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Histoire : Larmes d'un ange


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Écrite par Tchoucky le 17 juillet 2004 (16895 mots)

Dernière édition le 30 juillet 2004

Episode 1 : La fête foraine.

La fête foraine, un monde de bruits, de rires et de friture. Une foule agitée se presse dans les allées, entre les baraquements et du ciel descendent les cris des filles qui plongent avec le grand huit. Ca et là, des bonimenteurs interpellent le passant, les conviant à ne pas rater l’occasion du siècle, la chance de leur vie, l’ultime espoir de repartir avec le gros lot. Des pères de familles passent, les bras encombrés de barba papa, de pommes d’amour, de beignets, ou autres friandises indissociables de l’ambiance. Couples enlacés, bande de jeunes et de moins jeunes, familles au grand complet, les badauds fourmillent, et s’agitent.
Un roulement de métal un peu sinistre, et une soudaine accalmie dans les cris. Le SuperRévolution3000 vient de s’arrêter, laissant de ses nacelles descendre quelques amateurs au teint légèrement verdi. Parmi eux, un petit bonhomme tout blond, dont les cheveux dressés sur le dessus de son crâne semblent maintenant tenir par un autre secours que le gel de fixation forte, aide sa compagne, une frêle jeune fille aux cheveux rose à quitter son siège. A peine ont-ils quitté le manège qu’ils se font presque happer par un jeune garçon à la tête ronde, dont le regard, derrière ses lunettes, exprime une grande inquiétude.
_ Tout va bien, Aelita ? Demande-t-il empressement à la jeune fille. Tu ne te sens pas malade ?
Devant tant de prévenance, le blondinet aux cheveux dressés ricane :
_ Oh, relax, Jérémie ! C’est pas un manège qui va lui faire du mal, à ta princesse !
Aelita est rayonnante, ses yeux d’émeraudes en amande brillent d’excitation.
_ C’était... c’était... Génial ! Tu avais raison, Odd. C’était vraiment une sensation exceptionnelle.
Le garçon au cheveux dressés lui répond par un sourire charmeur, à faire fondre l’Iceberg du Titanic.
_ Mais, j’ai toujours raison ! Pas vrai, Jérémie ?
Jérémie, maussade, se contente d’un grognement. Il vient de passer les dix minutes les plus terribles de sa vie, à observer d’en bas les allées, les venues, les cercles et les huit décrits dans les airs par la nacelle dans laquelle se trouvait sa protégée, son Aelita, sa si fragile Aelita. Mais devant la joie de son amie, il ne peut se résoudre à gâcher plus longtemps son plaisir par des inquiétudes personnelles.
_ Ou sont Yumi et Ulrich ? Demande Odd.
_ Yumi est partie il y a dix minute, pour aller retirer de l’argent. Et Ulrich est parti il y a neuf minute... Pour aller retirer de l’argent.
_ S’il sont partis pour faire la même chose, s’étonne Aelita, pourquoi ne sont-ils pas parti ensemble ?
Ni Odd, ni Jérémie ne répondent, mais tous deux se sont mis à sourire d’un air entendu.
_ Ben quoi ? Demande Aelita inquiète. J’ai dit quelque chose de mal ?
_ Mais non ! La rassure Jérémie. Je t’expliquerais.
Les ruses naïves de Yumi et d’Ulrich pour se retrouver seuls ensembles sans éveiller les soupçons feront un excellent sujet de conversation ce soir, quand Aelita aura regagné sa prison...
Car, pour Aelita, marcher au milieu de la foule, rire avec ses amis est un luxe qu’elle ne peut pas se permettre tous les jours. La plupart du temps, Aelita monte la garde dans le monde où elle est née, le monde numérique de Lyoko.
Aelita n’a d’existence réelle et corporelle que depuis très peu de temps. Il y a quelque mois encore, son nom ne représentait rien d’autre qu’une donnée informatique dans un ordinateur... Et pour Jérémie, le défi de sa vie, créer un corps réel pour un être virtuel. Aujourd’hui, elle parle, respire, fait à peu près un mètre cinquante et pèse quarante-deux kilos, mais seulement pour quelques heures. Là, quelque part dans son antre numérique, Xana veille, près à passer à l’attaque à tout moment. Et quand il le fera, il faudra pour Aelita renoncer à respirer, ressentir. Il faudra redevenir virtuelle.
Alors, rien ne compte, ni l’angoisse qu’il y a à la voir monter sur un manège pour la première fois, ni l’embarras qu’il y a lui expliquer la conduite d’Ulrich et Yumi. La seule chose qui compte, c’est de la voir ainsi, gaie, excitée, heureuse.
Yumi, justement, revient, son porte-monnaie à la main. Odd ne peut s’empêcher de lui glisser, d’un air innocent :
_ Tu n’as pas vu Ulrich ? Il est parti chercher de l’argent, lui aussi ?
_ Heu, non... répond Yumi en rougissant légèrement, on a du se croiser.
Et, avec une précision d’horloger, Ulrich revient à ce moment là, par un chemin différent de celui de Yumi. Odd consulte sa montre pour vérifier le Timing. Parfait.
_ On a encore une heure avant qu’Aelita ne rentre chez elle. Dit-il. Qu’est-ce qu’on fait ?.
_ Que diriez-vous de prendre un pot au café, là-bas, propose Yumi. Je vous invite.
Les quatre autres acceptent la proposition, mais Odd tire de sa poche un billet chiffonné.
_ Moi, il me reste encore juste assez pour tenter ma chance à la loterie. Je vais essayer.
_ Tu ne devrais pas, lui dit Aelita, la probabilité de gagner est de...
_ Merci, Aelita, mais oublie les probabilités juste quelques minutes ! C’est la fête, aujourd’hui.
Il s’avance vers le stand, suivit d’Aelita et Jérémie, qui marchent côte à côte, et d’Ulrich et Yumi, qui prennent bien garde à ne pas s’approcher l’un de l’autre de moins d’un mètre, mais se jettent des regards enflammés dés qu’on cesse de les regarder. Le bonimenteur saisit son billet, et sans interrompre ni ralentir le torrent de mot qu’il est en train de déverser sur la foule, fait tourner la roue.
_ Allons-y, messieurs dame, on tente sa chance, la roue tourne, et tourne...
La roue s’arrête, malheureusement le chiffre est loin d’être celui qu’espérait Odd. Il revient vers ses amis en brandissant ironiquement le carnet d’adresses tout neuf qu’il vient de gagner en consolation.
_ Maintenant, je vous suis où vous voulez !
Les cinq amis vont prendre place à la terrasse encombrée du café d’en face. Le soleil est doux, juste comme il faut, et les odeurs sucrées de la foire leur parviennent.
_ Je ne te comprends pas, Odd, dit Aelita. Pourquoi as-tu investi ton argent dans un jeu que tu ne pouvais pas gagner ? .
_ Mais, pour le plaisir, princesse, pour le plaisir !
_ Cela te fait plaisir de perdre ?
_ Non, c’est l’espoir de gagner.
L’humanoïde aux cheveux rose fixe Odd d’un ton dubitatif. Yumi lui tape affectueusement l’épaule.
_ Ne cherche pas à comprendre ! Les garçons aiment bien, généralement, se lancer des défis impossibles.
_ Je crois que je ne comprends rien au garçons, gémit Aelita.
_ Alors, bienvenue sur terre ! Rit Yumi. Je te préviens, ça ne fait que commencer !
Odd a sortit un petit crayon de sa poche et griffonné quelque chose sur son carnet tout neuf. Il tourne la page vers Aelita. Le dessin représente une petite tête ronde avec des yeux étonnés et une bouche tordue.
_ Tu vois, Aelita, ça c’est à peu près la tête que tu fais en ce moment.
Inquiète, l’humanoïde porte la main à sa bouche pour s’assurer qu’elle est aussi droite qu’avant, ce qui provoque l’hilarité de ses compagnons.
_ Ce n’est qu’une représentation schématique de ton humeur, dit Jérémie en souriant. Un dessin. Tiens, passe-lui ton crayon, Odd.
Aelita saisit le crayon et regarde le carnet, sans oser réagir.
_ Essaye, toi aussi, l’encourage Jérémie. Essaye de représenter l’humeur de Odd. Tu repère simplement quelle caractéristique a pris son visage et tu les reproduis grossièrement.
Bien sûr, Aelita a déjà repéré les traits principaux de l’expression de Odd. Elle sait exactement quel dessin elle devrait faire, si elle avait à le faire, mais...
_ Je ne peux pas ! Dit-elle en reposant le crayon.
Elle est devenue pâle et tremblante. Les autres la regardent sans comprendre. Il faudrait qu’elle leur explique ce qui l’effraie autant mais elle n’est pas sûre de bien le comprendre elle-même.
_ Je ne peux pas ! Je suis désolée.
Yumi est la première à reprendre ses esprits.
_ Bien sûr, Aelita. Personne ne va te forcer à dessiner si tu ne veux pas le faire. Ne t’inquiète pas.
Elle reprend des mains de l’humanoïde le petit carnet et le crayon, qu’elle rend à Odd, et lance la conversation sur un autre sujet.
_ A ce propos, vous avez vu ? Les Quarks sont en ville, ils font un concert samedi. On devrait y aller tous ensembles, non ?
Tandis que ses amis continuent à discuter comme si de rien n’était, Aelita les observe. Elle vient soudain de réaliser à quel point elle est différente, même matérialisée. Il y a des choses qu’ils font si aisément, et qu’elle ne peut pas se permettre. Ils savent tout de ce monde, et elle le comprend si mal. Sans qu’elle puisse se l’expliquer, elle ressent soudain une étrange impression dans la cage thoracique, comme un pincement.
Ne comprenant pas cette réaction, elle détourne les yeux vers le trottoir d’en face. Deux hommes vêtus de chemises bleues sont en train d’apostropher un autre qui est par terre en vêtement déchiré. Ils veulent qu’ils les suivent. L’homme par terre ne veut pas. Soudain, les deux autres l’empoignent violemment et l’entraînent.
_ Oh non ! S’écrie Aelita.
Elle s’est levée de son siège.
_ Jérémie, ils lui font du mal, il faut les en empêcher !
Jérémie se lève et la retient par le bras au moment où elle allait s’élancer.
_ Rassied-toi, Aelita.
_ Mais...
_ Ce sont des policiers. Les clients du café ont du se plaindre de la présence du clochard donc ils l’obligent à changer de place.
_ Mais c’est injuste ! Il ne faisait rien !
L’homme et les deux Chemises Bleues ont disparu à l’angle de la rue.
_ Non, ce n’est pas juste, Aelita. Mais tu ne pouvais rien faire.
_ Mais, vous n’avez rien fait ! Ca s’est passé sous vos yeux et vous n’avez rien fait !
Debout devant la table du café, Aelita regarde ses amis comme si elle les découvrait pour la première fois. Yumi a baissé les yeux. Ulrich regarde le menu comme s’il s’était transformé en passionnant roman d’aventure, et Odd rit d’un air gêné. Jérémie est debout à coté d’elle, l’air malheureux.
Ça fait de la peine à l’humanoïde de le voir si triste et pourtant, elle le constate avec horreur, une partie d’elle-même est heureuse de voir ses amis si embarrassés, une partie d’elle-même pense qu’ils le méritent, la partie d’elle-même qui souffre en ce moment, sans qu’elle sache pourquoi.
_ Quand Xana attaque, vous l’affrontez, mais s’il se passe autre chose qui n’a rien à voir, vous ne faite rien pour l’en empêcher.
Avec une voix douce, comme si elle s’adressait à un enfant, Yumi se met à parler.
_ Ces deux personnes étaient des policiers, Aelita. Ils représentent la loi, on ne peut rien contre eux.
_ Votre monde est injuste ! S’écrie Aelita surprise par ses propres mots. Votre monde est construit sur l’injustice !
Elle se rassied dans un silence de mort. Les yeux lui piquent. Elle sent comme une pression sur sa gorge. C’est un état désagréable. Très désagréable.
C’est à ce moment la qu’un sifflement suraigu monte du cartable de Jérémie. Tous sursautent, Aelita comprise. Jérémie sort son ordinateur portable et l’ouvre.
_ Le programme-témoin que j’ai lancé sur Lyoko a repéré une tour activée. Dit-il d’une voix un peu tremblante mais ferme.
L’effet de cette phrase est immédiat, en quelques minute ses quatre amis ont oublié le clochard et les policiers. Yumi se précipitent pour payer au comptoir, tandis que ses amis ramassent leurs affaires.
Quelques minutes plus tard, ils courent en direction de l’usine.
L’usine. Un imposant bâtiment, planté au milieu du fleuve comme un gigantesque bateau immobile, ne portant sur ses murs aucun signe d’altération par le temps, aucun dommage. Intacte. Mais vide. Une usine fantôme, abandonnée là, on ne sait pourquoi, sans que personne ne songe ni à la démolir, ni à la rénover pour réutiliser ses locaux. Trop de secrets lourds reposent dans ses murs. Trop de démons que personne n’oserait affronter... A part les quatre adolescents qui y pénètrent en compagnie d’Aelita.
Les escaliers, c’est trop long à descendre. Yumi, Odd et Ulrich se laissent glisser le long des cordes qu’ils ont pendues là, à cet effet. Aelita et Jérémie les suivent par le même chemin. Au fond de la salle cathédrale qui constitue la majeure partie de l’usine, repose un vieux monte charge, endormis par les âges. Les cinq amis y pénètrent et actionnent la commande pour le faire descendre. L’engin s’ébranle et s’enfonce dans les profondeurs du sol, là où, à part eux, plus personne ne pénètre depuis longtemps.
Arrivé au premier sous-sol, l’ascenseur s’arrête. Jérémie compose le code d’entrée et pénètre seul dans le vieux laboratoire secret, tandis que le monte-charge poursuit sa descente vers l’étage du dessous. Aelita et les autres arrivent dans une vaste salle en forme de rotonde, dépourvu de tout meuble où, tels les colonnes d’un temple grec, trois étrange capsule de métal blanc sont dressées.
_ Aelita, dit la voix de Jérémie dans le haut-parleur, je vais te virtualiser en premier. J’enverrais ensuite les autres te rejoindre.
_ Entendu, Jérémie, répond Aelita de sa voix la plus douce, espérant ainsi faire oublier à Jérémie son accès de colère de tout à l’heure.
Elle pénètre dans l’un des sarcophages blancs et regarde les portes se refermer sur elle.
_ Transfert Aelita, annonce Jérémie.
Aelita ferme les yeux, attendant l’habituel souffle d’air qui marque le début de chaque virtualisation. Mais rien ne se passe.
_ Jérémie, je suis prête. Tu peux déclencher le scanner.
_ Mais je l’ai déclenché. Attends, je recommence. Transfert Aelita.
Rien.
_ Jérémie, qu’est-ce qui se passe ? Demande Yumi depuis le dehors du sarcophage.
Jérémie ne répond pas. Il déclenche la réouverture de la porte du scanner.
_ Nous allons faire l’inverse Aelita. Je vais d’abord virtualiser les autres, et ensuite se sera ton tour.
Dans le haut-parleur, sa voix s’efforce de paraître désinvolte, mais tous remarquent la soudaine et imperceptible tension qui l’altère.
Sans poser de question cependant, Odd, Ulrich et Yumi pénètrent chacune dans un scanner. Les porte se referment sur eux dans un claquement sinistre.
_ Transfert Yumi, annonce Jérémie.
Aussitôt, dans son sarcophage, Yumi sent le souffle d’air, rempli de particules lumineuses, lui balayer le visage.
_ Transfert Ulrich, continue la voix de Jérémie.
A son tour Ulrich subit le souffle.
_ Transfert Odd.
Odd ferme les yeux pour ne pas être éblouis par les particules.
_ Scanner Yumi.
A l’intérieur du scanner, la jeune fille est soulevée de terre et s’élève vers la partie supérieure de la capsule.
_ Scanner Ulrich.
Ulrich échappe à la gravité et s’élève aussi.
_ Scanner Odd.
Les pieds de Odd se décollent du sol.
_ Virtualisation, annonce Jérémie.
Dans les trois sarcophages, un flash blanc de magnésium. Ce flash efface toute sensation de toucher, de faim, de fatigue. Yumi, Odd et Ulrich voient ensemble se dessiner autour d’eux le décor orangé du désert virtuel, et touche le sol faussement sablonneux. Ils se jettent des regards pleins d’appréhension mais leur virtualisation semble s’être déroulée normalement. Yumi a son apparence de Geisha, Ulrich son apparence de combattant, et Odd son apparence à moitié féline. En face d’eux, sous le ciel numérique se dresse un long édifice blanc qui semble flamboyer sans brûler d’un halo rouge.
_ Jérémie, appelle Ulrich, le transfert s’est effectué sans problème et nous sommes devant la tour.
_ Bien répond Jérémie. Aelita, retourne dans le scanner.
A nouveau, dans la salle des scanners, Aelita pénètre dans l’un des sarcophages blancs.
_ Transfert Aelita, dit Jérémie pour la seconde fois;
Les portes de métal se referment, mais à nouveau, rien ne se passe.
_ Eh bien, s’étonne Odd depuis le désert numérique, Einstein, qu’est-ce que tu attends pour nous envoyer Aelita ?
Devant son clavier, Jérémie s’énerve.
_ Pour Yumi, Odd, et Ulrich, il n’y a aucun problème ! Alors, pourquoi je n’arrive pas à virtualiser Aelita ?
_ Dites, les garçons, dit soudain Yumi qui scrute de ses yeux noirs l’horizon virtuel qui lui fait face, vous ne remarquez rien de bizarre ?
Ulrich, trop occupé à s’inquiéter du retard d’Aelita, se contente de lui lancer un regard du style je-t’aime-beaucoup-mais-c’est-pas-le-moment.
_ Tu veux dire, demande Odd, à part qu’Aelita ne nous rejoins pas ? Non, je ne vois pas ce qu’il y a de bizarre.
Son éventail à la main, prête à une attaque qui ne vient pas, Yumi fait quelque pas à découvert, hors des reliefs derrière lesquels ses amis et elle se tiennent. Rien ne se passe. Elle se tourne vers ses compagnons d’arme.
_ Nous sommes devant une tour activée, non ? Pourquoi il n’y a pas un seul monstre ?
La voix de Jérémie, sourde et sombre dans le haut-parleur, vient lui répondre.
_ Pourquoi Xana défendrait-il sa tour s’il sait qu’Aelita ne peut plus retourner sur Lyoko ?

A suivre

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Ecrit par Tchoucky, le 27 juillet 2004

Episode n°2 : Il s’était écarté des autres.

Yumi décroche le combiné du téléphone et compose le numéro sans regarder, trop occupée à guetter ses amis à travers la porte du salon.
_ Allo, oui ?
_ Allô, Papa ? C’est Yumi.
_ Bonsoir, ma chérie. Tu as passé une bonne après-midi ?
_ Heu... Oui. Je t’appelle parce qu’il y avait une copine avec nous à la fête foraine. Vous ne la connaissez pas, elle est dans un autre collège et elle habite en banlieue. L’ennui, c’est que là, elle a manqué le dernier train pour rentrer chez elle. Alors, je lui ai proposé de rester à la maison cette nuit.
Aelita est resté assise, bien droite, sur le canapé en futon des Ishiyama. Yumi la surveille tout en parlant. Ça fait bien une minute que l’humanoïde n’a pas remué un cil. Au bout du fil, la voix de M. Ishiyama se fait dubitative.
_ Je comprends, chérie, mais le repas chez nos amis va certainement se prolonger très tard dans la soirée, et nous ne seront certainement pas là avant minuit.
_ Je sais, Papa, ne t’inquiète pas. Ca ne posera aucun problème. Et vous allez voir, elle est très gentille.
_ Bon, je te fais confiance. Amusez-vous bien ! Au fait, comment s’appelle ta copine ?
_ Aelita, répond Yumi. Merci, Papa. Au revoir.
Elle repose le combiné et revient dans le salon. La télécommande à la main, Odd zappe, dans l’espoir de trouver un bulletin d’information.
_ Calme plat, conclut-il en éteignant le téléviseur. Pas la moindre catastrophe dans le monde.
Ulrich grimace en coupant son portable.
_ Rien non plus au collège, par contre, je vous informe que le caractère de Jim est toujours aussi catastrophique. Il n’a pas apprécié que je le dérange.
_ C’est absurde, dit Jérémie en levant les yeux de son ordinateur portable. Sur Lyoko, la tour est toujours activée.
Les garçons se laissent tomber sur les coussins qui entourent la table basse du salon en soupirant. Jérémie récapitule pour la troisième fois depuis qu’ils sont chez Yumi.
_ Xana ne peut activer qu’une tour à la fois. Il n’a donc pas pu l’activer seulement pour empêcher Aelita d’aller sur Lyoko. Son attaque doit porter sur autre chose et l’empêchement du transfert n’est qu’un effet secondaire dont nous devons comprendre l’origine.
_ Ouaip, fait Odd. En attendant, s’il ne se passe rien, et qu’on ne sait pas comment renvoyer Aelita chez elle, je ne vois pas ce qu’on peut faire.
_ Le mieux, dit Ulrich, c’est que Jérémie cherche à comprendre l’origine de la panne dans les scanners. Et qu’on soit sur nos gardes. Xana a certainement mis au point une stratégie bien rodée.
Yumi ne dit rien. Aussi bizarre que cela puisse paraître, l’attaque de Xana n’est pas le premier de ses soucis en ce moment. Non, ce qui l’inquiète, c’est le comportement d’Aelita. Pris dans le feu de l’action, les garçons n’ont rien remarqué, mais Aelita n’a pas dit un mot depuis qu’ils ont quitter l’usine, sauf pour répondre aux questions qu’on lui posait. Son visage, d’ordinaire si transparent, si sincère est devenu un masque de cire imperceptible. Pas seulement depuis qu’ils ont quitter l’usine, en fait. Depuis l’histoire du clochard et des policiers.
Cette histoire la travaille encore. Yumi en mettrait sa main à couper.
« On aurait du faire attention ! Pense-t-elle. Ah, qu’est-ce que je donnerait pour savoir ce qui se passe dans sa tête en ce moment ? »
Jérémie est trop obnubilé par l’énigme posée par Xana pour s’apercevoir de quoi que ce soit, et c’est bien dommage, parce qu’il est celui qui la comprend le mieux, d’habitude. Mais là...
_ C’est absurde. Cette attaque est absurde.
Le silence tombe dans le salon blanc et propret des Ishiyama. Un déclic et un bruit de voix. Odd a rallumé la télé et s’est remis à zapper, bien qu’il sache que ça ne sert à rien.
_ C’est absurde, répète Jérémie. Xana ne peut activer qu’une tour à la fois. S’il a activé celle-là pour t’empêcher de retourner sur Lyoko, Aelita, il se paralyse lui-même, il ne tuera personne tant qu’il s’acharnera à te barrer le passage.
Ulrich soupire. Il en a marre d’entendre Jérémie se répéter.
_ L’absence de monstre sur Lyoko prouve au moins que Xana est pour quelque chose là-dedans. Et que nous allons subir d’autres conséquences d’ici peu.
_ Dans ce cas, décide Yumi, on ne vas pas rester ici à se tourner les pouces. Vous, les garçons, vous allez retourner au collège, et de là, Jérémie, tu chercheras ce qui peut empêcher le transfert. Aelita va rester ici avec moi. On s’appelle toutes les deux heures, et ouvrez l’œil. S’il y a quoi que ce soit d’inhabituel...
_ Comme d’habitude, dit Odd avec un sourire charmeur. Après tout, on a vécu pire que ça, non ?
« J’aimerai en être aussi sûr » , pense Jérémie en regardant Aelita. Aelita, dans son corps humain dont elle n’a pas l’habitude. Dans un monde qu’elle ne connaît pas. Tant que Xana reste en activité, la matérialisation fait d’elle une proie facile aux attaques.
Sur Lyoko, Aelita sait de quoi se méfier, elle sait quels sont ses ennemis. Ici, elle ne sait rien. Ne connais rien.
_ Tu ne la laisse pas seule, n’est-ce pas ? Souffle-t-il à Yumi dans l’entrée, tandis que Odd et Ulrich se préparent à partir. Pas un seul instant, pas une seconde !
Yumi ne peu s’empêcher de ressentir une pointe d’exaspération. Elle voudrait lui dire « Mais tu ne vois pas ? Tu ne sens pas ? Aelita va mal, l’histoire du clochard l’a bouleversée, elle a besoin que tu la rassure et toi, tu ne songe qu’à Xana ! T’es aveugle ou quoi ? » Mais elle aurait tort, elle le sait.
_ C’est promis, Jérémie ! Chuchote-t-elle en souriant pour le rassurer.
Jérémie la remercie d’un mouvement de tête et courre rejoindre Ulrich et Odd qui sont déjà dans la rue, laissant les deux jeunes fille seules ensemble.
Yumi revient au salon et observe Aelita en silence. Celle-ci, un peu gênée d’être observer ainsi, se lève et se met à se promener entre les meuble du salon, observant tout, comme une visiteuse de musée.
_ C’est bien, chez toi. Murmure-t-elle. Vous avez beaucoup de livres. Jérémie m’a expliqué que c’était votre façon à vous d’avoir des banques de donnée.
_ Pas exactement, dit Yumi. Ça ce sont des romans.
_ Des romans, répète distraitement l’humanoïde en passant la main sur les couverture de la bibliothèque.
_ Des histoire... Pour se distraire...
_ Ah... fait Aelita en se rasseyant sur le canapé.
En temps normal, elle bombarderait Yumi de question sur la littérature et le concept de plaisir, mais pas aujourd’hui. Elle reste assise, avec un air malheureux.
_ Aelita, dit Yumi. A propos de ces policiers...
_ Ca va, répond Aelita. C’est fini.
Sa voix sonne faux. C’est la première fois qu’elle ment. Yumi croit bon d’insister un peu.
_ Si tu veux, on peut en parler.
_ Je n’ai pas envie d’en parler.
Yumi abandonne, mieux vaut ne pas la brusquer. Son amie n’a pas l’habitude d’éprouver des sentiment comme la colère, ou la déception. Elle a besoin de comprendre ce qui se passe en elle.
Odd, Ulrich et Jérémie remontent les rues à pied.
_ Tu crois que tu vas réussir à rétablir le programme de virtualisation ? Demande Ulrich.
_ Pour que je le rétablisse, grommèle Jérémie, il faudrait qu’il soit endommagé. Mais il est en parfait état de marche, ce fichu programme !
_ Ben alors, demande Odd. Qu’est-ce qui foire ?
_ Je vous l’ai dit : rien ! Je n’ai aucune idée de comment Xana a fait.
Ulrich et Odd se taisent, quand Jérémie se trouve confronté à un problème qu’il ne comprend pas, il ne vaut mieux pas l’asticoter. C’est en silence que les trois adolescents arrivent au collèges, en silence qu’il regagnent leur chambre. L’internat est désert, normal, pour un samedi soir, mais l’absence des bruits familier de musique et de bavardage dans les couloir semble soudain pesante, terriblement pesante, et accentue le sentiments d’amertumes de nos amis. Tous ces long couloir vide, d’habitude propice aux jeux et aux plaisanteries, ont soudain pris l’aspect d’un piège dont les garçons ne peuvent sortir tant qu’ils n’auront pas compris le sens de l’énigme qui s’offre à eux. Qu’est-ce que Xana cherche à faire ?
_ On a confiance en toi, Einstein, souffle Odd alors que Jérémie s’installe à son ordinateur.
Jérémie tourne le regard vers lui et sourit. Son premier sourire depuis la tentative ratée de transfert d’Aelita. Puis il se retourne vers l’écran, branche son ordinateur et commence à pianoter, sans rien ajouter. Ulrich et Odd le laissent et se rendent dans leur propre chambre.
_ Odd, dit soudain Ulrich, tu as oublié de fermer à clef en partant !
Non seulement leur porte n’est pas verrouillée, mais elle est entrouverte.
_ Oublié, répète Odd, non, je croyais que tu t’en chargeais.
Il dépasse Ulrich et pénètre précipitamment dans la chambre.
_ Kiwi, t’es là, mon chien ?
Mais à part l’habituel désordre, la chambre est déserte.
_ Ah, c’est malin, s’énerve Ulrich, il est allé se balader dehors ! Avec Jim qui rôde et Xana qui mijote, c’est vraiment pas le moment !
_ Relax, mon pote ! Sourit Odd, bien décidé à ne pas laisser l’ambiance maussade du climat le contaminer. Je vais le chercher.
_ Je viens avec toi, dit Ulrich.
_ Non. Reste ici, à disposition. Si l’Einstein a besoin d’aide, il en aura besoin immédiatement.
_ Tu crois ? Demande Ulrich.
_ T’inquiète ! Je pars pas en expédition sur l’Everest, je vais juste chercher mon chien dans le parc. Allez à plus, vieux.
Ulrich le regarde s’éloigner vers l’escalier avec une sensation étrange, comme un pressentiment qu’il n’arrive pas à définir. Un instant, il est pris de l’envie de courir après son ami pour le rattraper, ne pas le laisser seul. Mais il voit d’avance le sourire moqueur qui accueillerait son inquiétude et il préfère rester sur place, plutôt que de paraître ridicule.


