu'aux genoux, lui donnant l'impression de nager avec sa monture dans une mer vert-gris. Une brise se leva, chassant la brume et dévoilant un paysage lugubre, qu'elles atteignirent en quelques minutes. Avant d'y entrer, Ellou s'arrêta.
- Le Marais du Ferment, grommela-t-elle. Le genre d'endroit que j'aimerai éviter par tous les moyens...
- Je m'en doute bien, répondit Yumi. Mais un détour nous ferait perdre trop de temps. Allez !
Une nature morbide et malade s'étendait de part et d'autre et en face d'elles. Détranges boules grisâtres aux tailles variées jonchaient un sol couvert de moisissures, et certaines étaient accrochées, tels des champignons parasites, aux rares arbres à l'aspect torturé. Des fumerolles s'échapaient des plus grosses, diffusant dans l'air immobile des relents de décomposition. La seule note verte était la mousse d'algues livides à la surface sombre de mares méphitiques, et les plaques de lichen qui s'accrochaient au sol moisi. Des herbes mortes et des roseaux pourrissants apparaissaient dans les brumes comme des ombres déguenillées d'êtres depuis longtemps oubliés.
Ellou marchait avec grand soin, tâtant le terrain de ses sabots ; trouver les endroits les plus fermes où ses pattes pouvaient se poser sans enfoncer dans une boue gluante était difficile.
- Ce marais est vraiment insuportable ! grogna Yumi, un pan de sa cape devant son nez.
- Ne parle pas si fort ! souffla la ponnette. Nous sommes sur le territoire des kapaks.
- Des quoi ?
- Des hommes-lézards. Stupides et cruels au possible. Mieux vaut ne pas les alerter, si tu ne veux pas qu'on se fasse dévorer vivantes.
Elles avançaient lentement, prenant garde à ne pas faire de bruit. Soudain, sur leur droite, un craquement retentit. Ellou s'arrêta et leva la tête, les oreilles dréssées, reniflant l'air environnant ; la puanteur se faisait de plus en plus forte ; Yumi sentit son médaillon lui brûler la peau.
- Tirons-nous d'ici ! marmonna la jument.
Elle n'eut pas le temps de joindre le geste à la parole : des monstres surgirent de partout et se ruèrent sur elles. Ils étaient bipèdes et aussi grand qu'un homme, mais leur apparence était celle des lézards : un corps vert couvert d'écailles, un museau triangulaire, une queue et des yeux reptiliens, une crête de piquants le long du dos, des pieds et des mains griffus.
Ellou se cabra, envoyant ses sabots dans le poitrail de l'homme-lézard le plus proche, et décocha ensuite une puissante ruade. Des couinements lui annonçèrent qu'elle avait fait mouche. De son côté, Yumi se défendait du mieux qu'elle pouvait. Pour le moment, aucun monstre n'était parvenu à la toucher, mais leur nombre augmentait à chaque seconde, et son bras, non habitué à manier une épée, lui faisait mal.
Un kapak bondit sur elle, l'éjectant de sa selle... et s'empalant du même coup sur son arme.
- Yumi ! hurla Ellou.
La réception se fit sans douceur. Alors qu'elle cherchait à se relever, elle sentit des serres s'enfoncer dans son dos, pourtant protégé par l'armure de mailles. Folle de douleur, Yumi se contorsionna comme une anguille et réussit à s'arracher aux serres cruelles, qui restaient marquées dans son dos en sillons profonds jusqu'à l'os. Sans perdre de temps, elle bondit sur ses pieds et fit décrire à son épée un arc de cercle, décapitant les kapaks qui se trouvaient à proximité. Mais l'un d'eux esquiva et la frappa de sa queue, l'envoyant à terre sans ménagement.
Au moment où la jeune fille heurta le sol, elle sentit des dents se refermer sur sa gorge, et des griffes lui labourer le ventre et les cuisses. Autour d'elle, le sol se colorait de rouge. Des larmes de terreur dans les yeux, elle saisit les mâchoires du monstre et tenta de les ouvrir. Implacablement, les crocs s'enfonçaient dans son cou ; ils n'étaient plus qu'à quelques millimètres des veines jugulaires. Ellou voulut l'aider, mais plusieurs hommes-lézards lui barrèrent la route.
Le cri de mort de Yumi retentit dans le marais. Aussitôt, son amulette se mit à rougeoyer, de plus en plus intensément. Une colonne de lumière écarlate en jaillit, délivrant une onde de choc qui se propagea dans tout le marais et tua net les kapaks. Choquée et grièvement bléssée, Yumi s'évanouit.

Il sembla à Aélita qu'une minute seulement s'était écoulée (alors qu'en réalité il s'était passé des heures) lorsqu'elle s'éveilla, l'esprit comateux. Une langue rapeuse passa sur sa joue, la réveillant tout à fait :
- Kiwi, pas la peine de me laver, j'ai pris une douche hier matin. Tiens, c'est quoi ça ?
Un morceau de papier, sur lequel était griffoné "retrouve-nous dans la salle du trône", était glissé sous le collier du chien.
Elle s'habilla en hâte et sortit de la chambre, Kiwi sur les talons.
La grande salle était plus animée que le jour précédent : des servantes, vêtues d'une longue robe bleue et d'un tablier blanc, s'activaient à nettoyer les fenêtres, astiquer le sol, et brosser les tapisseries. Un domestique, lui aussi habillé de bleu, rapportait un plateau à la cuisine.
- Quel goinfre ! glissa-t-il à une servante. C'est la quatrième sole meunière qu'il s'enfile et il en redemande encore !
En effet, assis à une grande table, près d'une fenêtre, Odd dévorait goulûment un poisson de bonne taille. À ses côtés, Jérémie et Franz Hopper cherchaient à soustraire leur regard de cette gloutonnerie en discutant de tout et de rien. Aramis était appuyée contre une colonne ; sa main gauche était bandée.
- Salut tout le monde ! lança Aélita.
- Bonjour ma chérie, répondit Franz.
- Chalut princheche !
- Salut Aélita. Bien dormi ?
- Un loir n'aurait pas fait mieux. C'est même la première fois que je dors autant !
- Tu t'es bien reposée, c'est ce qui compte ! dit Aramis. Maintenant, je vais vous dire ce que vous devez savoir à propos de vos amis.
- Et vous ! rétorqua Jérémie. Quand allez-vous nous dire QUI vous êtes, en réalité ?
- Ce n'est pas à moi de vous raconter mon histoire.
Dès qu'Aélita se fut assise à côté de son père, Aramis commença :
- XANA avait implanté dans le poison de la manticore un virus de sa création. Lors de l'épreuve du Vent, la bête a réussi à blesser le jeune samouraï avec son dard. Ce n'était qu'une petite éraflure, mais ce fut suffisant pour que le virus pénètre dans son corps. Depuis, il absorbe lentement son énergie et la restitue à XANA, qui s'en sert pour créer sa propre enveloppe corporelle.
- Il y a un antidote ? demanda Aélita.
- Un seul. Il se trouve dans les terres du Nord. Lorsque Yumi a appris son éxistence, elle est partie aussitôt.
- Ah, l'amour... Ch'est-y pas beau, cha ?
- Odd, tais-toi et mange !
- Vous l'avez laissé partir... toute seule !? lança Jérémie, indigné.
- Personne n'aurait réussi à la retenir. Et puis, elle est loin d'être s...
Aramis s'interrompit, le regard vague, comme si elle s'était perdue dans un rêve éveillé.
- Restez ici, quoiqu'il arrive ! lâcha-t-elle d'un ton sec.
Elle courut vers l'aile droite du château. Quelques instants après, un hurlement déchirant retentit, faisant sursauter tout le monde. Apeuré, Kiwi se réfugia aux pieds de son maître.

La douleur lui tomba dessus sans prévenir. Il avait l'impression que quelqu'un lui avait labouré le dos, le ventre et les cuisses sans pitié, entaillant sa chair très profondément. Affaiblit, désarmé, Ulrich demanda l'aide de Gwenhwyvar, mais la panthère était aussi impuissante que lui. Sentant monter la colère du jeune homme, elle essaya d'établir un contact mental pour l'appaiser, mais elle se heurta à un mur de fureur derrière lequel se terrait l'esprit d'Ulrich. Elle sondait le rempart, assaillait les endroits qui semblaient les plus fragiles... En vain. Comprenant qu'elle ne gagnerait pas, elle appela sa maîtresse.
Aramis surgit dans la chambre et chercha, à son tour, à le contacter mentalement. Ulrich lutta mais cet adversaire, plus puissant que le précédent, broya ses défenses et le força à ouvrir son esprit. Il se calma immédiatement lorsqu'il reconnut la Sentinelle.
Soudain, une autre douleur, d'une intensité hors du commun, fusa dans tout son corps. Une force surpuissante aspirait les siennes, mais aussi sa vie. Paniqué, il poussa un cri, si fort qu'il se cassa la voix ; il sentit le goût métallique du sang dans sa bouche. Aramis dressa ses propres barrières pour repousser l'attaque. La force les contourna et raffermit encore sa prise sur Ulrich, puis s'intéressa de près à la Sentinelle. Cette dernière, surprise et furieuse à la fois, passa à l'offensive : elle marmonna un mot bref et la force fut proprement balayée. L'étreinte mortelle cessa de se resserrer et disparut. Épuisé, Ulrich s'évanouit.
Aramis rompit le contact mental.
- Tu es loin d'avoir gagné, XANA, vociféra-t-elle.
Sous ses vêtements, au niveau de la poitrine, palpitait une petite lumière rouge.




Lorsque Yumi revint à elle, elle se trouvait dans une petite caverne faiblement éclairée par un candélabre accroché au plafond. Elle était vêtue d'une longue chemise de nuit, enveloppée dans une couverture de fourrure. Apparamment, ses plaies étaient cicatrisées. Une arche munie de tentures se découpait dans le mur opposé. De part et d'autre de cette porte, deux tables de granit brun étaient couvertes d'ustensiles de chirurgie, de pots et de bandes roulées.
"Mais où suis-je ?" se demanda-t-elle.
C'est alors que quelqu'un entra. Réagissant aux mouvements, les cristaux qui ornaient le candélabre intensifièrent la luminosité, révélant l'intrus. Où plutôt... l'intruse. C'était la femme la plus petite et la plus massive que Yumi ait jamais vu. Elle possédait des épaules plus larges que le plus puissant des chevaliers, et des muscles impressionnant roulaient sous sa peau. Une sauvage crinière brune surmontait son visage anguleux. Elle portait un pantalon marron et une veste sans manches assortie.
"Une naine"
- Ah ! Tu es réveillée, dit-elle d'une voix chaleureuse. C'est bien. Comment te sens-tu ?
- Rompue... Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Et... depuis combien de temps ?
- Du calme. Tu es à Pierjoie, sous la Chaîne d'Onyx. Je suis Aérie, la guérisseuse de la ville. Et tu es là depuis trois jours.
Yumi lui jetta un regard soupçonneux :
- Vous vous payez ma tête ? De telles blessures ne se referment pas aussi vite !
- J'ai utilisé de la panseglaise, une substance aux propriétés curatives similaires à celles de l'essence de la fleur de feu, gloussa la guérisseuse. Cela te va comme explication ?
- Hum !... Je dois partir immédiatement, déclara Yumi en faisant mine de se lever.
La naine la repoussa :
- Non ! Il faut d'abord que tu manges quelque chose. Je n'ai pas passé tout ce temps à te veiller pour que tu tombes d'inanition et que tu te blesses à nouveau. Alors, s'il te plaît, ne te précipite pas !
Elle sortit de la chambre et revint une minute plus tard, chargée d'une petite marmite dans laquelle mijotait une mixture épaisse. Elle en servit un bol qu'elle tendit à Yumi avec une cuillère. La jeune fille, méfiante, demanda ce que c'était.
- C'est une soupe de légumes, avait répondu Aérie, une lueur d'amusement dans le regard. Tu peux manger sans crainte. Si j'avais cherché à t'empoisonner, ton talisman m'aurait puni.
Yumi prit une gorgée. C'était délicieux.
- Je peux partir, maintenant ? demanda-t-elle dès qu'elle eut terminé.
- Têtue, hein ? Mais puisque tu y tiens tant... (elle fouilla dans un coffre et en sortit des vêtements propres qu'elle déposa sur le lit) Habille-toi, le temps que j'aille seller la Ranyhyn.
Yumi attendit que les pas de la guérisseuse aient diminué dans le lointain, l'assurant qu'elle était bien partie. Elle prit les vêtements et choisit une chemise, un pantalon beige foncé, et une tunique au col brodé d'arabesques dorées. Le tissu, vert sapin, était doux sous ses doigts et semblait bien chaud. Elle s'assit sur le lit et s'habilla rapidement. Elle venait juste d'enfiler ses bottes lorsque Aérie revint pour l'aider à se lever.
- Fais quelques pas.
Yumi s'exécuta, d'abord maladroitement, puis avec de plus en plus d'assurance.
- Au moins, je n'aurai pas à te porter jusqu'à ta bête ! Viens, elle t'attend.
Yumi sortit de la caverne... pour se retrouver dans une gigantesque grotte, bien plus grande que celle qui retenait prisonnière la Sentinelle. Chacune des deux ouvertures, sur les côtés, étaient fermées par un haut mur d'enceinte. Le sol était en majeure partie occupé par des cultures et des vergers, éclairés par d'énormes cristaux, et ponctués de petits cabanons de jardinier. En face, des habitations escaladaient la paroie, culminant en un édifice aux allures de temple grec.
Un hennissement puissant retentit, la faisant sursauter. Ellou avançait vers elle, suivie par un groupe de neuf nains juchés sur d'étranges animaux. Ces créatures ressemblaient à des bouquetins, sauf que ceux-ci étaient trois fois plus gros et plus massifs. Tous avaient la tête protégée par un chanfrein de métal.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Yumi, médusée.
- Des fronials, expliqua Aérie. Ces cavaliers vous conduiront et vous escorteront, Ellou et toi, vers les landes de Jahara. Les tunnels ne sont pas sûrs hors des cités.
- Yumi, tu es guérie ! s'exclama la jument alors qu'elle fourrait ses naseaux dans le cou de la jeune fille. J'ai cru que tu ne te réveillerais pas !
- Je vais bien Ellou, t'en fais pas.
Elle lui embrassa le nez et sauta avec légèreté sur son dos.
- Tu trouveras dans les fontes de la selle des provisions et de quoi te soigner, dit la guérisseuse. (elle lui tendit une épée, un arc, et un carquois) Tâche de ne pas les perdre. Et fais plus attention à toi.
- J'essaierai...
Un nain à barbe blonde (sans doute le commandant du détachement) fit signe à ses compagnons. Éperonnant leurs fronials, ils se mirent derrière Yumi, en rang par deux, tandis que le chef prenait la tête, les emmenant vers le mur Ouest. Quatre nains ouvrirent une lourde porte bardée de fer, révélant un sombre tunnel. De rares cristaux rouges et mauves, enchâssés dans la roche, diffusaient une lumière tamisée.
"Au fait, comment a-t-elle su le nom de mon poney !? Je ne me rappelle pas l'avoir dit !"
Dès que le dernier rang eut passé la muraille, les cavaliers se déployèrent en demi-cercle et partirent au trot. Derrière, les portes se refermèrent dans un bruit sourd.

Campée sur ses jambes courteaudes, Aérie regardait les portes se fermer. Puis, elle commença à briller d'une intense lumière blanche. Son corps s'allongea, s'affina... jusqu'à devenir celui d'une humaine.
- Isis.
La jeune femme sursauta. Elle ne s'attendait pas à ce qu'Il entre si vite en contact télépathique avec elle.
- Oui, qu'y a-t-il ?
- Comment va-t-elle ?
- Elle est guérie. Elle vient juste de partir pour Jahara, et sous bonne escorte. Neuf des meilleurs chevaliers de Pierjoie l'accompagnent.
- Nous avons frôlé la catastrophe. Si jamais l'un des deux mourrait...
- Franchement, je trouve que tu éxagères ! Ils sont trop jeunes !
- Quand le moment sera venu, ils auront atteint l'âge adulte. Tu sais bien que je ne choisis jamais au hasard.

Devant le ton de reproche de son interlocuteur mental, Isis hésita à poursuivre. Mais elle se ressaisit vite :
- Tu devrais surtout te pencher un peu plus sur la protection de tes élus. Je ne peux pas être partout à la fois !... Eh ho, tu es là ?
Silence total. Elle attendit, une minute, deux minutes..., au bout de dix minutes, il répondit :
- Tu as raison, Isis. Je t'en demande trop. Je me charge de veiller sur la petite, cela te fera une personne de moins à surveiller.
- Dois-je prévenir les Maîtres ?
- Pas maintenant. Attendons qu'ils soient à nouveau réunis.
- Bien père.


Sur Terre, les choses étaient loin d'être aussi calmes. Talonné et canardé par des krabes, Odd courrait à perdre haleine sur le pont qui menait à l'usine.
- Rhâââ... c'qu'elles sont collantes ces écrevisses !
À l'intérieur, Aélita, entourée par cinq grands centaures, lui criait d'aller plus vite, tandis que Jérémie rassemblait près du monte-charge une dizaine de personnes terrorisées.
Odd n'était plus qu'à quelques mètres de l'entrée lorsqu'il fut frappé dans le dos par un laser, l'envoyant à terre.
- En avant !!
Épées et haches levées, les centaures se ruèrent sur les monstres, mais la lutte tourna très vite en leur défaveur. C'est alors que le dragon-serpent jaillit hors de l'usine en sifflant de colère. Aussitôt, l'un des centaures hissa Odd sur ses épaules et se précipita à l'abris, suivit de ses équipiers. Décontenancés, les krabes ne savaient plus où donner du laser. Le dragon en profita, et lança un rayon lumineux qui les pulvérisa dans une formidable explosion.
- On ferait mieux de filer avant que ça dégénère encore plus ! lança Jérémie. Que tout le monde se donne la main !
Il saisit celle d'Aélita tandis qu'elle plongeait sa main gauche dans sa poche. Tous furent instantanément téléportés dans la Vallée-d'entre-les-Mondes. Sans lâcher Jérémie, la jeune fille se dirigea vers la mare de Valombre, et enfonça sa main dans l'autre poche. L'équipée se vit à nouveau happée dans une profonde obscurité, puis atterrit dans la grande cour, devant le château de Luskan. Franz les y attendait.
- C'est pas que j'm'ennuie, Zemetrios, mais j'aimerai bien r'trouver l'plancher des vaches, moi ! fit Odd, toujours chargé sur les épaules du guerrier.
Feignant la surdité, l'interpellé ordonna à ses compagnons de conduire les réfugiés aux pieds de la ville, là où des tentes avaient été montées pour eux. Pendant ce temps, Aélita annonçait à son père que le vaccin qu'il avait créé pour soustraire les possédés de l'influence de XANA, était au point.
- Au fait papa, Aramis est rentrée ?
- Oui, quelques secondes avant vous. Elle est partie auprès d'Ulrich.
- Et... vous n'avez toujours pas de nouvelles de Yumi ? s'enquit Jérémie.
- Désolé, non...
- ZEMETRIOS, hurla Odd, FAIS-MOI DESCENDRE ! JE-VEUX-DES-CENDRE !!!
Le centaure le déposa sans douceur sur le sol, lui arrachant un "Aïe" tonitruant.
- Cet incident mis à part, poursuivit Aélita, est-ce qu'il faut dire à Aramis que...
- Inutile ma chérie, elle a un bon messager.
Il désigna Skandranon qui observait, perché sur le toit du château, la forêt de tentes qui accueillait ses premiers pensionnaires.

La lumière s'engouffra dans le tunnel lorsque les portes s'ouvrirent. Yumi grimaça ; après ce séjour de deux jours dans l'obscurité, ses yeux ne supportaient plus la clarté du soleil. Pendant qu'Ellou franchissait le seuil du tunnel, elle mit une main en visière pour mieux observer les environs. Elles se trouvaient sur un promontoire, surplombant de plusieurs mètres une petite vallée encadrée par les contreforts noirs des montagnes. Au-delà, les landes de Jahara s'étendaient à perte de vue.
- Les terres du Nord sont droit devant vous, dit le chef du détachement en pointant du doigt l'horizon.
- Merci pour tout, Bran. Je...
- Vous n'avez pas à nous remercier, belle demoiselle. Maintenant partez, si vous voulez sauver votre amant à temps.
Yumi donna l'ordre à Ellou qui descendit prudemment vers la vallée, puis s'élança au galop. En quelques instants, elles disparurent de la vue des chevaliers nains.





Yumi chevaucha pendant des jours et des jours à travers Jahara, épargnant les vivres offerts par Aérie et se nourrissant pour l'essentiel d'oiseaux et de lapins abattus de ses flèches. Comme les landes étaient parcourues d'innombrables ruisseaux, elle et Ellou ne manquèrent jamais d'eau. De temps à autre, elles rencontraient une tribu de nomades, une harde de cerfs ou d'élans, et même des pumas.
Le vingtième jour, environ, le paysage changea. Elles parvinrent à l'extrémité nord des landes et virent, de l'autre côté d'un ravin, une terre beaucoup moins hospitalière, faite de plaines rocheuses et désolées. Sur leur gauche, un énorme pont, fait d'une seule arche, enjambait le précipice d'une falaise à l'autre.
- Le pont de Karad, annonça Ellou. Dès qu'on l'aura traversé, nous serons dans les terres du Nord.
Yumi sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle arrivait enfin au terme de son voyage, et Ulrich sera bientôt tiré d'affaire. Elle en fit la réflexion à voix haute.
- Tu oublies le voyage de retour, rétorqua la ponnette. Sans compter que nous sommes encore très loin du lac arc-en-ciel.
Ces paroles douchèrent l'enthousiasme de la jeune fille.

L'esprit préoccupé, Aélita ne parvenait pas à trouver le sommeil. Après être restée allongée un bon moment, comptant les moutons, se retournant plusieurs fois dans son lit, elle s'était alors assise près de la fenètre de sa chambre, laissant son regard vagabonder sur les plaines éclairées par le clair de lune.
Elle resta ainsi pendant des heures, jusqu'à ce que le ciel nocturne commence à s'éclaircir. Elle s'habilla, et traversa rapidement le château : elle aimait sentir sur son visage l'air frais et légèrement iodé de la mer ; cela l'aidait à chasser tous ses soucis.
Le ciel, à l'Est, était blanchâtre à présent, et les étoiles pâlissaient progressivement. Accoudée au parapet de la grande cour, Aélita regardait, en contrebas, la ville en train de s'animer, lorsqu'elle entendit un bruit de pas. Elle se retourna et vit Aramis qui s'approchait, les traits tirés par la fatigue. Elle ne portait pas sa cotte de mailles, mais une simple tunique, de couleur pourpre.
- Comment va Ulrich ? demanda timidement Aélita.
- Il agonise, soupira la Sentinelle. Les attaques de XANA sont de plus en plus nombreuses et violentes. Avant votre première excursion sur Terre pour tester le vaccin, il y a un mois, XANA le laissait en paix pendant les nuits. Mais maintenant, il l'assaille sans arrêt. Si ça continue...
- Mais il reste un espoir, vous l'avez dit vous-même !
- Très mince... et incarné par une gamine de 15 ans que j'ai envoyé à une mort certaine...
- Yumi sait très bien se défendre !
- Je n'en doute pas, malgré qu'elle ait encore beaucoup à apprendre. Mais dans les terres du Nord, la nature est impitoyable.

Une forêt de sapins, sombre et oppressante, disputait son lit au fleuve gelé. Dépouillés de leur couverture de neige par une récente tempête, les arbres se pressaient les uns contre les autres, noirs et menaçants dans la lumière blafarde du long crépuscule de la nuit polaire. Sur la berge, Ellou luttait pour avancer malgré la neige épaisse. Sur son dos, emmitouflée dans un manteau de cuir doublé de fourrure, Yumi surveillait la forêt et leurs arrières, une flèche encochée sur son arc.
Une heure passa, puis deux. La pâle lueur était sur le point de disparaître lorsqu'un cri monta de la forêt. Un deuxième, plus aigu, lancé derrière elles à peu de distance, lui répondit, ainsi qu'un troisième, venant cette fois de la gauche.
- Ils me tapent sur les nerfs, râla Yumi. Quinze jours qu'ils nous suivent !
- Ils ont faim, répondit Ellou. Une chance que ton médaillon les tient à distance.
Puis elles se turent, absorbées par leur lente progression, mais attentives aux hurlements qui se succédaient sans interruption.
La ponnette s'immobilisa soudain, la tête tournée vers les arbres. Deux petites sphères émeraudes rapprochées luisaient dans les ténèbres, à quelques centimètres du sol. Rapidement, Yumi en repéra deux autres, puis deux autres encore. Une ligne d'yeux incandescents naissaient et se déployait le long de la lisière de la forêt. De l'autre côté du fleuve, la jeune fille saisissait des mouvements furtifs à travers les arbres ; les mêmes petites flammes étaient rivées sur elles.
Le lendemain, la forêt fit brusquement place à une immense plaine. Après quelques mètres, un cri, venu de l'arrière, troua le silence. Instinctivement, les voyageuses se retournèrent et virent une douzaine de loups, maigres à faire peur, surgir du couvert des arbres. Ni une ni deux, Ellou détala au triple galop.
D'autres loups jaillissaient de tous les côtés, comme vomis par la plaine, et convergeaient vers elles ventre à terre, fermement décidés à leur couper la route.

À plusieurs centaines de lieues de là, dans un état de semi-conscience, Ulrich cauchemardait : il se voyait à cheval, dans un paysage nordique, coursé par d'innombrables loups décharnés qu'il n'arrivait pas à semer. Son agitation eut pour effet de distraire Aramis et Gwenhwyvar pendant quelques secondes... et XANA n'attendait que ça. Il frappa, et avant que la Sentinelle et sa panthère ne réagissent, il se retira avec son "butin". Mais cette fois, les effets de l'attaque furent plus graves. Ulrich sentit une douleur atroce exploser dans sa poitrine qu'elle opprimait comme un quartier de roc, l'empêchant de respirer.

Une chappe étouffante s'abattit sur Yumi, la privant d'air. Sa vue se brouilla, ainsi que son esprit, puis tout devint noir. Elle appella sa jument à l'aide avant de dégringoler dans la neige, sans connaissance.