Il fait bon dans le parc. Le soleil se couche, au loin, derrière les arbres. Odd sifflote, l’oreille tendue. Les couinement du chien lui répondent, quelque part au fond de la cours.
_ Kiwi ? Viens me voir, mon chien ! Viens voir ton copain !
Le chien couine, mais ne vient pas. Il semble effrayé par quelque chose. D’où il est, Odd ne le voit toujours pas, mais les couinement semblent venir du réfectoire.
_ Allons, Kiwi, c’est moi ! N’ai pas peur, dit-il d’une voix douce.

Non loin de là, à l’entrée du parc, Millie et Tammya reviennent de la fête foraine, les bras chargés de lots.
_ Que je suis contente, dit Millie, que ta mère t’ai laissée rester avec moi ! Un Week-End ici toute seule, j’aurais eu du mal.
Tammya rigole.
_ On s’est bien amusée, finalement. Tes parents ont bien fait de ne pas t’emmener à leur Week-end administratif. Eh ! Tu entends ?
Des aboiement furieux se sont soudains déclenchés dans le silence de la soirée. Ils semblent venir du collège.
_ C’est le chien de Odd, dit Tamya. Il est fou, il va se faire repérer.
Soudain, les aboiement s’interrompent et laissent place à un long cris plaintif. Au fond de la cours, Kiwi s’est mis à hurler à la mort.
_ Il se passe quelque chose ! Murmure Millie, angoissée.
Toutes deux se précipitent vers l’endroit d’ou vient le hurlement. Derrière le réfectoire, Kiwi pousse son gémissement plaintif. Odd est étendu au sol, près de lui. Millie et Tamya lâchent tous leur paquets sur le sol. Terrifiée, elles s’agenouille près du garçon.
_ Odd ? Appelle Millie d’une toute petite voix. Odd, tu nous entends ?
Mais Odd ne bouge pas. Il a les yeux fermés, le teint pâle et une respiration saccadée. Il ne semble rien entendre, ni les appels de Millie, ni les hurlement de Kiwi. Dans sa main, son téléphone portable affiche encore le début du numéro d’Ulrich. Il n’a pas eu le temps de finir de le composer.

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Ecrit par Tchoucky, le 28 juillet 2004

Épisode n°3 : Narcolepsie.

Entre les murs blancs de l’hôpital, Aelita se sent mal à l’aise. Le blanc, ce n’est pas une couleur naturelle. Le blanc, c’est le résultat de toutes les couleurs quand elles s’annulent entre elles, le néant. Pourquoi les humains soignent-ils leurs malades au milieu du néant ?
_ C’est ici, lui souffle Yumi en désignant une porte.
Aelita pénètre après elle dans une petite chambre exiguë et terne. Ulrich et Jérémie sont prés de la fenêtre, assis dans des fauteuils, ils se lèvent à l’entrée des filles. Ils sont tous deux aussi pâle que des fantômes. Sur un lit étroit, Odd est allongé, les yeux fermés. Il est à peine reconnaissable, lui si plein de vie d’ordinaire, allongé là comme un pantin à qui on aurait coupé les fils. Les quatre amis restent debout face à face un instant, sans mot dire. Que pourraient-ils se dire ?
Tremblante, Aelita contemple le gisant. L’eau coule sur ses joues, cette eau que Jérémie appelle les larmes. Elle songe à la fête foraine, il y a quelques heures à peine. Que ces instants d’insouciance et de plaisirs coûtent chers !
_ C’est ma faute. Murmure-t-elle.
Les autres sortent de leur torpeur pour se rassembler autour d’elle.
_ Mais non... Ne dis pas ça... Ce n’est la faute de personne...
_ Je n’aurais jamais dû quitter Lyoko.
Un sanglot la secoue.
_ Je n’aurais jamais du exister ! Si je n’existais pas, Xana serait débrancher depuis longtemps.
_ Ne dis pas ça ! Dit Jérémie désespéré.
D’un geste de la main, Yumi lui fait signe de rester à distance. Elle attire Aelita contre elle et l’entoure de ses bras pour qu’elle puisse pleurer tout à loisir.
_ C’est le stress et la fatigue, Aelita. C’est normal. Tu n’es pas habituée à rester matérialisée si longtemps.
Elle parle de nouveau d’une voix très douce, comme quand on s’adresse à un enfant ou à un petit animal effrayé. Les garçons observent les deux jeunes filles enlacées, sans faire un geste. Ulrich tourne le regard vers Odd. Lui aussi, il a le sentiment que c’est sa faute. S’il avait insisté, s’il avait accompagné son ami à la recherche de Kiwi...
_ Qu’est-ce qu’il a exactement ? Demande Yumi quand Aelita s’est un peu calmée.
Jérémie soupire.
_ Le médecin dit que son état est stationnaire. Il n’a rien voulu dire de plus.
_ Il est comme ça depuis que Millie et Tammya l’ont trouvé, dit Ulrich d’une voix éteinte.
Il joue avec le portable de Odd, posé sur la table de nuit.
_ Je vais trouver quelqu’un qui va nous en dire plus. Décide Yumi.
Elle se dirige vers la porte et l’entrouvre, mais la referme aussitôt.
_ Le proviseur arrive ! Avec le médecin.
En effet la porte s’ouvre, laissant place à un homme à barbe et cheveux gris. Le médecin chef, vêtu d’une blouse blanche, l’accompagne.
_ M’sieur l’directeur ! Saluent en chœur les adolescents.
_ L’heure des visites est terminée, jeunes gens, dit le médecin-chef d’un ton sévère. Je vous demanderais de nous laisser.
_ Mais... Commence Jérémie.
Le proviseur lui tapote l’épaule affectueusement.
_ Je conçois votre inquiétude, Jérémie, je sais qu’Odd est un très bon ami pour vous. Mais le médecin a raison. Vous devriez nous laisser. Ceci n’est pas un endroit pour vous.
Mais Yumi semble bien déterminée à rester.
_ Monsieur, demande-t-elle au médecin, poliment mais fermement, pouvez-vous nous dire ce qu’il a.
_ Mademoiselle Ishiyama, n’importunez pas le docteur. Vous aurez des nouvelles dès que possible. A présent, sortez, s’il vous plait.
Près de la table de nuit, Ulrich est soudain saisi d’une idée. Le portable de Odd est toujours dans sa main. Prestement, il y compose le numéro de Yumi et repose l’appareil sur la table de nuit. Personne n’a rien vu.
Contre sa jambe, Yumi sent que son téléphone s’est mis à vibrer. Elle croise le regard d’Ulrich, qui tente de lui faire comprendre par signe discret. Elle hoche imperceptiblement la tête et cesse d’insister auprès du médecin.
_ Vous avez raison, m’sieur le directeur. Nous allons partir.
_ Hein ? Fait Jérémie, stupéfait de voir son amie battre en retraite si facilement.
_ Discute pas, dit Ulrich. Allez, viens !
Il pousse son camarade hors de la chambre, tandis que Yumi entraîne Aelita, qui a observé la scène sans rien dire.
_ Qu’est-ce qui vous a pris ? Demande Jérémie une fois dehors. Comment voulez-vous qu’on aide Odd, si on ne comprend pas ce qui lui est arrivé ?
_ Chut, fait simplement Yumi.
Avisant la porte d’un placard à balais, elle y pousse ses compagnons, et y entre en fermant la porte. Là elle décroche son portable qui continue à vibrer et branche le haut-parleur pour que tout le monde puisse suivre la conversation.
_ ... Ne pouvez rien me dire de plus ? Fait la voix du proviseur.
_ Je suis désolé. Nous avons fait tous les tests possibles et imaginables. Nous n’avons rien trouvé qui permette d’expliquer l’état de léthargie. Nous avons là un garçon plein de santé qui est dans le coma sans aucune raison. Où sont ses parents ? .
_ A l’étranger, répondit le directeur, n’arrivons pas à les prévenir.
_ Faites-le sans tarder, répondit le médecin. Il faut que je sache s’il y a des précédents. Ce garçon n’a jamais souffert de narcolepsie ?
_ Odd ? Certainement pas ! Je ne connais pas d’enfant plus éveillé !
_ Alors, je ne comprends pas, dit la voix du médecin. Je ne comprends tout bonnement pas.
Yumi raccroche son portable. Ses compagnons et elle quittent leur cachette.
_ Il faut interroger Millie et Tammya. Elles ont peut-être vu quelque chose sans se rendre compte.
Jérémie hoche la tête. Il est dubitatif, mais il faut bien tenter de comprendre.
_ Ulrich et moi, on va s’en charger. Mais d’abord, nous vous raccompagnons chez toi, Yumi. Il ne faut pas qu’on se sépare.
Mais Aelita hoche la tête.*
_ Mieux vaut ne pas perdre de temps. Yumi et moi nous allons rentrer et vous, vous allez interroger Millie et Tammya.
_ Mais, Aelita...
_ Non, Jérémie, l’interrompt doucement, mais fermement l’humanoïde. Odd est en danger, et il faut qu’on sache la nature de ce danger. C’est tout aussi important que ma sécurité.
_ Elle a raison, dit Yumi. Courrez, interrogez Millie et Tammya.
Jérémie tourne les yeux vers Ulrich et voit que celui-ci approuve les deux autres.
_ Bien. Nous faisons aussi vite que possible.
Les garçons s’éloignent. Yumi passe le bras autour des épaules de l’humanoïde et l’entraîne hors de l’hôpital trop blanc.
Au dehors, la nuit était tombée rapidement. Un peu trop rapidement au goût de Yumi qui sent soudain peser sur ses épaules sa responsabilité de garde du corps d’Aelita. Elle s’efforce de ne pas paraître nerveuse, ne voulant pas inquiéter son amie, qui a l’air bouleversée.
_ Ca va ? Lui demande-t-elle.
_ Non, répond l’humanoïde, ce qui est l’expression exacte de la vérité.
Yumi resserre autour d’elle la pression de ses bras et sourit.
_ Yumi, dit Aelita. Quand j’ai dit que votre monde était injuste...
_ C’était très compréhensible. Lui répond Yumi, un peu embarrassée d’avoir à parler de ça dans un moment pareil.
L’humanoïde inspire. Cherche comment exprimer ce qu’elle ressent.
_ Je suis différente, Yumi.
_ Bien sûr que tu es différente. Tu n’as pas encore l’habitude de notre monde...
_ Non, tu ne comprends pas. Je suis vraiment différente. Il y a des choses que je ne peux pas voir, que je ne peux pas accepter...
Elles se sont arrêtées à une station d’autobus, Yumi toujours serrant les épaules d’Aelita.
_ Yumi, je me demande si ce n’est pas moi, et moi seule qui bloque le transfert.
_ Que veux-tu dire ?
Aelita tremble, pourtant elle n’a pas froid. Yumi se serre d’avantage contre elle.
_ Essaye de m’expliquer, Aelita, on se sent toujours mieux quand on parle.
_ Avant, ma force, c’était de pouvoir vous faire confiance...
_ Et maintenant tu n’as plus confiance en nous ?
_ Je ne sais plus... Je ne sais plus...
Ce sont des sanglots maintenant qui la secoue, elle ne sait pas comment les retenir. Mais Yumi est calme. Elle répète d’une voix douce.
_ Tu n’as plus confiance en nous parce que nous ne sommes pas intervenus contre ces policiers, c’est ça ? Et tu penses que c’est à cause de ça que le transfert ne se fait pas.
Même sans rien connaître à l’informatique, Yumi se rend bien compte à quel point ce raisonnement est absurde. Mais ce n’est pas à elle de le dire. Il faut qu’Aelita s’en rende compte d’elle-même.
_ Je voudrais qu’on retourne à l’usine, Yumi.
_ A cette heure ? Je ne crois pas que ce serait prudent.
_ Il faut que je sache, Yumi. Il faut qu’on réessaye le transfert.
_ Sans Jérémie ?
_ Je t’expliquerais tout. S’il te plait, Yumi.
Yumi imagine sans peine quelle serait la réaction de Jérémie si elle acceptait. Elle se rend aussi compte du risque qu’il y a, vu les circonstances actuelles, à se promener dans une usine désaffectée la nuit.
_ Je ne sais pas, Aelita. Je ne sais vraiment pas. Je sais que c’est important, mais...
_ Si le transfert ne marche pas, nous saurons que ce n’est pas moi qui le bloque. S’il marche, je pourrais désactiver la tour et sauver Odd.
Ce dernier argument fait fléchir Yumi. Elle n’a pas oublié la vision de Odd étendu sur le lit d’hôpital comme un jouet cassé. Et si Aelita avait raison, après tout ? Si le traumatisme laissé par l’aventure avec les policiers était responsable du blocage ?
_ D’accord, Aelita. Allons affronter tes démons.
Les deux jeunes filles s’éloignent de la station de bus et se faufilent dans les rues jusqu’à l’usine. Aelita frissonne. Dans l’ombre de la nuit, l’usine semble plus fantomatique que jamais. Sa silhouette noire pourrait passer pour la carcasse d’un bateau échoué au milieu du fleuve.
Yumi emmène son amie à l’intérieur et toutes deux descendent au laboratoire secret. Aelita s’installe devant les écrans et programme toutes les données nécessaires à son transfert.
_ C’est bon. Quand je serais dans le scanner, tu n’auras plus qu’à appuyer sur « Entrée » et le programme se déclenchera automatiquement.
_ J’espère que tu as raison.
Avant de disparaître dans l’ascenseur, l’humanoïde sourit à son amie.
_ Merci, Yumi. Merci d’avoir accepté.
_ Jérémie va m’en vouloir à mort de t’avoir emmenée ici au lieu de te conduire en sécurité chez moi. Murmure Yumi.
Mais Aelita n’a pas entendu. La porte de l’ascenseur se referme sur elle.
Yumi s’installe devant les écrans, non sans une certaine appréhension. Chaque fois qu’elle s’est installée à ce poste à la place de Jérémie, elle a commis une erreur.
La première fois, ce n’était pas trop grave. Odd et Ulrich avaient juste atterris au mauvais endroit. La deuxième fois par contre, Jérémie s’est retrouvé coincé entre Lyoko et le monde réel. Il a bien failli disparaître.
_ Yumi, fait la voix de l’humanoïde dans les écouteurs, je suis en place.
_ Bien, marmonne la jeune fille, allons-y. Transfert Aelita.
Elle appuie sur le bouton et attend. Rien ne se passe.
_ Bon. C’est raté, Aelita. Je suis désolée.
_ Pas encore. Réessaye.
En soupirant, Yumi ré appuie sur la touche « Entrée ». Aucun résultat.
_ Tu vois Aelita. Ce n’est pas toi qui bloque le transfert.
_ Réessayons, s’il te plaît. Une dernière fois.
Yumi s’exécute. Soudain un message vient s’afficher sur l’écran. Pendant un quart de seconde, Yumi croit que le transfert se déclenche enfin, mais non. Les mots qu’elle lit sont : « Anomalie, porte du scanner ouverte ». Et la voix d’Aelita se met à raisonner dans les écouteurs.
_ Yumi ! Yumi, au secours !
_ Aelita ! Qu’est-ce qui se passe ?
Un déclic. La communication est coupée. La jeune fille se lève précipitamment de son siège et court vers l’ascenseur. La cabine est encore à l’étage en dessous. Yumi l’entend qui se met lentement en marche à son appel.
« Plus vite ! Dépêche ! Dépêche ! »
La cabine atteint le niveau du laboratoire avec une lenteur exaspérante. Les porte s’ouvrent. L’adolescente se précipite dedans et presse la manette du boîtier de commande avec tant d’intensité que c’est à peine si son poing ne passe pas à travers le mur.
La cabine redescend.
_ Aelita ! Appelle Yumi. Aelita !
Les portes s’ouvrent sur la salle des scanners. Elle est vide.
_ Aelita ! Où es-tu ? Répond, s’il te plait ! Aelita !
Mais les trois scanners sont ouverts, et il n’y a plus personne dans la salle. Plus personne que Yumi, qui hurle désespérément.
_ Aelita ! Aelita ! AELITAAAAA !

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Ecrit par Tchoucky, le 29 juillet 2004

Episode n°4 : Et un, et deux, et trois de moins...