La chambre semblait se refermer sur lui. Il suffoquait. Il entendait des rugissements, sentait la panique dans la pièce, et n'arrivait pas à se ressaisir. Si seulement il pouvait se reposer...
- Ulrich, Ulrich, écoute-nous. Écoute-nous. Ulrich, ne dors pas. Elle a besoin de toi.
Les voix résonnant dans sa tête ne lui étaient pas familières. Elles était graves, insistantes, et ils ne les entendait pas avec ses oreilles.
- Tu ne peux pas encore dormir, Ulrich. Nous sommes avec toi. Ne l'abandonne pas. Ulrich, il faut vivre !
Bien sûr qu'il voulait vivre. Quelles sottes, ces voix. Il était fatigué, c'est tout. Il voulait dormir.
- Ulrich, ne la laisse pas. Ne pars pas. Si tu pars, elle partira aussi.
Les voix ne parlaient pas fort, mais elles retenaient son esprit, l'empêchant de s'en aller.
- Qui me harcèle dans ma tête ? dit-il dans un souffle. Ils ne veulent pas me laisser en paix. Dites-leur, Aramis. Je suis si fatigué...
- Accroche-toi, au lieu de geindre ! répliqua sèchement la Sentinelle. Fais-le au moins pour Yumi, qu'elle ne soit pas partie à l'autre bout du monde pour rien !
Ils avaient raison. Comment a-t-il pu être aussi égoïste ? Furieux contre lui-même, Ulrich se raccrocha à ce qui lui restait de volonté et se força à rester éveillé. Au bout d'un instant, quelque chose parut se briser en lui. Sa douleur ! Elle se calmait ! Soulagé, il soupira. Il pouvait de nouveau respirer sans problème. Mais jamais il ne s'était sentit si faible.
- Les attaques répétées de XANA ont trop fatigué ton cœur. Aujourd'hui, c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Maintenant, essaie de te reposer.
- Alors, dites-leur de s'taire et d'me laisser tranquille !
Aramis sourit. "S'il se met à râler, c'est que ça va mieux" pensa-t-elle.
- Maintenant, tu vas rester. Nous pouvons te laisser dormir. Mais nous serons avec toi. Nous veillerons.

Lorsque Yumi rouvrit les yeux, elle fut surprise de se sentir aussi fatiguée que si elle avait passé plusieurs nuits blanches. Ellou était à côté d'elle, piétinant furieusement le sol comme un taureau. En se redressant sur les coudes, elle découvrit qu'elles étaient encerclées par une meute de loups. Ils étaient si proches qu'elle pouvait voir, malgré la faible luminosité, leurs langues rouges passer sur leurs babines dégoulinantes de bave, et les côtes qui saillaient sur leurs flancs. Pour le moment, ils n'attaquaient pas, le talisman les en dissuadait. Mais Yumi savait que, tôt ou tard, la faim l'emportera sur la peur.
Elle essaya de se lever, mais fut saisie de vertiges et s'effondra dans la neige. Les loups s'agitèrent. Yumi lutta contre le sommeil qui montait en elle. Elle finit par y sombrer malgré elle.

Elle se réveilla une première fois. Les loups avaient disparu. Ellou était tout près d'elle, frottant son nez contre son visage.
- On me ramène à Luskan, dit la jument. Toi seule va continuer.
Yumi sentit de petits bras la soulever avec délicatesse et l'installer sur quelque chose d'assez inconfortable. Puis l'air se mit à vibrer autour d'elle, comme brassé avec force. Avant de se rendormir, elle entendit le hurlement de chasse de la meute dépitée, affamée, qui partait à la recherche d'une nouvelle proie.

À son deuxième réveil, la première chose qu'elle vit fut les gracieuses ondulations célestes de l'aurore boréale. Ce spectacle la ravigora, mais elle ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé. En se relevant, elle réalisa qu'elle n'était plus dans la plaine enneigée, mais au sommet d'une colline entourée d'immenses montagnes aux cimes déchiquetées, face à un jardin clos de murs. Des branches dépassaient, et les feuilles s'irisaient de nuances vert, bleu et rose suivant les soubresauts de l'arc-en-ciel de nuit.
- Cet endroit ressemble beaucoup à celui que j'ai vu dans mes visions.
Un bruit sourd retentit dans son dos. Yumi fit aussitôt volte-face et, d'un geste vif, dégaina son épée et pressa le tranchant de sa lame contre la gorge de l'intrus. Elle lâcha une exclamation en voyant qu'elle menaçait... Skandranon. Elle rengaina immédiatement son arme.
- Tu m'as fait peur, lui dit-elle en le grattant derrière l'oreille. C'est pas sympa.
Le griffon roucoulait de plaisir. Puis il s'écarta lentement, comme à regret, et saisit délicatement le poignet de la japonaise pour l'entraîner vers le jardin. Ils firent presque tout le tour du mur avant de se retrouver devant de hautes grilles en or qui s'ouvrirent d'elles même, pivotant sans bruit sur leurs gonds. Une grande fontaine lumineuse, dont l'eau coulait avec un doux bruissement, se dressait au milieu du jardin. La lumière qui en émanait, combinée avec celle de l'aurore boréale, donnait à ce lieu un air enchanteur. À droite de la fontaine, posé sur le sol, se tenait un immense aigle doré à tête blanche. Un disque jaune-orangé et un Uraeus ornaient le haut de son crâne.
- Soit la bienvenue dans le jardin d'Héliopolis, Yumi Ishiyama. Je t'attendais.
"Cette voix... C'est celle que j'ai entendu pendant l'épreuve du Feu !"
- Qui... qui êtes-vous ?
- Je suis Râ, le dieu du soleil, répondit l'Aigle. Il était temps que tu arrives, belle enfant. Ton aimé est trop affaiblit pour survivre à une nouvelle attaque de l'Entité, et mon Isis n'a plus assez de forces pour la repousser.
- Isis ?
- Ma fille. La jeune femme que tu as libéré de l'Entité.
Sur ce, il prit dans son bec deux petites fioles et vint les déposer dans les mains de la jeune fille abasourdie.
- La fiole scellée à la cire rouge est pour ma fille. L'autre est pour le garçon. Maintenant hâte-toi, car si son cœur s'arrête, le tient fera de même.
- Que... quoi ?
- Vos sentiments ont fait fusionner vos cœurs. L'un ne peut battre sans l'autre, comprends-tu ce que cela implique ?
Yumi leva les yeux vers le dieu, une expression horrifiée sur le visage. Craignant de réagir trop tard, elle courut vers Skandranon.
- À Luskan !
Sitôt que Yumi l'eut enfourché, le griffon décolla et fila vers le Sud. Ils passèrent un étroit défilé, puis débouchèrent sur une vaste vallée entourée de montagnes, composée de nombreux geysers et de sources chaudes. Un grand lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel trônait fièrement à la sortie du goulet.
Skandranon vola à un rythme d'enfer durant cinq jours, sans se poser une seule fois. Yumi, quant à elle, essayait de mettre de l'ordre dans son esprit chamboulé.

Le matin du sixième jour, ils avaient atteint la ville de Luskan. Skandranon descendit en un long vol plané, et atterrit au petit galop dans la grande cour. Yumi sauta aussitôt de son dos et fila vers le château, serrant les fioles contre elle, puis entra dans la chambre d'Ulrich. Il était resté tel qu'elle l'avait vu avant de partir, si ce n'est son visage plus pâle et émacié que d'ordinaire ; il tenait dans une main l'un de ses évantails. La Sentinelle, affalée dans un fauteuil, lui fit signe d'approcher.
- Yumi... murmura Ulrich.
Entendre sa voix si faible brisa le cœur de la jeune fille. Il semblait à l'article de la mort. Essayant de retenir ses larmes, Yumi déboucha l'une des fioles, aspira quelques gorgées et les laissa couler dans la gorge du jeune homme. À peine eut-elle détaché ses lèvres de celles d'Ulrich qu'elle le vit sourire et laisser retomber sa tête sur l'oreiller. Il sombra aussitôt dans un profond sommeil, sans l'aide des sédatifs dont il dépendait tant.

Sur Terre, XANA hurla de rage lorsqu'il comprit que sa proie venait de lui échapper. Les possédés et les monstres, terrifiés, se cachèrent, espérant que la fureur de leur maître sera brève.

Yumi tendit la deuxième fiole à la Sentinelle qui la vida d'un trait.
- Vous me devez quelques explications... déesse Isis.
- Je sais... soupira l'interpellée. Puisque tu connais la vérité, je vais tout te raconter. Il y a longtemps, alors que je passais par la Vallée-d'entre-les-mondes, j'ai vu une nouvelle mare se créer. En y entrant, je me suis retrouvée sur Lyoko. Je découvrit vite qu'il était relié à un autre, et c'est là que je fis la connaissance de Franz Hopper et de sa fille, Aélita. Mais au fil du temps, je sentais qu'une entité malveillante se développait au sein du monde virtuel. Je voulais en parler à Franz, mais il avait disparu avec Aélita. C'est en voulant les retrouver que je suis tombée dans un piège. XANA me vola une part considérable de mon énergie et m'enferma avec mon griffon dans la mer numérique. Mon père et mon fils eurent vent de ma situation, mais ne pouvant intervenir eux-même, ils amenèrent dans la prison des sources élémentaires. Hélas, XANA veillait... Tandis qu'il était occupé à tendre des pièges, avec le peu de force qu'il me restait, j'ai éteint le supercalculateur. Pendant longtemps, j'ai empêché XANA de le rebrancher, mais à chacune de ses tentatives, je m'affaiblissais davantage. Et lorsque Jérémie le ralluma, je ne pouvais plus rien faire...
Un lourd silence chargé de remords plana un moment dans la pièce. Yumi comprenait ce que devait ressentir la déesse, mais l'atmosphère la mettait mal à l'aise. Elle décida donc de changer de sujet.
- Et Jérémie, Aélita et Odd, vous les avez retrouvé ?
- Bien sûr. Ils t'attendent dans le salon, au rez-de-chaussé.
Yumi sortit de la chambre, non sans avoir au préalable promis à Ulrich de revenir. À peine eut-elle ouvert la porte de la pièce, qu'elle entendit une voix féminine crier son nom, puis une tornade aux cheveux rose se jeta dans ses bras.
- Doucement, Aélita !
- Désolée !
- Salut Yumi, dit Jérémie. Content de voir que t'es entière. Et Ulrich, il va bien ?
- Il faut attendre, répondit la japonaise.
- Hello princesse ! lança Odd d'une voix enjouée. Alors, tu t'es bien balladée ? Tu nous raconte ?
- À condition que vous me racontiez d'abord votre histoire, rétorqua Yumi en souriant.
Ce fut Odd qui eut ce privilège, et Jérémie trouva qu'il en rajoutait un peu trop à propos de sa participation sur Terre au test du vaccin. Il rougit d'embarra en voyant Yumi se tourner vers lui et dire :
- Mais qu'est-ce qui t'as pris ? Tu sais bien que c'est pas ton truc, le terrain !
- Je te rassure tout d'suite, je n'y suis allé qu'une fois !
- Faut dire que la graine de génie ne servait pas à grand-chose : elle ratait un possédé à trois mètres dans un couloir !
- Ooooodd... fit Jérémie, menaçant.
- Ben quoi... j'dis c'qui est !
Cette réflexion lui valut un gros coussin en pleine figure.
- À ton tour Yumi, dit Jérémie en se frottant les mains. Je crois que l'amuseur public a une extinction de voix.
Yumi, qui avait beaucoup de mal à se retenir de rire, raconta son voyage et ce qu'elle a découvert au sujet de la Sentinelle. Quand elle eut fini, ses amis la fixaient avec des yeux éffarés.
- Alors... cette femme que papa avait rencontré après la disparition de maman... souffla Aélita, c'était une... déesse...
- Je comprends pourquoi XANA avait mis ce sixième territoire sous haute protection, dit Jérémie. Il a dû en baver avant de réussir à la vaincre.
- Pour une fois que c'est lui qui en a vu des vertes et des pas mûres..., rétorqua Odd.

Une semaine plus tard, il ne faisait plus de doute qu'Ulrich allait de mieux en mieux. Deux semaines passèrent et il put se lever, mais aussi maladroitement qu'un bébé qui tente de faire ses premiers pas. Ankylosées par une trop longue immobilité, ses jambes refusaient de le porter.
- Il est encore très faible, dit Isis. Il vaudrait mieux qu'il réapprenne à marcher à l'extérieur, qu'il ne se blesse pas.
Ulrich fit donc ses premiers pas dans les jardins du château. Il marcha jusqu'à un bosquet de noisetiers, soutenu par la déesse, et porté par les regards de ses amis. Mais la fatigue eut raison de lui. Il s'assit contre un arbre, haletant, les jambes molles, la tête bourdonnante.
- Tu as bien marché, aujourd'hui, lui dit Yumi en s'installant à ses côtés.
Il tourna la tête vers elle, surpris par le ton si tendre de sa voix. La jeune fille échangea un bref regard avec la déesse ; cette dernière emmena Jérémie, Odd et Aélita ailleurs. Puis Yumi se blottit dans les bras du jeune homme, le visage enfouit dans son cou. Ulrich, dépassé par les évènements, ne savait pas comment réagir.
- Heu... Yumi...
La japonaise se détacha lentement de lui, et plongea son regard dans le sien.
- Chut... souffla-t-elle.
Du bout des doigts, elle effleura les lèvres du garçon ; à son regard, elle comprit qu'il devinait son intention. Elle se rapprocha un peu plus et posa ses mains sur ses épaules ; Ulrich ne bronchait pas, se contentant de la regarder intensément. Elle ferma les yeux, puis l'embrassa. C'est alors qu'elle sentit les bras du jeune homme s'enrouler dans son dos et la serrer contre lui.
- Je croyais qu'on était copain et puis c'est tout, murmura Ulrich.
- Y'a que les idiots qui ne changent pas d'avis, dit Yumi à voix basse. Je crois que j'ai fait une grosse bêtise en cachant mes sentiments. Si j'avais été plus démonstrative...
- Je suis aussi fautif que toi...
Ils échangèrent un regard, puis s'embrassèrent à nouveau, éperdument.

Juchée sur son griffon noir, dans la grande cour, Isis s'apprêtait à partir. Pikadias, intrigué, sortit des écuries.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Dire aux Maîtres qu'ils ont fini d'attendre.
Skandranon s'élança. Arrivé à l'autre bout de la cour, il sauta sur le parapet et se propulsa dans les airs.

Sur Terre, dans un sombre couloir, un adolescent avançait d'un pas énergique. Les cheveux noirs, l'allure rebelle, aucun doute possible quant à son identité : c'était William Dunbar. Arrivé devant une gigantesque porte, il toqua puis attendit. La porte pivota sans bruit sur ses gonds, dévoilant une pièce aussi sombre que le couloir ; au centre se tenait une silhouette humaine, faite d'une étrange matière bleue ondulante, et encadrée de deux tarentules.
- Où en sont les travaux ? demanda-t-elle.
Sa voix, numérique, avec une intonation féminine, pouvait mettre n'importe qui mal à l'aise ; et William n'y échappait pas. Il déglutit avant de répondre :
- Les esclaves en sont aux finitions, maître. Dans trois ou quatre jours, tout sera terminé.
- Parfait. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?
- Oui, maître, et je ne reviendrai pas sans.
- En même temps, retrouve Ulrich, et ramène-le moi. De préférence vivant, mais peu importe l'état.
- Avec joie, maître.
William s'inclina bien bas et sortit.


Flammèche
12/01/07 à 14:36
« Bienvenue au royaume de Valombre »
Cette phrase résonnait chaque nuit dans l'esprit de Yumi depuis qu'Aramis l'avait prononcé dès leur arrivée, il y a une semaine. Mais ce n'était pas la voix de la Sentinelle. C'était une voix profonde, sauvage, semblant venir des tréfonds de la terre ; la même que celle entendue dans la salle de l'épreuve du Feu. Et à chaque fois que Yumi l'entendait, ces mêmes images défilaient devant ses yeux :
Elle voyait la cité de Luskan qui s'élevait sur une colline, non-loin de la mer. Puis, un paysage de plaines verdoyantes, parcourues de nombreuses rivières, s'étendant à perte de vue, et traversées par des troupeaux de bisons, de wapitis et de chevaux. Ensuite, un vaste marécage allant jusqu'aux pieds d'un mur montagneux noir et menaçant, qui se dessinait au loin. Une lande déserte et rocheuse suivait, puis une terre entièrement recouverte de neige, et enfin, un jardin au sommet d'une colline d'un vert tendre, entourée de hautes montagnes aux sommets enneigés. Trois aigles à tête blanche, l'un doré et les deux autres argentés, tournoyaient au-dessus du jardin.
Ce furent des craquements qui réveillèrent Yumi, comme si du bois s'était mis à brûler. Le bruit persistant, elle finit par ouvrir les paupières.
Il faisait encore nuit. Elle se trouvait dans une grande chambre aux murs ornés de tapisseries. Un feu crépitait dans un âtre de pierre en face du lit, éclairant un étrange personnage : jusqu'à la taille, il ressemblait à un homme, mais ses jambes étaient formées comme les pattes arrières d'une chèvre (avec un pelage noir et luisant). Deux petites cornes dépassaient de son épaisse chevelure noire frisée.
Yumi le reconnut. C'était le faune Pikadias, le meilleur ami d'Aramis, en plus de Skandranon. Il posait, sur une petite table, un plateau garni de denrées appétissantes : jus de fruit, céréales, pain grillé, beurre, confitures. Elle se redressa au moment où il se retournait :
- Oh, vous êtes réveillée ! lança-t-il d'une voix chaleureuse. C'est bien ! Je n'aurai pas à vous secouer ! Aramis viendra dans dix minutes. D'ici là, vous avez le temps de prendre votre petit-déjeuner... et de finir de vous extirper des bras de Morphée ! ajouta-t-il avec malice avant de sortir.
La jeune fille sourit à cette remarque mais ne rit pas ; elle en avait perdu l'envie depuis que les guérisseurs avaient abandonné Ulrich à son triste sort, sous prétexte que l'essence de la fleur de feu, guérisseuse de tous les maux, était inefficace. Cela l'avait mise dans tous ses états. Aramis lui avait alors parlé d'une fontaine aux propriétés magiques supérieures à celles de la fleur, dans les terres du Nord : la Source du Soleil. Yumi avait aussitôt insisté pour y aller.
Et elle doit partir aujourd'hui...
Quelques minutes plus tard, quelqu'un frappa à la porte ; Aramis entra dans la chambre avec une pile de vêtements, une paire de bottes, une cotte de mailles, ainsi que plusieurs armes dont les évantails fétiches de la japonaise.
- C'est tout ce que j'ai pu trouver à ta taille ! dit-elle. Choisi là-dedans ce qui te plaît. Rejoins-moi devant les écuries des chevaux, dès que tu seras décente.
Yumi opta pour une tunique bordeaux descendant jusqu'à mi-cuisse pour cacher son armure de mailles, un pantalon rouge et une cape brune, fermée au col par une fibule en forme de feuille de hêtre. Elle se saisit ensuite d'une épée qu'elle attacha à son côté, d'une dague et de ses évantails, puis sortit, prenant la direction de la chambre d'Ulrich ; elle ne voulait pas partir sans lui dire au revoir. Elle entra discrètement dans la pièce. Il était allongé, tel qu'elle l'avait vu si souvent depuis six jours, la tête appuyée contre les coussins, le visage d'une grande pâleur sous l'éclat des deux lunes. Il dormait profondément, sous l'effet d'un puissant sédatif ; les nuits étaient les seules trêves à ses journées de souffrances.
Yumi se pencha pour l'embrasser doucement, déposa ses deux évantails sur la table de nuit, puis disparut en silence. Une fois dehors, elle tourna à droite, descendit quelques marches, et entra dans une cour éclairée par des braseros, face aux imposantes écuries. Aramis l'y attendait, tenant par la bride un puissant poney à la robe alezane, queue et crinière blanches au vent.
- Voici Ellou, annonça-t-elle. Elle sera ta monture pendant ton voyage...
Yumi caressa doucement les larges naseaux de la jument, puis se hissa en selle.
- Une fois dans les terres enneigées, cherche un lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel, recomanda Aramis. La Source du Soleil se trouve de l'autre côté. (elle attacha un carquois plein de flèches à la selle et lui tendit un petit arc) Tiens, tu en auras sûrement besoin ! Et ne t'inquiètes pas pour ton bien-aimé, je veillerai sur lui, et en même temps, j'essaierai de retrouver tes autres amis. Bon voyage, Yumi ! (elle s'adressa à la ponnette) Cours, Ellou ! Montre-lui ce que célérité veut dire !
Ellou releva la tête, et s'élança, faisant résonner ses fers sur le sol de pierre. En un rien de temps, elle fut hors de la cité ; elle s'engouffra dans la nuit.

Sur Terre, plus précisément au premier sous-sol d'une vieille usine, en fin d'après-midi, Jérémie cherchait depuis une semaine ses amis disparus. Les traits tirés, les yeux cernés, il semblait épuisé. Sur sa gauche, les portes du monte-charge s'ouvrirent sur Aélita et Odd ; ce dernier tenait dans ses bras un petit chien gris.
- Alors ? s'enquit la jeune fille.
- Rien à faire, répondit Jérémie d'une voix lasse. J'ai pourtant passé tout Lyoko au peigne fin, y comprit le nouveau territoire ! Sans résultat... Mais je dois les retrouver ! Si XANA passe à l'attaque, nous risquons d'avoir besoin d'eux !
Soudain, une brusque secousse ébranla tout le bâtiment ; des morceaux de béton se détachèrent du plafond ; le chien hurla à la mort.
- Du calme, Kiwi ! fit Odd. C'était quoi, ça ?
- Allons voir en haut ! suggéra Aélita.
Tous trois entrèrent dans le monte-charge pour monter au rez-de-chaussé de l'usine. Dehors, ils se figèrent devant la scène qui se déroulait sous leurs yeux : d'innombrables sbires de XANA poursuivaient les habitants de la ville, les regroupant comme le font les chiens de berger pour les livrer ensuite à la Méduse, horrible masse transparente flottant dans les airs, ses tentacules enroulées autours des corps des victimes qu'elle possédait peu à peu.
- Cette fois, XANA a gagné pour de bon... lâcha Jérémie, anéanti.

Flammèche
12/01/07 à 14:41
Voilà le deuxième épisode de mes chroniques. Seulement, je vais le poster par morceaux...
J'espère que cette suite vous plaira autant que le premier chapitre.
J'attend vos commentaires et avis !!


12/01/07 à 20:39
elle est toujours parfaite! ne change pas c parfaitement parfait ! :D

Flammèche
12/02/07 à 16:02
Au même moment, à Luskan, Aramis sentait que quelque chose de grave se passait sur Terre. Elle sortit de la chambre d'Ulrich, laissant Gwenhwyvar, sa panthère noire, veiller sur le jeune homme, et traversa le château aussi vite qu'elle le put en direction des souterrains. Là, dans une pièce qui ressemblait en tout point au laboratoire de l'usine, un homme à la barbe et aux cheveux gris piannotait avec frénésie sur un clavier, face à trois écrans d'ordinateur.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
- Regardez !
Il montra une carte complète de la Terre sur l'écran de droite : une multitude de petits points rouges s'étalaient sur toute l'Europe, et commençaient à grignoter les terres de Russie.
- Les forces de XANA s'étendent. À cette vitesse, elles auront colonisé la Terre entière en quelques minutes !
- Maudit sois-tu, XANA ! siffla la jeune femme.
Elle tourna les talons et fila vers l'armurerie récupérer son arc et ses flèches, ainsi que son épée, puis courut vers les écuries réservées aux griffons. Elle siffla Skandranon, son géant ébène, qui se tenait devant l'entrée du bâtiment, revenant tout juste d'une promenade. Sans prendre le temps de le harnacher, elle sauta sur son dos. Le griffon fit aussitôt volte-face et bondit dans les airs, comme la flèche décochée par l'arc. Aramis plongea ensuite la main dans la bourse qui ne quittait jamais sa ceinture ; tous deux disparurent du ciel de Valombre... pour réapparaître au-dessus d'une ville terrienne en proie à la panique : les habitants couraient dans tous les sens pour échapper aux monstres qui les poursuivaient et les regroupaient, certains étaient prisonniers des tentacules d'une immense méduse translucide, d'autres marchaient comme des automates vers une usine désaffectée, visible au loin sur un petit ilôt.
- Plus vite Skan ! Il faut arriver à l'usine avant les possédés !
Le griffon obéit. Sur les lieux, elle vit trois adolescents qui fixaient, éberlués, ce qui se passait. Parmi eux, elle reconnut les cheveux roses d'Aélita, la fille de l'informaticien qu'elle avait recueillit il y a peu. Elle fit atterrir Skandranon devant eux, les tirant de leur hébétude. En voyant une énorme masse noire surgir de nulle part, ils filèrent se réfugier dans l'usine.
Sans attendre d'ordre, le griffon s'élança à l'intérieur, plana quelques secondes dans la salle cathédrale, et se posa devant les portes d'un monte-charge, barrant la route aux adolescents. Kiwi, toujours dans les bras de son maître, grogna ; d'un sifflement menaçant, Skandranon le fit taire.
- N'ayez pas peur, leur dit sa cavalière d'un ton qu'elle voulait rassurant. Je suis Aramis, la Sentinelle de Lyoko. Je suis venue vous chercher et vous emmener à Valombre, auprès de vos deux autres amis.
- Valombre !?! C'est quoi, ça ? interrogea Odd.
- Un des nombreux royaumes d'un monde parallèle au votre. Dépêchez-vous de monter, les possédés ne vont pas tarder !
- Et le super-calculateur ? lança Jérémie. Si XANA le détruit, on ne pourra jamais rammener Franz Hopper !
- Si ça vous rassure... soupira la jeune femme.
Elle sortit de sa bourse un flacon contenant une poudre blanche, dont elle en versa une petite quantité dans une main. Elle prononça d'incompréhensibles paroles et les fines particules s'envolèrent pour dessiner la forme d'un gigantesque serpent. Puis la poudre regagna le flacon, dévoilant une splendide créature : elle avait un corps long et souple dont les écailles nacrées jetaient un éclat rose et blanc, des membres semblables à ceux des rapaces, et deux longues moustaches entouraient sa gueule ; sa crinière grise et les franges de sa queue ondulaient avec grâce, bien qu'il n'y ait pas un souffle de vent. L'animal leva sur Aramis sa tête de loup d'où brillaient deux prunelles couleur de rubis.
- Je te confie la garde de cet endroit et de ce qu'il renferme. Personne ne doit entrer, ordonna la Sentinelle. (la créature chimérique inclina la tête) Quant à vous, montez, et vite !
Aélita s'installa devant elle, tandis que Jérémie et Odd, après maintes tentatives, prirent place derrière. Le griffon peina au décollage mais parvint à atteindre le plafond de la salle, avant de disparaître avec son chargement.