Ulrich et Yumi courent de plateau en plateau, à travers le décor rocheux du territoire des montagnes. Ils s’efforcent de ne pas penser, se contentant de chercher.
_ On va essayer à trois degrés plus au sud, annonce Jérémie dans le haut-parleur.
Les deux combattants virtuels disparaissent aussitôt de l’endroit où ils sont pour réapparaître un peu plus loin.
_ C’est le dernier territoire, Jérémie. Dit Ulrich. Si elle n’est pas ici, c’est qu’elle n’est pas sur Lyoko.
_ Ce n’est pas possible ! Le coupe Jérémie d’un ton catégorique. Elle y est forcément.
Yumi ne dit rien. Elle se contente de courir et de scruter autant qu’elle peu les reliefs tout en se répétant : « C’est juste un cauchemar. Un horrible cauchemar. Je vais me réveiller et tout ira bien ensuite. » Ulrich lui jette de temps en temps des regards inquiets. Elle lui sourit pour le rassurer, mais elle sait qu’elle ne trompera personne.
« S’il te plaît, Yumi, retournons à l’usine ! »
« Non, Aelita, ce n’est pas prudent. Nous irons à l’usine demain, quand les garçons seront là. »
C’est ce qu’il fallait répondre. Pourquoi s’est-elle laissé attendrir ?
Devant ses écrans, Jérémie se répète. « C’est un plan. Un plan bien conçu. Si « Il » l’a capturée, il doit l’avoir gardé vivante. C’est ça, « Il » doit avoir un plan qui l’oblige à la garder vivante. »
_ Toujours rien dans ce périmètre-ci, annonce la voix d’Ulrich dans les écouteurs.
_Bon, je vous déplace encore.
Mais au moment ou il s’apprête à entrer les coordonnée, il sursaute. Un bruit derrière lui l’a alerté. Il se retourne. Il n’y a personne dans le laboratoire.
_ Jérémie, qu’est-ce que tu fabrique ?
_ J’aurais juré entendre un pas... Bah, ce n’est rien.
Il veut se pencher sur son clavier, mais constate que Kiwi, qui dormait à ses pieds, s’est redressé et gronde.
_ Kiwi, qu’est-ce qu’il y a ? Tu vois bien qu’il n’y a personne.
Mais le chien, hérissé, ne quitte pas son attitude défensive. Jérémie frissonne.
_ Ulrich, Yumi, on continuera les recherches plus tard. Je vous ramène dans la réalité.
_ Quoi ? Tu es sûr ?
_ Écoutez, je sais que ça va vous paraître bizarre, mais je suis sûr que je ne suis plus seul dans le labo. Kiwi a l’air de ressentir la même chose que moi.
_ Alors ramène-nous immédiatement ! S’écrie Yumi.
Prestement, Jérémie tape le code de dévirtualisation. Il entend à l’étage du dessous les portes des scanners qui s’ouvrent. Kiwi gronde toujours aussi fort. Jérémie cherche autour de lui quelque chose qui puisse lui servir d’arme, mais il n’y a rien.
La porte de l’ascenseur s’ouvre, livrant passage à Ulrich et Yumi. A peine sont-ils entrée que Kiwi cesse immédiatement de grogner. Il s’allonge sur le coté et se rendort.
Jérémie et ses amis restent un instant immobiles, sur la défensive. Mais comme rien ne se passe, Jérémie donne un coup de pied furieux à son fauteuil.
_ Ce satané clébard m’a fait peur pour rien. Et maintenant que je vous ai ramené, impossible de vous renvoyer sur Lyoko avant plusieurs heures.
Yumi consulte sa montre.
_ Il est une heure du matin. Je crois qu’on ne pourra rien faire de plus aujourd’hui. Mieux vaudrait aller se reposer.
Ulrich hoche la tête.
_ Elle a raison, Jérémie. Mieux vaut rentrer.
_ Allez-y. Grommèle Jérémie. Je vais mettre au point un programme pour essayer de localiser Aelita dans Lyoko. Je vous rejoins.
_ Ne reste pas seul dans cette usine ! Supplie Yumi, d’une voix sans timbre.
_ Je vais rester avec lui. Dit Ulrich. Toi, rentres chez toi. Tu en as besoin.
_B... Bien. Dit Yumi.
Elle voudrait protester, mais elle est vraiment épuisée.
_ Je t’accompagne jusque là-haut, dit Ulrich en pénétrant dans l’ascenseur avec elle.
Devant les écrans, Jérémie s’est déjà remis à pianoter. C’est à peine s’il remarque que la porte se referme sur eux.
_ Comment tu vas ? Demande Ulrich à Yumi, une fois qu’ils sont seuls dans l’ascenseur.
_ Pas fort.
Timidement, il lui saisit la main et la garde serrée dans la sienne.
_ Ce n’est pas ta faute.
_ J’aimerais en être aussi sûre.
C’est elle qui tremble maintenant, plus fort qu’Aelita, il y a quelques heures. Aelita qu’elle était chargée de protéger.
_ Tu n’as pas vu le regard que Jérémie m’a lancé, quand vous êtes venu me rejoindre ?
_ Ca va lui passer.
_ Non. Jamais il me pardonnera ça. Jamais. Et moi non plus, je ne me le pardonnerais jamais.
_ Chut ! Tout ira mieux demain, tu vas voir.
L’ascenseur s’arrête au niveau de la salle cathédrale.
_ Merci, Ulrich. Merci d’être là.
_ Ce n’est pas grand chose.
Yumi sort de la cabine, fait quelque pas en direction de la sortie, puis soudain fait volte face, revient vers Ulrich et l’embrasse fougueusement. Le garçon tressaille et rougit, il n’est pas dans les habitudes de Yumi d’être si démonstrative, mais il passe ses bras autour d’elle et la laisse s’épancher.
Puis, sans mot dire, elle se détache et s’en va, vers la sortie, sans rien ajouter. Ce qu’elle aurait à lui dire, elle est incapable de l’exprimer autrement que comme elle vient de le faire. Rouge et confus, Ulrich la regarde s’éloigner, et sortir de l’usine. Il se sent un peu assommé.
Il redescend au sous-sol. Jérémie, toujours à son clavier, se lève en sursaut à son approche.
_ Du calme, vieux, ce n’est que moi.
_ Désolé. Xana joue avec nos nerfs. Ce n’est pas le genre d’attaque qu’il lance, d’habitude.
_ Je sais. Il prend son temps. Et le plus étrange, c’est que Xana n’a pas cherché à tuer Odd. Son état est stationnaire.
_ S’il ne cherche pas à nous tuer, je ne comprends pas ce qu’il veut. Et puis il n’y a pas que ça...
_ Quoi d’autre ?
_ J’ai l’impression qu’à part la tour activée, il n’y a aucun signe de Xana sur Lyoko. Il est parfaitement immobile.
Ulrich ne répond rien. Il regarde Jérémie travailler en silence. Enfin, celui-ci se lève.
_ C’est fini. On peu rentrer.
Les deux amis quittent le laboratoire et sortent de l’usine. Dehors, tout est silencieux. Un ciel d’étoile immobile surplombe la ville sombre. Il fait froid. Fatigués par les émotions, les garçons se dirigent vers l’entrée du tunnel qui les ramènera au collège. Soudain, la sonnerie du portable d’Ulrich retentit dans le calme de la nuit. Il décroche.
_ Oui ?
_ Ulrich... fait la voix de Yumi.
Ulrich attend la suite de la phrase. Elle ne vient pas. Yumi s’est tue.
_ Yumi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
A l’autre bout du fil, c’est le silence. Yumi ne dit plus rien.
_ Yumi ? Tu m’entends, Yumi ? Allô ? Allô ?
Rien. Ulrich regarde Jérémie qui lui rend son regard. Sans avoir échangé une phrase, ils s’éloignent du souterrain et se mettent à courir, d’un même mouvement vers la rue qui remonte jusque chez Yumi.
Devant la maison, M. et Mme Ishiyama s’affaire auprès d’une silhouette étendue. M. Ishiyama parle dans son téléphone.
_ Oui, nous venons de la trouver. Non, elle ne paraît pas nous entendre. Elle respire. Son pouls semble normal. Oui, nous vous attendons.
_ Yumi ? Tu nous entends ? Yumi ? Demande Madame Ishiyama à la forme étendue. Si tu nous entends, essaye de bouger.
Ulrich et Jérémie se sont arrêtés à distance. Ils observent, dissimulés par l’ombre.
_ Viens, Ulrich. Dit Jérémie en saisissant son ami par le bras. On ne peut plus rien.
Comme un somnambule, Ulrich se laisse entraîner vers le collège.
_ Qu’est-ce qu’elle a eu le temps de te dire, au téléphone. Demande Jérémie à voix basse.
_ Ulrich. Répond le garçon d’une voix sans timbre.
_ C’est tout ?
_ Juste Ulrich.
Ils s’éloignent côte à côte, Kiwi trottinant derrière eux. Tapie dans l’ombre, quelque chose les regarde partir. Rien ne presse. Ils sont si petits. Si impuissants. Rien ne presse. Qu’ils rentrent se reposer. Cela ne leur servira de rien d’être plus reposés...


Un rayon de lumière chaude caresse le visage d’Aelita, l’arrachant au doux refuge des rêves et du sommeil. Elle ouvre les yeux en sentant sous son dos le contact froid et dur du béton. Elle est gelée. Sa tête lui fait mal. Elle a une sensation désagréable dans l’estomac, et une autre dans la gorge.
« Faim... Soif.... Où suis-je ? »
Elle se lève, secoue ses jambes endolories et observe la pièce où elle est enfermée. C’est un réduit étroit, encombrée de vieilles pièces de métal rouillées. La lumière tombe d’une verrière au plafond, trop haute pour qu’Aelita puisse l’atteindre et regarder où elle se trouve. De la poussière recouvre le sol ou elle était allongée.
Prise au piège, comme une mouche dans une boite.
Seule certitude, c’est le matin, 8h ou 9h, et elle est toujours dans l’usine. Mais dans une partie de l’usine que ni elle, ni ses amis n’ont jamais explorés. Ce réduit devait servir d’annexe aux entrepôts. Pourquoi est-elle ici ? Au lieu de chercher à la détruire, « Il » la retient prisonnière.
Elle s’assied sur le sol et ramène ses genoux endoloris et poussiéreux contre sa poitrine.
« Jérémie et les autres vont venir me délivrer. J’en suis sûre. »

Ulrich, épuisé, est arraché au sommeil par la lourde poigne de Jim, le surveillant. Il lui faut quelque seconde pour reprendre ses esprits et comprendre ce qu’il fait, allongé sur un matelas dans la chambre de Jérémie. Le souvenir des événements de la nuit précédente lui reviennent. Odd. Aelita. Yumi. Il tourne ses yeux fatigués vers Jérémie, qui s’est redressé sur son lit, lui aussi réveillé par Jim. Le blondinet a les traits tirés et le teint pâle.
Penché sur eux, Jim s’impatiente. C’est un homme rubicond, à l’allure débraillée et toujours en rogne. Sous cette allure se cache une personnalité généreuse et compatissante. En trouvant ce matin les deux garçons dans la même chambre, il a eu le cœur serré. C’est sûr, il est dur de dormir seul, après ce qui est arrivé à Odd. Mais Jim n’est pas venu pour s’attendrir, il a une mission difficile à assumer et cela n’arrange pas son caractère.
_ Bon allez, habillez-vous tous les deux, le directeur vous attend.
Dans le dos du surveillant, Ulrich et Jérémie échangent un regard. Ils savent qu’on les convoque pour leur annoncer ce qui est arrivé à Yumi. Il va falloir encore mentir, donner l’impression qu’ils l’apprennent pour la première fois, et répondre aux questions... D’avance, Jérémie se sent déjà fatigué. Il en a tellement assez de tous ces mensonges, toutes ces confrontations. Aelita n’est plus là pour l’aider à tenir. Aelita a disparu.
Ulrich, qui semble avoir plus de volonté, a déjà enfilé ses vêtements. Il lui fait un sourire encourageant. Il faut l’imiter, mettre son pull, son pantalon. Jérémie a le sentiment que tous ses membres sont en plomb. Par bonheur, malgré son air renfrogner, Jim ne s’exaspère pas de sa lenteur. Il attend que le petit blond à la tête ronde ait finit de se préparer, les bras croisés, adossé contre le chambranle de la porte. Son regard est plus sombre que jamais.
Quelques instant plus tard, le surveillant pousse les deux garçons dans le bureau du directeur.
_ Asseyez-vous, Messieurs, leur dits celui-ci avec une douceur inhabituelle.
Ulrich et Jérémie se laissent tomber sur les fauteuils qui leur sont tendus par Mme Bonpoil, la secrétaire.
_ Ulrich, Jérémie, j’ai reçu ce matin un appel de M. Ishiyama. Yumi a été hospitalisée cette nuit avec les même symptômes que Odd.
Ulrich est stupéfait par la facilité qu’il a à paraître bouleversé par la nouvelle. Mais à vrai dire, il n’a pas besoin de faire semblant.
_ Comment va-t-elle ? Demande Jérémie.
_ Son état est stationnaire, mais les médecins n’arrivent pas à déterminer la cause du mal. Ils auraient besoin de savoir ce qu’Odd et Yumi ont pu faire hier, ce qu’ils ont pu toucher qui les aurait mis dans cet état. Vous souvenez-vous de quelque chose qui pourrait les aider ? Le moindre détail compte.
D’un même mouvement, Ulrich et Jérémie secouent la tête.
_ Nous avons été à la fête foraine. Puis Yumi est rentrée chez elle, et nous au collège. Dit Jérémie.
Sa voix est un peu tremblante, mais il soutient sans ciller le regard du directeur. Ulrich opine du chef.
_ Autre chose. Quand je vous ai vu à l’hôpital, hier, il y avait une autre jeune fille avec vous. Cette jeune fille, pouvez vous nous dire qui elle est ?
Jérémie essaie de répondre, mais sa voix se perd. C’est Ulrich qui intervient précipitamment.
_ C’est une amie de Yumi. Nous ne la connaissons pas. Nous l’avons rencontré hier pour la première fois.
Le directeur plisse le front, soucieux.
_ Cette jeune fille, Aleta, je crois, devait passer la nuit chez les Ishiyama. Elle a disparu. Nous devons l’identifier à tout prix. Voyez-vous, si vos amis ont été exposés à une toxine quelconque, vous y avez peut-être été exposé vous-même, et cette jeune fille également.
_ Je regrette, Monsieur, répond Ulrich d’une voix ferme, mais nous ne savons que son prénom. Seule Yumi pourrait vous renseigner.
_ J’ai bien peur, mon garçon, que Yumi ne soit pas en état de donner quelque renseignement que ce soit.
Ulrich tremble. « Pardon, Yumi. Pardon. » Il aurait suffit qu’il l’accompagne... Mais non. S’il était parti avec Yumi, le mal du sommeil serait tombé sur Jérémie, il en est sûr à présent. Qu’auraient-ils pu faire, sans Jérémie ?
_ Vous comprenez également, ajoute le directeur, que nous devons veiller tout particulièrement sur vous, nous assurer que vous ne présentez aucun symptôme semblable à ceux de vos amis. Ces pourquoi je vais vous demander de ne pas quitter l’enceinte du collège, et de ne pas sortir de vos chambres sans surveillance.
_ C’est... Vraiment nécessaire, M’sieur ? Demande Jérémie.
_ Indispensable, jeune homme.
Tandis que le directeur continue à leur expliquer toutes les précautions qu’ils doivent prendre jusqu’à ce qu’on ait compris la cause du mal, Ulrich jette un regard en coin à son ami. Le cerveau de la bande, le petit génie. « Rien ne doit arriver à Jérémie, lui seul peut trouver le moyen de sauver les autres. Rien n’arrivera à Jérémie. Odd, Yumi, Aelita, je vous le promets. »


Le soleil est au zénith, au-dessus de la verrière, quand Aelita entends tourner la serrure de la porte qui la retient enfermée. Elle s’en éloigne prestement et va se blottir dans un coin. Elle ne veut pas « qu’Il » l’approche.
La porte s’entrebâille. « Il » pénètre dans la pièce en prenant soin de la verrouiller derrière lui. « Il » tient à la main deux sac en papier d’où se dégage une odeur de nourriture chaude qui fait tourner la tête de la prisonnière. Mais elle ne bouge pas du coin où elle s’est réfugiée. « Il » pose l’un des deux sacs au milieu de la pièce et va s’asseoir dans l’autre coin.
_ Mange. Dit-« Il » d’une voix douce. Ce corps humain est si douloureux et lourd, quand il manque de nourriture.
Mais Aelita ne bouge pas. « Lui » a déjà sortit du sac une cuisse de poulet rôti et mords dedans à belles dents.
_ Je comprends, soupire-t-il, pourquoi les humains sont des créatures si peu logiques. Toutes ces sensations encombrantes. Toutes ces impressions qui obscurcissent le jugement. Regarde-toi. Tu es certainement le programme le plus parfait qui ait jamais été conçu dans le supercalculateur, le seul dont je n’ai pas réussi à m’emparer, et qu’es-tu maintenant que tu es matérialisée ? Tu tremble de faim, de froid. Tu n’arrive plus à avoir de pensée concrète.
C’est vrai. Aelita se sent l’esprit engourdi. Elle est là depuis des heures, sa foi en l’arrivée salutaire de ses amis diminue de minute en minute.
_ Mange. Dit-« Il » encore. Si j’avais voulu te détruire, je l’aurais déjà fait. Cela fait des heures que tu es à ma merci.
Aelita doit bien se plier à la logique de ce raisonnement. Prudemment, elle va chercher le deuxième sac de nourriture au milieu de la pièce retourne dans son coin, et se met à manger avidement.
_ Ca ira mieux ainsi. J’ai bien peur de devoir te retenir ici quelque temps, donc mieux vaut pour toi que tu économise tes forces.
Aelita l’observe. « Il » a de longs cheveux noirs, et un visage très fin, très beau. Il dissimule ses yeux derrière une paire de lunette de soleil et sa longue silhouette dans un imperméable. Il mange avec désinvolture.
_ Pourquoi ? Demande-t-elle en rassemblant son courage. Pourquoi me retiens-tu ici ? Pourquoi ne me détruis-tu pas ?
Il lui sourit. Un sourire doux qui n’a rien du sourire sarcastique d’un ennemi.
_ Pourquoi te détruirais-je, puisque je t’ai réduit à l’impuissance ? Quel besoin ai-je de te tuer ? Ou de tuer tes amis ? Je ne détruis que les obstacles qui se mettent en travers de ma route.
_ Qu’est-ce que tu as fais aux autres ? Demande Aelita d’une voix inquiète.
_ Rien. Absolument rien. Ils dorment, voilà tout. Ils vont dormir jusqu’à ce que ce soit fini.
_ Quoi, fini ? Qu’est-ce qui doit être fini ? Tu as utilisé la tour pour te matérialiser ! Pourquoi ? Quel est ton but dans tout ça ?
« Il » secoue la tête.
_ Mon but est le même que d’ordinaire. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre ton obstination à me faire échouer.
_ Ton but est de détruire la vie humaine ! Tu voudrais que je te laisse faire !
_ La destruction de l’humanité n’est qu’une étape nécessaire à la construction d’un monde meilleur, régit par l’ordre, l’équilibre et la logique. Un monde à notre image Aelita !
Aelita écarquille les yeux, ouvre la bouche pour protester, mais « Il » ne lui en laisse pas le temps.
_ Je sais. Tu es attachée à ces quatre humains. Mais tu l’as constaté toi-même, ils sont différents de toi. Ils sont imparfaits, et mesquin. Leur jeunesse les rend courageux et drôles, mais ils vieilliront, et ils deviendront tout ce que les humains deviennent en vieillissant. Mesquins. Lâches.
_ Pas eux !
_ Eux comme tous les autres ! Et toi aussi, si tu décide de devenir humain. Le temps agit ainsi sur les humains. Tu n’es pas faite pour ce monde-là, Aelita. Tu n’es pas comme eux. Tu es comme moi, un être parfait.
_ Je ne suis pas comme toi, Xana.
_ Bien sûr que si ! Nous sommes les deux pôles d’une même unité. Tu es la force créatrice. Moi la force destructrice. Nous nous équilibrons parfaitement. C’est à mon côté que tu devrais te battre. Après tout, nous sommes frère et sœur.
_ Je ne suis pas comme toi.
_ Tu es plus semblable à moi que tu n’es semblable à Jérémie. Vois.
Écartant les pans de son imperméable, « Il » en tire une série de journaux qu’il étale devant l’humanoïde aux cheveux roses.
_ Regarde. « Licenciements en masse dans la haute Garonne, le chômage atteint des taux irréversibles », « La guerre fait des ravages en extrême Orient? », « Nouvelle escroquerie à l’humanitaire«. Te rends-tu compte du monde pour lequel tu risque ta vie tous les jours ?
Aelita voudrait détourner les yeux, mais elle n’y parvient pas. Devant elle s’étalent des images d’enfants mutilés par la guerre. Ses yeux s’emplissent d’eau, mais elle ne s’en étonne pas. C’est devenu une sensation si familière, à présent.
_ Tu vois, dit-« Il », tu vois combien ce monde doit coûter de larmes aux anges.
_ Et que m’offres-tu en échange ? Un désert vide ?
_ Si tu te rangeais à mon côté, une fois éliminés tous ces parasites avec leur pollution, nous pourrons créer de nouvelles formes de vie. Des créatures parfaites. Comme nous.
_ Jamais... murmure faiblement Aelita.
_ Crois-tu ? Je vais te laisser réfléchir à la question. Dans quelque sens que tu tourne le problème, tu te rendras bien compte que ta place n’est pas dans ce monde, mais dans le mien.
Et lentement, d’un pas lent, il s’éloigne vers la porte et quitte la pièce, laissant l’humanoïde seule et confuse.


A suivre.

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Ecrit par Tchoucky, le 29 juillet 2004

Épisode n°5 : Le pouvoir de créer.

_ Ulrich ! Ulrich ! S’écrie soudain Jérémie, tout bas pour que Jim, qui fait les cent pas dans le couloir, ne puisse pas entendre.
Ulrich, qui, allongé sur le lit de Jérémie, Kiwi dans les bras, s’absorbait dans la contemplation du plafond, se redresse d’un coup.
_ Qu’est-ce qu’il y a ? Du nouveau ?
_ Je crois que j’ai localisé Aelita ?
_ Où ? Sur Lyoko ?
_ Non. Sur terre. Dans l’usine !
Ulrich le rejoint derrière l’ordinateur et se penche par-dessus son épaule pour regarder l’écran. Le petit génie explique.
_ J’ai réussi à copier depuis les ordinateurs du labo, les enregistrements vidéo des caméras de surveillances de l’usine. Tiens, là, c’était à 21h28.
Sur l’écran, devant les garçons, apparaît l’image du vieux monte-charge qui mène au laboratoire secret. Deux jeunes filles entrent par la gauche, et y prennent place.
_ Yumi, murmure Ulrich.
_ Et Aelita. Maintenant regarde.
Une fois dans l’ascenseur, Yumi actionne la manette du boîtier de commande. Le rideau du monte-charge descend lentement sur Aelita et elle. Soudain, l’image tressaute et disparaît, laissant place à un écran de neige.
_ Bon. J’accélère la vidéo, jusqu’au moment où ça reprend.
L’écran de neige demeure quelques instants, puis l’image réapparaît. Yumi sort de l’ascenseur, seule, son portable à la main, une expression d’effroi sur le visage.
_ 22h01. C’est l’heure ou Yumi nous a appelé pour nous annoncer la disparition d’Aelita. Qu’en dis-tu ?
_ Que, soit il s’agit d’une stupide coïncidence, et dans ce cas-là, moi je suis Michael Jackson, soit il s’est passé quelque chose entre 21h30 et 22h01 que nous ne devions pas voir. Dans les deux cas, je ne vois pas ce qui te permet de conclure qu’Aelita est toujours dans l’usine.
_ Ce n’est pas la seule caméra à avoir eu une panne durant ce laps de temps. Elles se sont toutes arrêtées.
_ Eh bien ?
_ Eh bien, Aelita a disparu durant cette demi-heure là. Si elle avait été emmenée hors de l’usine, elle ne serait passée que devant trois caméras, celle du monte-charge, celle de la salle cathédrale et celle du pont. Pourquoi alors, avoir saboté toutes les caméras ?
_ C’est peut-être le genre de raisonnement que Xana espérait que tu fasses.
_ Pourquoi ? Où serait son intérêt ? Non. Si toutes les caméras ont été coupées, c’est parce qu’Aelita a été emmenée à l’intérieur de l’usine.
Les yeux de Jérémie se sont mis à briller derrière ses lunettes. Ulrich voudrait bien partager son enthousiasme, mais il n’y parvient pas.
_ Jérémie, murmure-t-il, as-tu envisagé qu’Aelita pourrait être...
_ Non. Le coupe sèchement Jérémie. Non, je ne l’envisage pas. Parce que si c’était le cas...
Il frissonne d’évoquer l’insupportable hypothèse.
_ Si c’était le cas, Ulrich, ça voudrait dire que tout est perdu. Et ça, je ne peux pas l’envisager.
Ils se taisent. Jérémie a ramené la vidéo au début, sans raison apparente. Sans doute simplement pour le plaisir de voir Aelita saine et sauve sur l’écran.
Ulrich, en tout cas, observe la sombre silhouette de Yumi, et se perd dans sa contemplation. Ca a quelque chose de réconfortant de la voir debout, éveillée, vivante, et de douloureux en même temps.
_ Il faut qu’on retourne à l’usine, conclut Jérémie.
Ulrich hoche la tête.
_ Comment on fait, pour Jim ? On est consignés, je te rappelle.
Jérémie tourne les yeux vers Kiwi, qui s’est endormi sur le tapis.
_ Mon vieux Kiwi, encore une fois, il va falloir que tu sauves la situation.


Restée seule dans le petit réduit qui lui sert de geôle, Aelita n’a pas remué d’un pouce. Son regard vert est fixé inexorablement sur les coupures de presse étalée devant elle. La guerre, l’horreur, jetée tout entière à sa figure d’innocente humanoïde. Elle entend raisonner dans ses oreilles les paroles qu’ « Il » a prononcé. « Ils sont imparfaits, mesquins. » « Ils vieilliront. Ils deviendront tout ce que les humains deviennent en vieillissant. » « Lâches. »
_ C’est faux, dit-elle à voix haute.
Mais une part d’elle-même sait que c’est vrai. « Et toi aussi, si tu t’obstine à devenir humaine. »
« Aucun d’entre eux ne s’est levé pour aller défendre ce clochard, se rappelle-t-elle. Pas même Odd. Pas même Yumi. Aucun. Et, Jérémie... Jérémie m’a dit de me rasseoir. »
Elle pleure à présent sans retenue. Elle pleure parce qu’elle veut pleurer. Qu’elle n’a rien d’autre à faire que pleurer. Pourquoi ses amis ont-ils été si lâches, et pourquoi « Lui » lui parle-t-il si raisonnablement soudain ?
Une lueur rouge d’alarme s’allume dans son esprit. « Danger. Danger. Je perds mes repères. « Il » m’embrouille. Je me mets à en vouloir à mes amis, et à croire en « Lui ». » Mais elle ne sait plus si elle peut croire à ses sens. Elle ne sait même plus en quoi elle peut croire.
« Une certitude. Si je reste là, sa prisonnière, je vais devenir folle. Il faut que je sorte. »
Sortir d’ici ? Impossible. Tout est clos. Mais elle a trouvé la pensée qui résiste à l’attaque de Xana. « Sortir d’ici. Sortir d’ici. »
Elle tourne en rond au milieu des débris de métal rouillé, lève la tête. La verrière est ancienne. Elle semble fragile. Facile à briser. S’il était possible de l’atteindre...
« Pour sortir d’ici, il me faudrait une échelle. Seulement, je n’en ai pas. »
Elle s’oblige à continuer, à scruter dans tous les coins, à examiner chaque détritus de machine.
« Je n’ai pas d’échelle. Par contre... Par contre, j’ai de quoi en fabriquer une. »
Et à nouveau, cette sensation de glace au creux du ventre, cette sainte peur qui l’a saisie lorsque Jérémie lui a demandé de dessiner.
_ Je ne peux pas... gémit-elle tout haut. Je ne peux pas, Jérémie !
Mais une autre voix, une voix intransigeante s’est réveillée en elle.
« Si, tu peux. Tu peux et tu dois. Tes amis ont besoin de ton aide. Tes amis. Qui ont toujours volé à ton secours. Qui se sont dépassés pour toi. Et Jérémie ? Tu vas le laisser à « Sa » merci ? Allez, Aelita, tu te penches, tu ramasse cette barre de fer, cette autre et cette autre, et tu te mets au travail. »
Le simple fait d’y penser la fait trembler de toute part, mais elle fléchit les genoux et commence à ramasser.