Depuis des heures qu'elle chevauchait, Yumi avait eut le temps de revenir sur son impression initiale à propos de l'équitation : aller à cheval n'était pas de tout repos. Elle avait mal au dos, aux fesses, aux cuisses et dans les épaules, et pour couronner le tout, elle était épuisée.
Ellou était mouchetée d'écume, mais dressait fièrement l'encolure et allait bon train à travers les plaines de Valombre, sans ralentir ni même s'arrêter et sans que sa cavalière n'eut besoin de la diriger, frappant la terre de ses sabots dans un bruit de tonnerre. Elle gravissait les collines, traversait les vallons, sautait au-dessus des rivières, sans montrer le moindre signe de fatigue.
Le soleil tomba lentement du ciel dans l'Ouest, le transformant en une gigantesque fournaise d'or en fusion. Elles poursuivirent leur route jusqu'à ce que la nuit recouvre entièrement le firmament de son manteau noir piqueté d'étoiles. Quand Ellou daigna enfin faire halte, Yumi chancela lorsqu'elle mit pied à terre.
- Ouille ! Oh, mes pauvres jambes, gémit-elle. Le premier qui dit que l'équitation est un sport reposant, je le casse en six ! Aïe, mon dos !
À ce moment, la japonaise crut rêver, car très distinctement, la ponnette lui dit :
- T'inquiètes pas, ça passera avec le temps.
Yumi fixa les yeux immenses de sa monture et, d'étonnement, les siens s'agrandirent presque autant :
- Tu... tu parles ?
- Je viens du Belerian, le royaume des elfes. Là-bas, presque tous les chevaux parlent. On nous appelle les Ranyhyn. D'ordinaire, nous n'allons jamais dans les autres royaumes, mais comme Aramis nous a demandé de l'aide...
- Tu connais Aramis !?!
- Et même très bien. Mais elle m'a ordonné de ne rien te révéler à son sujet. Ne me demande pas pourquoi, car je n'en sais rien !
- Je vois. Tu me réveilleras ?
- Bien sûr...
Yumi s'allongea sur l'herbe épaisse et sombra aussitôt dans un profond sommeil, enroulée dans sa cape. Debout à ses côtés, parfaitement immobile, Ellou fixait l'obscurité, les oreilles rabattues en arrière : des relents de moisissure et de décomposition, portés par le vent, agressaient ses naseaux, signalant la proximité du marais le plus dangereux de ce monde.
Elle réveilla Yumi quelques heures plus tard ; cette dernière, hébétée, ouvrit péniblement les yeux.
- Allez, debout petite chose, susurra amicalement la ponnette.
La japonaise se redressa avec beaucoup de difficultés. Elle était si courbaturée qu'elle crut qu'elle n'arriverait plus jamais à bouger. Elle en fit la remarque à Ellou, mais cette dernière feignit de n'avoir rien entendu et la poussa doucement avec son nez, tant et si bien qu'elle fut obligée de se lever.
- Je sais que c'est dur pour toi, mais nous ne sommes plus très loin du Marais du Ferment. Nous ferions mieux d'atteindre la Chaîne d'Onyx avant le crépuscule, si l'on veut rester en vie et en bon état.
Elles repartirent sous les froides lunes jumelles, aussi rapides qu'à la lumière du jour.

Skandranon émergea d'une mare et rejoignit un terrain recouvert de gazon. Odd lâcha son chien et descendit précipitamment du griffon, se tenant le ventre à deux mains :
- Oh làlà... Je suis malâââââde...
- Inspire à fond, coupa la Sentinelle, et ça passera. Grimpe, ou on part sans toi !
Il rappela Kiwi et remonta, avec appréhension, derrière Jérémie. De son côté, Aélita regardait, les yeux écarquillés, la vaste vallée constellée de petites mares. Elle n'eut pas le temps de demander où ils se trouvaient : Aramis avait conduit sa monture dans une autre mare et plongé la main dans sa bourse. Après un bref passage (très éprouvant pour Odd) dans un maelström de formes floues, ils réapparurent au-dessus d'un long et large fleuve. Ébahis, les lyokonautes n'osèrent prononcer un seul mot.
Le griffon suivit son cour pendant un moment, puis sa maîtresse le fit virer à droite, en direction d'un point brillant sous le disque orangé du soleil couchant. Après plusieurs minutes de vol, ils purent admirer la cité de Luskan. Elle s'élevait sur une colline, à proximité de la mer, et était entourée de hautes murailles renforcées par de nombreuses tours fortifiées. À l'intérieur des murs, il n'y avait pas un pouce de cette colline, jusqu'au château au sommet, qui ne disparût sous les constructions : terrasses, larges rues en lacets ou longs escaliers bordés d'orangers et de citronniers, jardins suspendus, balcons... Les rayons du soleil, renvoyés par les innombrables fenêtres et vitraux des habitations et du château, faisaient étinceler la ville, telle une immense étoile parée des couleurs de l'arc-en-ciel.
Skandranon se posa avec légèreté sur le dallage d'une immense cour, devant l'entrée principale du château. Un faune les y attendait. Jérémie, Aélita et Odd, les jambes engourdies par le vol, descendirent, pantelants. Kiwi huma l'air avec interrêt.
- Salut, Pikadias. Tu pourrais t'occuper de Skan, s'il te plaît ?
- Sans problème, Aramis ! lança joyeusement l'interpellé. Au fait, "Il" veut te voir d'urgence. "Il" t'attend dans la salle du trône.
- Merci mon vieux.
Aramis traversa rapidement la cour, les menant vers une haute porte de métal poli. Celle-ci s'ouvrit, révélant une longue salle éclairée de part et d'autre par d'immenses fenêtres, au-delà des rangées de hauts piliers de marbre turquoise veinés de blanc qui soutenaient le plafond. Les murs étaient tapissés de plumes de paon, de faisans et de tentures colorées. Le sol lisse était taillé dans du quartz gris ; dessus était représenté un serpent blanc s'enroulant autour de la tige épineuse d'une rose épanouie. L'ambiance solennelle qui régnait dans la salle mettait Odd mal à l'aise :
- J'ai l'impression d'être dans une église, dit-il.
Au bout, sur une estrade précédée de trois marches, se dressaient deux trônes, vides. Un homme à l'apparence agée, vêtu d'une blouse blanche et d'un pantalon bleu marine, était assis sur la première marche et essuyait ses lunettes. Pendant un instant, Aélita crut voir son père mais elle chassa rapidement cette idée saugrenue de sa tête. Mais quand il se leva pour parler à Aramis, elle n'eut plus de doutes :
- Papa ?!
- Aélita ! Ce... c'est toi ma chérie ?
Aélita allait se précipiter dans les bras de son père lorsqu'une main ferme la retint par l'épaule :
- Un instant, dit Aramis. Vous vouliez me voir, Franz ?
- Oui, pour vous dire ceci : XANA commence à avoir son propre corps. Et pour ça, il subtilise l'énergie d'un être vivant !
- Sûrement à un possédé, dit Jérémie.
- Je ne crois pas... murmura Aramis pour elle-même. Depuis quand ?
- Sept jours. Je crains fort que la victime soit le jeune homme que vous aviez rammené avec la japonaise.
Un éclair de colère passa dans les yeux de la jeune femme. Elle se raidit et serra son poing libre si fort que ses ongles lui entrèrent dans la chair ; des gouttes de sang tombèrent sur le sol.
- Je m'en doutais...
Comprenant de qui ils parlaient, Jérémie, Aélita et Odd échangèrent un long regard, le visage décomposé.

jukalome
16/02/07 à 12:11
c'est fou ta fanfic

Apolla
20/02/07 à 18:59
vraiment bravo j'adore continue comme sa et n'oublie pas de mettre une suite
bisous et bravo

Flammèche
22/03/07 à 14:31
Lentement, à l'Est, l'aurore se leva, claire et brillante, diffusant une douce lumière dorée sur les plaines. Les herbages se déroulaient jusqu'à une épaisse nappe de brume, teintée de rose par l'éclat du soleil levant, qui semblait toucher le pied de la Chaîne d'Onyx.
- Le marais est sous le brouillard ? demanda Yumi.
- Oui. Mais je crois qu'une bonne lieue nous en sépare encore, l'herbe vient juste de dépasser mes jarrets.
En effet, plus elles approchaient du marais, plus la hauteur de l'herbe augmentait, et plus le terrain s'aplanissait. Dès que la jeune fille sentit une odeur désagréable lui agresser les narines, l'herbe lui arrivait jusqu'aux genoux, lui donnant l'impression de nager avec sa monture dans une mer vert-gris. Une brise se leva, chassant la brume et dévoilant un paysage lugubre, qu'elles atteignirent en quelques minutes. Avant d'y entrer, Ellou s'arrêta.
- Le Marais du Ferment, grommela-t-elle. Le genre d'endroit que j'aimerai éviter par tous les moyens...
- Je m'en doute bien, répondit Yumi. Mais un détour nous ferait perdre trop de temps. Allez !
Une nature morbide et malade s'étendait de part et d'autre et en face d'elles. Détranges boules grisâtres aux tailles variées jonchaient un sol couvert de moisissures, et certaines étaient accrochées, tels des champignons parasites, aux rares arbres à l'aspect torturé. Des fumerolles s'échapaient des plus grosses, diffusant dans l'air immobile des relents de décomposition. La seule note verte était la mousse d'algues livides à la surface sombre de mares méphitiques, et les plaques de lichen qui s'accrochaient au sol moisi. Des herbes mortes et des roseaux pourrissants apparaissaient dans les brumes comme des ombres déguenillées d'êtres depuis longtemps oubliés.
Ellou marchait avec grand soin, tâtant le terrain de ses sabots ; trouver les endroits les plus fermes où ses pattes pouvaient se poser sans enfoncer dans une boue gluante était difficile.
- Ce marais est vraiment insuportable ! grogna Yumi, un pan de sa cape devant son nez.
- Ne parle pas si fort ! souffla la ponnette. Nous sommes sur le territoire des kapaks.
- Des quoi ?
- Des hommes-lézards. Stupides et cruels au possible. Mieux vaut ne pas les alerter, si tu ne veux pas qu'on se fasse dévorer vivantes.
Elles avançaient lentement, prenant garde à ne pas faire de bruit. Soudain, sur leur droite, un craquement retentit. Ellou s'arrêta et leva la tête, les oreilles dréssées, reniflant l'air environnant ; la puanteur se faisait de plus en plus forte ; Yumi sentit son médaillon lui brûler la peau.
- Tirons-nous d'ici ! marmonna la jument.
Elle n'eut pas le temps de joindre le geste à la parole : des monstres surgirent de partout et se ruèrent sur elles. Ils étaient bipèdes et aussi grand qu'un homme, mais leur apparence était celle des lézards : un corps vert couvert d'écailles, un museau triangulaire, une queue et des yeux reptiliens, une crête de piquants le long du dos, des pieds et des mains griffus.
Ellou se cabra, envoyant ses sabots dans le poitrail de l'homme-lézard le plus proche, et décocha ensuite une puissante ruade. Des couinements lui annonçèrent qu'elle avait fait mouche. De son côté, Yumi se défendait du mieux qu'elle pouvait. Pour le moment, aucun monstre n'était parvenu à la toucher, mais leur nombre augmentait à chaque seconde, et son bras, non habitué à manier une épée, lui faisait mal.
Un kapak bondit sur elle, l'éjectant de sa selle... et s'empalant du même coup sur son arme.
- Yumi ! hurla Ellou.
La réception se fit sans douceur. Alors qu'elle cherchait à se relever, elle sentit des serres s'enfoncer dans son dos, pourtant protégé par l'armure de mailles. Folle de douleur, Yumi se contorsionna comme une anguille et réussit à s'arracher aux serres cruelles, qui restaient marquées dans son dos en sillons profonds jusqu'à l'os. Sans perdre de temps, elle bondit sur ses pieds et fit décrire à son épée un arc de cercle, décapitant les kapaks qui se trouvaient à proximité. Mais l'un d'eux esquiva et la frappa de sa queue, l'envoyant à terre sans ménagement.
Au moment où la jeune fille heurta le sol, elle sentit des dents se refermer sur sa gorge, et des griffes lui labourer le ventre et les cuisses. Autour d'elle, le sol se colorait de rouge. Des larmes de terreur dans les yeux, elle saisit les mâchoires du monstre et tenta de les ouvrir. Implacablement, les crocs s'enfonçaient dans son cou ; ils n'étaient plus qu'à quelques millimètres des veines jugulaires. Ellou voulut l'aider, mais plusieurs hommes-lézards lui barrèrent la route.
Le cri de mort de Yumi retentit dans le marais. Aussitôt, son amulette se mit à rougeoyer, de plus en plus intensément. Une colonne de lumière écarlate en jaillit, délivrant une onde de choc qui se propagea dans tout le marais et tua net les kapaks. Choquée et grièvement bléssée, Yumi s'évanouit.

Il sembla à Aélita qu'une minute seulement s'était écoulée (alors qu'en réalité il s'était passé des heures) lorsqu'elle s'éveilla, l'esprit comateux. Une langue rapeuse passa sur sa joue, la réveillant tout à fait :
- Kiwi, pas la peine de me laver, j'ai pris une douche hier matin. Tiens, c'est quoi ça ?
Un morceau de papier, sur lequel était griffoné "retrouve-nous dans la salle du trône", était glissé sous le collier du chien.
Elle s'habilla en hâte et sortit de la chambre, Kiwi sur les talons.
La grande salle était plus animée que le jour précédent : des servantes, vêtues d'une longue robe bleue et d'un tablier blanc, s'activaient à nettoyer les fenêtres, astiquer le sol, et brosser les tapisseries. Un domestique, lui aussi habillé de bleu, rapportait un plateau à la cuisine.
- Quel goinfre ! glissa-t-il à une servante. C'est la quatrième sole meunière qu'il s'enfile et il en redemande encore !
En effet, assis à une grande table, près d'une fenêtre, Odd dévorait goulûment un poisson de bonne taille. À ses côtés, Jérémie et Franz Hopper cherchaient à soustraire leur regard de cette gloutonnerie en discutant de tout et de rien. Aramis était appuyée contre une colonne ; sa main gauche était bandée.
- Salut tout le monde ! lança Aélita.
- Bonjour ma chérie, répondit Franz.
- Chalut princheche !
- Salut Aélita. Bien dormi ?
- Un loir n'aurait pas fait mieux. C'est même la première fois que je dors autant !
- Tu t'es bien reposée, c'est ce qui compte ! dit Aramis. Maintenant, je vais vous dire ce que vous devez savoir à propos de vos amis.
- Et vous ! rétorqua Jérémie. Quand allez-vous nous dire QUI vous êtes, en réalité ?
- Ce n'est pas à moi de vous raconter mon histoire.
Dès qu'Aélita se fut assise à côté de son père, Aramis commença :
- XANA avait implanté dans le poison de la manticore un virus de sa création. Lors de l'épreuve du Vent, la bête a réussi à blesser le jeune samouraï avec son dard. Ce n'était qu'une petite éraflure, mais ce fut suffisant pour que le virus pénètre dans son corps. Depuis, il absorbe lentement son énergie et la restitue à XANA, qui s'en sert pour créer sa propre enveloppe corporelle.
- Il y a un antidote ? demanda Aélita.
- Un seul. Il se trouve dans les terres du Nord. Lorsque Yumi a appris son éxistence, elle est partie aussitôt.
- Ah, l'amour... Ch'est-y pas beau, cha ?
- Odd, tais-toi et mange !
- Vous l'avez laissé partir... toute seule !? lança Jérémie, indigné.
- Personne n'aurait réussi à la retenir. Et puis, elle est loin d'être s...
Aramis s'interrompit, le regard vague, comme si elle s'était perdue dans un rêve éveillé.
- Restez ici, quoiqu'il arrive ! lâcha-t-elle d'un ton sec.
Elle courut vers l'aile droite du château. Quelques instants après, un hurlement déchirant retentit, faisant sursauter tout le monde. Apeuré, Kiwi se réfugia aux pieds de son maître.