Consciencieux et ferme sur ses jambes, Jim patrouille devant la chambre où Jérémie et Ulrich ont trouvé refuge. Il les connaît, ces deux gamins, il suffit des les enfermer quelque part pour qu’il cherche à en sortir. Peu leur importe leur sécurité, ou celle de leurs camarades, on peut leur faire confiance pour préparer une évasion.
Jim est loin d’être un mauvais bougre. Il se doute de la douleur des deux garçons, d’être enfermé pendant que leurs amis sont malades. Mais son métier n’est pas de compatir, c’est de surveiller. Soit dit en passant, les deux zigotos ont fait preuve d’irresponsabilité et d’indiscipline en refusant de révéler au directeur le nom de la jeune fille qui était avec eux à la fête foraine hier. Après les avoir interrogés plusieurs minutes, le directeur a fini par conclure qu’ils n’en savaient pas plus sur cette jeune fille qu’ils n’ont bien voulu le dire. Mais on ne la fait pas à Jim. Jim à sentit, lui, que les petits malins en savaient plus qu’ils le prétendaient. Alors il veille. On ne sait jamais à quoi s’attendre avec eux.
Un couinement, un aboiement attire soudain son attention. Il tourne la tête et n’en croit pas ses yeux. Un petit chien court sur patte trotte non loin de lui dans le couloir.
_ Mais qu’est-ce que tu fais là toi ?
Il court à la suite de l’animal qui prend la fuite.
_ Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que cette chose !
Le chien s’est arrêté, à quelque mètre, comme pour l’attendre. Jim tente de bondir sur lui, mais le chien s’échappe.
_ Attend donc, bougre d’animal, je vais t’avoir !
Il se met à courir à travers les couloirs, les escaliers déserts, à la poursuite de la bestiole, qui paraît bien décidée à ne pas se laisser attraper, mais s’arrête pour l’attendre chaque fois qu’il renonce à la poursuite.
_ Ben dis donc ! Il te manque vraiment une case, toi ! A moins que...
Soudain, Jim est saisit d’un affreux doute. Abandonnant là le chien, il fait volte face, et retourne à la chambre où il a laissé Ulrich et Jérémie. Elle est vide.

_ Pour Odd. Pour Yumi. Pour Ulrich. Pour toi, Jérémie.
Elle pleure. Non plus de douleur, cette fois, mais de terreur.
« Créer. Comme sur Lyoko. Utiliser le pouvoir que j’utilise sur Lyoko, mais si ça doit m’en fermer la route à tout jamais. Même si je perds toute possibilité d’y retourner... »
_ Je suis le programme le plus parfait qui ait jamais été conçu dans le supercalculateur, murmure-t-elle.
Lentement, ses fines mains blanches s’affairent, comme des mains d’ouvrière.
_ J’étais parfaite. Tu as raison, Xana. Je l’étais. Et j’aurais voulu le rester au fond, être toujours sûre, toujours exacte. Rester un programme parfait dans un supercalculateur. C’est tellement plus reposant, d’être un programme.
Dominant l’angoisse qui lui serre le ventre, elle tord un vieux morceau de fil de fer, pour le passer dans l’interstice d’une vieille barre tordu.
_ Mais c’est trop tard pour moi, Xana. Je ne suis plus un programme. Je ne suis plus parfaite. J’ai cessé de l’être le jour où j’ai rencontré Jérémie. Quand je me suis mise à aimer.
Le souffle court, elle observe l’agencement de métal qui commence à prendre forme sous ses mains.
_ Parce que moi, Xana, je me suis mise à aimer. Je suis tombée amoureuse. Comme un être imparfait, comme un être illogique. Et je vais te dire, je préfère cela.
Une barre de fer à la main, elle adosse l’échelle de fortune à la paroi de sa geôle, commence à en gravir les échelons.
_ Même si ça n’a rien de reposant, d’être humain. Même si le monde des humains est foncièrement déséquilibré et injuste. C’est tellement bon d’aimer et d’être aimé, Xana. Alors, crois-moi, tant pis pour le nombre de larmes que cela coûtera aux anges.
Et d’un mouvement vif et circulaire de la main qui tient la barre de fer, elle fait voler la verrière en éclat.


Ulrich et Jérémie roulent à travers les longs tunnels d’égouts qui mènent à l’usine. Ils ne parlent pas. Inutile. La priorité est de retrouver Aelita. Pour le reste, on verra plus tard. Agir, c’est ce qu’il faut. Agir.
Ulrich, sur son skate a pris de l’avance sur Jérémie et sa trottinette. Il arrive au dernier tournant de couloir, dernier coin avant la sortie qui mène à l’usine. Et s’arrête net. Jérémie, qui arrive derrière lui manque de lui rentrer de dent. Du pied, Ulrich coince la roue de la trottinette, il retient son ami d’un bras pour l’empêcher de tomber bruyamment et l’entraîne contre le mur, l’index contre les lèvres, en signe de silence. D’un mouvement de tête, il indique le couloir qui s’étend derrière l’angle, celui où se trouve la sortie. Jérémie se tord le coup, risque un œil à l’intérieur, et vois ce qu’Ulrich a vu.
Au pied de l’échelle de sortie, un homme attend. Il porte un grand imperméable noir et des lunettes de soleil, malgré la pénombre qui règne dans les égouts. Ses longs cheveux noirs tombent sur ses épaules. Son visage est fin, son teint pâle, comme celui d’Aelita. Il est séduisant... Séduisant et inquiétant à la fois...
_ Ulrich ? Souffle Jérémie. Tu crois que...
_ Je ne sais pas, Jérémie. Répond Ulrich tout bas. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes attendus. Et je doute que ce soit par un allier.
Jérémie observe l’intrus avec un mélange de peur et de fascination. Une pièce du puzzle qui se met en place, lentement, dans son esprit.
_ Il faut que tu retourne à l’usine et que tu délivres Aelita. Continue Ulrich. C’est le seul moyen.
_ Je...
_ Chut, Jérémie ! Laisse-moi parler.
Jérémie détourne les yeux de l’étrange inconnu pour regarder son compagnon. Le visage de celui-ci est devenu très grave. Ses yeux noisette brillent d’une détermination farouche.
_ Tu vas courir, Jérémie. A mon signal, tu te mets à courir sans t’arrêter, tu fonce vers l’usine, tu retrouve Aelita, et tu nous tire d’affaire. Tu m’entends, Jérémie ? Il faut que tu courre sans t’arrêter.
_ Mais, que...
Avant que Jérémie ait eu le temps de comprendre, Ulrich bondit de sa cachette avec un crie de guerre, abat la planche de son skate sur le crâne de l’inconnu qui, pris par surprise n’a pas le temps de réagir.
_ Maintenant, Jérémie, fonce ! Et ne t’arrête pas surtout !
Jérémie jaillit à son tour et courre à l’échelle, tandis qu’Ulrich continue de frapper la silhouette en imperméable, qui sous le choc a perdu l’équilibre et est tombé à terre. Quatre à quatre, il gravit les échelons, non sans risquer un œil derrière son épaule pour voir ou en est le combat.
L’homme s’est redressé, a saisit la planche d’Ulrich d’une main et le bras du garçon de l’autre. Ulrich se dégage par une habile prise d’Aïkido. Jérémie atteint enfin le sommet de l’échelle et prend pied sur le pont qui mène à l’usine.
Ulrich s’est saisit d’une barre de fer qui traînait là, et la dresse devant lui en guise d’arme. Mais l’inconnu ne semble pas vouloir l’attaquer. Au contraire, son fin visage s’éclaire d’un sourire. Et lentement, comme une star qui ménage son effet devant les caméras, il enlève ses lunettes. Au-dessous ses yeux sont d’un noir profond.
Ulrich a juste le temps de s’étonner de la beauté de ce regard. Ce noir l’envahit, l’absorbe en lui, inexorablement. Le bruit mat de la barre de fer qui tombe sur le sol. Le choc froid du pavé contre son corps. « Cours, Jérémie, cours ! » pense-t-il encore. Ce sont ses dernières phrases avant de sombrer dans l’inconscience.

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Ecrit par Tchoucky, le 30 juillet 2004



Épisode n°6 : Humaine.

Jérémie court. Court sans s’arrêter, traverse le pont, et pénètre dans l’usine. Un bruit métallique derrière lui. L’homme à l’imperméable sort des égouts. Trouver Aelita. Vite.
Négligeant le monte-charge, il galope vers la chaufferie et se dirige vers la salle des machines.
« Si je devais cacher quelqu’un, ce serait par-là. » Il scrute les murs sombres, et les machines endormies. « Elle doit être enfermée là, quelque part. »
Il n’a pas le loisir de s’interroger plus longtemps. La silhouette sombre de l’homme à l’imperméable vient de jaillir en haut du grand escalier, et se précipite vers lui. Jérémie fait volte face et court vers la chaufferie. Il n’est pas Ulrich, lui. S’il ne parvient pas à se mettre à l’abri dans le laboratoire, il n’a aucune chance. Il n’a jamais été doué en sport, et la course de vitesse, très peu pour lui. Son poursuivant n’est qu’à quelque mètre de lui quand il se jette dans le conduit qui mène à la salle des ordinateurs. Sans ralentir, il se précipite à travers le couloir souterrain, mais déjà l’homme est sur lui, le touche presque...
La main de Jérémie agrippe le bord de l’ouverture qui donne accès au laboratoire, mais c’est trop tard, l’inconnu l’a saisit... « Il » l’oblige à se retourner vers lui, mais ce fige, soudain, stupéfait. Son regard a quitté sa victime pour fixer un point derrière, dans le laboratoire. Jérémie tourne la tête pour voir ce qui impressionne tant son adversaire.
Au-dessous d’eux, devant les écrans du poste de commande, Aelita s’est levée pour les voir arriver. Une Aelita poussiéreuse, aux mains et au visage écorchés, mais souriante. Elle tient à la main un minuscule petit boîtier rouge, qu’elle vient d’extraire de derrière les ordinateurs.
_ Comme c’est petit, dit-elle en souriant à l’homme, et comme c’est bien fait ! C’est cela, qui m’empêche d’être virtualisée, n’est-ce pas ?
Elle le laisse tomber au sol et l’écrase du talon.
Avec un rugissement furieux, l’assaillant lâche Jérémie et se précipite sur l’échelle qui descend dans la salle. Mais déjà, Aelita a enlevé la grille qui recouvre le trou par lequel la colonne de fil des scanners descend dans la salle d’en dessous.
_ A tout de suite, Xana ! Sur Lyoko.
Et, alors que l’homme touche terre, l’humanoïde disparaît dans la salle des scanners par l’ouverture ainsi faite.
A moitié assommé, Jérémie voit l’inconnu courir au poste de commande, tenter d’endiguer le programme de virtualisation qu’Aelita a déclenché.
« Accès refusé » Lui annonce l’écran de contrôle. Le compte à rebours déclenché par l’humanoïde aux cheveux rose défile. Virtualisation dans trente secondes. Dans vingt.
L’étranger se précipite vers l’ouverture par laquelle est passée Aelita, mais il est bien trop corpulent pour emprunter cette voie. Il court à l’ascenseur.
Jérémie se redresse tendis que les portes de l’ascenseur se referment. Il descend l’échelle, se précipite vers l’ordinateur et tape le code de verrouillage des issues. Il entend l’ascenseur qui se bloque entre deux étages.
Virtualisation dans 4 secondes. 3. 2. 1... Transfert Aelita. Scanner Aelita. Virtualisation.
_ Aelita, murmure-t-il d’une voix nouée en se coiffant de son casque audio. Tu m’entends ?
_ Jérémie ? Répond la voix douce de son amie. J’entre dans la tour. Tu vas bien ?
_ J’étais... Si inquiet...
_ C’est fini, à présent. Je vais taper le code. Il ne manque que les coordonnées du retour vers le passé.
D’une main tremblante, Jérémie tape la date et l’heure... Des larmes coulent sur ses joues, embrumant ses lunettes. Il a du mal à voir ce qu’il fait.
_ C’est fait, Aelita.
_ Je tape le code. L. Y. O. K. O.
Une aveuglante lumière blanche monte du sous-sol, effaçant tout autour d’elle.
_ Retour vers le passé, balbutie Jérémie, au bord des sanglots.



La fête foraine, un monde de bruits, de rires et de friture. Une foule agitée se presse dans les allées, entre les baraquements et du ciel descendent les cris des filles qui plongent avec le grand huit. Ca et là, des bonimenteurs interpellent le passant, les conviant à ne pas rater l’occasion du siècle, la chance de leur vie, l’ultime espoir de repartir avec le gros lot. Des pères de familles passent, les bras encombrés de barba papa, de pommes d’amour, de beignets, ou autres friandises indissociables de l’ambiance. Couples enlacés, bande de jeunes et de moins jeunes, familles au grand complet, les badauds fourmillent, et s’agitent.
Un roulement de métal un peu sinistre, et une soudaine accalmie dans les cris. Le SuperRévolution3000 vient de s’arrêter, laissant de ses nacelles descendre quelques amateurs au teint légèrement verdi. Parmi eux, un petit bonhomme tout blond, dont les cheveux dressés sur le dessus de son crâne semblent maintenant tenir par un autre secours que le gel de fixation forte, aide sa compagne, une frêle jeune fille aux cheveux rose à quitter son siège. A peine ont-ils quitté le manège qu’ils se font presque happer par un jeune garçon à la tête ronde, dont le regard, derrière ses lunettes, exprime une grande inquiétude.
_ Tout va bien, Aelita ? Demande-t-il empressement à la jeune fille. Comment est-ce que tu te sens ?
Devant tant de prévenance, le blondinet aux cheveux dressés ricane :
_ Oh, relax, Jérémie ! C’est pas une petite attaque de rien du tout qui va lui faire du mal, à ta princesse !
_ Ou sont Yumi et Ulrich ? Demande Aelita, inquiète.
_ Tu sais bien. Yumi est partie il y a dix minutes, pour aller retirer de l’argent. Et Ulrich est parti il y a neuf minute... Pour aller retirer de l’argent.
Aelita, un pli sur le front, scrute la foule. Son air soucieux ne disparaît que dès qu’elle voit Ulrich et Yumi se faufiler vers eux.
_ Ils doivent être vraiment inquiets des conséquences de l’attaque pour ne pas faire semblant d’arriver par des chemins différents, remarque Odd.
Aelita sourit, soulagée, et met sa main blanche dans celle de Jérémie. Il est encore un peu pâle, et n’a pas tout à fait quitté son air inquiet. Le contacte de cette petite main dans la sienne semble le rasséréner un peu.
_ Rebonjour, les copains. Fait Yumi d’un ton joyeux, pour évacuer les reste d’angoisse qui planent dans l’air.
_ Ravie de te revoir, Aelita ! Dit Ulrich. Alors, tu l’as retrouvée, ta princesse, Jérémie ! On a manqué quelque choses ?
Jérémie regarde Aelita. Il a pris un air interrogateur.
_ Xana s’est servi d’une tour pour se matérialiser. Mais pourquoi ? Quel était son but ?
_ Le syndrome de Stockholm. Répond Aelita. Vos scientifiques appellent ça comme ça.
En rang serré, les cinq amis s’écartent de la foule.
_ Le syndrome de Stockholm ? Répète Odd à mi-voix.
Yumi explique :
_ Quand un otage reste longtemps en captivité, il finit par s’identifier à son gardien, et il s’attache à lui. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm.
Debout au milieu des autres, derrière les baraquements d’où parviennent les bruits et les odeurs de la foire, Aelita paraît changée. Plus droite, plus forte. Elle serre intensément la main de Jérémie dans la sienne, et son sourire n’est plus le sourire naïf de l’enfant qui s’étonne du monde, mais un sourire d’adulte. On pourrait croire à la voir ainsi que c’est elle qui veille sur les autres, et non le contraire.
_ L’attaque me visait moi. Explique-t-elle. Moi seule. Il voulait me rallier à lui. Comme je suis inviolable en tant que programme, il a essayé de me convaincre d’une manière toute humaine.
Yumi et Ulrich semblent près à se contenter de cette explication, même de n’importe quelle explication. Ils sont moins occupés à écouter la conversation qu’à s’échanger des regards qui en disent long sur ce que ça leur fait de se revoir sain et sauf, enfin. Quant à Jérémie, il semble parfaitement admettre les dires de l’humanoïde. Odd est donc le seul qui hausse les épaules.
_ Il comptait te garder enfermée jusqu’à ce que tu t’attache à lui ? C’est tordu comme méthode !
_ Au contraire. Murmure Aelita. C’était très subtil. Et ça a bien failli marcher.
Ses derniers mots jettent un froid. Jérémie la regarde, incrédule. Elle soutient son regard. Elle leur doit d’être franche.
_ C’est une chose de débrancher des tours, de fuir des monstres, de déjouer des plans faits par une entité abstraite. S’en est une autre d’avoir un visage en face de soit, un visage humain. Et puis...
Elle sent que ses joues sont en train de devenir brûlantes. Comment appelle-t-on cette réaction ? Gène ? Honte ? Peu importe. Si embarrassant que ce soit à avouer, il faut qu’elle aille jusqu’au bout.
_ Et puis, il parlait très bien. Ce qu’il disait avait l’air d’être vrai. Si j’étais restée en son pouvoir plusieurs jours, je ne sais pas si je n’aurais pas fini par le croire.
Voilà. C’est dit. Elle a douté d’eux. Elle qui leur doit tant elle a douté d’eux.
_ C’est à cause de l’histoire avec les policiers ? Demande Yumi.
_ Un peu, oui. L’idée a dû lui venir à ce moment-là. Il s’est servi de la tour pour se matérialiser, puis il a saboté les scanners, pour m’empêcher de retourner sur Lyoko. Il les a sabotés depuis l’extérieur, c’est pour ça que tu n’arrivais pas à déterminer la panne, Jérémie. Tu cherchais un virus, où autre chose, mais c’était à l’extérieur qu’il fallait chercher. Il vous a mis hors d’état d’intervenir, pour qu’il n’y ait plus que lui, et moi.
Yumi tend la main et tape affectueusement sur l’épaule de l’humanoïde.
_ Mais tu as résisté. Tu as su rester toi-même. Tu es plus forte que Xana le supposait, voilà la vérité.
Aelita secoue la tête.
_ La vérité, c’est que je n’aurais jamais dû douter de vous. Ou plutôt, j’aurai dû accepter bien plus tôt le fait qu’en quittant Lyoko, je renonçais à l’idéal, à la perfection. En m’accrochant à cette illusion, je laissais à Xana une prise sur moi.
Ulrich sourit.
_ Bah, t’en fais pas. Les amis, ça se dispute souvent, tu sais. Et ça arrive à tout le monde d’avoir des doutes.
_ Il y a une chose que je ne comprends pas. Intervient Odd. Pourquoi Xana s’est-il contenté de nous endormir ? Pourquoi n’a-t-il pas essayé de nous tuer, tout simplement ? Il aurait été débarrassé de nous, une bonne fois pour toutes !
_ Je sais pourquoi, répond Aelita. Mais je ne sais pas si j’arriverai à l’expliquer.
_ Essaye toujours. L’encourage Jérémie
L’humanoïde fronce les sourcils, cherchant comment s’exprimer.
_ Je crois... Enfin, Xana et moi, nous sommes pareils, au fond. Je veux dire que la matérialisation doit avoir les mêmes effets sur lui que sur moi.
_ Quels effets ?
_ Hier, vous m’avez demandé de dessiner quelque chose. Et je n’ai pas pu.
Jérémie hoche la tête.
_ Je ne sais pas si vous pouvez le comprendre. Continue Aelita. Créer, c’est mon pouvoir, sur Lyoko. Si je deviens créative dans le monde réel, je renonce définitivement à appartenir à Lyoko.
_ Je ne suis pas sûr de suivre. Murmure Jérémie.
Yumi lève le sourcil :
_Tu veux dire que c’est une sorte de superstition qui a empêché Xana de nous tuer dans le monde réel ? Parce qu’il avait peur d’y rester coincé ?
_ C’est plus que de la superstition, Yumi. Pour m’échapper de là où il m’avait enfermée, j’ai dû construire une échelle... Et je vois bien que ce geste a modifié quelque chose en moi. Déclenché un processus.
_ Un processus ? Répète Ulrich.
_ Je vais lentement me mettre à évoluer. Je vais avoir de la fatigue, des trous de mémoire, comme vous. Plus le temps passera, et moins il restera de nature informatique en moi. Je vais être capable d’erreur, de préjugés. Et d’ici soixante ans, je serais devenue un être humain tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Peut-être un peu plus intelligent que la moyenne, mais ordinaire. Chez vous, on appelle ça vieillir.
Jérémie, Odd, Yumi et Ulrich l’écoutent sans mots dire, un peu interdit. Est-ce possible que le simple fait de créer une échelle entraîne de telles conséquences ? Ils ne savent pas trop ce qu’ils doivent croire, mais il semble bien que leur amie ait définitivement renoncé à son éternité pour les sauver.
_ Ne me regardez pas comme ça ! Il fallait que j’en passe par là tôt ou tard. Être matérialisée, c’est accepter de grandir, de devenir adulte, pas seulement sur le plan physique. Je n’allais pas rester éternellement celle que j’étais sur Lyoko ! Cette Aelita-là ne pourrait pas survivre dans votre monde.
Elle a dit ces derniers mots en regardant Jérémie. Maintenant, elle ressent une appréhension. Pourra-t-il l’aimer si elle renonce à sa perfection ? Le petit génie lui sourit avec douceur, comme pour la rassurer.
_ C’est notre lot à tous. Si Xana veut y échapper, c’est parce que c’est un trouillard, voilà tout.
Aelita se sent rassurée.
_ Une chose est sûre en tout cas, c’est que je suis maintenant plus qu’un programme informatique. « Il » ne pourra plus avoir d’emprise sur moi.
_ Bon, propose Yumi. Ca vous dit, une menthe à l’eau pour nous remettre de nos émotions ? On n’en a pas profité, la dernière fois.
_ J’achète, s’exclame Odd.
_ Allons-y, répond Jérémie.
_ Partez devant. Continue Yumi. Moi, j’ai une petite formalité à accomplir.
Au coin de la rue, les deux policiers approchent du clochard. Yumi se précipite.
_ Ah, te voilà ! On te cherchait partout !
Les policiers la regardent, un peu surpris par son intervention.
_ Ce monsieur est avec vous, mademoiselle ?
_ Bien sûr, répond Yumi. Il nous accompagnait à la fête, mes copains et moi.
_ On l’avait perdu dans la foule, renchérit Odd qui l’a suivie. Allez, viens, tonton ! On va refaire un tour de grande roue !
_ Vous vouliez demander quelque chose ? Demande Ulrich au policier qui sont resté interdits.
_ Heu... Non, répond le plus âgé des deux. Viens, Ralph.
_ Mais... Commence son collègue.
_ Viens, je te dis ! On n’a rien à faire là.
Tandis que les policiers s’éloignent, le clochard adresse à Odd, Ulrich et Yumi un grand sourire.
_ Merci, les p’tits gars.
_ Ce n’est rien répond Yumi.
Odd sort de sa poche un vieux billet de banque tout chiffonner.
_ Tenez ! Je le gardais pour jouer à la loterie, mais quelque chose me dit que si j’essaie, je vais perdre.
Le clochard range le billet dans sa poche avec un clin d’œil joyeux.
Ulrich, Odd et Yumi le saluent et rejoignent Jérémie et Aelita, qui sont resté en retraits.
_ Vous n’êtiez pas obligés.
_ C’était pour te montrer que même si notre monde n’est pas parfait, sa situation n’est pas désespérée, dit Yumi.
Aelita sourit. C’est de nouveau son sourire émerveillé de petite fille.
_ Merci Yumi.
_ On ne peut pas éviter de vieillir. Répond Yumi. Mais on peut s’arranger pour le faire le mieux possible. Allez, les copains. Allons prendre ce verre. Les émotions, ça donne soif.


FIN.


Tchoucky
29/04/05 à 14:21
Larmes d’un ange





Ecrit par Tchoucky, le 17 juillet 2004

Episode 1 : La fête foraine.