La douleur lui tomba dessus sans prévenir. Il avait l'impression que quelqu'un lui avait labouré le dos, le ventre et les cuisses sans pitié, entaillant sa chair très profondément. Affaiblit, désarmé, Ulrich demanda l'aide de Gwenhwyvar, mais la panthère était aussi impuissante que lui. Sentant monter la colère du jeune homme, elle essaya d'établir un contact mental pour l'appaiser, mais elle se heurta à un mur de fureur derrière lequel se terrait l'esprit d'Ulrich. Elle sondait le rempart, assaillait les endroits qui semblaient les plus fragiles... En vain. Comprenant qu'elle ne gagnerait pas, elle appela sa maîtresse.
Aramis surgit dans la chambre et chercha, à son tour, à le contacter mentalement. Ulrich lutta mais cet adversaire, plus puissant que le précédent, broya ses défenses et le força à ouvrir son esprit. Il se calma immédiatement lorsqu'il reconnut la Sentinelle.
Soudain, une autre douleur, d'une intensité hors du commun, fusa dans tout son corps. Une force surpuissante aspirait les siennes, mais aussi sa vie. Paniqué, il poussa un cri, si fort qu'il se cassa la voix ; il sentit le goût métallique du sang dans sa bouche. Aramis dressa ses propres barrières pour repousser l'attaque. La force les contourna et raffermit encore sa prise sur Ulrich, puis s'intéressa de près à la Sentinelle. Cette dernière, surprise et furieuse à la fois, passa à l'offensive : elle marmonna un mot bref et la force fut proprement balayée. L'étreinte mortelle cessa de se resserrer et disparut. Épuisé, Ulrich s'évanouit.
Aramis rompit le contact mental.
- Tu es loin d'avoir gagné, XANA, vociféra-t-elle.
Sous ses vêtements, au niveau de la poitrine, palpitait une petite lumière rouge.

agentlyoko
01/04/07 à 20:35
j'adore cet fic c la meilleur pour moi tu es un 100 % ecrivain tu devrais en fare d'autre moi je te le dis

Fan Fiction
14/04/07 à 08:06
;) ;) ces magnfique.

Artémis
15/04/07 à 11:17
.......Je...par où commencer?...C'est parfait, tout d'abord. Rassure-toi, je ne'ai pas posté dans le premier tome mais je l'ai lu en entier. Même plusieurs fois...toujours la même aventure, les mêmes angoisses...c'est fantastique...on rentre dedans dés les premiers mots. On ressent les sentiments des persos comme si on était à leur place...comme si on était eux. Je peux te dire que j'attend avec très très très très grande impatience la suite. Pour te dire, j'ai l'impression de lire un vrai roman de fantasy (Narnia, Eragon, l'Epée de vérité...), bref, tous les livres que j'adore. Ta fic est du même style, c'est ça que j'adore le plus...qui aurait penser à un CL en fantastique? :D
Allez, je vais arrêter là...sache que tu as toute ma sympathie pour me faire rêver comme ça...merci. ;)

Flammèche
20/04/07 à 16:08
Eh ben... je ne m'attendais pas à ce que ma fic plaise autant ! :shock:
Avant de poster la suite, laissez-moi remercier chaleureusement ceux qui m'ont envoyé des commentaires (Artémis en particulier). Ca m'a fait vraiment plaisir !
Et maintenant, voici la suite !
Bonne lecture !



Lorsque Yumi revint à elle, elle se trouvait dans une petite caverne faiblement éclairée par un candélabre accroché au plafond. Elle était vêtue d'une longue chemise de nuit, enveloppée dans une couverture de fourrure. Apparamment, ses plaies étaient cicatrisées. Une arche munie de tentures se découpait dans le mur opposé. De part et d'autre de cette porte, deux tables de granit brun étaient couvertes d'ustensiles de chirurgie, de pots et de bandes roulées.
"Mais où suis-je ?" se demanda-t-elle.
C'est alors que quelqu'un entra. Réagissant aux mouvements, les cristaux qui ornaient le candélabre intensifièrent la luminosité, révélant l'intrus. Où plutôt... l'intruse. C'était la femme la plus petite et la plus massive que Yumi ait jamais vu. Elle possédait des épaules plus larges que le plus puissant des chevaliers, et des muscles impressionnant roulaient sous sa peau. Une sauvage crinière brune surmontait son visage anguleux. Elle portait un pantalon marron et une veste sans manches assortie.
"Une naine"
- Ah ! Tu es réveillée, dit-elle d'une voix chaleureuse. C'est bien. Comment te sens-tu ?
- Rompue... Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Et... depuis combien de temps ?
- Du calme. Tu es à Pierjoie, sous la Chaîne d'Onyx. Je suis Aérie, la guérisseuse de la ville. Et tu es là depuis trois jours.
Yumi lui jetta un regard soupçonneux :
- Vous vous payez ma tête ? De telles blessures ne se referment pas aussi vite !
- J'ai utilisé de la panseglaise, une substance aux propriétés curatives similaires à celles de l'essence de la fleur de feu, gloussa la guérisseuse. Cela te va comme explication ?
- Hum !... Je dois partir immédiatement, déclara Yumi en faisant mine de se lever.
La naine la repoussa :
- Non ! Il faut d'abord que tu manges quelque chose. Je n'ai pas passé tout ce temps à te veiller pour que tu tombes d'inanition et que tu te blesses à nouveau. Alors, s'il te plaît, ne te précipite pas !
Elle sortit de la chambre et revint une minute plus tard, chargée d'une petite marmite dans laquelle mijotait une mixture épaisse. Elle en servit un bol qu'elle tendit à Yumi avec une cuillère. La jeune fille, méfiante, demanda ce que c'était.
- C'est une soupe de légumes, avait répondu Aérie, une lueur d'amusement dans le regard. Tu peux manger sans crainte. Si j'avais cherché à t'empoisonner, ton talisman m'aurait puni.
Yumi prit une gorgée. C'était délicieux.
- Je peux partir, maintenant ? demanda-t-elle dès qu'elle eut terminé.
- Têtue, hein ? Mais puisque tu y tiens tant... (elle fouilla dans un coffre et en sortit des vêtements propres qu'elle déposa sur le lit) Habille-toi, le temps que j'aille seller la Ranyhyn.
Yumi attendit que les pas de la guérisseuse aient diminué dans le lointain, l'assurant qu'elle était bien partie. Elle prit les vêtements et choisit une chemise, un pantalon beige foncé, et une tunique au col brodé d'arabesques dorées. Le tissu, vert sapin, était doux sous ses doigts et semblait bien chaud. Elle s'assit sur le lit et s'habilla rapidement. Elle venait juste d'enfiler ses bottes lorsque Aérie revint pour l'aider à se lever.
- Fais quelques pas.
Yumi s'exécuta, d'abord maladroitement, puis avec de plus en plus d'assurance.
- Au moins, je n'aurai pas à te porter jusqu'à ta bête ! Viens, elle t'attend.
Yumi sortit de la caverne... pour se retrouver dans une gigantesque grotte, bien plus grande que celle qui retenait prisonnière la Sentinelle. Chacune des deux ouvertures, sur les côtés, étaient fermées par un haut mur d'enceinte. Le sol était en majeure partie occupé par des cultures et des vergers, éclairés par d'énormes cristaux, et ponctués de petits cabanons de jardinier. En face, des habitations escaladaient la paroie, culminant en un édifice aux allures de temple grec.
Un hennissement puissant retentit, la faisant sursauter. Ellou avançait vers elle, suivie par un groupe de neuf nains juchés sur d'étranges animaux. Ces créatures ressemblaient à des bouquetins, sauf que ceux-ci étaient trois fois plus gros et plus massifs. Tous avaient la tête protégée par un chanfrein de métal.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Yumi, médusée.
- Des fronials, expliqua Aérie. Ces cavaliers vous conduiront et vous escorteront, Ellou et toi, vers les landes de Jahara. Les tunnels ne sont pas sûrs hors des cités.
- Yumi, tu es guérie ! s'exclama la jument alors qu'elle fourrait ses naseaux dans le cou de la jeune fille. J'ai cru que tu ne te réveillerais pas !
- Je vais bien Ellou, t'en fais pas.
Elle lui embrassa le nez et sauta avec légèreté sur son dos.
- Tu trouveras dans les fontes de la selle des provisions et de quoi te soigner, dit la guérisseuse. (elle lui tendit une épée, un arc, et un carquois) Tâche de ne pas les perdre. Et fais plus attention à toi.
- J'essaierai...
Un nain à barbe blonde (sans doute le commandant du détachement) fit signe à ses compagnons. Éperonnant leurs fronials, ils se mirent derrière Yumi, en rang par deux, tandis que le chef prenait la tête, les emmenant vers le mur Ouest. Quatre nains ouvrirent une lourde porte bardée de fer, révélant un sombre tunnel. De rares cristaux rouges et mauves, enchâssés dans la roche, diffusaient une lumière tamisée.
"Au fait, comment a-t-elle su le nom de mon poney !? Je ne me rappelle pas l'avoir dit !"
Dès que le dernier rang eut passé la muraille, les cavaliers se déployèrent en demi-cercle et partirent au trot. Derrière, les portes se refermèrent dans un bruit sourd.

Campée sur ses jambes courteaudes, Aérie regardait les portes se fermer. Puis, elle commença à briller d'une intense lumière blanche. Son corps s'allongea, s'affina... jusqu'à devenir celui d'une humaine.
- Isis.
La jeune femme sursauta. Elle ne s'attendait pas à ce qu'Il entre si vite en contact télépathique avec elle.
- Oui, qu'y a-t-il ?
- Comment va-t-elle ?
- Elle est guérie. Elle vient juste de partir pour Jahara, et sous bonne escorte. Neuf des meilleurs chevaliers de Pierjoie l'accompagnent.
- Nous avons frôlé la catastrophe. Si jamais l'un des deux mourrait...
- Franchement, je trouve que tu éxagères ! Ils sont trop jeunes !
- Quand le moment sera venu, ils auront atteint l'âge adulte. Tu sais bien que je ne choisis jamais au hasard.

Devant le ton de reproche de son interlocuteur mental, Isis hésita à poursuivre. Mais elle se ressaisit vite :
- Tu devrais surtout te pencher un peu plus sur la protection de tes élus. Je ne peux pas être partout à la fois !... Eh ho, tu es là ?
Silence total. Elle attendit, une minute, deux minutes..., au bout de dix minutes, il répondit :
- Tu as raison, Isis. Je t'en demande trop. Je me charge de veiller sur la petite, cela te fera une personne de moins à surveiller.
- Dois-je prévenir les Maîtres ?
- Pas maintenant. Attendons qu'ils soient à nouveau réunis.
- Bien père.


Sur Terre, les choses étaient loin d'être aussi calmes. Talonné et canardé par des krabes, Odd courrait à perdre haleine sur le pont qui menait à l'usine.
- Rhâââ... c'qu'elles sont collantes ces écrevisses !
À l'intérieur, Aélita, entourée par cinq grands centaures, lui criait d'aller plus vite, tandis que Jérémie rassemblait près du monte-charge une dizaine de personnes terrorisées.
Odd n'était plus qu'à quelques mètres de l'entrée lorsqu'il fut frappé dans le dos par un laser, l'envoyant à terre.
- En avant !!
Épées et haches levées, les centaures se ruèrent sur les monstres, mais la lutte tourna très vite en leur défaveur. C'est alors que le dragon-serpent jaillit hors de l'usine en sifflant de colère. Aussitôt, l'un des centaures hissa Odd sur ses épaules et se précipita à l'abris, suivit de ses équipiers. Décontenancés, les krabes ne savaient plus où donner du laser. Le dragon en profita, et lança un rayon lumineux qui les pulvérisa dans une formidable explosion.
- On ferait mieux de filer avant que ça dégénère encore plus ! lança Jérémie. Que tout le monde se donne la main !
Il saisit celle d'Aélita tandis qu'elle plongeait sa main gauche dans sa poche. Tous furent instantanément téléportés dans la Vallée-d'entre-les-Mondes. Sans lâcher Jérémie, la jeune fille se dirigea vers la mare de Valombre, et enfonça sa main dans l'autre poche. L'équipée se vit à nouveau happée dans une profonde obscurité, puis atterrit dans la grande cour, devant le château de Luskan. Franz les y attendait.
- C'est pas que j'm'ennuie, Zemetrios, mais j'aimerai bien r'trouver l'plancher des vaches, moi ! fit Odd, toujours chargé sur les épaules du guerrier.
Feignant la surdité, l'interpellé ordonna à ses compagnons de conduire les réfugiés aux pieds de la ville, là où des tentes avaient été montées pour eux. Pendant ce temps, Aélita annonçait à son père que le vaccin qu'il avait créé pour soustraire les possédés de l'influence de XANA, était au point.
- Au fait papa, Aramis est rentrée ?
- Oui, quelques secondes avant vous. Elle est partie auprès d'Ulrich.
- Et... vous n'avez toujours pas de nouvelles de Yumi ? s'enquit Jérémie.
- Désolé, non...
- ZEMETRIOS, hurla Odd, FAIS-MOI DESCENDRE ! JE-VEUX-DES-CENDRE !!!
Le centaure le déposa sans douceur sur le sol, lui arrachant un "Aïe" tonitruant.
- Cet incident mis à part, poursuivit Aélita, est-ce qu'il faut dire à Aramis que...
- Inutile ma chérie, elle a un bon messager.
Il désigna Skandranon qui observait, perché sur le toit du château, la forêt de tentes qui accueillait ses premiers pensionnaires.

La lumière s'engouffra dans le tunnel lorsque les portes s'ouvrirent. Yumi grimaça ; après ce séjour de deux jours dans l'obscurité, ses yeux ne supportaient plus la clarté du soleil. Pendant qu'Ellou franchissait le seuil du tunnel, elle mit une main en visière pour mieux observer les environs. Elles se trouvaient sur un promontoire, surplombant de plusieurs mètres une petite vallée encadrée par les contreforts noirs des montagnes. Au-delà, les landes de Jahara s'étendaient à perte de vue.
- Les terres du Nord sont droit devant vous, dit le chef du détachement en pointant du doigt l'horizon.
- Merci pour tout, Bran. Je...
- Vous n'avez pas à nous remercier, belle demoiselle. Maintenant partez, si vous voulez sauver votre amant à temps.
Yumi donna l'ordre à Ellou qui descendit prudemment vers la vallée, puis s'élança au galop. En quelques instants, elles disparurent de la vue des chevaliers nains.

Artémis
20/04/07 à 19:46
Et ben...superbe suite!!!Je confirme ma remarque sur ta façon d'écrire!T'es un vrai romancier!!!L'histoire est...palpitante!Espérons qu'elle arrive à temps...c'est vraiment une très bonne fic...des sentiments, de l'action, du suspens et un brin d'humour pour adoucir...c'est parfait!
J'attends avec plaisir et impatience la suite.

lyokoman
21/04/07 à 17:16
J'ai dit que je n'aimais pas le 1, mais après avoir bien lu, j'ai vraiment aimé, tout comme cette suite; je te donne les mêmes arguments qu'Artémis

Fan Fiction
21/04/07 à 20:18
shadowcat j'promet de pas faire un mauvais Comm xd

j'ai adorer,le tyle,bé comme le début quoi,ces du flammeche

yumiulrichforever
01/05/07 à 12:24
que ce sois la premiere ou la 2eme partie je suis fannnn de ta fic elle géniale cotinue tu as beaucoup de talent :thumbleft:

Flammèche
07/05/07 à 21:43
Voici une suite, plus courte que les autres, soit, mais une suite quand même !
Bonne lecture à tous ! ;)
Oh, j'oubliais... Merci à ceux qui m'ont envoyés des coms, ça m'a fait très plaisir. :p




Yumi chevaucha pendant des jours et des jours à travers Jahara, épargnant les vivres offerts par Aérie et se nourrissant pour l'essentiel d'oiseaux et de lapins abattus de ses flèches. Comme les landes étaient parcourues d'innombrables ruisseaux, elle et Ellou ne manquèrent jamais d'eau. De temps à autre, elles rencontraient une tribu de nomades, une harde de cerfs ou d'élans, et même des pumas.
Le vingtième jour, environ, le paysage changea. Elles parvinrent à l'extrémité nord des landes et virent, de l'autre côté d'un ravin, une terre beaucoup moins hospitalière, faite de plaines rocheuses et désolées. Sur leur gauche, un énorme pont, fait d'une seule arche, enjambait le précipice d'une falaise à l'autre.
- Le pont de Karad, annonça Ellou. Dès qu'on l'aura traversé, nous serons dans les terres du Nord.
Yumi sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle arrivait enfin au terme de son voyage, et Ulrich sera bientôt tiré d'affaire. Elle en fit la réflexion à voix haute.
- Tu oublies le voyage de retour, rétorqua la ponnette. Sans compter que nous sommes encore très loin du lac arc-en-ciel.
Ces paroles douchèrent l'enthousiasme de la jeune fille.

L'esprit préoccupé, Aélita ne parvenait pas à trouver le sommeil. Après être restée allongée un bon moment, comptant les moutons, se retournant plusieurs fois dans son lit, elle s'était alors assise près de la fenètre de sa chambre, laissant son regard vagabonder sur les plaines éclairées par le clair de lune.
Elle resta ainsi pendant des heures, jusqu'à ce que le ciel nocturne commence à s'éclaircir. Elle s'habilla, et traversa rapidement le château : elle aimait sentir sur son visage l'air frais et légèrement iodé de la mer ; cela l'aidait à chasser tous ses soucis.
Le ciel, à l'Est, était blanchâtre à présent, et les étoiles pâlissaient progressivement. Accoudée au parapet de la grande cour, Aélita regardait, en contrebas, la ville en train de s'animer, lorsqu'elle entendit un bruit de pas. Elle se retourna et vit Aramis qui s'approchait, les traits tirés par la fatigue. Elle ne portait pas sa cotte de mailles, mais une simple tunique, de couleur pourpre.
- Comment va Ulrich ? demanda timidement Aélita.
- Il agonise, soupira la Sentinelle. Les attaques de XANA sont de plus en plus nombreuses et violentes. Avant votre première excursion sur Terre pour tester le vaccin, il y a un mois, XANA le laissait en paix pendant les nuits. Mais maintenant, il l'assaille sans arrêt. Si ça continue...
- Mais il reste un espoir, vous l'avez dit vous-même !
- Très mince... et incarné par une gamine de 15 ans que j'ai envoyé à une mort certaine...
- Yumi sait très bien se défendre !
- Je n'en doute pas, malgré qu'elle ait encore beaucoup à apprendre. Mais dans les terres du Nord, la nature est impitoyable.

Une forêt de sapins, sombre et oppressante, disputait son lit au fleuve gelé. Dépouillés de leur couverture de neige par une récente tempête, les arbres se pressaient les uns contre les autres, noirs et menaçants dans la lumière blafarde du long crépuscule de la nuit polaire. Sur la berge, Ellou luttait pour avancer malgré la neige épaisse. Sur son dos, emmitouflée dans un manteau de cuir doublé de fourrure, Yumi surveillait la forêt et leurs arrières, une flèche encochée sur son arc.
Une heure passa, puis deux. La pâle lueur était sur le point de disparaître lorsqu'un cri monta de la forêt. Un deuxième, plus aigu, lancé derrière elles à peu de distance, lui répondit, ainsi qu'un troisième, venant cette fois de la gauche.
- Ils me tapent sur les nerfs, râla Yumi. Quinze jours qu'ils nous suivent !
- Ils ont faim, répondit Ellou. Une chance que ton médaillon les tient à distance.
Puis elles se turent, absorbées par leur lente progression, mais attentives aux hurlements qui se succédaient sans interruption.
La ponnette s'immobilisa soudain, la tête tournée vers les arbres. Deux petites sphères émeraudes rapprochées luisaient dans les ténèbres, à quelques centimètres du sol. Rapidement, Yumi en repéra deux autres, puis deux autres encore. Une ligne d'yeux incandescents naissaient et se déployait le long de la lisière de la forêt. De l'autre côté du fleuve, la jeune fille saisissait des mouvements furtifs à travers les arbres ; les mêmes petites flammes étaient rivées sur elles.
Le lendemain, la forêt fit brusquement place à une immense plaine. Après quelques mètres, un cri, venu de l'arrière, troua le silence. Instinctivement, les voyageuses se retournèrent et virent une douzaine de loups, maigres à faire peur, surgir du couvert des arbres. Ni une ni deux, Ellou détala au triple galop.
D'autres loups jaillissaient de tous les côtés, comme vomis par la plaine, et convergeaient vers elles ventre à terre, fermement décidés à leur couper la route.

À plusieurs centaines de lieues de là, dans un état de semi-conscience, Ulrich cauchemardait : il se voyait à cheval, dans un paysage nordique, coursé par d'innombrables loups décharnés qu'il n'arrivait pas à semer. Son agitation eut pour effet de distraire Aramis et Gwenhwyvar pendant quelques secondes... et XANA n'attendait que ça. Il frappa, et avant que la Sentinelle et sa panthère ne réagissent, il se retira avec son "butin". Mais cette fois, les effets de l'attaque furent plus graves. Ulrich sentit une douleur atroce exploser dans sa poitrine qu'elle opprimait comme un quartier de roc, l'empêchant de respirer.

Une chappe étouffante s'abattit sur Yumi, la privant d'air. Sa vue se brouilla, ainsi que son esprit, puis tout devint noir. Elle appella sa jument à l'aide avant de dégringoler dans la neige, sans connaissance.

yumiulrichforever
08/05/07 à 12:27
C SUPER TU EST GENIAL J'ADORE TA FIC CONTUINUES COMME SA ET MET NOUS VITE LA SUITE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
"":2tf2noi2]Essaye s'il te plais de plus approfondir ta reflexion. Dit ce que tu aimes et pourquoi par exemple... Si l'auteur décrit assez, etc.
Et aussi, evite autant que possible les majuscules, ce n'est pas très agreable à lire ;)


06/06/07 à 13:11
moi j'adore je trouve sa génial!!! pauvre ulrich j'espere qu'il va pas mourrir. tu peu nous mettre une suite stp

Flammèche
08/06/07 à 15:40
Bien ! Maintenant que mes partiels sont terminés, et que j'ai eu un peu de temps pour moi, voici la suite et fin du deuxième chapitre de mes chroniques.
J'espère qu'il vous a autant plu que le premier.
À bientôt pour le troisième chapitre !

Bonne lecture




La chambre semblait se refermer sur lui. Il suffoquait. Il entendait des rugissements, sentait la panique dans la pièce, et n'arrivait pas à se ressaisir. Si seulement il pouvait se reposer...
- Ulrich, Ulrich, écoute-nous. Écoute-nous. Ulrich, ne dors pas. Elle a besoin de toi.
Les voix résonnant dans sa tête ne lui étaient pas familières. Elles était graves, insistantes, et ils ne les entendait pas avec ses oreilles.
- Tu ne peux pas encore dormir, Ulrich. Nous sommes avec toi. Ne l'abandonne pas. Ulrich, il faut vivre !
Bien sûr qu'il voulait vivre. Quelles sottes, ces voix. Il était fatigué, c'est tout. Il voulait dormir.
- Ulrich, ne la laisse pas. Ne pars pas. Si tu pars, elle partira aussi.
Les voix ne parlaient pas fort, mais elles retenaient son esprit, l'empêchant de s'en aller.
- Qui me harcèle dans ma tête ? dit-il dans un souffle. Ils ne veulent pas me laisser en paix. Dites-leur, Aramis. Je suis si fatigué...
- Accroche-toi, au lieu de geindre ! répliqua sèchement la Sentinelle. Fais-le au moins pour Yumi, qu'elle ne soit pas partie à l'autre bout du monde pour rien !
Ils avaient raison. Comment a-t-il pu être aussi égoïste ? Furieux contre lui-même, Ulrich se raccrocha à ce qui lui restait de volonté et se força à rester éveillé. Au bout d'un instant, quelque chose parut se briser en lui. Sa douleur ! Elle se calmait ! Soulagé, il soupira. Il pouvait de nouveau respirer sans problème. Mais jamais il ne s'était sentit si faible.
- Les attaques répétées de XANA ont trop fatigué ton cœur. Aujourd'hui, c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Maintenant, essaie de te reposer.
- Alors, dites-leur de s'taire et d'me laisser tranquille !
Aramis sourit. "S'il se met à râler, c'est que ça va mieux" pensa-t-elle.
- Maintenant, tu vas rester. Nous pouvons te laisser dormir. Mais nous serons avec toi. Nous veillerons.

Lorsque Yumi rouvrit les yeux, elle fut surprise de se sentir aussi fatiguée que si elle avait passé plusieurs nuits blanches. Ellou était à côté d'elle, piétinant furieusement le sol comme un taureau. En se redressant sur les coudes, elle découvrit qu'elles étaient encerclées par une meute de loups. Ils étaient si proches qu'elle pouvait voir, malgré la faible luminosité, leurs langues rouges passer sur leurs babines dégoulinantes de bave, et les côtes qui saillaient sur leurs flancs. Pour le moment, ils n'attaquaient pas, le talisman les en dissuadait. Mais Yumi savait que, tôt ou tard, la faim l'emportera sur la peur.
Elle essaya de se lever, mais fut saisie de vertiges et s'effondra dans la neige. Les loups s'agitèrent. Yumi lutta contre le sommeil qui montait en elle. Elle finit par y sombrer malgré elle.