La fête foraine, un monde de bruits, de rires et de friture. Une foule agitée se presse dans les allées, entre les baraquements et du ciel descendent les cris des filles qui plongent avec le grand huit. Ca et là, des bonimenteurs interpellent le passant, les conviant à ne pas rater l’occasion du siècle, la chance de leur vie, l’ultime espoir de repartir avec le gros lot. Des pères de familles passent, les bras encombrés de barba papa, de pommes d‘amour, de beignets, ou autres friandises indissociables de l‘ambiance. Couples enlacés, bande de jeunes et de moins jeunes, familles au grand complet, les badauds fourmillent, et s’agitent.
Un roulement de métal un peu sinistre, et une soudaine accalmie dans les cris. Le SuperRévolution3000 vient de s’arrêter, laissant de ses nacelles descendre quelques amateurs au teint légèrement verdi. Parmi eux, un petit bonhomme tout blond, dont les cheveux dressés sur le dessus de son crâne semblent maintenant tenir par un autre secours que le gel de fixation forte, aide sa compagne, une frêle jeune fille aux cheveux rose à quitter son siège. A peine ont-ils quitté le manège qu’ils se font presque happer par un jeune garçon à la tête ronde, dont le regard, derrière ses lunettes, exprime une grande inquiétude.
_ Tout va bien, Aelita ? Demande-t-il empressement à la jeune fille. Tu ne te sens pas malade ?
Devant tant de prévenance, le blondinet aux cheveux dressés ricane :
_ Oh, relax, Jérémie ! C’est pas un manège qui va lui faire du mal, à ta princesse !
Aelita est rayonnante, ses yeux d’émeraudes en amande brillent d’excitation.
_ C’était… c’était… Génial ! Tu avais raison, Odd. C’était vraiment une sensation exceptionnelle.
Le garçon au cheveux dressés lui répond par un sourire charmeur, à faire fondre l’Iceberg du Titanic.
_ Mais, j’ai toujours raison ! Pas vrai, Jérémie ?
Jérémie, maussade, se contente d’un grognement. Il vient de passer les dix minutes les plus terribles de sa vie, à observer d’en bas les allées, les venues, les cercles et les huit décrits dans les airs par la nacelle dans laquelle se trouvait sa protégée, son Aelita, sa si fragile Aelita. Mais devant la joie de son amie, il ne peut se résoudre à gâcher plus longtemps son plaisir par des inquiétudes personnelles.
_ Ou sont Yumi et Ulrich ? Demande Odd.
_ Yumi est partie il y a dix minute, pour aller retirer de l’argent. Et Ulrich est parti il y a neuf minute… Pour aller retirer de l’argent.
_ S’il sont partis pour faire la même chose, s’étonne Aelita, pourquoi ne sont-ils pas parti ensemble ?
Ni Odd, ni Jérémie ne répondent, mais tous deux se sont mis à sourire d’un air entendu.
_ Ben quoi ? Demande Aelita inquiète. J’ai dit quelque chose de mal ?
_ Mais non ! La rassure Jérémie. Je t‘expliquerais.
Les ruses naïves de Yumi et d’Ulrich pour se retrouver seuls ensembles sans éveiller les soupçons feront un excellent sujet de conversation ce soir, quand Aelita aura regagné sa prison…
Car, pour Aelita, marcher au milieu de la foule, rire avec ses amis est un luxe qu’elle ne peut pas se permettre tous les jours. La plupart du temps, Aelita monte la garde dans le monde où elle est née, le monde numérique de Lyoko.
Aelita n’a d’existence réelle et corporelle que depuis très peu de temps. Il y a quelque mois encore, son nom ne représentait rien d’autre qu’une donnée informatique dans un ordinateur… Et pour Jérémie, le défi de sa vie, créer un corps réel pour un être virtuel. Aujourd’hui, elle parle, respire, fait à peu près un mètre cinquante et pèse quarante-deux kilos, mais seulement pour quelques heures. Là, quelque part dans son antre numérique, Xana veille, près à passer à l’attaque à tout moment. Et quand il le fera, il faudra pour Aelita renoncer à respirer, ressentir. Il faudra redevenir virtuelle.
Alors, rien ne compte, ni l’angoisse qu’il y a à la voir monter sur un manège pour la première fois, ni l’embarras qu’il y a lui expliquer la conduite d’Ulrich et Yumi. La seule chose qui compte, c’est de la voir ainsi, gaie, excitée, heureuse.
Yumi, justement, revient, son porte-monnaie à la main. Odd ne peut s’empêcher de lui glisser, d’un air innocent :
_ Tu n’as pas vu Ulrich ? Il est parti chercher de l’argent, lui aussi ?
_ Heu, non… répond Yumi en rougissant légèrement, on a du se croiser.
Et, avec une précision d’horloger, Ulrich revient à ce moment là, par un chemin différent de celui de Yumi. Odd consulte sa montre pour vérifier le Timing. Parfait.
_ On a encore une heure avant qu’Aelita ne rentre chez elle. Dit-il. Qu’est-ce qu’on fait ?.
_ Que diriez-vous de prendre un pot au café, là-bas, propose Yumi. Je vous invite.
Les quatre autres acceptent la proposition, mais Odd tire de sa poche un billet chiffonné.
_ Moi, il me reste encore juste assez pour tenter ma chance à la loterie. Je vais essayer.
_ Tu ne devrais pas, lui dit Aelita, la probabilité de gagner est de…
_ Merci, Aelita, mais oublie les probabilités juste quelques minutes ! C’est la fête, aujourd’hui.
Il s’avance vers le stand, suivit d’Aelita et Jérémie, qui marchent côte à côte, et d’Ulrich et Yumi, qui prennent bien garde à ne pas s’approcher l’un de l’autre de moins d’un mètre, mais se jettent des regards enflammés dés qu‘on cesse de les regarder. Le bonimenteur saisit son billet, et sans interrompre ni ralentir le torrent de mot qu’il est en train de déverser sur la foule, fait tourner la roue.
_ Allons-y, messieurs dame, on tente sa chance, la roue tourne, et tourne…
La roue s’arrête, malheureusement le chiffre est loin d’être celui qu’espérait Odd. Il revient vers ses amis en brandissant ironiquement le carnet d’adresses tout neuf qu’il vient de gagner en consolation.
_ Maintenant, je vous suis où vous voulez !
Les cinq amis vont prendre place à la terrasse encombrée du café d’en face. Le soleil est doux, juste comme il faut, et les odeurs sucrées de la foire leur parviennent.
_ Je ne te comprends pas, Odd, dit Aelita. Pourquoi as-tu investi ton argent dans un jeu que tu ne pouvais pas gagner ? .
_ Mais, pour le plaisir, princesse, pour le plaisir !
_ Cela te fait plaisir de perdre ?
_ Non, c’est l’espoir de gagner.
L’humanoïde aux cheveux rose fixe Odd d’un ton dubitatif. Yumi lui tape affectueusement l’épaule.
_ Ne cherche pas à comprendre ! Les garçons aiment bien, généralement, se lancer des défis impossibles.
_ Je crois que je ne comprends rien au garçons, gémit Aelita.
_ Alors, bienvenue sur terre ! Rit Yumi. Je te préviens, ça ne fait que commencer !
Odd a sortit un petit crayon de sa poche et griffonné quelque chose sur son carnet tout neuf. Il tourne la page vers Aelita. Le dessin représente une petite tête ronde avec des yeux étonnés et une bouche tordue.
_ Tu vois, Aelita, ça c’est à peu près la tête que tu fais en ce moment.
Inquiète, l’humanoïde porte la main à sa bouche pour s’assurer qu’elle est aussi droite qu’avant, ce qui provoque l’hilarité de ses compagnons.
_ Ce n’est qu’une représentation schématique de ton humeur, dit Jérémie en souriant. Un dessin. Tiens, passe-lui ton crayon, Odd.
Aelita saisit le crayon et regarde le carnet, sans oser réagir.
_ Essaye, toi aussi, l’encourage Jérémie. Essaye de représenter l’humeur de Odd. Tu repère simplement quelle caractéristique a pris son visage et tu les reproduis grossièrement.
Bien sûr, Aelita a déjà repéré les traits principaux de l’expression de Odd. Elle sait exactement quel dessin elle devrait faire, si elle avait à le faire, mais…
_ Je ne peux pas ! Dit-elle en reposant le crayon.
Elle est devenue pâle et tremblante. Les autres la regardent sans comprendre. Il faudrait qu’elle leur explique ce qui l’effraie autant mais elle n’est pas sûre de bien le comprendre elle-même.
_ Je ne peux pas ! Je suis désolée.
Yumi est la première à reprendre ses esprits.
_ Bien sûr, Aelita. Personne ne va te forcer à dessiner si tu ne veux pas le faire. Ne t’inquiète pas.
Elle reprend des mains de l’humanoïde le petit carnet et le crayon, qu’elle rend à Odd, et lance la conversation sur un autre sujet.
_ A ce propos, vous avez vu ? Les Quarks sont en ville, ils font un concert samedi. On devrait y aller tous ensembles, non ?
Tandis que ses amis continuent à discuter comme si de rien n’était, Aelita les observe. Elle vient soudain de réaliser à quel point elle est différente, même matérialisée. Il y a des choses qu’ils font si aisément, et qu’elle ne peut pas se permettre. Ils savent tout de ce monde, et elle le comprend si mal. Sans qu’elle puisse se l’expliquer, elle ressent soudain une étrange impression dans la cage thoracique, comme un pincement.
Ne comprenant pas cette réaction, elle détourne les yeux vers le trottoir d’en face. Deux hommes vêtus de chemises bleues sont en train d’apostropher un autre qui est par terre en vêtement déchiré. Ils veulent qu’ils les suivent. L’homme par terre ne veut pas. Soudain, les deux autres l’empoignent violemment et l’entraînent.
_ Oh non ! S’écrie Aelita.
Elle s’est levée de son siège.
_ Jérémie, ils lui font du mal, il faut les en empêcher !
Jérémie se lève et la retient par le bras au moment où elle allait s’élancer.
_ Rassied-toi, Aelita.
_ Mais…
_ Ce sont des policiers. Les clients du café ont du se plaindre de la présence du clochard donc ils l’obligent à changer de place.
_ Mais c’est injuste ! Il ne faisait rien !
L’homme et les deux Chemises Bleues ont disparu à l’angle de la rue.
_ Non, ce n’est pas juste, Aelita. Mais tu ne pouvais rien faire.
_ Mais, vous n’avez rien fait ! Ca s’est passé sous vos yeux et vous n’avez rien fait !
Debout devant la table du café, Aelita regarde ses amis comme si elle les découvrait pour la première fois. Yumi a baissé les yeux. Ulrich regarde le menu comme s’il s’était transformé en passionnant roman d’aventure, et Odd rit d’un air gêné. Jérémie est debout à coté d’elle, l’air malheureux.
Ça fait de la peine à l’humanoïde de le voir si triste et pourtant, elle le constate avec horreur, une partie d’elle-même est heureuse de voir ses amis si embarrassés, une partie d’elle-même pense qu’ils le méritent, la partie d’elle-même qui souffre en ce moment, sans qu’elle sache pourquoi.
_ Quand Xana attaque, vous l’affrontez, mais s’il se passe autre chose qui n’a rien à voir, vous ne faite rien pour l’en empêcher.
Avec une voix douce, comme si elle s’adressait à un enfant, Yumi se met à parler.
_ Ces deux personnes étaient des policiers, Aelita. Ils représentent la loi, on ne peut rien contre eux.
_ Votre monde est injuste ! S’écrie Aelita surprise par ses propres mots. Votre monde est construit sur l’injustice !
Elle se rassied dans un silence de mort. Les yeux lui piquent. Elle sent comme une pression sur sa gorge. C’est un état désagréable. Très désagréable.
C’est à ce moment la qu’un sifflement suraigu monte du cartable de Jérémie. Tous sursautent, Aelita comprise. Jérémie sort son ordinateur portable et l’ouvre.
_ Le programme-témoin que j’ai lancé sur Lyoko a repéré une tour activée. Dit-il d’une voix un peu tremblante mais ferme.
L’effet de cette phrase est immédiat, en quelques minute ses quatre amis ont oublié le clochard et les policiers. Yumi se précipitent pour payer au comptoir, tandis que ses amis ramassent leurs affaires.
Quelques minutes plus tard, ils courent en direction de l’usine.
L’usine. Un imposant bâtiment, planté au milieu du fleuve comme un gigantesque bateau immobile, ne portant sur ses murs aucun signe d’altération par le temps, aucun dommage. Intacte. Mais vide. Une usine fantôme, abandonnée là, on ne sait pourquoi, sans que personne ne songe ni à la démolir, ni à la rénover pour réutiliser ses locaux. Trop de secrets lourds reposent dans ses murs. Trop de démons que personne n’oserait affronter… A part les quatre adolescents qui y pénètrent en compagnie d’Aelita.
Les escaliers, c’est trop long à descendre. Yumi, Odd et Ulrich se laissent glisser le long des cordes qu’ils ont pendues là, à cet effet. Aelita et Jérémie les suivent par le même chemin. Au fond de la salle cathédrale qui constitue la majeure partie de l’usine, repose un vieux monte charge, endormis par les âges. Les cinq amis y pénètrent et actionnent la commande pour le faire descendre. L’engin s’ébranle et s’enfonce dans les profondeurs du sol, là où, à part eux, plus personne ne pénètre depuis longtemps.
Arrivé au premier sous-sol, l’ascenseur s’arrête. Jérémie compose le code d’entrée et pénètre seul dans le vieux laboratoire secret, tandis que le monte-charge poursuit sa descente vers l’étage du dessous. Aelita et les autres arrivent dans une vaste salle en forme de rotonde, dépourvu de tout meuble où, tels les colonnes d’un temple grec, trois étrange capsule de métal blanc sont dressées.
_ Aelita, dit la voix de Jérémie dans le haut-parleur, je vais te virtualiser en premier. J’enverrais ensuite les autres te rejoindre.
_ Entendu, Jérémie, répond Aelita de sa voix la plus douce, espérant ainsi faire oublier à Jérémie son accès de colère de tout à l’heure.
Elle pénètre dans l’un des sarcophages blancs et regarde les portes se refermer sur elle.
_ Transfert Aelita, annonce Jérémie.
Aelita ferme les yeux, attendant l’habituel souffle d’air qui marque le début de chaque virtualisation. Mais rien ne se passe.
_ Jérémie, je suis prête. Tu peux déclencher le scanner.
_ Mais je l’ai déclenché. Attends, je recommence. Transfert Aelita.
Rien.
_ Jérémie, qu’est-ce qui se passe ? Demande Yumi depuis le dehors du sarcophage.
Jérémie ne répond pas. Il déclenche la réouverture de la porte du scanner.
_ Nous allons faire l’inverse Aelita. Je vais d’abord virtualiser les autres, et ensuite se sera ton tour.
Dans le haut-parleur, sa voix s’efforce de paraître désinvolte, mais tous remarquent la soudaine et imperceptible tension qui l’altère.
Sans poser de question cependant, Odd, Ulrich et Yumi pénètrent chacune dans un scanner. Les porte se referment sur eux dans un claquement sinistre.
_ Transfert Yumi, annonce Jérémie.
Aussitôt, dans son sarcophage, Yumi sent le souffle d’air, rempli de particules lumineuses, lui balayer le visage.
_ Transfert Ulrich, continue la voix de Jérémie.
A son tour Ulrich subit le souffle.
_ Transfert Odd.
Odd ferme les yeux pour ne pas être éblouis par les particules.
_ Scanner Yumi.
A l’intérieur du scanner, la jeune fille est soulevée de terre et s’élève vers la partie supérieure de la capsule.
_ Scanner Ulrich.
Ulrich échappe à la gravité et s’élève aussi.
_ Scanner Odd.
Les pieds de Odd se décollent du sol.
_ Virtualisation, annonce Jérémie.
Dans les trois sarcophages, un flash blanc de magnésium. Ce flash efface toute sensation de toucher, de faim, de fatigue. Yumi, Odd et Ulrich voient ensemble se dessiner autour d’eux le décor orangé du désert virtuel, et touche le sol faussement sablonneux. Ils se jettent des regards pleins d’appréhension mais leur virtualisation semble s’être déroulée normalement. Yumi a son apparence de Geisha, Ulrich son apparence de combattant, et Odd son apparence à moitié féline. En face d’eux, sous le ciel numérique se dresse un long édifice blanc qui semble flamboyer sans brûler d’un halo rouge.
_ Jérémie, appelle Ulrich, le transfert s’est effectué sans problème et nous sommes devant la tour.
_ Bien répond Jérémie. Aelita, retourne dans le scanner.
A nouveau, dans la salle des scanners, Aelita pénètre dans l’un des sarcophages blancs.
_ Transfert Aelita, dit Jérémie pour la seconde fois;
Les portes de métal se referment, mais à nouveau, rien ne se passe.
_ Eh bien, s’étonne Odd depuis le désert numérique, Einstein, qu’est-ce que tu attends pour nous envoyer Aelita ?
Devant son clavier, Jérémie s’énerve.
_ Pour Yumi, Odd, et Ulrich, il n’y a aucun problème ! Alors, pourquoi je n’arrive pas à virtualiser Aelita ?
_ Dites, les garçons, dit soudain Yumi qui scrute de ses yeux noirs l’horizon virtuel qui lui fait face, vous ne remarquez rien de bizarre ?
Ulrich, trop occupé à s’inquiéter du retard d’Aelita, se contente de lui lancer un regard du style je-t’aime-beaucoup-mais-c’est-pas-le-moment.
_ Tu veux dire, demande Odd, à part qu’Aelita ne nous rejoins pas ? Non, je ne vois pas ce qu’il y a de bizarre.
Son éventail à la main, prête à une attaque qui ne vient pas, Yumi fait quelque pas à découvert, hors des reliefs derrière lesquels ses amis et elle se tiennent. Rien ne se passe. Elle se tourne vers ses compagnons d’arme.
_ Nous sommes devant une tour activée, non ? Pourquoi il n’y a pas un seul monstre ?
La voix de Jérémie, sourde et sombre dans le haut-parleur, vient lui répondre.
_ Pourquoi Xana défendrait-il sa tour s’il sait qu’Aelita ne peut plus retourner sur Lyoko ?

A suivre

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Ecrit par Tchoucky, le 27 juillet 2004

Episode n°2 : Il s’était écarté des autres.

Yumi décroche le combiné du téléphone et compose le numéro sans regarder, trop occupée à guetter ses amis à travers la porte du salon.
_ Allo, oui ?
_ Allô, Papa ? C’est Yumi.
_ Bonsoir, ma chérie. Tu as passé une bonne après-midi ?
_ Heu… Oui. Je t’appelle parce qu’il y avait une copine avec nous à la fête foraine. Vous ne la connaissez pas, elle est dans un autre collège et elle habite en banlieue. L’ennui, c’est que là, elle a manqué le dernier train pour rentrer chez elle. Alors, je lui ai proposé de rester à la maison cette nuit.
Aelita est resté assise, bien droite, sur le canapé en futon des Ishiyama. Yumi la surveille tout en parlant. Ça fait bien une minute que l’humanoïde n’a pas remué un cil. Au bout du fil, la voix de M. Ishiyama se fait dubitative.
_ Je comprends, chérie, mais le repas chez nos amis va certainement se prolonger très tard dans la soirée, et nous ne seront certainement pas là avant minuit.
_ Je sais, Papa, ne t’inquiète pas. Ca ne posera aucun problème. Et vous allez voir, elle est très gentille.
_ Bon, je te fais confiance. Amusez-vous bien ! Au fait, comment s’appelle ta copine ?
_ Aelita, répond Yumi. Merci, Papa. Au revoir.
Elle repose le combiné et revient dans le salon. La télécommande à la main, Odd zappe, dans l’espoir de trouver un bulletin d’information.
_ Calme plat, conclut-il en éteignant le téléviseur. Pas la moindre catastrophe dans le monde.
Ulrich grimace en coupant son portable.
_ Rien non plus au collège, par contre, je vous informe que le caractère de Jim est toujours aussi catastrophique. Il n’a pas apprécié que je le dérange.
_ C’est absurde, dit Jérémie en levant les yeux de son ordinateur portable. Sur Lyoko, la tour est toujours activée.
Les garçons se laissent tomber sur les coussins qui entourent la table basse du salon en soupirant. Jérémie récapitule pour la troisième fois depuis qu’ils sont chez Yumi.
_ Xana ne peut activer qu’une tour à la fois. Il n’a donc pas pu l’activer seulement pour empêcher Aelita d’aller sur Lyoko. Son attaque doit porter sur autre chose et l’empêchement du transfert n’est qu’un effet secondaire dont nous devons comprendre l’origine.
_ Ouaip, fait Odd. En attendant, s’il ne se passe rien, et qu’on ne sait pas comment renvoyer Aelita chez elle, je ne vois pas ce qu’on peut faire.
_ Le mieux, dit Ulrich, c’est que Jérémie cherche à comprendre l’origine de la panne dans les scanners. Et qu’on soit sur nos gardes. Xana a certainement mis au point une stratégie bien rodée.
Yumi ne dit rien. Aussi bizarre que cela puisse paraître, l’attaque de Xana n’est pas le premier de ses soucis en ce moment. Non, ce qui l’inquiète, c’est le comportement d’Aelita. Pris dans le feu de l’action, les garçons n’ont rien remarqué, mais Aelita n’a pas dit un mot depuis qu’ils ont quitter l’usine, sauf pour répondre aux questions qu‘on lui posait. Son visage, d’ordinaire si transparent, si sincère est devenu un masque de cire imperceptible. Pas seulement depuis qu’ils ont quitter l’usine, en fait. Depuis l’histoire du clochard et des policiers.
Cette histoire la travaille encore. Yumi en mettrait sa main à couper.
« On aurait du faire attention ! Pense-t-elle. Ah, qu’est-ce que je donnerait pour savoir ce qui se passe dans sa tête en ce moment ? »
Jérémie est trop obnubilé par l’énigme posée par Xana pour s’apercevoir de quoi que ce soit, et c’est bien dommage, parce qu’il est celui qui la comprend le mieux, d’habitude. Mais là…
_ C’est absurde. Cette attaque est absurde.
Le silence tombe dans le salon blanc et propret des Ishiyama. Un déclic et un bruit de voix. Odd a rallumé la télé et s’est remis à zapper, bien qu’il sache que ça ne sert à rien.
_ C’est absurde, répète Jérémie. Xana ne peut activer qu’une tour à la fois. S’il a activé celle-là pour t’empêcher de retourner sur Lyoko, Aelita, il se paralyse lui-même, il ne tuera personne tant qu’il s’acharnera à te barrer le passage.
Ulrich soupire. Il en a marre d‘entendre Jérémie se répéter.
_ L’absence de monstre sur Lyoko prouve au moins que Xana est pour quelque chose là-dedans. Et que nous allons subir d‘autres conséquences d‘ici peu.
_ Dans ce cas, décide Yumi, on ne vas pas rester ici à se tourner les pouces. Vous, les garçons, vous allez retourner au collège, et de là, Jérémie, tu chercheras ce qui peut empêcher le transfert. Aelita va rester ici avec moi. On s’appelle toutes les deux heures, et ouvrez l’œil. S’il y a quoi que ce soit d’inhabituel…
_ Comme d’habitude, dit Odd avec un sourire charmeur. Après tout, on a vécu pire que ça, non ?
« J’aimerai en être aussi sûr » , pense Jérémie en regardant Aelita. Aelita, dans son corps humain dont elle n’a pas l’habitude. Dans un monde qu’elle ne connaît pas. Tant que Xana reste en activité, la matérialisation fait d’elle une proie facile aux attaques.
Sur Lyoko, Aelita sait de quoi se méfier, elle sait quels sont ses ennemis. Ici, elle ne sait rien. Ne connais rien.
_ Tu ne la laisse pas seule, n’est-ce pas ? Souffle-t-il à Yumi dans l’entrée, tandis que Odd et Ulrich se préparent à partir. Pas un seul instant, pas une seconde !
Yumi ne peu s’empêcher de ressentir une pointe d’exaspération. Elle voudrait lui dire « Mais tu ne vois pas ? Tu ne sens pas ? Aelita va mal, l’histoire du clochard l’a bouleversée, elle a besoin que tu la rassure et toi, tu ne songe qu’à Xana ! T’es aveugle ou quoi ? » Mais elle aurait tort, elle le sait.
_ C’est promis, Jérémie ! Chuchote-t-elle en souriant pour le rassurer.
Jérémie la remercie d’un mouvement de tête et courre rejoindre Ulrich et Odd qui sont déjà dans la rue, laissant les deux jeunes fille seules ensemble.
Yumi revient au salon et observe Aelita en silence. Celle-ci, un peu gênée d’être observer ainsi, se lève et se met à se promener entre les meuble du salon, observant tout, comme une visiteuse de musée.
_ C’est bien, chez toi. Murmure-t-elle. Vous avez beaucoup de livres. Jérémie m’a expliqué que c’était votre façon à vous d’avoir des banques de donnée.
_ Pas exactement, dit Yumi. Ça ce sont des romans.
_ Des romans, répète distraitement l’humanoïde en passant la main sur les couverture de la bibliothèque.
_ Des histoire… Pour se distraire…
_ Ah… fait Aelita en se rasseyant sur le canapé.
En temps normal, elle bombarderait Yumi de question sur la littérature et le concept de plaisir, mais pas aujourd’hui. Elle reste assise, avec un air malheureux.
_ Aelita, dit Yumi. A propos de ces policiers…
_ Ca va, répond Aelita. C’est fini.
Sa voix sonne faux. C‘est la première fois qu‘elle ment. Yumi croit bon d’insister un peu.
_ Si tu veux, on peut en parler.
_ Je n’ai pas envie d’en parler.
Yumi abandonne, mieux vaut ne pas la brusquer. Son amie n’a pas l’habitude d’éprouver des sentiment comme la colère, ou la déception. Elle a besoin de comprendre ce qui se passe en elle.
Odd, Ulrich et Jérémie remontent les rues à pied.
_ Tu crois que tu vas réussir à rétablir le programme de virtualisation ? Demande Ulrich.
_ Pour que je le rétablisse, grommèle Jérémie, il faudrait qu’il soit endommagé. Mais il est en parfait état de marche, ce fichu programme !
_ Ben alors, demande Odd. Qu’est-ce qui foire ?
_ Je vous l’ai dit : rien ! Je n’ai aucune idée de comment Xana a fait.
Ulrich et Odd se taisent, quand Jérémie se trouve confronté à un problème qu’il ne comprend pas, il ne vaut mieux pas l’asticoter. C’est en silence que les trois adolescents arrivent au collèges, en silence qu’il regagnent leur chambre. L’internat est désert, normal, pour un samedi soir, mais l’absence des bruits familier de musique et de bavardage dans les couloir semble soudain pesante, terriblement pesante, et accentue le sentiments d’amertumes de nos amis. Tous ces long couloir vide, d’habitude propice aux jeux et aux plaisanteries, ont soudain pris l’aspect d’un piège dont les garçons ne peuvent sortir tant qu’ils n’auront pas compris le sens de l’énigme qui s’offre à eux. Qu’est-ce que Xana cherche à faire ?
_ On a confiance en toi, Einstein, souffle Odd alors que Jérémie s’installe à son ordinateur.
Jérémie tourne le regard vers lui et sourit. Son premier sourire depuis la tentative ratée de transfert d’Aelita. Puis il se retourne vers l’écran, branche son ordinateur et commence à pianoter, sans rien ajouter. Ulrich et Odd le laissent et se rendent dans leur propre chambre.
_ Odd, dit soudain Ulrich, tu as oublié de fermer à clef en partant !
Non seulement leur porte n’est pas verrouillée, mais elle est entrouverte.
_ Oublié, répète Odd, non, je croyais que tu t’en chargeais.
Il dépasse Ulrich et pénètre précipitamment dans la chambre.
_ Kiwi, t’es là, mon chien ?
Mais à part l’habituel désordre, la chambre est déserte.
_ Ah, c’est malin, s’énerve Ulrich, il est allé se balader dehors ! Avec Jim qui rôde et Xana qui mijote, c’est vraiment pas le moment !
_ Relax, mon pote ! Sourit Odd, bien décidé à ne pas laisser l’ambiance maussade du climat le contaminer. Je vais le chercher.
_ Je viens avec toi, dit Ulrich.
_ Non. Reste ici, à disposition. Si l’Einstein a besoin d’aide, il en aura besoin immédiatement.
_ Tu crois ? Demande Ulrich.
_ T’inquiète ! Je pars pas en expédition sur l’Everest, je vais juste chercher mon chien dans le parc. Allez à plus, vieux.
Ulrich le regarde s’éloigner vers l’escalier avec une sensation étrange, comme un pressentiment qu’il n’arrive pas à définir. Un instant, il est pris de l’envie de courir après son ami pour le rattraper, ne pas le laisser seul. Mais il voit d’avance le sourire moqueur qui accueillerait son inquiétude et il préfère rester sur place, plutôt que de paraître ridicule.