Elle se réveilla une première fois. Les loups avaient disparu. Ellou était tout près d'elle, frottant son nez contre son visage.
- On me ramène à Luskan, dit la jument. Toi seule va continuer.
Yumi sentit de petits bras la soulever avec délicatesse et l'installer sur quelque chose d'assez inconfortable. Puis l'air se mit à vibrer autour d'elle, comme brassé avec force. Avant de se rendormir, elle entendit le hurlement de chasse de la meute dépitée, affamée, qui partait à la recherche d'une nouvelle proie.

À son deuxième réveil, la première chose qu'elle vit fut les gracieuses ondulations célestes de l'aurore boréale. Ce spectacle la ravigora, mais elle ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé. En se relevant, elle réalisa qu'elle n'était plus dans la plaine enneigée, mais au sommet d'une colline entourée d'immenses montagnes aux cimes déchiquetées, face à un jardin clos de murs. Des branches dépassaient, et les feuilles s'irisaient de nuances vert, bleu et rose suivant les soubresauts de l'arc-en-ciel de nuit.
- Cet endroit ressemble beaucoup à celui que j'ai vu dans mes visions.
Un bruit sourd retentit dans son dos. Yumi fit aussitôt volte-face et, d'un geste vif, dégaina son épée et pressa le tranchant de sa lame contre la gorge de l'intrus. Elle lâcha une exclamation en voyant qu'elle menaçait... Skandranon. Elle rengaina immédiatement son arme.
- Tu m'as fait peur, lui dit-elle en le grattant derrière l'oreille. C'est pas sympa.
Le griffon roucoulait de plaisir. Puis il s'écarta lentement, comme à regret, et saisit délicatement le poignet de la japonaise pour l'entraîner vers le jardin. Ils firent presque tout le tour du mur avant de se retrouver devant de hautes grilles en or qui s'ouvrirent d'elles même, pivotant sans bruit sur leurs gonds. Une grande fontaine lumineuse, dont l'eau coulait avec un doux bruissement, se dressait au milieu du jardin. La lumière qui en émanait, combinée avec celle de l'aurore boréale, donnait à ce lieu un air enchanteur. À droite de la fontaine, posé sur le sol, se tenait un immense aigle doré à tête blanche. Un disque jaune-orangé et un Uraeus ornaient le haut de son crâne.
- Soit la bienvenue dans le jardin d'Héliopolis, Yumi Ishiyama. Je t'attendais.
"Cette voix... C'est celle que j'ai entendu pendant l'épreuve du Feu !"
- Qui... qui êtes-vous ?
- Je suis Râ, le dieu du soleil, répondit l'Aigle. Il était temps que tu arrives, belle enfant. Ton aimé est trop affaiblit pour survivre à une nouvelle attaque de l'Entité, et mon Isis n'a plus assez de forces pour la repousser.
- Isis ?
- Ma fille. La jeune femme que tu as libéré de l'Entité.
Sur ce, il prit dans son bec deux petites fioles et vint les déposer dans les mains de la jeune fille abasourdie.
- La fiole scellée à la cire rouge est pour ma fille. L'autre est pour le garçon. Maintenant hâte-toi, car si son cœur s'arrête, le tient fera de même.
- Que... quoi ?
- Vos sentiments ont fait fusionner vos cœurs. L'un ne peut battre sans l'autre, comprends-tu ce que cela implique ?
Yumi leva les yeux vers le dieu, une expression horrifiée sur le visage. Craignant de réagir trop tard, elle courut vers Skandranon.
- À Luskan !
Sitôt que Yumi l'eut enfourché, le griffon décolla et fila vers le Sud. Ils passèrent un étroit défilé, puis débouchèrent sur une vaste vallée entourée de montagnes, composée de nombreux geysers et de sources chaudes. Un grand lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel trônait fièrement à la sortie du goulet.
Skandranon vola à un rythme d'enfer durant cinq jours, sans se poser une seule fois. Yumi, quant à elle, essayait de mettre de l'ordre dans son esprit chamboulé.

Le matin du sixième jour, ils avaient atteint la ville de Luskan. Skandranon descendit en un long vol plané, et atterrit au petit galop dans la grande cour. Yumi sauta aussitôt de son dos et fila vers le château, serrant les fioles contre elle, puis entra dans la chambre d'Ulrich. Il était resté tel qu'elle l'avait vu avant de partir, si ce n'est son visage plus pâle et émacié que d'ordinaire ; il tenait dans une main l'un de ses évantails. La Sentinelle, affalée dans un fauteuil, lui fit signe d'approcher.
- Yumi... murmura Ulrich.
Entendre sa voix si faible brisa le cœur de la jeune fille. Il semblait à l'article de la mort. Essayant de retenir ses larmes, Yumi déboucha l'une des fioles, aspira quelques gorgées et les laissa couler dans la gorge du jeune homme. À peine eut-elle détaché ses lèvres de celles d'Ulrich qu'elle le vit sourire et laisser retomber sa tête sur l'oreiller. Il sombra aussitôt dans un profond sommeil, sans l'aide des sédatifs dont il dépendait tant.

Sur Terre, XANA hurla de rage lorsqu'il comprit que sa proie venait de lui échapper. Les possédés et les monstres, terrifiés, se cachèrent, espérant que la fureur de leur maître sera brève.

Yumi tendit la deuxième fiole à la Sentinelle qui la vida d'un trait.
- Vous me devez quelques explications... déesse Isis.
- Je sais... soupira l'interpellée. Puisque tu connais la vérité, je vais tout te raconter. Il y a longtemps, alors que je passais par la Vallée-d'entre-les-mondes, j'ai vu une nouvelle mare se créer. En y entrant, je me suis retrouvée sur Lyoko. Je découvrit vite qu'il était relié à un autre, et c'est là que je fis la connaissance de Franz Hopper et de sa fille, Aélita. Mais au fil du temps, je sentais qu'une entité malveillante se développait au sein du monde virtuel. Je voulais en parler à Franz, mais il avait disparu avec Aélita. C'est en voulant les retrouver que je suis tombée dans un piège. XANA me vola une part considérable de mon énergie et m'enferma avec mon griffon dans la mer numérique. Mon père et mon fils eurent vent de ma situation, mais ne pouvant intervenir eux-même, ils amenèrent dans la prison des sources élémentaires. Hélas, XANA veillait... Tandis qu'il était occupé à tendre des pièges, avec le peu de force qu'il me restait, j'ai éteint le supercalculateur. Pendant longtemps, j'ai empêché XANA de le rebrancher, mais à chacune de ses tentatives, je m'affaiblissais davantage. Et lorsque Jérémie le ralluma, je ne pouvais plus rien faire...
Un lourd silence chargé de remords plana un moment dans la pièce. Yumi comprenait ce que devait ressentir la déesse, mais l'atmosphère la mettait mal à l'aise. Elle décida donc de changer de sujet.
- Et Jérémie, Aélita et Odd, vous les avez retrouvé ?
- Bien sûr. Ils t'attendent dans le salon, au rez-de-chaussé.
Yumi sortit de la chambre, non sans avoir au préalable promis à Ulrich de revenir. À peine eut-elle ouvert la porte de la pièce, qu'elle entendit une voix féminine crier son nom, puis une tornade aux cheveux rose se jeta dans ses bras.
- Doucement, Aélita !
- Désolée !
- Salut Yumi, dit Jérémie. Content de voir que t'es entière. Et Ulrich, il va bien ?
- Il faut attendre, répondit la japonaise.
- Hello princesse ! lança Odd d'une voix enjouée. Alors, tu t'es bien balladée ? Tu nous raconte ?
- À condition que vous me racontiez d'abord votre histoire, rétorqua Yumi en souriant.
Ce fut Odd qui eut ce privilège, et Jérémie trouva qu'il en rajoutait un peu trop à propos de sa participation sur Terre au test du vaccin. Il rougit d'embarra en voyant Yumi se tourner vers lui et dire :
- Mais qu'est-ce qui t'as pris ? Tu sais bien que c'est pas ton truc, le terrain !
- Je te rassure tout d'suite, je n'y suis allé qu'une fois !
- Faut dire que la graine de génie ne servait pas à grand-chose : elle ratait un possédé à trois mètres dans un couloir !
- Ooooodd... fit Jérémie, menaçant.
- Ben quoi... j'dis c'qui est !
Cette réflexion lui valut un gros coussin en pleine figure.
- À ton tour Yumi, dit Jérémie en se frottant les mains. Je crois que l'amuseur public a une extinction de voix.
Yumi, qui avait beaucoup de mal à se retenir de rire, raconta son voyage et ce qu'elle a découvert au sujet de la Sentinelle. Quand elle eut fini, ses amis la fixaient avec des yeux éffarés.
- Alors... cette femme que papa avait rencontré après la disparition de maman... souffla Aélita, c'était une... déesse...
- Je comprends pourquoi XANA avait mis ce sixième territoire sous haute protection, dit Jérémie. Il a dû en baver avant de réussir à la vaincre.
- Pour une fois que c'est lui qui en a vu des vertes et des pas mûres..., rétorqua Odd.

Une semaine plus tard, il ne faisait plus de doute qu'Ulrich allait de mieux en mieux. Deux semaines passèrent et il put se lever, mais aussi maladroitement qu'un bébé qui tente de faire ses premiers pas. Ankylosées par une trop longue immobilité, ses jambes refusaient de le porter.
- Il est encore très faible, dit Isis. Il vaudrait mieux qu'il réapprenne à marcher à l'extérieur, qu'il ne se blesse pas.
Ulrich fit donc ses premiers pas dans les jardins du château. Il marcha jusqu'à un bosquet de noisetiers, soutenu par la déesse, et porté par les regards de ses amis. Mais la fatigue eut raison de lui. Il s'assit contre un arbre, haletant, les jambes molles, la tête bourdonnante.
- Tu as bien marché, aujourd'hui, lui dit Yumi en s'installant à ses côtés.
Il tourna la tête vers elle, surpris par le ton si tendre de sa voix. La jeune fille échangea un bref regard avec la déesse ; cette dernière emmena Jérémie, Odd et Aélita ailleurs. Puis Yumi se blottit dans les bras du jeune homme, le visage enfouit dans son cou. Ulrich, dépassé par les évènements, ne savait pas comment réagir.
- Heu... Yumi...
La japonaise se détacha lentement de lui, et plongea son regard dans le sien.
- Chut... souffla-t-elle.
Du bout des doigts, elle effleura les lèvres du garçon ; à son regard, elle comprit qu'il devinait son intention. Elle se rapprocha un peu plus et posa ses mains sur ses épaules ; Ulrich ne bronchait pas, se contentant de la regarder intensément. Elle ferma les yeux, puis l'embrassa. C'est alors qu'elle sentit les bras du jeune homme s'enrouler dans son dos et la serrer contre lui.
- Je croyais qu'on était copain et puis c'est tout, murmura Ulrich.
- Y'a que les idiots qui ne changent pas d'avis, dit Yumi à voix basse. Je crois que j'ai fait une grosse bêtise en cachant mes sentiments. Si j'avais été plus démonstrative...
- Je suis aussi fautif que toi...
Ils échangèrent un regard, puis s'embrassèrent à nouveau, éperdument.

Juchée sur son griffon noir, dans la grande cour, Isis s'apprêtait à partir. Pikadias, intrigué, sortit des écuries.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Dire aux Maîtres qu'ils ont fini d'attendre.
Skandranon s'élança. Arrivé à l'autre bout de la cour, il sauta sur le parapet et se propulsa dans les airs.

Sur Terre, dans un sombre couloir, un adolescent avançait d'un pas énergique. Les cheveux noirs, l'allure rebelle, aucun doute possible quant à son identité : c'était William Dunbar. Arrivé devant une gigantesque porte, il toqua puis attendit. La porte pivota sans bruit sur ses gonds, dévoilant une pièce aussi sombre que le couloir ; au centre se tenait une silhouette humaine, faite d'une étrange matière bleue ondulante, et encadrée de deux tarentules.
- Où en sont les travaux ? demanda-t-elle.
Sa voix, numérique, avec une intonation féminine, pouvait mettre n'importe qui mal à l'aise ; et William n'y échappait pas. Il déglutit avant de répondre :
- Les esclaves en sont aux finitions, maître. Dans trois ou quatre jours, tout sera terminé.
- Parfait. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?
- Oui, maître, et je ne reviendrai pas sans.
- En même temps, retrouve Ulrich, et ramène-le moi. De préférence vivant, mais peu importe l'état.
- Avec joie, maître.
William s'inclina bien bas et sortit.


À suivre.....


note de l'auteur : les filiations des dieux ont été volontairement modifiées pour mieux coller à l'histoire.

Yumi94
08/06/07 à 16:00
Quoi ?????????????
Mais il les laisserons jamais tranquille!!!
J'adore ce tome il est génial!
C'est trop beau l'amour entre Ulrich et Yumi.
J'espere que X.A.N.A va les laisser un peu le temps que Ulrich récupère puisque de tout façon il les laissera jamais tranquille.

Bisous

Susana

Artémis
07/07/07 à 17:46
Piou que ça fait longtemps...depuis le temps que je voulais lire la sujite (du moins avoir le temps de lire) j'ai réussi. Cett histoire est tout bonnement...enfin, tu connais mes sentiments à ce sujet, Flammèche.
Le voyage de Yumi était particulièrement bien décrit, tu sais. La découverte des paysages petit à petit était superbe. C'était génial de pouvoir imaginer ces lieux fantastiques. Superbe.
Y'a pas à dire...une déesse, Isis...(tu fais dans la mythologie égyptienne?^^), Aramis, bien sûr...et, oh, Yumi et Ulrich...leurs retrouvailles m'ont paru à la hauteur de ce que j'espérais. C'était mignon...bon, je vais aller voir le tome III^^Tant que j'ai du temps... ;)