Il fait bon dans le parc. Le soleil se couche, au loin, derrière les arbres. Odd sifflote, l’oreille tendue. Les couinement du chien lui répondent, quelque part au fond de la cours.
_ Kiwi ? Viens me voir, mon chien ! Viens voir ton copain !
Le chien couine, mais ne vient pas. Il semble effrayé par quelque chose. D’où il est, Odd ne le voit toujours pas, mais les couinement semblent venir du réfectoire.
_ Allons, Kiwi, c’est moi ! N’ai pas peur, dit-il d’une voix douce.

Non loin de là, à l’entrée du parc, Millie et Tammya reviennent de la fête foraine, les bras chargés de lots.
_ Que je suis contente, dit Millie, que ta mère t’ai laissée rester avec moi ! Un Week-End ici toute seule, j’aurais eu du mal.
Tammya rigole.
_ On s’est bien amusée, finalement. Tes parents ont bien fait de ne pas t’emmener à leur Week-end administratif. Eh ! Tu entends ?
Des aboiement furieux se sont soudains déclenchés dans le silence de la soirée. Ils semblent venir du collège.
_ C’est le chien de Odd, dit Tamya. Il est fou, il va se faire repérer.
Soudain, les aboiement s’interrompent et laissent place à un long cris plaintif. Au fond de la cours, Kiwi s’est mis à hurler à la mort.
_ Il se passe quelque chose ! Murmure Millie, angoissée.
Toutes deux se précipitent vers l’endroit d’ou vient le hurlement. Derrière le réfectoire, Kiwi pousse son gémissement plaintif. Odd est étendu au sol, près de lui. Millie et Tamya lâchent tous leur paquets sur le sol. Terrifiée, elles s’agenouille près du garçon.
_ Odd ? Appelle Millie d’une toute petite voix. Odd, tu nous entends ?
Mais Odd ne bouge pas. Il a les yeux fermés, le teint pâle et une respiration saccadée. Il ne semble rien entendre, ni les appels de Millie, ni les hurlement de Kiwi. Dans sa main, son téléphone portable affiche encore le début du numéro d’Ulrich. Il n’a pas eu le temps de finir de le composer.

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Ecrit par Tchoucky, le 28 juillet 2004

Épisode n°3 : Narcolepsie.

Entre les murs blancs de l’hôpital, Aelita se sent mal à l’aise. Le blanc, ce n’est pas une couleur naturelle. Le blanc, c’est le résultat de toutes les couleurs quand elles s’annulent entre elles, le néant. Pourquoi les humains soignent-ils leurs malades au milieu du néant ?
_ C’est ici, lui souffle Yumi en désignant une porte.
Aelita pénètre après elle dans une petite chambre exiguë et terne. Ulrich et Jérémie sont prés de la fenêtre, assis dans des fauteuils, ils se lèvent à l’entrée des filles. Ils sont tous deux aussi pâle que des fantômes. Sur un lit étroit, Odd est allongé, les yeux fermés. Il est à peine reconnaissable, lui si plein de vie d’ordinaire, allongé là comme un pantin à qui on aurait coupé les fils. Les quatre amis restent debout face à face un instant, sans mot dire. Que pourraient-ils se dire ?
Tremblante, Aelita contemple le gisant. L’eau coule sur ses joues, cette eau que Jérémie appelle les larmes. Elle songe à la fête foraine, il y a quelques heures à peine. Que ces instants d’insouciance et de plaisirs coûtent chers !
_ C’est ma faute. Murmure-t-elle.
Les autres sortent de leur torpeur pour se rassembler autour d’elle.
_ Mais non… Ne dis pas ça… Ce n’est la faute de personne…
_ Je n’aurais jamais dû quitter Lyoko.
Un sanglot la secoue.
_ Je n’aurais jamais du exister ! Si je n’existais pas, Xana serait débrancher depuis longtemps.
_ Ne dis pas ça ! Dit Jérémie désespéré.
D’un geste de la main, Yumi lui fait signe de rester à distance. Elle attire Aelita contre elle et l’entoure de ses bras pour qu’elle puisse pleurer tout à loisir.
_ C’est le stress et la fatigue, Aelita. C’est normal. Tu n’es pas habituée à rester matérialisée si longtemps.
Elle parle de nouveau d’une voix très douce, comme quand on s’adresse à un enfant ou à un petit animal effrayé. Les garçons observent les deux jeunes filles enlacées, sans faire un geste. Ulrich tourne le regard vers Odd. Lui aussi, il a le sentiment que c’est sa faute. S’il avait insisté, s’il avait accompagné son ami à la recherche de Kiwi…
_ Qu’est-ce qu’il a exactement ? Demande Yumi quand Aelita s’est un peu calmée.
Jérémie soupire.
_ Le médecin dit que son état est stationnaire. Il n’a rien voulu dire de plus.
_ Il est comme ça depuis que Millie et Tammya l’ont trouvé, dit Ulrich d’une voix éteinte.
Il joue avec le portable de Odd, posé sur la table de nuit.
_ Je vais trouver quelqu’un qui va nous en dire plus. Décide Yumi.
Elle se dirige vers la porte et l’entrouvre, mais la referme aussitôt.
_ Le proviseur arrive ! Avec le médecin.
En effet la porte s’ouvre, laissant place à un homme à barbe et cheveux gris. Le médecin chef, vêtu d’une blouse blanche, l’accompagne.
_ M’sieur l’directeur ! Saluent en chœur les adolescents.
_ L’heure des visites est terminée, jeunes gens, dit le médecin-chef d’un ton sévère. Je vous demanderais de nous laisser.
_ Mais… Commence Jérémie.
Le proviseur lui tapote l’épaule affectueusement.
_ Je conçois votre inquiétude, Jérémie, je sais qu’Odd est un très bon ami pour vous. Mais le médecin a raison. Vous devriez nous laisser. Ceci n’est pas un endroit pour vous.
Mais Yumi semble bien déterminée à rester.
_ Monsieur, demande-t-elle au médecin, poliment mais fermement, pouvez-vous nous dire ce qu’il a.
_ Mademoiselle Ishiyama, n’importunez pas le docteur. Vous aurez des nouvelles dès que possible. A présent, sortez, s’il vous plait.
Près de la table de nuit, Ulrich est soudain saisi d’une idée. Le portable de Odd est toujours dans sa main. Prestement, il y compose le numéro de Yumi et repose l’appareil sur la table de nuit. Personne n’a rien vu.
Contre sa jambe, Yumi sent que son téléphone s’est mis à vibrer. Elle croise le regard d’Ulrich, qui tente de lui faire comprendre par signe discret. Elle hoche imperceptiblement la tête et cesse d’insister auprès du médecin.
_ Vous avez raison, m’sieur le directeur. Nous allons partir.
_ Hein ? Fait Jérémie, stupéfait de voir son amie battre en retraite si facilement.
_ Discute pas, dit Ulrich. Allez, viens !
Il pousse son camarade hors de la chambre, tandis que Yumi entraîne Aelita, qui a observé la scène sans rien dire.
_ Qu’est-ce qui vous a pris ? Demande Jérémie une fois dehors. Comment voulez-vous qu’on aide Odd, si on ne comprend pas ce qui lui est arrivé ?
_ Chut, fait simplement Yumi.
Avisant la porte d’un placard à balais, elle y pousse ses compagnons, et y entre en fermant la porte. Là elle décroche son portable qui continue à vibrer et branche le haut-parleur pour que tout le monde puisse suivre la conversation.
_ … Ne pouvez rien me dire de plus ? Fait la voix du proviseur.
_ Je suis désolé. Nous avons fait tous les tests possibles et imaginables. Nous n’avons rien trouvé qui permette d’expliquer l’état de léthargie. Nous avons là un garçon plein de santé qui est dans le coma sans aucune raison. Où sont ses parents ? .
_ A l’étranger, répondit le directeur, n’arrivons pas à les prévenir.
_ Faites-le sans tarder, répondit le médecin. Il faut que je sache s’il y a des précédents. Ce garçon n’a jamais souffert de narcolepsie ?
_ Odd ? Certainement pas ! Je ne connais pas d’enfant plus éveillé !
_ Alors, je ne comprends pas, dit la voix du médecin. Je ne comprends tout bonnement pas.
Yumi raccroche son portable. Ses compagnons et elle quittent leur cachette.
_ Il faut interroger Millie et Tammya. Elles ont peut-être vu quelque chose sans se rendre compte.
Jérémie hoche la tête. Il est dubitatif, mais il faut bien tenter de comprendre.
_ Ulrich et moi, on va s’en charger. Mais d’abord, nous vous raccompagnons chez toi, Yumi. Il ne faut pas qu’on se sépare.
Mais Aelita hoche la tête.*
_ Mieux vaut ne pas perdre de temps. Yumi et moi nous allons rentrer et vous, vous allez interroger Millie et Tammya.
_ Mais, Aelita…
_ Non, Jérémie, l’interrompt doucement, mais fermement l’humanoïde. Odd est en danger, et il faut qu’on sache la nature de ce danger. C’est tout aussi important que ma sécurité.
_ Elle a raison, dit Yumi. Courrez, interrogez Millie et Tammya.
Jérémie tourne les yeux vers Ulrich et voit que celui-ci approuve les deux autres.
_ Bien. Nous faisons aussi vite que possible.
Les garçons s’éloignent. Yumi passe le bras autour des épaules de l’humanoïde et l’entraîne hors de l’hôpital trop blanc.
Au dehors, la nuit était tombée rapidement. Un peu trop rapidement au goût de Yumi qui sent soudain peser sur ses épaules sa responsabilité de garde du corps d’Aelita. Elle s’efforce de ne pas paraître nerveuse, ne voulant pas inquiéter son amie, qui a l’air bouleversée.
_ Ca va ? Lui demande-t-elle.
_ Non, répond l’humanoïde, ce qui est l’expression exacte de la vérité.
Yumi resserre autour d’elle la pression de ses bras et sourit.
_ Yumi, dit Aelita. Quand j’ai dit que votre monde était injuste…
_ C’était très compréhensible. Lui répond Yumi, un peu embarrassée d’avoir à parler de ça dans un moment pareil.
L’humanoïde inspire. Cherche comment exprimer ce qu’elle ressent.
_ Je suis différente, Yumi.
_ Bien sûr que tu es différente. Tu n’as pas encore l’habitude de notre monde…
_ Non, tu ne comprends pas. Je suis vraiment différente. Il y a des choses que je ne peux pas voir, que je ne peux pas accepter…
Elles se sont arrêtées à une station d’autobus, Yumi toujours serrant les épaules d’Aelita.
_ Yumi, je me demande si ce n’est pas moi, et moi seule qui bloque le transfert.
_ Que veux-tu dire ?
Aelita tremble, pourtant elle n’a pas froid. Yumi se serre d’avantage contre elle.
_ Essaye de m’expliquer, Aelita, on se sent toujours mieux quand on parle.
_ Avant, ma force, c’était de pouvoir vous faire confiance…
_ Et maintenant tu n’as plus confiance en nous ?
_ Je ne sais plus… Je ne sais plus…
Ce sont des sanglots maintenant qui la secoue, elle ne sait pas comment les retenir. Mais Yumi est calme. Elle répète d’une voix douce.
_ Tu n’as plus confiance en nous parce que nous ne sommes pas intervenus contre ces policiers, c’est ça ? Et tu penses que c’est à cause de ça que le transfert ne se fait pas.
Même sans rien connaître à l’informatique, Yumi se rend bien compte à quel point ce raisonnement est absurde. Mais ce n’est pas à elle de le dire. Il faut qu’Aelita s’en rende compte d’elle-même.
_ Je voudrais qu’on retourne à l’usine, Yumi.
_ A cette heure ? Je ne crois pas que ce serait prudent.
_ Il faut que je sache, Yumi. Il faut qu’on réessaye le transfert.
_ Sans Jérémie ?
_ Je t’expliquerais tout. S’il te plait, Yumi.
Yumi imagine sans peine quelle serait la réaction de Jérémie si elle acceptait. Elle se rend aussi compte du risque qu’il y a, vu les circonstances actuelles, à se promener dans une usine désaffectée la nuit.
_ Je ne sais pas, Aelita. Je ne sais vraiment pas. Je sais que c’est important, mais…
_ Si le transfert ne marche pas, nous saurons que ce n’est pas moi qui le bloque. S’il marche, je pourrais désactiver la tour et sauver Odd.
Ce dernier argument fait fléchir Yumi. Elle n’a pas oublié la vision de Odd étendu sur le lit d’hôpital comme un jouet cassé. Et si Aelita avait raison, après tout ? Si le traumatisme laissé par l’aventure avec les policiers était responsable du blocage ?
_ D’accord, Aelita. Allons affronter tes démons.
Les deux jeunes filles s’éloignent de la station de bus et se faufilent dans les rues jusqu’à l’usine. Aelita frissonne. Dans l’ombre de la nuit, l’usine semble plus fantomatique que jamais. Sa silhouette noire pourrait passer pour la carcasse d’un bateau échoué au milieu du fleuve.
Yumi emmène son amie à l’intérieur et toutes deux descendent au laboratoire secret. Aelita s’installe devant les écrans et programme toutes les données nécessaires à son transfert.
_ C’est bon. Quand je serais dans le scanner, tu n’auras plus qu’à appuyer sur « Entrée » et le programme se déclenchera automatiquement.
_ J’espère que tu as raison.
Avant de disparaître dans l’ascenseur, l’humanoïde sourit à son amie.
_ Merci, Yumi. Merci d’avoir accepté.
_ Jérémie va m’en vouloir à mort de t’avoir emmenée ici au lieu de te conduire en sécurité chez moi. Murmure Yumi.
Mais Aelita n’a pas entendu. La porte de l’ascenseur se referme sur elle.
Yumi s’installe devant les écrans, non sans une certaine appréhension. Chaque fois qu’elle s’est installée à ce poste à la place de Jérémie, elle a commis une erreur.
La première fois, ce n’était pas trop grave. Odd et Ulrich avaient juste atterris au mauvais endroit. La deuxième fois par contre, Jérémie s’est retrouvé coincé entre Lyoko et le monde réel. Il a bien failli disparaître.
_ Yumi, fait la voix de l’humanoïde dans les écouteurs, je suis en place.
_ Bien, marmonne la jeune fille, allons-y. Transfert Aelita.
Elle appuie sur le bouton et attend. Rien ne se passe.
_ Bon. C’est raté, Aelita. Je suis désolée.
_ Pas encore. Réessaye.
En soupirant, Yumi ré appuie sur la touche « Entrée ». Aucun résultat.
_ Tu vois Aelita. Ce n’est pas toi qui bloque le transfert.
_ Réessayons, s’il te plaît. Une dernière fois.
Yumi s’exécute. Soudain un message vient s’afficher sur l’écran. Pendant un quart de seconde, Yumi croit que le transfert se déclenche enfin, mais non. Les mots qu’elle lit sont : « Anomalie, porte du scanner ouverte ». Et la voix d’Aelita se met à raisonner dans les écouteurs.
_ Yumi ! Yumi, au secours !
_ Aelita ! Qu’est-ce qui se passe ?
Un déclic. La communication est coupée. La jeune fille se lève précipitamment de son siège et court vers l’ascenseur. La cabine est encore à l’étage en dessous. Yumi l’entend qui se met lentement en marche à son appel.
« Plus vite ! Dépêche ! Dépêche ! »
La cabine atteint le niveau du laboratoire avec une lenteur exaspérante. Les porte s’ouvrent. L’adolescente se précipite dedans et presse la manette du boîtier de commande avec tant d’intensité que c’est à peine si son poing ne passe pas à travers le mur.
La cabine redescend.
_ Aelita ! Appelle Yumi. Aelita !
Les portes s’ouvrent sur la salle des scanners. Elle est vide.
_ Aelita ! Où es-tu ? Répond, s’il te plait ! Aelita !
Mais les trois scanners sont ouverts, et il n’y a plus personne dans la salle. Plus personne que Yumi, qui hurle désespérément.
_ Aelita ! Aelita ! AELITAAAAA !

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Ecrit par Tchoucky, le 29 juillet 2004

Episode n°4 : Et un, et deux, et trois de moins…

Ulrich et Yumi courent de plateau en plateau, à travers le décor rocheux du territoire des montagnes. Ils s’efforcent de ne pas penser, se contentant de chercher.
_ On va essayer à trois degrés plus au sud, annonce Jérémie dans le haut-parleur.
Les deux combattants virtuels disparaissent aussitôt de l’endroit où ils sont pour réapparaître un peu plus loin.
_ C’est le dernier territoire, Jérémie. Dit Ulrich. Si elle n’est pas ici, c’est qu’elle n’est pas sur Lyoko.
_ Ce n’est pas possible ! Le coupe Jérémie d’un ton catégorique. Elle y est forcément.
Yumi ne dit rien. Elle se contente de courir et de scruter autant qu’elle peu les reliefs tout en se répétant : « C’est juste un cauchemar. Un horrible cauchemar. Je vais me réveiller et tout ira bien ensuite. » Ulrich lui jette de temps en temps des regards inquiets. Elle lui sourit pour le rassurer, mais elle sait qu’elle ne trompera personne.
« S’il te plaît, Yumi, retournons à l’usine ! »
« Non, Aelita, ce n’est pas prudent. Nous irons à l’usine demain, quand les garçons seront là. »
C’est ce qu’il fallait répondre. Pourquoi s’est-elle laissé attendrir ?
Devant ses écrans, Jérémie se répète. « C’est un plan. Un plan bien conçu. Si « Il » l’a capturée, il doit l’avoir gardé vivante. C’est ça, « Il » doit avoir un plan qui l’oblige à la garder vivante. »
_ Toujours rien dans ce périmètre-ci, annonce la voix d’Ulrich dans les écouteurs.
_Bon, je vous déplace encore.
Mais au moment ou il s’apprête à entrer les coordonnée, il sursaute. Un bruit derrière lui l’a alerté. Il se retourne. Il n’y a personne dans le laboratoire.
_ Jérémie, qu’est-ce que tu fabrique ?
_ J’aurais juré entendre un pas… Bah, ce n’est rien.
Il veut se pencher sur son clavier, mais constate que Kiwi, qui dormait à ses pieds, s’est redressé et gronde.
_ Kiwi, qu’est-ce qu’il y a ? Tu vois bien qu’il n’y a personne.
Mais le chien, hérissé, ne quitte pas son attitude défensive. Jérémie frissonne.
_ Ulrich, Yumi, on continuera les recherches plus tard. Je vous ramène dans la réalité.
_ Quoi ? Tu es sûr ?
_ Écoutez, je sais que ça va vous paraître bizarre, mais je suis sûr que je ne suis plus seul dans le labo. Kiwi a l’air de ressentir la même chose que moi.
_ Alors ramène-nous immédiatement ! S’écrie Yumi.
Prestement, Jérémie tape le code de dévirtualisation. Il entend à l’étage du dessous les portes des scanners qui s’ouvrent. Kiwi gronde toujours aussi fort. Jérémie cherche autour de lui quelque chose qui puisse lui servir d’arme, mais il n’y a rien.
La porte de l’ascenseur s’ouvre, livrant passage à Ulrich et Yumi. A peine sont-ils entrée que Kiwi cesse immédiatement de grogner. Il s’allonge sur le coté et se rendort.
Jérémie et ses amis restent un instant immobiles, sur la défensive. Mais comme rien ne se passe, Jérémie donne un coup de pied furieux à son fauteuil.
_ Ce satané clébard m’a fait peur pour rien. Et maintenant que je vous ai ramené, impossible de vous renvoyer sur Lyoko avant plusieurs heures.
Yumi consulte sa montre.
_ Il est une heure du matin. Je crois qu’on ne pourra rien faire de plus aujourd’hui. Mieux vaudrait aller se reposer.
Ulrich hoche la tête.
_ Elle a raison, Jérémie. Mieux vaut rentrer.
_ Allez-y. Grommèle Jérémie. Je vais mettre au point un programme pour essayer de localiser Aelita dans Lyoko. Je vous rejoins.
_ Ne reste pas seul dans cette usine ! Supplie Yumi, d‘une voix sans timbre.
_ Je vais rester avec lui. Dit Ulrich. Toi, rentres chez toi. Tu en as besoin.
_B… Bien. Dit Yumi.
Elle voudrait protester, mais elle est vraiment épuisée.
_ Je t’accompagne jusque là-haut, dit Ulrich en pénétrant dans l’ascenseur avec elle.
Devant les écrans, Jérémie s’est déjà remis à pianoter. C’est à peine s’il remarque que la porte se referme sur eux.
_ Comment tu vas ? Demande Ulrich à Yumi, une fois qu’ils sont seuls dans l’ascenseur.
_ Pas fort.
Timidement, il lui saisit la main et la garde serrée dans la sienne.
_ Ce n’est pas ta faute.
_ J’aimerais en être aussi sûre.
C’est elle qui tremble maintenant, plus fort qu’Aelita, il y a quelques heures. Aelita qu’elle était chargée de protéger.
_ Tu n’as pas vu le regard que Jérémie m’a lancé, quand vous êtes venu me rejoindre ?
_ Ca va lui passer.
_ Non. Jamais il me pardonnera ça. Jamais. Et moi non plus, je ne me le pardonnerais jamais.
_ Chut ! Tout ira mieux demain, tu vas voir.
L’ascenseur s’arrête au niveau de la salle cathédrale.
_ Merci, Ulrich. Merci d’être là.
_ Ce n’est pas grand chose.
Yumi sort de la cabine, fait quelque pas en direction de la sortie, puis soudain fait volte face, revient vers Ulrich et l’embrasse fougueusement. Le garçon tressaille et rougit, il n’est pas dans les habitudes de Yumi d’être si démonstrative, mais il passe ses bras autour d’elle et la laisse s’épancher.
Puis, sans mot dire, elle se détache et s’en va, vers la sortie, sans rien ajouter. Ce qu’elle aurait à lui dire, elle est incapable de l’exprimer autrement que comme elle vient de le faire. Rouge et confus, Ulrich la regarde s’éloigner, et sortir de l’usine. Il se sent un peu assommé.
Il redescend au sous-sol. Jérémie, toujours à son clavier, se lève en sursaut à son approche.
_ Du calme, vieux, ce n’est que moi.
_ Désolé. Xana joue avec nos nerfs. Ce n’est pas le genre d’attaque qu’il lance, d’habitude.
_ Je sais. Il prend son temps. Et le plus étrange, c’est que Xana n’a pas cherché à tuer Odd. Son état est stationnaire.
_ S’il ne cherche pas à nous tuer, je ne comprends pas ce qu’il veut. Et puis il n’y a pas que ça…
_ Quoi d’autre ?
_ J’ai l’impression qu’à part la tour activée, il n’y a aucun signe de Xana sur Lyoko. Il est parfaitement immobile.
Ulrich ne répond rien. Il regarde Jérémie travailler en silence. Enfin, celui-ci se lève.
_ C’est fini. On peu rentrer.
Les deux amis quittent le laboratoire et sortent de l’usine. Dehors, tout est silencieux. Un ciel d’étoile immobile surplombe la ville sombre. Il fait froid. Fatigués par les émotions, les garçons se dirigent vers l’entrée du tunnel qui les ramènera au collège. Soudain, la sonnerie du portable d’Ulrich retentit dans le calme de la nuit. Il décroche.
_ Oui ?
_ Ulrich… fait la voix de Yumi.
Ulrich attend la suite de la phrase. Elle ne vient pas. Yumi s’est tue.
_ Yumi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
A l’autre bout du fil, c’est le silence. Yumi ne dit plus rien.
_ Yumi ? Tu m’entends, Yumi ? Allô ? Allô ?
Rien. Ulrich regarde Jérémie qui lui rend son regard. Sans avoir échangé une phrase, ils s’éloignent du souterrain et se mettent à courir, d’un même mouvement vers la rue qui remonte jusque chez Yumi.
Devant la maison, M. et Mme Ishiyama s’affaire auprès d’une silhouette étendue. M. Ishiyama parle dans son téléphone.
_ Oui, nous venons de la trouver. Non, elle ne paraît pas nous entendre. Elle respire. Son pouls semble normal. Oui, nous vous attendons.
_ Yumi ? Tu nous entends ? Yumi ? Demande Madame Ishiyama à la forme étendue. Si tu nous entends, essaye de bouger.
Ulrich et Jérémie se sont arrêtés à distance. Ils observent, dissimulés par l’ombre.
_ Viens, Ulrich. Dit Jérémie en saisissant son ami par le bras. On ne peut plus rien.
Comme un somnambule, Ulrich se laisse entraîner vers le collège.
_ Qu’est-ce qu’elle a eu le temps de te dire, au téléphone. Demande Jérémie à voix basse.
_ Ulrich. Répond le garçon d’une voix sans timbre.
_ C’est tout ?
_ Juste Ulrich.
Ils s’éloignent côte à côte, Kiwi trottinant derrière eux. Tapie dans l’ombre, quelque chose les regarde partir. Rien ne presse. Ils sont si petits. Si impuissants. Rien ne presse. Qu’ils rentrent se reposer. Cela ne leur servira de rien d‘être plus reposés…


Un rayon de lumière chaude caresse le visage d’Aelita, l’arrachant au doux refuge des rêves et du sommeil. Elle ouvre les yeux en sentant sous son dos le contact froid et dur du béton. Elle est gelée. Sa tête lui fait mal. Elle a une sensation désagréable dans l’estomac, et une autre dans la gorge.
« Faim… Soif…. Où suis-je ? »
Elle se lève, secoue ses jambes endolories et observe la pièce où elle est enfermée. C’est un réduit étroit, encombrée de vieilles pièces de métal rouillées. La lumière tombe d’une verrière au plafond, trop haute pour qu’Aelita puisse l’atteindre et regarder où elle se trouve. De la poussière recouvre le sol ou elle était allongée.
Prise au piège, comme une mouche dans une boite.
Seule certitude, c’est le matin, 8h ou 9h, et elle est toujours dans l’usine. Mais dans une partie de l’usine que ni elle, ni ses amis n’ont jamais explorés. Ce réduit devait servir d’annexe aux entrepôts. Pourquoi est-elle ici ? Au lieu de chercher à la détruire, « Il » la retient prisonnière.
Elle s’assied sur le sol et ramène ses genoux endoloris et poussiéreux contre sa poitrine.
« Jérémie et les autres vont venir me délivrer. J’en suis sûre. »

Ulrich, épuisé, est arraché au sommeil par la lourde poigne de Jim, le surveillant. Il lui faut quelque seconde pour reprendre ses esprits et comprendre ce qu’il fait, allongé sur un matelas dans la chambre de Jérémie. Le souvenir des événements de la nuit précédente lui reviennent. Odd. Aelita. Yumi. Il tourne ses yeux fatigués vers Jérémie, qui s’est redressé sur son lit, lui aussi réveillé par Jim. Le blondinet a les traits tirés et le teint pâle.
Penché sur eux, Jim s’impatiente. C’est un homme rubicond, à l’allure débraillée et toujours en rogne. Sous cette allure se cache une personnalité généreuse et compatissante. En trouvant ce matin les deux garçons dans la même chambre, il a eu le cœur serré. C’est sûr, il est dur de dormir seul, après ce qui est arrivé à Odd. Mais Jim n’est pas venu pour s’attendrir, il a une mission difficile à assumer et cela n’arrange pas son caractère.
_ Bon allez, habillez-vous tous les deux, le directeur vous attend.
Dans le dos du surveillant, Ulrich et Jérémie échangent un regard. Ils savent qu’on les convoque pour leur annoncer ce qui est arrivé à Yumi. Il va falloir encore mentir, donner l’impression qu’ils l’apprennent pour la première fois, et répondre aux questions… D’avance, Jérémie se sent déjà fatigué. Il en a tellement assez de tous ces mensonges, toutes ces confrontations. Aelita n’est plus là pour l’aider à tenir. Aelita a disparu.
Ulrich, qui semble avoir plus de volonté, a déjà enfilé ses vêtements. Il lui fait un sourire encourageant. Il faut l’imiter, mettre son pull, son pantalon. Jérémie a le sentiment que tous ses membres sont en plomb. Par bonheur, malgré son air renfrogner, Jim ne s’exaspère pas de sa lenteur. Il attend que le petit blond à la tête ronde ait finit de se préparer, les bras croisés, adossé contre le chambranle de la porte. Son regard est plus sombre que jamais.
Quelques instant plus tard, le surveillant pousse les deux garçons dans le bureau du directeur.
_ Asseyez-vous, Messieurs, leur dits celui-ci avec une douceur inhabituelle.
Ulrich et Jérémie se laissent tomber sur les fauteuils qui leur sont tendus par Mme Bonpoil, la secrétaire.
_ Ulrich, Jérémie, j’ai reçu ce matin un appel de M. Ishiyama. Yumi a été hospitalisée cette nuit avec les même symptômes que Odd.
Ulrich est stupéfait par la facilité qu’il a à paraître bouleversé par la nouvelle. Mais à vrai dire, il n’a pas besoin de faire semblant.
_ Comment va-t-elle ? Demande Jérémie.
_ Son état est stationnaire, mais les médecins n’arrivent pas à déterminer la cause du mal. Ils auraient besoin de savoir ce qu’Odd et Yumi ont pu faire hier, ce qu’ils ont pu toucher qui les aurait mis dans cet état. Vous souvenez-vous de quelque chose qui pourrait les aider ? Le moindre détail compte.
D’un même mouvement, Ulrich et Jérémie secouent la tête.
_ Nous avons été à la fête foraine. Puis Yumi est rentrée chez elle, et nous au collège. Dit Jérémie.
Sa voix est un peu tremblante, mais il soutient sans ciller le regard du directeur. Ulrich opine du chef.
_ Autre chose. Quand je vous ai vu à l’hôpital, hier, il y avait une autre jeune fille avec vous. Cette jeune fille, pouvez vous nous dire qui elle est ?
Jérémie essaie de répondre, mais sa voix se perd. C’est Ulrich qui intervient précipitamment.
_ C’est une amie de Yumi. Nous ne la connaissons pas. Nous l’avons rencontré hier pour la première fois.
Le directeur plisse le front, soucieux.
_ Cette jeune fille, Aleta, je crois, devait passer la nuit chez les Ishiyama. Elle a disparu. Nous devons l’identifier à tout prix. Voyez-vous, si vos amis ont été exposés à une toxine quelconque, vous y avez peut-être été exposé vous-même, et cette jeune fille également.
_ Je regrette, Monsieur, répond Ulrich d’une voix ferme, mais nous ne savons que son prénom. Seule Yumi pourrait vous renseigner.
_ J’ai bien peur, mon garçon, que Yumi ne soit pas en état de donner quelque renseignement que ce soit.
Ulrich tremble. « Pardon, Yumi. Pardon. » Il aurait suffit qu’il l’accompagne… Mais non. S’il était parti avec Yumi, le mal du sommeil serait tombé sur Jérémie, il en est sûr à présent. Qu’auraient-ils pu faire, sans Jérémie ?
_ Vous comprenez également, ajoute le directeur, que nous devons veiller tout particulièrement sur vous, nous assurer que vous ne présentez aucun symptôme semblable à ceux de vos amis. Ces pourquoi je vais vous demander de ne pas quitter l’enceinte du collège, et de ne pas sortir de vos chambres sans surveillance.
_ C’est… Vraiment nécessaire, M’sieur ? Demande Jérémie.
_ Indispensable, jeune homme.
Tandis que le directeur continue à leur expliquer toutes les précautions qu’ils doivent prendre jusqu’à ce qu’on ait compris la cause du mal, Ulrich jette un regard en coin à son ami. Le cerveau de la bande, le petit génie. « Rien ne doit arriver à Jérémie, lui seul peut trouver le moyen de sauver les autres. Rien n’arrivera à Jérémie. Odd, Yumi, Aelita, je vous le promets. »


Le soleil est au zénith, au-dessus de la verrière, quand Aelita entends tourner la serrure de la porte qui la retient enfermée. Elle s’en éloigne prestement et va se blottir dans un coin. Elle ne veut pas « qu’Il » l’approche.
La porte s’entrebâille. « Il » pénètre dans la pièce en prenant soin de la verrouiller derrière lui. « Il » tient à la main deux sac en papier d’où se dégage une odeur de nourriture chaude qui fait tourner la tête de la prisonnière. Mais elle ne bouge pas du coin où elle s’est réfugiée. « Il » pose l’un des deux sacs au milieu de la pièce et va s’asseoir dans l’autre coin.
_ Mange. Dit-« Il » d’une voix douce. Ce corps humain est si douloureux et lourd, quand il manque de nourriture.
Mais Aelita ne bouge pas. « Lui » a déjà sortit du sac une cuisse de poulet rôti et mords dedans à belles dents.
_ Je comprends, soupire-t-il, pourquoi les humains sont des créatures si peu logiques. Toutes ces sensations encombrantes. Toutes ces impressions qui obscurcissent le jugement. Regarde-toi. Tu es certainement le programme le plus parfait qui ait jamais été conçu dans le supercalculateur, le seul dont je n‘ai pas réussi à m‘emparer, et qu’es-tu maintenant que tu es matérialisée ? Tu tremble de faim, de froid. Tu n’arrive plus à avoir de pensée concrète.
C’est vrai. Aelita se sent l’esprit engourdi. Elle est là depuis des heures, sa foi en l’arrivée salutaire de ses amis diminue de minute en minute.
_ Mange. Dit-« Il » encore. Si j’avais voulu te détruire, je l’aurais déjà fait. Cela fait des heures que tu es à ma merci.
Aelita doit bien se plier à la logique de ce raisonnement. Prudemment, elle va chercher le deuxième sac de nourriture au milieu de la pièce retourne dans son coin, et se met à manger avidement.
_ Ca ira mieux ainsi. J’ai bien peur de devoir te retenir ici quelque temps, donc mieux vaut pour toi que tu économise tes forces.
Aelita l’observe. « Il » a de longs cheveux noirs, et un visage très fin, très beau. Il dissimule ses yeux derrière une paire de lunette de soleil et sa longue silhouette dans un imperméable. Il mange avec désinvolture.
_ Pourquoi ? Demande-t-elle en rassemblant son courage. Pourquoi me retiens-tu ici ? Pourquoi ne me détruis-tu pas ?
Il lui sourit. Un sourire doux qui n’a rien du sourire sarcastique d’un ennemi.
_ Pourquoi te détruirais-je, puisque je t’ai réduit à l’impuissance ? Quel besoin ai-je de te tuer ? Ou de tuer tes amis ? Je ne détruis que les obstacles qui se mettent en travers de ma route.
_ Qu’est-ce que tu as fais aux autres ? Demande Aelita d’une voix inquiète.
_ Rien. Absolument rien. Ils dorment, voilà tout. Ils vont dormir jusqu’à ce que ce soit fini.
_ Quoi, fini ? Qu’est-ce qui doit être fini ? Tu as utilisé la tour pour te matérialiser ! Pourquoi ? Quel est ton but dans tout ça ?
« Il » secoue la tête.
_ Mon but est le même que d’ordinaire. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre ton obstination à me faire échouer.
_ Ton but est de détruire la vie humaine ! Tu voudrais que je te laisse faire !
_ La destruction de l’humanité n’est qu’une étape nécessaire à la construction d’un monde meilleur, régit par l’ordre, l’équilibre et la logique. Un monde à notre image Aelita !
Aelita écarquille les yeux, ouvre la bouche pour protester, mais « Il » ne lui en laisse pas le temps.
_ Je sais. Tu es attachée à ces quatre humains. Mais tu l’as constaté toi-même, ils sont différents de toi. Ils sont imparfaits, et mesquin. Leur jeunesse les rend courageux et drôles, mais ils vieilliront, et ils deviendront tout ce que les humains deviennent en vieillissant. Mesquins. Lâches.
_ Pas eux !
_ Eux comme tous les autres ! Et toi aussi, si tu décide de devenir humain. Le temps agit ainsi sur les humains. Tu n’es pas faite pour ce monde-là, Aelita. Tu n’es pas comme eux. Tu es comme moi, un être parfait.
_ Je ne suis pas comme toi, Xana.
_ Bien sûr que si ! Nous sommes les deux pôles d’une même unité. Tu es la force créatrice. Moi la force destructrice. Nous nous équilibrons parfaitement. C’est à mon côté que tu devrais te battre. Après tout, nous sommes frère et sœur.
_ Je ne suis pas comme toi.
_ Tu es plus semblable à moi que tu n’es semblable à Jérémie. Vois.
Écartant les pans de son imperméable, « Il » en tire une série de journaux qu’il étale devant l‘humanoïde aux cheveux roses.
_ Regarde. « Licenciements en masse dans la haute Garonne, le chômage atteint des taux irréversibles », « La guerre fait des ravages en extrême Orient? », « Nouvelle escroquerie à l’humanitaire«. Te rends-tu compte du monde pour lequel tu risque ta vie tous les jours ?
Aelita voudrait détourner les yeux, mais elle n’y parvient pas. Devant elle s’étalent des images d’enfants mutilés par la guerre. Ses yeux s’emplissent d’eau, mais elle ne s’en étonne pas. C’est devenu une sensation si familière, à présent.
_ Tu vois, dit-« Il », tu vois combien ce monde doit coûter de larmes aux anges.
_ Et que m’offres-tu en échange ? Un désert vide ?
_ Si tu te rangeais à mon côté, une fois éliminés tous ces parasites avec leur pollution, nous pourrons créer de nouvelles formes de vie. Des créatures parfaites. Comme nous.
_ Jamais… murmure faiblement Aelita.
_ Crois-tu ? Je vais te laisser réfléchir à la question. Dans quelque sens que tu tourne le problème, tu te rendras bien compte que ta place n’est pas dans ce monde, mais dans le mien.
Et lentement, d’un pas lent, il s’éloigne vers la porte et quitte la pièce, laissant l’humanoïde seule et confuse.


A suivre.

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Ecrit par Tchoucky, le 29 juillet 2004

Épisode n°5 : Le pouvoir de créer.

_ Ulrich ! Ulrich ! S’écrie soudain Jérémie, tout bas pour que Jim, qui fait les cent pas dans le couloir, ne puisse pas entendre.
Ulrich, qui, allongé sur le lit de Jérémie, Kiwi dans les bras, s’absorbait dans la contemplation du plafond, se redresse d’un coup.
_ Qu’est-ce qu’il y a ? Du nouveau ?
_ Je crois que j’ai localisé Aelita ?
_ Où ? Sur Lyoko ?
_ Non. Sur terre. Dans l’usine !
Ulrich le rejoint derrière l’ordinateur et se penche par-dessus son épaule pour regarder l’écran. Le petit génie explique.
_ J’ai réussi à copier depuis les ordinateurs du labo, les enregistrements vidéo des caméras de surveillances de l’usine. Tiens, là, c’était à 21h28.
Sur l’écran, devant les garçons, apparaît l’image du vieux monte-charge qui mène au laboratoire secret. Deux jeunes filles entrent par la gauche, et y prennent place.
_ Yumi, murmure Ulrich.
_ Et Aelita. Maintenant regarde.
Une fois dans l’ascenseur, Yumi actionne la manette du boîtier de commande. Le rideau du monte-charge descend lentement sur Aelita et elle. Soudain, l’image tressaute et disparaît, laissant place à un écran de neige.
_ Bon. J’accélère la vidéo, jusqu’au moment où ça reprend.
L’écran de neige demeure quelques instants, puis l’image réapparaît. Yumi sort de l’ascenseur, seule, son portable à la main, une expression d’effroi sur le visage.
_ 22h01. C’est l’heure ou

Rune
25/05/05 à 14:58
C'est la première fanfic lyoko sur laquelle je suis tombé en cherchant des fics sur le web.

Bravo!
Ca m'a donné envie d'explorer l'univers à fond.

C'est dingue comme l'esprit de la série a pu être retranscrit, j'avais presque les images dans la tête en lisant cette histoire.

Tchoucky
25/05/05 à 18:36
Merci, Rune. J'apprécie. Ce fic a une particularité. C'est le seul que je n'ai pas écrit en une fois (je considère "le temps de la relève" comme deux fic se suivant). Je voulais expérimenter le style feuilleton et je me suis sentie assez déçu du résultat, c'est pourquoi je n'ai plus renouvelé l'expérience.
Le thème de l'humanité et de ce qui la caractérise est un thème qui m'est très cher.

Rune
26/05/05 à 16:07
Oui cette fic exploite des facettes intéressantes de la série.

Je me suis toujours demandé pourquoi les héros se consacrent au sauvetage d'une personne plutot que d'autres.

Xana qui use de psychologie (même si c'est une science molle) est surprenant. Les deux super-programmes qui se retrouvent "bloqués" par cette humanité c'est intéressant.

Grandiose. Mais bon, j'avoue que ça fait "fic de fille". J'aurais été incapable d'imaginer le dixième des réactions et des sentiments d'Aelita dans une situation pareille. Même sans faire dans l'action pure ça reste prenant de bout en bout.

Tchoucky
26/05/05 à 17:08
Constatant par la même occasion que pour une raison obsure il manque la fin du fic, je reposte :

vouloir à mes amis, et à croire en « Lui ». » Mais elle ne sait plus si elle peut croire à ses sens. Elle ne sait même plus en quoi elle peut croire.
« Une certitude. Si je reste là, sa prisonnière, je vais devenir folle. Il faut que je sorte. »
Sortir d’ici ? Impossible. Tout est clos. Mais elle a trouvé la pensée qui résiste à l’attaque de Xana. « Sortir d’ici. Sortir d’ici. »
Elle tourne en rond au milieu des débris de métal rouillé, lève la tête. La verrière est ancienne. Elle semble fragile. Facile à briser. S’il était possible de l’atteindre…
« Pour sortir d’ici, il me faudrait une échelle. Seulement, je n’en ai pas. »
Elle s’oblige à continuer, à scruter dans tous les coins, à examiner chaque détritus de machine.
« Je n’ai pas d’échelle. Par contre… Par contre, j’ai de quoi en fabriquer une. »
Et à nouveau, cette sensation de glace au creux du ventre, cette sainte peur qui l’a saisie lorsque Jérémie lui a demandé de dessiner.
_ Je ne peux pas… gémit-elle tout haut. Je ne peux pas, Jérémie !
Mais une autre voix, une voix intransigeante s’est réveillée en elle.
« Si, tu peux. Tu peux et tu dois. Tes amis ont besoin de ton aide. Tes amis. Qui ont toujours volé à ton secours. Qui se sont dépassés pour toi. Et Jérémie ? Tu vas le laisser à « Sa » merci ? Allez, Aelita, tu te penches, tu ramasse cette barre de fer, cette autre et cette autre, et tu te mets au travail. »
Le simple fait d’y penser la fait trembler de toute part, mais elle fléchit les genoux et commence à ramasser.


Consciencieux et ferme sur ses jambes, Jim patrouille devant la chambre où Jérémie et Ulrich ont trouvé refuge. Il les connaît, ces deux gamins, il suffit des les enfermer quelque part pour qu’il cherche à en sortir. Peu leur importe leur sécurité, ou celle de leurs camarades, on peut leur faire confiance pour préparer une évasion.
Jim est loin d’être un mauvais bougre. Il se doute de la douleur des deux garçons, d’être enfermé pendant que leurs amis sont malades. Mais son métier n’est pas de compatir, c’est de surveiller. Soit dit en passant, les deux zigotos ont fait preuve d’irresponsabilité et d’indiscipline en refusant de révéler au directeur le nom de la jeune fille qui était avec eux à la fête foraine hier. Après les avoir interrogés plusieurs minutes, le directeur a fini par conclure qu’ils n’en savaient pas plus sur cette jeune fille qu’ils n’ont bien voulu le dire. Mais on ne la fait pas à Jim. Jim à sentit, lui, que les petits malins en savaient plus qu’ils le prétendaient. Alors il veille. On ne sait jamais à quoi s’attendre avec eux.
Un couinement, un aboiement attire soudain son attention. Il tourne la tête et n’en croit pas ses yeux. Un petit chien court sur patte trotte non loin de lui dans le couloir.
_ Mais qu’est-ce que tu fais là toi ?
Il court à la suite de l’animal qui prend la fuite.
_ Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que cette chose !
Le chien s’est arrêté, à quelque mètre, comme pour l’attendre. Jim tente de bondir sur lui, mais le chien s’échappe.
_ Attend donc, bougre d’animal, je vais t’avoir !
Il se met à courir à travers les couloirs, les escaliers déserts, à la poursuite de la bestiole, qui paraît bien décidée à ne pas se laisser attraper, mais s’arrête pour l’attendre chaque fois qu’il renonce à la poursuite.
_ Ben dis donc ! Il te manque vraiment une case, toi ! A moins que…
Soudain, Jim est saisit d’un affreux doute. Abandonnant là le chien, il fait volte face, et retourne à la chambre où il a laissé Ulrich et Jérémie. Elle est vide.

_ Pour Odd. Pour Yumi. Pour Ulrich. Pour toi, Jérémie.
Elle pleure. Non plus de douleur, cette fois, mais de terreur.
« Créer. Comme sur Lyoko. Utiliser le pouvoir que j’utilise sur Lyoko, mais si ça doit m’en fermer la route à tout jamais. Même si je perds toute possibilité d’y retourner… »
_ Je suis le programme le plus parfait qui ait jamais été conçu dans le supercalculateur, murmure-t-elle.
Lentement, ses fines mains blanches s’affairent, comme des mains d’ouvrière.
_ J’étais parfaite. Tu as raison, Xana. Je l’étais. Et j’aurais voulu le rester au fond, être toujours sûre, toujours exacte. Rester un programme parfait dans un supercalculateur. C’est tellement plus reposant, d’être un programme.
Dominant l’angoisse qui lui serre le ventre, elle tord un vieux morceau de fil de fer, pour le passer dans l’interstice d’une vieille barre tordu.
_ Mais c’est trop tard pour moi, Xana. Je ne suis plus un programme. Je ne suis plus parfaite. J’ai cessé de l’être le jour où j’ai rencontré Jérémie. Quand je me suis mise à aimer.
Le souffle court, elle observe l’agencement de métal qui commence à prendre forme sous ses mains.
_ Parce que moi, Xana, je me suis mise à aimer. Je suis tombée amoureuse. Comme un être imparfait, comme un être illogique. Et je vais te dire, je préfère cela.
Une barre de fer à la main, elle adosse l’échelle de fortune à la paroi de sa geôle, commence à en gravir les échelons.
_ Même si ça n’a rien de reposant, d’être humain. Même si le monde des humains est foncièrement déséquilibré et injuste. C’est tellement bon d’aimer et d’être aimé, Xana. Alors, crois-moi, tant pis pour le nombre de larmes que cela coûtera aux anges.
Et d’un mouvement vif et circulaire de la main qui tient la barre de fer, elle fait voler la verrière en éclat.


Ulrich et Jérémie roulent à travers les longs tunnels d’égouts qui mènent à l’usine. Ils ne parlent pas. Inutile. La priorité est de retrouver Aelita. Pour le reste, on verra plus tard. Agir, c’est ce qu’il faut. Agir.
Ulrich, sur son skate a pris de l’avance sur Jérémie et sa trottinette. Il arrive au dernier tournant de couloir, dernier coin avant la sortie qui mène à l’usine. Et s’arrête net. Jérémie, qui arrive derrière lui manque de lui rentrer de dent. Du pied, Ulrich coince la roue de la trottinette, il retient son ami d’un bras pour l’empêcher de tomber bruyamment et l’entraîne contre le mur, l’index contre les lèvres, en signe de silence. D’un mouvement de tête, il indique le couloir qui s’étend derrière l’angle, celui où se trouve la sortie. Jérémie se tord le coup, risque un œil à l’intérieur, et vois ce qu’Ulrich a vu.
Au pied de l’échelle de sortie, un homme attend. Il porte un grand imperméable noir et des lunettes de soleil, malgré la pénombre qui règne dans les égouts. Ses longs cheveux noirs tombent sur ses épaules. Son visage est fin, son teint pâle, comme celui d’Aelita. Il est séduisant… Séduisant et inquiétant à la fois…
_ Ulrich ? Souffle Jérémie. Tu crois que…
_ Je ne sais pas, Jérémie. Répond Ulrich tout bas. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes attendus. Et je doute que ce soit par un allier.
Jérémie observe l’intrus avec un mélange de peur et de fascination. Une pièce du puzzle qui se met en place, lentement, dans son esprit.
_ Il faut que tu retourne à l’usine et que tu délivres Aelita. Continue Ulrich. C’est le seul moyen.
_ Je…
_ Chut, Jérémie ! Laisse-moi parler.
Jérémie détourne les yeux de l’étrange inconnu pour regarder son compagnon. Le visage de celui-ci est devenu très grave. Ses yeux noisette brillent d’une détermination farouche.
_ Tu vas courir, Jérémie. A mon signal, tu te mets à courir sans t’arrêter, tu fonce vers l’usine, tu retrouve Aelita, et tu nous tire d’affaire. Tu m’entends, Jérémie ? Il faut que tu courre sans t’arrêter.
_ Mais, que…
Avant que Jérémie ait eu le temps de comprendre, Ulrich bondit de sa cachette avec un crie de guerre, abat la planche de son skate sur le crâne de l’inconnu qui, pris par surprise n’a pas le temps de réagir.
_ Maintenant, Jérémie, fonce ! Et ne t’arrête pas surtout !
Jérémie jaillit à son tour et courre à l’échelle, tandis qu’Ulrich continue de frapper la silhouette en imperméable, qui sous le choc a perdu l’équilibre et est tombé à terre. Quatre à quatre, il gravit les échelons, non sans risquer un œil derrière son épaule pour voir ou en est le combat.
L’homme s’est redressé, a saisit la planche d’Ulrich d’une main et le bras du garçon de l’autre. Ulrich se dégage par une habile prise d’Aïkido. Jérémie atteint enfin le sommet de l’échelle et prend pied sur le pont qui mène à l’usine.
Ulrich s’est saisit d’une barre de fer qui traînait là, et la dresse devant lui en guise d’arme. Mais l’inconnu ne semble pas vouloir l’attaquer. Au contraire, son fin visage s’éclaire d’un sourire. Et lentement, comme une star qui ménage son effet devant les caméras, il enlève ses lunettes. Au-dessous ses yeux sont d’un noir profond.
Ulrich a juste le temps de s’étonner de la beauté de ce regard. Ce noir l’envahit, l’absorbe en lui, inexorablement. Le bruit mat de la barre de fer qui tombe sur le sol. Le choc froid du pavé contre son corps. « Cours, Jérémie, cours ! » pense-t-il encore. Ce sont ses dernières phrases avant de sombrer dans l’inconscience.

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Ecrit par Tchoucky, le 30 juillet 2004



Épisode n°6 : Humaine.

Jérémie court. Court sans s’arrêter, traverse le pont, et pénètre dans l’usine. Un bruit métallique derrière lui. L’homme à l’imperméable sort des égouts. Trouver Aelita. Vite.
Négligeant le monte-charge, il galope vers la chaufferie et se dirige vers la salle des machines.
« Si je devais cacher quelqu’un, ce serait par-là. » Il scrute les murs sombres, et les machines endormies. « Elle doit être enfermée là, quelque part. »
Il n’a pas le loisir de s’interroger plus longtemps. La silhouette sombre de l’homme à l’imperméable vient de jaillir en haut du grand escalier, et se précipite vers lui. Jérémie fait volte face et court vers la chaufferie. Il n’est pas Ulrich, lui. S’il ne parvient pas à se mettre à l’abri dans le laboratoire, il n’a aucune chance. Il n’a jamais été doué en sport, et la course de vitesse, très peu pour lui. Son poursuivant n’est qu’à quelque mètre de lui quand il se jette dans le conduit qui mène à la salle des ordinateurs. Sans ralentir, il se précipite à travers le couloir souterrain, mais déjà l’homme est sur lui, le touche presque…
La main de Jérémie agrippe le bord de l’ouverture qui donne accès au laboratoire, mais c’est trop tard, l’inconnu l’a saisit… « Il » l’oblige à se retourner vers lui, mais ce fige, soudain, stupéfait. Son regard a quitté sa victime pour fixer un point derrière, dans le laboratoire. Jérémie tourne la tête pour voir ce qui impressionne tant son adversaire.
Au-dessous d’eux, devant les écrans du poste de commande, Aelita s’est levée pour les voir arriver. Une Aelita poussiéreuse, aux mains et au visage écorchés, mais souriante. Elle tient à la main un minuscule petit boîtier rouge, qu’elle vient d’extraire de derrière les ordinateurs.
_ Comme c’est petit, dit-elle en souriant à l’homme, et comme c’est bien fait ! C’est cela, qui m’empêche d’être virtualisée, n’est-ce pas ?
Elle le laisse tomber au sol et l’écrase du talon.
Avec un rugissement furieux, l’assaillant lâche Jérémie et se précipite sur l’échelle qui descend dans la salle. Mais déjà, Aelita a enlevé la grille qui recouvre le trou par lequel la colonne de fil des scanners descend dans la salle d‘en dessous.
_ A tout de suite, Xana ! Sur Lyoko.
Et, alors que l’homme touche terre, l’humanoïde disparaît dans la salle des scanners par l’ouverture ainsi faite.
A moitié assommé, Jérémie voit l’inconnu courir au poste de commande, tenter d’endiguer le programme de virtualisation qu’Aelita a déclenché.
« Accès refusé » Lui annonce l’écran de contrôle. Le compte à rebours déclenché par l’humanoïde aux cheveux rose défile. Virtualisation dans trente secondes. Dans vingt.
L’étranger se précipite vers l’ouverture par laquelle est passée Aelita, mais il est bien trop corpulent pour emprunter cette voie. Il court à l’ascenseur.
Jérémie se redresse tendis que les portes de l’ascenseur se referment. Il descend l’échelle, se précipite vers l’ordinateur et tape le code de verrouillage des issues. Il entend l’ascenseur qui se bloque entre deux étages.
Virtualisation dans 4 secondes. 3. 2. 1... Transfert Aelita. Scanner Aelita. Virtualisation.
_ Aelita, murmure-t-il d’une voix nouée en se coiffant de son casque audio. Tu m’entends ?
_ Jérémie ? Répond la voix douce de son amie. J’entre dans la tour. Tu vas bien ?
_ J’étais… Si inquiet…
_ C’est fini, à présent. Je vais taper le code. Il ne manque que les coordonnées du retour vers le passé.
D’une main tremblante, Jérémie tape la date et l’heure… Des larmes coulent sur ses joues, embrumant ses lunettes. Il a du mal à voir ce qu’il fait.
_ C’est fait, Aelita.
_ Je tape le code. L. Y. O. K. O.
Une aveuglante lumière blanche monte du sous-sol, effaçant tout autour d’elle.
_ Retour vers le passé, balbutie Jérémie, au bord des sanglots.



La fête foraine, un monde de bruits, de rires et de friture. Une foule agitée se presse dans les allées, entre les baraquements et du ciel descendent les cris des filles qui plongent avec le grand huit. Ca et là, des bonimenteurs interpellent le passant, les conviant à ne pas rater l’occasion du siècle, la chance de leur vie, l’ultime espoir de repartir avec le gros lot. Des pères de familles passent, les bras encombrés de barba papa, de pommes d‘amour, de beignets, ou autres friandises indissociables de l‘ambiance. Couples enlacés, bande de jeunes et de moins jeunes, familles au grand complet, les badauds fourmillent, et s’agitent.
Un roulement de métal un peu sinistre, et une soudaine accalmie dans les cris. Le SuperRévolution3000 vient de s’arrêter, laissant de ses nacelles descendre quelques amateurs au teint légèrement verdi. Parmi eux, un petit bonhomme tout blond, dont les cheveux dressés sur le dessus de son crâne semblent maintenant tenir par un autre secours que le gel de fixation forte, aide sa compagne, une frêle jeune fille aux cheveux rose à quitter son siège. A peine ont-ils quitté le manège qu’ils se font presque happer par un jeune garçon à la tête ronde, dont le regard, derrière ses lunettes, exprime une grande inquiétude.
_ Tout va bien, Aelita ? Demande-t-il empressement à la jeune fille. Comment est-ce que tu te sens ?
Devant tant de prévenance, le blondinet aux cheveux dressés ricane :
_ Oh, relax, Jérémie ! C’est pas une petite attaque de rien du tout qui va lui faire du mal, à ta princesse !
_ Ou sont Yumi et Ulrich ? Demande Aelita, inquiète.
_ Tu sais bien. Yumi est partie il y a dix minutes, pour aller retirer de l’argent. Et Ulrich est parti il y a neuf minute… Pour aller retirer de l’argent.
Aelita, un pli sur le front, scrute la foule. Son air soucieux ne disparaît que dès qu’elle voit Ulrich et Yumi se faufiler vers eux.
_ Ils doivent être vraiment inquiets des conséquences de l’attaque pour ne pas faire semblant d’arriver par des chemins différents, remarque Odd.
Aelita sourit, soulagée, et met sa main blanche dans celle de Jérémie. Il est encore un peu pâle, et n’a pas tout à fait quitté son air inquiet. Le contacte de cette petite main dans la sienne semble le rasséréner un peu.
_ Rebonjour, les copains. Fait Yumi d’un ton joyeux, pour évacuer les reste d’angoisse qui planent dans l’air.
_ Ravie de te revoir, Aelita ! Dit Ulrich. Alors, tu l’as retrouvée, ta princesse, Jérémie ! On a manqué quelque choses ?
Jérémie regarde Aelita. Il a pris un air interrogateur.
_ Xana s’est servi d’une tour pour se matérialiser. Mais pourquoi ? Quel était son but ?
_ Le syndrome de Stockholm. Répond Aelita. Vos scientifiques appellent ça comme ça.
En rang serré, les cinq amis s’écartent de la foule.
_ Le syndrome de Stockholm ? Répète Odd à mi-voix.
Yumi explique :
_ Quand un otage reste longtemps en captivité, il finit par s’identifier à son gardien, et il s’attache à lui. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm.
Debout au milieu des autres, derrière les baraquements d’où parviennent les bruits et les odeurs de la foire, Aelita paraît changée. Plus droite, plus forte. Elle serre intensément la main de Jérémie dans la sienne, et son sourire n’est plus le sourire naïf de l’enfant qui s’étonne du monde, mais un sourire d’adulte. On pourrait croire à la voir ainsi que c’est elle qui veille sur les autres, et non le contraire.
_ L’attaque me visait moi. Explique-t-elle. Moi seule. Il voulait me rallier à lui. Comme je suis inviolable en tant que programme, il a essayé de me convaincre d’une manière toute humaine.
Yumi et Ulrich semblent près à se contenter de cette explication, même de n‘importe quelle explication. Ils sont moins occupés à écouter la conversation qu‘à s‘échanger des regards qui en disent long sur ce que ça leur fait de se revoir sain et sauf, enfin. Quant à Jérémie, il semble parfaitement admettre les dires de l’humanoïde. Odd est donc le seul qui hausse les épaules.
_ Il comptait te garder enfermée jusqu’à ce que tu t’attache à lui ? C’est tordu comme méthode !
_ Au contraire. Murmure Aelita. C’était très subtil. Et ça a bien failli marcher.
Ses derniers mots jettent un froid. Jérémie la regarde, incrédule. Elle soutient son regard. Elle leur doit d’être franche.
_ C’est une chose de débrancher des tours, de fuir des monstres, de déjouer des plans faits par une entité abstraite. S’en est une autre d’avoir un visage en face de soit, un visage humain. Et puis…
Elle sent que ses joues sont en train de devenir brûlantes. Comment appelle-t-on cette réaction ? Gène ? Honte ? Peu importe. Si embarrassant que ce soit à avouer, il faut qu’elle aille jusqu’au bout.
_ Et puis, il parlait très bien. Ce qu’il disait avait l’air d’être vrai. Si j’étais restée en son pouvoir plusieurs jours, je ne sais pas si je n’aurais pas fini par le croire.
Voilà. C’est dit. Elle a douté d’eux. Elle qui leur doit tant elle a douté d’eux.
_ C’est à cause de l’histoire avec les policiers ? Demande Yumi.
_ Un peu, oui. L’idée a dû lui venir à ce moment-là. Il s’est servi de la tour pour se matérialiser, puis il a saboté les scanners, pour m’empêcher de retourner sur Lyoko. Il les a sabotés depuis l’extérieur, c’est pour ça que tu n’arrivais pas à déterminer la panne, Jérémie. Tu cherchais un virus, où autre chose, mais c’était à l’extérieur qu’il fallait chercher. Il vous a mis hors d’état d’intervenir, pour qu’il n’y ait plus que lui, et moi.
Yumi tend la main et tape affectueusement sur l’épaule de l’humanoïde.
_ Mais tu as résisté. Tu as su rester toi-même. Tu es plus forte que Xana le supposait, voilà la vérité.
Aelita secoue la tête.
_ La vérité, c’est que je n’aurais jamais dû douter de vous. Ou plutôt, j’aurai dû accepter bien plus tôt le fait qu’en quittant Lyoko, je renonçais à l’idéal, à la perfection. En m’accrochant à cette illusion, je laissais à Xana une prise sur moi.
Ulrich sourit.
_ Bah, t’en fais pas. Les amis, ça se dispute souvent, tu sais. Et ça arrive à tout le monde d’avoir des doutes.
_ Il y a une chose que je ne comprends pas. Intervient Odd. Pourquoi Xana s’est-il contenté de nous endormir ? Pourquoi n’a-t-il pas essayé de nous tuer, tout simplement ? Il aurait été débarrassé de nous, une bonne fois pour toutes !
_ Je sais pourquoi, répond Aelita. Mais je ne sais pas si j’arriverai à l’expliquer.
_ Essaye toujours. L’encourage Jérémie
L’humanoïde fronce les sourcils, cherchant comment s’exprimer.
_ Je crois… Enfin, Xana et moi, nous sommes pareils, au fond. Je veux dire que la matérialisation doit avoir les mêmes effets sur lui que sur moi.
_ Quels effets ?
_ Hier, vous m’avez demandé de dessiner quelque chose. Et je n’ai pas pu.
Jérémie hoche la tête.
_ Je ne sais pas si vous pouvez le comprendre. Continue Aelita. Créer, c’est mon pouvoir, sur Lyoko. Si je deviens créative dans le monde réel, je renonce définitivement à appartenir à Lyoko.
_ Je ne suis pas sûr de suivre. Murmure Jérémie.
Yumi lève le sourcil :
_Tu veux dire que c’est une sorte de superstition qui a empêché Xana de nous tuer dans le monde réel ? Parce qu’il avait peur d’y rester coincé ?
_ C’est plus que de la superstition, Yumi. Pour m’échapper de là où il m’avait enfermée, j’ai dû construire une échelle… Et je vois bien que ce geste a modifié quelque chose en moi. Déclenché un processus.
_ Un processus ? Répète Ulrich.
_ Je vais lentement me mettre à évoluer. Je vais avoir de la fatigue, des trous de mémoire, comme vous. Plus le temps passera, et moins il restera de nature informatique en moi. Je vais être capable d’erreur, de préjugés. Et d’ici soixante ans, je serais devenue un être humain tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Peut-être un peu plus intelligent que la moyenne, mais ordinaire. Chez vous, on appelle ça vieillir.
Jérémie, Odd, Yumi et Ulrich l’écoutent sans mots dire, un peu interdit. Est-ce possible que le simple fait de créer une échelle entraîne de telles conséquences ? Ils ne savent pas trop ce qu’ils doivent croire, mais il semble bien que leur amie ait définitivement renoncé à son éternité pour les sauver.
_ Ne me regardez pas comme ça ! Il fallait que j’en passe par là tôt ou tard. Être matérialisée, c’est accepter de grandir, de devenir adulte, pas seulement sur le plan physique. Je n’allais pas rester éternellement celle que j’étais sur Lyoko ! Cette Aelita-là ne pourrait pas survivre dans votre monde.
Elle a dit ces derniers mots en regardant Jérémie. Maintenant, elle ressent une appréhension. Pourra-t-il l’aimer si elle renonce à sa perfection ? Le petit génie lui sourit avec douceur, comme pour la rassurer.
_ C’est notre lot à tous. Si Xana veut y échapper, c’est parce que c’est un trouillard, voilà tout.
Aelita se sent rassurée.
_ Une chose est sûre en tout cas, c’est que je suis maintenant plus qu’un programme informatique. « Il » ne pourra plus avoir d’emprise sur moi.
_ Bon, propose Yumi. Ca vous dit, une menthe à l’eau pour nous remettre de nos émotions ? On n’en a pas profité, la dernière fois.
_ J’achète, s’exclame Odd.
_ Allons-y, répond Jérémie.
_ Partez devant. Continue Yumi. Moi, j’ai une petite formalité à accomplir.
Au coin de la rue, les deux policiers approchent du clochard. Yumi se précipite.
_ Ah, te voilà ! On te cherchait partout !
Les policiers la regardent, un peu surpris par son intervention.
_ Ce monsieur est avec vous, mademoiselle ?
_ Bien sûr, répond Yumi. Il nous accompagnait à la fête, mes copains et moi.
_ On l’avait perdu dans la foule, renchérit Odd qui l’a suivie. Allez, viens, tonton ! On va refaire un tour de grande roue !
_ Vous vouliez demander quelque chose ? Demande Ulrich au policier qui sont resté interdits.
_ Heu… Non, répond le plus âgé des deux. Viens, Ralph.
_ Mais… Commence son collègue.
_ Viens, je te dis ! On n’a rien à faire là.
Tandis que les policiers s’éloignent, le clochard adresse à Odd, Ulrich et Yumi un grand sourire.
_ Merci, les p’tits gars.
_ Ce n’est rien répond Yumi.
Odd sort de sa poche un vieux billet de banque tout chiffonner.
_ Tenez ! Je le gardais pour jouer à la loterie, mais quelque chose me dit que si j’essaie, je vais perdre.
Le clochard range le billet dans sa poche avec un clin d’œil joyeux.
Ulrich, Odd et Yumi le saluent et rejoignent Jérémie et Aelita, qui sont resté en retraits.
_ Vous n’êtiez pas obligés.
_ C’était pour te montrer que même si notre monde n’est pas parfait, sa situation n’est pas désespérée, dit Yumi.
Aelita sourit. C’est de nouveau son sourire émerveillé de petite fille.
_ Merci Yumi.
_ On ne peut pas éviter de vieillir. Répond Yumi. Mais on peut s’arranger pour le faire le mieux possible. Allez, les copains. Allons prendre ce verre. Les émotions, ça donne soif.


FIN.

ulrich_yumi_odd
21/06/05 à 21:53
C'est super!! J'adore ce FanFiction!! C'est un des meilleurs que j'ai lu!! Bravo Tchoucky!! Continu d'en écrire!! J'aimerais en lire d'autre de toi!! Je vais en chercher... Il y en a sûrment d'autre aussi bonnes! Encore une fois bravo et merci de nous avoir fait partagé cette merveilleuse aventure!! ;)

Tchoucky
22/06/05 à 11:26
Merci, ulrich_yumi_odd. Si ça t'interresse tous mes fic sont sur le forum. Tu les trouveras surtout dans la catégorie "évolution des personnage et de relations" et dans la catégorie "Le pourquoi du comment"

Léna puce
17/12/05 à 22:20
je suis non seulement a tteinte de lyokophilie mais aussi de tchouckyphilie (mot a rallonge désolée)
Les syndromes qui vous permettent de savoir si vous etes atteints de la chose en question :
_ Vous pleurez toutes les larmes de votre corps al a fin d'une fan fic :pleur: :triste: :pleur:
_ Votre livre de chevet est une fic de tchoucky que vous avez préalablement imprimée .
_ Vous relisez bizn ses fics e vous disant que si un jour on arrive a écrire le quart de cequ'elle écrit on sera aux anges :ange: ...

voilà ...
Sinon Bon annif Tchouky encore une fois :anniversaire: ! ( voir bonne fète )
:pompom:

Gavroche
18/12/05 à 19:48
La première fois que je la lis en entier d'une traite.

Bon, donc, ouf, oulàlà, hum, alors...

C'est formidable ! Ce thème de l'humanité, tu le manipules à merveille. C'est non seulement divertissant en tant que Fic, mais en plus c'est intéressant en tant qu'exposé, de réflexion, dirais-je.
Ta manière d'écrire, ton "style" (j'aime pas ce mot, c'est trop vague à mon goût) est prenant car tu ne t'es contentée de faire évoluer une situation, mais aussi tout un personnage, tout un état d'esprit, et en plus c'est tellement bien écrit qu'on pourrait te citer lorsqu'on cherche à expliquer quelque chose de la série, d'autant plus que l'époque de l'entre-deux des saisons est propice à une telle évolution.

C'est bô, c'est fooormidâââ...ble, comme dirait Fugain.

Et, plus simplement, j'ai bien aimé ta manière de décrire XANA sur Terre. M'a fait penser à Morlun dans un des nouveaux Spidey en BD.

Tchoucky
18/12/05 à 19:56
Morlun, spidey ? Je ne connais pas. Non, j'avais juste cette image en tête, et je n'ai aucune idée de où j'ai pu la prendre...

En fait, si, j'ai une idée. C'est un petit mix de tous les avatar préféré d'un certain membre de ce forum...

Fana
23/09/06 à 23:44
Comme d'hab, j'ai un brin de retard ! :D
J'adore tes fics ! Tu as une facon d'écrire qui accroche du début à la fin ! J'ai pas décroché de ta fic ! Elle est trop bien ! (j'en connais une qui va faire la grass mat demain vu l'heure ! :lol: )

Moly
06/05/08 à 18:27
Je l'ai lu et j'ai vraiment beaucoup aimé.Très belle histoire et surtout Aelita tout mignion.Continue à écrire d'aussi belle fiction moi j'suis vraiment "aux anges" quand je lis tes ptites fictions. :aha:
A la prochaine fiction que je vais surment adoré comme les autres^^

Aelita2000
07/05/08 à 12:37
Moi j'ai adorée c'était super. j'ai tout lu en un seul coup. je te note 9.75/10 car j'ai adoré